Nouvelle Droite

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La Nouvelle droite se caractérise par une remise en question de nombreuses notions considérées comme appartenant au corpus doctrinal des Droites (ici: couverture de la revue Éléments, n° 34, avril 1980).

La Nouvelle Droite (parfois abr.ND dans la littérature spécialisée) est un ensemble informel de groupes d’études, d’associations et de revues, dont l'objectif est double : d'une part renouveler les corpus doctrinaux des Droites, d'autre part contribuer à la reconquête idéologique de la société et de l'espace culturel. Se basant sur le principe gramscien de l'hégémonie culturelle comme préalable indispensable à toute transformation politique, sa stratégie consiste à agir exclusivement sur le terrain culturel ou « métapolitique ».

Le vocable de « nouvelle droite » n'est pas sans ambiguïté, en premier lieu parce que ses représentants ne se sont pas, du moins à l'origine, désignés eux-mêmes ainsi. Ce terme a ainsi été employé pour désigner les cercles réunis en France autour du GRECE. En outre, le terme a été ensuite employé, principalement par la presse mais aussi par une partie de la recherche en science politique, pour qualifier des phénomènes sans aucun rapport avec la Nouvelle Droite intellectuelle, comme par exemple les tendances qui ont amené Ronald Reagan et Margaret Thatcher au pouvoir, ou, plus tard, les partis et mouvements dit « populistes » du début du XXIème siècle.

Généralités

Les thématiques majeures du courant de pensée de la Nouvelle Droite sont :

  • le « gramscisme de droite » : reconquête de l'hégémonie culturelle après la « trahison des clercs » suite à mai 68;
  • la révolte contre la modernité;
  • le paganisme et le néo-paganisme : tentative de dégager l'Europe de l'emprise de la vision linéaire de l'histoire, hé­ri­ta­ge de la Bible et du christianisme, ravivé par le marxisme, mais aussi tentative de renouer avec la plus longue mémoire européenne;
  • la critique de la notion d'égalité, essentielle dans le discours de la modernité. Cette critique débouche sur une critique des droits de l'homme et une valorisation des droits des peuples, sur une critique serrée de l'homo œconomicus et sur une analyse des sources libérales du marxisme.
  • le rejet de nombreux concepts jugés dépassés et appartenant à la « vieille Droite », et le développement de concepts alternatifs. Ainsi, le nationalisme est considéré comme obsolète et doit être transcendé dans une Europe des ethnies et des régions; le racisme est abandonné pour un « droit à la différence » qui doit être garanti à chaque peuple (ethnodifférencialisme); la notion d'Occident est considérée comme une masque de l'hégémonie américaine à combattre; tous les totalitarismes sont condamnés comme des excroissances du monothéisme chrétien. De même, la Nouvelle Droite se place en opposition totale aux interdits sexuels des Eglises chrétiennes (avortement, euthanasie, etc), vus comme des freins à une politique eugénique.

Les initiateurs de la Nouvelle Droite se placent d'emblée sous le parrainage de trois figures emblématiques : Carl Schmitt, Oswald Spengler et Vilfredo Pareto.

En France, ses principales publications périodiques sont les revues Éléments (bimestrielle), Nouvelle École (annuelle) et Krisis (semestrielle). Ses principaux auteurs sont, ou ont été, Alain de Benoist, Guillaume Faye (1949-2019), Giorgio Locchi (1923-1992), Jacques Marlaud (1944-2014), Jean-Claude Valla (1944-2010), Roger Lemoine (1928 – 1999), Maurice Rollet (1933 – 2014), Pierre Vial, Jean Haudry et Michel Marmin.

La Nouvelle Droite existe également dans d'autres pays, comme l'Italie, avec par exemple Marco Tarchi, ou l'Allemagne, avec différentes tendances, comme celle menée par le franco-allemand Pierre Krebs et le Thule-Seminar, ou celle dirigée par Götz Kubitschek et la revue Sezession, ainsi que par les cercles développés dans les années 1970-1980 par les revues Criticon, Junges Forum et Wir selbst.

En Belgique, Robert Steuckers est considéré comme le principal intellectuel de la Nouvelle droite, tandis qu'en Suisse, cette mouvance est représentée par les cercles réunis autour de Pascal Junod.

On doit mentionner aussi le Croate Tomislav Sunic et le Suédois Daniel Friberg.

La Nouvelle Droite en France

Terminologie

Le terme de de « Nouvelle Droite » repose d'emblée sur un certain nombre d'ambiguïtés. Ainsi, la new right des pays anglo-saxons s’assimile à un curieux mixte de vieux conservatisme, de néo-puritanisme religieux et de néo-libéralisme offensif (lors de la montée de Reagan au pouvoir), tandis que la Neue Rechte allemande a un passé résolument national-révolutionnaire. La nouvelle droite française est essentiellement portée par une association de combat métapolitique, le GRECE (Groupement de Recherches et d’Études sur la Civilisation Européenne).

Ce terme apparaît d'ailleurs en France en réalité seulement en 1979. En effet, entre le 22 juin et le 15 novembre 1979, toute la grande presse française va consacrer plus de cinq cents articles à un phénomène culturel qui semble traumatiser les bien-pensants, gavés de moraline depuis 1968. Le « monstre » se retrouve baptisé « Nouvelle droite ».

L'étiquette sera donc accolée à ce phénomène, c'est-à-dire à une nouvelle école de pensée, apparue en France en 1968-1969, et qui, depuis cette date, s'exprime essentiellement par le canal de deux revues d'idées, Nouvelle École (dirigée par Alain de Benoist) et Éléments (dirigée par Michel Marmin), et d'une association culturelle : le Groupement de Recherche et d'Études pour la Civilisation Européenne (GRECE).

Les origines: Europe Action

« Au commencement était Europe-Action (1963-1967)... », dit-on souvent dans les milieux proches de la Nouvelle Droite, ou chez les historiens des idées.

En effet, au lendemain de la perte de l'Algérie française, de nombreux militants s'interrogent sur ce qui a causé l'échec de la stratégie de l'OAS. Un groupe de militants se rassemble autour notamment de Dominique Venner. Pour eux, il ne s'agit plus de préparer un putsch, ni de se dépenser dans un activisme désormais considéré comme stérile, mais de passer au combat des idée et d'agir ainsi sur le long terme.

La création par ce groupe de la revue Europe Action, sous-titrée « revue nationaliste d'action européenne », en 1963 annonce en même temps une remise en question des fondamentaux du nationalisme français. Les textes de la revue appellent à dépasser le vieux nationalisme étriqué pour prôner un nationalisme européen basé sur une Europe des ethnies.

De même, la revue affirme que la nouvelle doctrine du nationalisme se doit d'être scientifique, et doit s'appuyer sur les découvertes de la biologie. Elle se réclame ainsi du réalisme biologique — ou racialisme. Nietzschéenne et darwiniste, elle choque aussi la vieille droite française en prônant ouvertement une rupture radicale avec le christianisme, décrit comme la source des idéologies égalitaires.

Le Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne (GRECE)

Création

Après une première réunion nationale, tenue les 4 et 5 mai 1968, qui suit une série de contacts pris à l'automne précédent, les statuts du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne sont officiellement déposés à la préfecture des Alpes-Maritimes le 17 janvier 1969.

Parmi ses fondateurs, on dénombre Alain de Benoist, Pierre Bérard, Jacques Bruyas, Yves Esquieu, Dominique Venner, Roger Lemoine, Giorgio Locchi, Antonio Lombardo, Jean-Jacques Mourreau, Jean-Claude Rivière, Maurice Rollet, Yves Rouxeville, Jean-Paul Touzalin, Jean-Claude Valla, Roger Vétillard, Pierre Vial, Jean-Marcel Zagamé, Jean-Pierre Brosse, Daniel Butreau, Jacques Chessel, Jean-Claude Carasco, Vincent Decombis, Gérard Denestèbe, Jacques Douris, Gilles Fournier, Alain Gary, Dominique Gajas, Claude Grandjean, Robert Lapeyre, Alain Mallard, Georges Schmelz, Michel Paysant, Jean-Yves Péquay, Yves Pondaven, Pierre-Henri Reboux, François Ruph, Jean-Pierre Toni, Jacques Vassigny, Jacques Vernin.

Dans la lignée de Dominique Venner et d'Europe action, la nouvelle association se donne pour objectif de créer un pôle intellectuel destiné à influencer la droite française par l'élaboration d'une « nouvelle culture de droite » capable d'affronter la « problématique dominante », mélange de culture judéo-chrétienne et d'idéologie marxiste ou marxisante, alors à l'honneur dans le monde intellectuel et universitaire français.

Pour ce faire, une longue période de réflexion et de maturation est nécessaire, période pendant laquelle sera abandonné le champ de la politique proprement dite au profit de ce qu'ils appellent le « gramcisme de droite » ou « métapolitique », défini comme « le domaine des valeurs qui ne relèvent pas du politique, au sens traditionnel du terme, mais qui ont une incidence directe sur la constance ou l'absence de consensus social régi par le politique ».

Le GRECE, qui compte en son sein des journalistes, des philosophes, des historiens et d'autres universitaires, va articuler l'essentiel de ses activités autour de revues de débats et de travaux de recherche : Nouvelle École (dont le premier numéro date de février-mars 1968 et qui paraît sous une forme annuelle), Éléments (bimensuelle, fondée en 1973 sous sa forme actuelle), Études & Recherches (fondée en 1974, paraissant sous la forme de cahiers thématiques), Panorama des idées actuelles, etc.

Le XIIIe colloque du GRECE en 1978. A la tribune : Guillaume Faye

A la conquête de la presse

Durant la première décennie d'existence du GRECE, ses responsables s'appliquent à constituer et étendre leurs réseaux de pénétration des élites : ainsi organisent-ils des conférences et des séminaires tant à Paris qu'en province (« Qu'est-ce que la métapolitique ? » en novembre 1968, « La question des valeurs » en mai 1970, « Morale d'hier, éthique de demain » en octobre 1971, « L'histoire a-t-elle un sens ? » en octobre 1973, « Des élites pour quoi faire ? » en janvier 1975, « Les illusions de l'égalité » en décembre 1977, etc.), des « camps de réflexion » rappelant ceux de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN), et même une université d'été. Ils patronnent par ailleurs des organisations « amies », non intégrées à l'organigramme du GRECE mais proches de lui par les personnalités qui les fréquentent ou la thématique qui y est abordée : ainsi le cercle Pareto à l’Institut d’études politiques de Paris, le cercle Galilée à Lyon, le cercle Jean Médecin à Nice, le cercle Henry de Montherlant à Bordeaux, le CLOSOR (Comité de liaison des officiers et sous-officiers de réserve), le GENE (Groupe d'études pour une nouvelle éducation), etc. Issue du cercle Erasme, une branche belge du GRECE a également été créée en 1971 (longtemps dirigée par Georges Hupin, qui créera plus tard la branche belge de Terre et peuple). S'attachant à investir des organes de presse implantés dans le public qu'ils se proposent de convaincre, des membres du GRECE entrent dans deux publications du groupe Bourgine, Valeurs actuelles et Le Spectacle du monde.

En septembre 1977, l'arrivée à la tête des services culturels du Figaro de Louis Pauwels va permettre aux thématiques grécistes d'être connues du grand public : Le Figaro Magazine, hebdomadaire à forte diffusion dont il devient directeur, est créé en octobre 1978. Lors de sa création figurent Patrice de Plunkett, nommé rédacteur en chef adjoint, Jean-Claude Valla, Yves Christen, Christian Durante, Michel Marmin, tous membres du GRECE. Si l'existence d'autres courants de pensée au sein du « Fig Mag » ne permet pas d'en faire une sorte d'antenne médiatique du GRECE, l'influence qu'y exerce jusqu'en 1981 ce noyau de la Nouvelle Droite se révèle considérable.

L'un des grands mérites de la Nouvelle droite a été de retravailler les concepts venus de la gauche intellectuelle et de les retourner contre elle (ici: Couverture de la revue Éléments, n° 33, février 1980).

L'âge d'or de la Nouvelle Droite

La première synthèse idéologique diffusée par le GRECE et sa principale revue, Nouvelle École, entre 1968 et 1972, met l'accent sur l'inégalité et le déterminisme génétique : l'ennemi principal est évidemment le mouvement communiste. Le centre d'études tente de mener une « guerre culturelle » en se présentant dans les années 1970-1980 comme « hostile au marxisme et à toutes les formes de gauchisme et de subversion»[1] et en mettant en place dès le départ « une action métapolitique sur la société ». Une action consistant à répondre au « pouvoir culturel [marxiste] sur son propre terrain: avec un contre-pouvoir culturel »[2].

Entre 1972 et 1979, une nouvelle formulation doctrinale fait son apparition, fondée sur l'anti-égalitarisme et le paganisme européiste: un néo-aristocratisme « nietzschéen » s'articule bel et bien avec un « antiracisme » différentialiste et une doctrine « scientifique » de l'identité culturelle, à partir de l'intégration des travaux de l'anthropologue et spécialiste de la civilisation indo-européenne Georges Dumézil. Un culturalisme de droite, donc, dont le principal adversaire devient l'égalitarisme d'origine monothéiste. Entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1980, on assiste enfin à un ultime retournement idéologique, autour du tiers-mondisme différentialiste, du postmodernisme « de droite » et de la redécouverte du sacré et du paganisme comme fondement de l'identité européenne profonde, qui s'inspirera largement des réflexions de l'aile völkisch de la Nouvelle Droite, à savoir les réflexions de Dominique Venner, Jean Mabire, Robert Steuckers, Guillaume Faye, etc. Sur tout domine la défense de l'enracinement, le respect absolu des différences contre « les promoteurs d'une perdition de l'humanité", ceux qui incarnent le condominium américano-soviétique» . La Nouvelle Droite se présente comme le promoteur de la défense tous azimuts de la diversité et de la tolérance contre celle de l'uniformité impériale et de la déculturation des peuples, le mondialisme. L'ennemi principal se déplace à nouveau, prenant un visage inattendu, celui de l'Amérique, de l'occidentalisme, de l'atlantisme.

Au cours des années 1975-1986, le GRECE constitue une puissante réaction contre la mainmise gauchiste sur les esprits. Cette réaction, cette volonté a permis de sortir du refoulement toute une panoplie de thématiques historiques ou organiques, d’introduire dans le débat les thématiques biologisantes ou les découvertes d’une psychologie différencialiste abordées aux États-Unis ou en Angleterre (Ardrey, Koestler, Hans Jürgen Eysenck, etc.). L’exploitation de l’œuvre de Konrad Lorenz et d’Irenäus Eibl-Eibesfeldt explique le franc succès du GRECE au cours de cette période. Malgré d’inévitables lacunes, dues à la faiblesse des moyens et des effectifs, un corpus prend forme, lance des débats, féconde des esprits. Quelques adversaires de la ND, comme par exemple Raymond Aron, ont reconnu l’importance de ses apports.

Durant cette période, des dizaines de cadres ont été formés dans la discrétion, qui ont ensuite été injectés à divers niveaux de la vie politique ou culturelle de la France.

Un des apports indéniable de la ND est d'avoir contribué à « déculpabiliser » la culture dite de droite, diabolisée depuis 1945. C’est d'ailleurs le principal motif de la haine que voue la gauche établie à la ND et à l’entreprise d’Alain de Benoist. Cette haine se déploie avec une férocité pathologique à partir de l’été 1979, quand l'hebdomadaire à très gros tirage qu'est le tout nouveau Figaro Magazine, dirigé par Louis Pauwels, se fait le porte-voix de la Nouvelle Droite. Alain de Benoist y tient la rubrique des « idées », poste d’avant-garde très efficace pour faire changer les mentalités, indiquer de nouvelles pistes à la culture française. L’idée d’une « école de pensée », formant des cadres en toute autonomie, la volonté de détruire les refoulements de la culture dominante et de proposer du neuf, sans jamais recourir à de vieilles lunes, ont contribué à forger le « mythe ND ».

Car il s'agit bien, pour la ND, de proposer du neuf, de dépasser la modernité, et non de se tenir sur des postures réactionnaires: Ainsi, Guillaume Faye écrit que « la civilisation occidentale doit se comprendre comme la rencontre d'idéaux chrétiens théologiques puis laïcisés en idéologies, notamment l'individualisme, avec une énergie plus proprement européenne. Et c'est pourtant au nom du maintien de la spécificité européenne que l'ont peut réclamer le dépassement de l'individualisme et la fin de l'idéologie occidentale. Ce paradoxe nous incite à ne pas être anti-individualistes, ni anti-égalitaires, mais bien post-individualistes, postégalitaires, de même aussi que post-chrétiens. On ne peut pas revenir sur l'histoire. D'un certain point de vue, l'individualisme et l'idéologie occidentale ont peut-être été des facteurs d'augmentation et d'actualisation de la volonté de puissance européenne. Ils ont peut-être constitué, tout ensemble, des facteurs d'assomption et des causes de déclin. Il serait stupide d'être manichéen. C'est pourquoi, les temps sans doute sont venus pour repenser une société holiste « postindividualiste », plus qu'«anti-individualiste».[3]»

Le reflux

Très rapidement pourtant, l’offensive se solde par un échec : l’idéologie dominante, les vigilants de la république, la gauche parisienne, les dévots d’un catholicisme progressiste ou intégriste se liguent contre la nouvelle venue et la contraignent à la retraite. La ND doit céder face au néo-libéralisme et au culte moralisant des droits de l’homme (couverture des pires dénis de droit que l’histoire ait jamais vécus). Dans les propres rangs de la ND, l’enthousiasme fait place à l’aigreur. La lucidité disparait au profit de la paranoïa. Au lieu d’admettre que la ND a battu en retraite, après un très beau combat, parce que les effectifs étaient trop réduits et encore insuffisamment formés, le microcosme néo-droitiste parisien sombré dans les pleurs et les grincements de dents.

A partir des années 2010, l'on peut affirmer que le GRECE n’existe plus dans les faits, même si les revues Nouvelle École et Éléments continuent à paraître. Il est désormais remplacé par l’Institut Iliade, dont la stratégie est toutefois plus politique[4].

Texte à l'appui

Les Idées à l'endroit d'Alain de Benoist

Alain de Benoist définit la Nouvelle Droite dans la préface du livre Les Idées à l'endroit (1979) :

Ce que la presse appelle « Nouvelle Droite » est en fait un ensemble — informel — de groupes d’études, d’associations et de revues, dont l’activité se situe exclusivement sur le terrain culturel. Ses promoteurs sont de jeunes universitaires, de jeunes journalistes, de jeunes chercheurs. Ils avaient vingt ans vers 1967-1968. Ils se sentaient alors en rupture complète avec la vieille droite, tant sur le plan de la sensibilité que sur celui des idées. Ils se sentaient surtout étrangers à ses crispations traditionnelles : le totalitarisme, le colonialisme, le nationalisme, le racisme, l’ordre moral. Ils rejetaient ses déviations : la déviation nationaliste, avec ses préjugés, sa xénophobie, ses complaisances cocardières ; la déviation économisante, avec son libéralisme abstrait, son égalitarisme implicite, ses injustices sociales ; la déviation totalitaire, avec ses nostalgies, ses fantasmes d’autorité, son mythe du « chef providentiel » ; la déviation traditionaliste, avec ses rêves réactionnaires, ses références métaphysiques, son passéisme foncier. En même temps, ils souhaitaient redonner vie à une culture engloutie. Ils voulaient aussi repartir à zéro. Voir comment une « sensibilité de droite » pouvait s’échafauder en doctrine, s’insérer dans le débat idéologique contemporain, renouveler les bases et les références de ce débat dans le sens d’une plus grande modernité. Ils voulaient mettre un terme à l’unilatéralisme caractéristique de l’idéologie dominante. Enfin, ils identifiaient leur adversaire principal, non comme le « communisme » ou la « subversion », ou la « gauche », mais comme une idéologie égalitaire, régressive, négativiste, représentée aujourd’hui sous des formes aussi bien métaphysiques que profanes.

Leurs aspirations étaient encore incertaines. Au fil des ans, leurs idées allaient encore évoluer. Ils allaient s’engager sur quelques fausses pistes, revenir en arrière, repartir sur des notions nouvelles. Les auteurs qui avaient exercé sur eux le plus d’influence étaient extrêmement variés : Jacques Monod et Georges Dumézil, Louis Rougier et Jules Monnerot, Max Weber et Pareto, Arnold Gehlenet Max Scheler, Ferdinand Tömies et Montherlant, Mircea Eliade et Bertrand Russell, Ernst Jünger et Ugo Spirito, Nietzsche et Heidegger, Carl Schmitt et Oswald Spengler, Giuseppe Prezzolini et Stéphane Lupasco, D.H. Lawrence et Marinetti, Proudhon et Barrès, Konrad Lorenz et H.J. Eysenck ! Le Matin (25 juillet) écrira : « Ce corps de doctrine qui s’élabore de façon apparemment anarchique est en fait d’une redoutable cohérence ». Les promoteurs de la ND s’efforçaient en fait de construire leur pensée personnelle avec la plus grande ouverture d’esprit possible, en prenant dans des systèmes très différents les éléments d’une conception du monde positive. Ils enregistraient la désagrégation des doctrines à la mode — freudisme, néo-marxismes, École de Francfort, structuralisme de la « mort de l’homme » —, et aussi la lassitude et l’amertume de beaucoup de leurs disciples. Ils incorporaient dans leur système certaines idées « de gauche », tout comme, dans le sien, la nouvelle gauche avait incorporé certaines idées « de droite ». Ils constataient que le mouvement récent des sciences n’allait pas dans le sens des idées qu’ils combattaient, et qu’il semblait au contraire en contredire beaucoup. Ils étaient convaincus que les problèmes-clés de notre temps sont d’abord des problèmes culturels ; que le choc des idéologies est plus décisif que celui des partis ; et que les débats sur le cadre de vie, le mode de vie, le sens de la vie, comptent infiniment plus que ceux qui portent sur les institutions ou les formes de gouvernement.

La Nouvelle droite en Allemagne

Le terme de Neue Rechte (Nouvelle Droite) ou Neue Kultur (Culture nouvelle) recouvre, en Allemagne, plusieurs mouvances politiques considérées comme de droite, apparues à partir des années 1960, mais dont le spectre et l'histoire ne se superposent pas véritablement à celles de la Nouvelle droite française.

Les dénominateurs communs de ces courants sont, d'une part, des formes de contestation d'un ou de plusieurs plusieurs principes de la constitution allemande actuelle, et d'autre part, une volonté de marquer clairement leurs distance par rapport ce qu'ils appellent la « vieille Droite », c'est-à-dire le national-socialisme.

On peut parler de trois vagues de la Neue Rechte. La première est née dans les rangs des organisations de jeunesse des partis de la droite allemande, s’inscrivant en opposition à l'émergence de la nouvelle gauche des années 1960 et 1970, mais en estimant que les partis comme le NPD n'apportaient plus les réponses appropriées. Ces jeunes militants ont alors fondés de nombreux groupes de tendance national-révolutionnaire, remettant au goût du jour l'héritage de certains courants de la Révolution conservatrice allemande des années 1920 et 1930.

La deuxième vague de la Neue Rechte est à rapprocher des Nouvelle Droite française ou italienne. Il s'agit de cercles intellectuels, privilégiant le combat culturel ou métapolitique. Ces théoriciens se basent essentiellement sur la redécouverte des différents courants de la Révolution conservatrice allemande des années 1920, dont notamment la tendance Völkisch, que l'on peut rapprocher du nationalisme ethnique. Contrairement aux nationaux-révolutionnaires, mais conformément à ses homologues en Europe, cette Neue Rechte a choisi pour stratégie de former un carrefour intellectuel entre le centre-droit, les milieux conservateurs, la droite radicale et les différents mouvements nationalistes.

Enfin, certains politologues utilisent le terme de Neue Rechte pour désigner une vague de partis de type populiste qui tranche nettement avec les autres partis de droite par ses références et ses méthodes. Elle prend son essor à la fin des années 1980 avec les Republikaner et s'incarne, à partir de 2013, dans l'Alternative pour l'Allemagne.

Histoire

De jeunes militants du NPD

Après la fondation du Parti national-démocrate d'Allemagne (NPD) en 1964, de nombreux jeunes adhérents, souhaitant se démarquer de l'image du national-socialisme à laquelle leur parti était associé, et désirant marquer une nouvelle dynamique, propre à contrer les mouvements étudiants de la nouvelle gauche, crée un mouvement de jeunesse qu'ils nomment Junge Rechte.

Les résultats des élections fédérales de 1969 ne permettent pas au NPD d'entrer au Bundestag. Cette défaite est l'occasion pour de nombreux cadres des Junge Nationaldemokraten de donner une impulsion à un mouvement de renouvellement des structures, de la doctrine et du discours du parti. En 1972, une fraction des jeunes démissionne du NPD pour fonder l'Aktion Neue Rechte (ANR). Son leader, Henning Eichberg, affirme qu'il est temps de passer au « nationalisme de libération anti-impérialiste ». Il considère que l'Allemagne est une colonie victime de l'« impérialisme » comme un pays du tiers-monde. La « renaissance et la réunification allemandes » exigent l'expulsion des « forces d'occupation » des deux Allemagnes.

La vague nationale-révolutionnaire

À partir de 1974, une vague de nouveaux petits mouvements de tendance nationale-révolutionnaire se développe dans toute l'Allemagne de l'Ouest, mais ces organisations suivent des lignes souvent divergentes l'une de l'autre. Le Solidaristische Volksbewegung, dirigé par Lothar Penz, réactualise l'idée de Volksgemeinschaft (Communauté populaire) et s'engage activement dans le mouvement écologiste naissant.

Henning Eichberg devient le principal théoricien des nationaux-révolutionnaire allemands. Avec ses partisans, il fonde la Sache des Volkes/NRAO (Cause du Peuple/ Organisation des structures nationales-révolutionnaires), dont les principaux axes de combat sont la lutte contre la surpopulation étrangère et les super-puissances, l'affirmation de l’identité nationale et l'élaboration d'une troisième voie entre capitalisme et communisme. Ils tentent de prendre influence sur certains groupes de gauche, sur les mouvements écologistes et sur la mouvance pacifiste.

Cette ligne inspire ensuite la parution de la revue Wir selbst, qui va paraître de 1978 jusqu'en 2002. Fondée par Siegfried Bublies, cette dernière revue, en affirmant sa filiation directe avec les nationaux-révolutionnaire des années 1920 et 1930, va théoriser un nouveau « nationalisme de libération », lié intimement à un combat écologiste et tiers-mondiste. Elle va tenter, tout au long de son existence, de réunir les « forces démocratiques de droite et de gauche », et de jeter des ponts vers la gauche et l'extrême gauche. Des membres du SPD, des Verts et même du PDS ou d'autres organisations de gauche collaboreront ponctuellement avec Wir selbst.

La Neue Rechte allemande a joué un rôle de précurseur dans la quête identitaire des Européens (ici: couverture de la revue Wir selbst en 1990).

De la Nouvelle Droite française à une Neue Rechte allemande

Au-delà des mouvements nationaux-révolutionnaires se développe, à partir de 1980, un nouveau courant intellectuel en Allemagne. En effet, depuis longtemps, certains cherchent comment briser les effets de l'Umerziehung (la rééducation) et la Schuldkult (le culte de la culpabilité) qui inculque à tous les Allemands depuis leur petite enfance qu'ils sont par nature un Tätervolk (un peuple de criminels) et qu'ils doivent l'expier. Le contexte de l'émergence de la Nouvelle droite allemande est donc assez différent de celui de son homologue française. Alors que le GRECE est né d'une révolte contre l'égalitarisme omniprésent en France et le conformisme gauchiste, les Allemands essaient de se libérer d'une oppression étrangère à la fois politique, mentale et même militaire (le mur de Berlin est encore là, comme les troupes soviétiques mais aussi américaines). De plus, si la France a subi les défaites des guerres post-coloniales essentiellement en raison du défaitisme intérieure, l'Allemagne est considérée et traitée comme un pays vaincu depuis 1945.

Ce nouveau courant part donc de l'idée d'une libération nationale, qu'il va étendre à un combat culturel, métapolitique, à l'échelle européenne. Le contexte particulier de l'Allemagne va faire en sorte que la Nouvelle droite allemande, qui se définit volontiers en tant que Neue Kultur, sera le précurseur de la « quête de l'identité » des Européens.

En 1980, le franco-allemand Pierre Krebs fonde à Cassel le Thule-Seminar sur le modèle du GRECE, avec pour but de préparer les bases théorique pour le « combat pour l'avenir de l'Europe ». En 1986, il lance avec d'autres intellectuels la revue Elemente, dont le nom fait évidemment écho à la publication française Éléments, même si ses accents sont nettement plus racialistes. Elemente paraît jusqu'en 1998.

On trouve aussi d'autres courants, comme celui qui donne naissance à l'hebdomadaire Junge Freiheit, de tendance nationale-libérale.

Après la réunification allemande se sont multipliés dans tout le pays des groupes, cercles, associations et publications que l'on peut considérer comme appartenant à la mouvance de la Neue Rechte. Ils se caractérisent par la volonté de traiter les thèmes sociaux et politiques de manière novatrice et d'influencer le monde politique par un discours renouvelé.

Une Neue Rechte « populiste »

En 1989, des politologues comme Claus Leggewie ont qualifié le parti Die Republikaner de Neue Rechte. Il est clair que le nouveau parti tient à se différencier de la « vieille droite », représentée selon lui par les partis comme le NPD ou la DVU. D'autres comme Richard Stöss analysent la montée des Republikaner comme la manifestation allemande d'une nouvelle vague politique de droite en Europe, représentée en Italie par Alleanza Nazionale (AN), le FPÖ en Autriche, le Front National en France ou l'Union démocratique du centre en Suisse.

L'historien Volker Weiss montre, dans son ouvrage Deutschlands Neue Rechte, que des personnalités venues de la gauche comme Thilo Sarrazin et Peter Sloterdijk sont parvenus à réintroduire dans toute la société des thématiques et des concepts traditionnels de la droite, ce que le NPD, par exemple, n'avait jamais réussi à faire. Selon Weiss, la contribution d'anciens représentants de la culture critique de gauche est une marque typique de cette nouvelle droite, qui va s'incarner désormais dans l'Alternative pour l'Allemagne à partir de 2013.

Les bases théoriques de la Nouvelle droite allemande

La Révolution conservatrice allemande

Les représentants de la Neue Rechte se réfèrent souvent aux courants intellectuels qui se sont développés sous la république de Weimar, et que, depuis la thèse d'Armin Mohler publiée en 1949, on regroupe sous le nom de Konservative Revolution. La plupart des théoriciens de ces courants rejetaient la philosophie des Lumières, le libéralisme, le marxisme et la démocratie parlementaire. S'ils se rejoignaient sur ces points, ces courants étaient très différents les uns des autres. C'est ce qui a amené Armin Mohler et, à sa suite, Louis Dupeux, à les classer en cinq groupes distincts: les Völkischen, les Jungkonservativen (comme Oswald Spengler, Moeller van den Bruck, Heinrich von Gleichen, Wilhelm Stapel, Edgar Julius Jung, Othmar Spann), les Nationalrevolutionäre (comme Franz Schauwecker et Ernst Jünger, mais aussi les « nationaux-bolchéviques » comme Ernst Niekisch, Karl Otto Paetel , les frères Otto et Gregor Strasser), les Bündischen (comme les Wandervogel) et le Landvolksbewegung (mouvement paysan).

Le gramscisme de droite

Les tenants de la Neue Rechte, comme ses homologues des nouvelles droite françaises et italiennes, affirment mener avant tout un combat culturel, ou métapolitique, inspirée par les théories du communiste italien Antonio Gramsci. Selon celui-ci, toute tentative de prendre le pouvoir est vaine, si elle n'est pas précédée par la conquête de l'hégémonie culturelle et idéologique dans la société.

Dans leurs travaux, les auteurs de la Neue Rechte réactualisent aussi de nombreux auteurs et philosophes extérieurs à l'Allemagne, comme Georges Sorel, Vilfredo Pareto, Robert Michel, Julius Evola et José Antonio Primo de Rivera.

Rejet de la « Schuldkult »

Les intellectuels de la Neue Rechte soutiennent aussi que la « renaissance de l'Allemagne » présuppose un travail d'affirmation et une redéfinition de l'« identité nationale » et une remise en question de la « culpabilisation du peuple allemand » et de sa « rééducation par les vainqueurs ».

Un large spectre

Le corpus idéologique et doctrinal de la Neue Rechte n'est pas monolithique et cette diversité se reflète, tant par leurs références que par leurs objectifs, sur les cercles, les revues et les mouvements qui s'en réclament. Ces différents courants rappellent ceux qu'Armin Mohler avait distingués dans la Révolution conservatrice, avec lesquels ils ont une indéniable certaine filiation. On peut mentionner :

  • Les Jungkonservativen (« Jeunes Conservateurs »). Ceux-ci cherchent à influencer les milieux conservateurs et les partis de centre-droit. Aujourd'hui, ce courant est représenté par un de nombreux cercles de réflexion, comme l'Institut für Staatspolitik, par les revues Sezession, Zuerst!, Compact et par l'hebdomadaire Junge Freiheit.
  • Les Nationaux-révolutionnaires. Ce courant défend un mélange de nationalisme radical et d'idées social-révolutionnaires ou socialisantes. Il se réfère au socialisme prussien de Werner Sombart ou au national-bolchévisme d'Ernst Niekisch ou de Karl Otto Paetel. Souvent violemment anticapitaliste, anti-américain et anti-impérialiste, défendant le « droit inaliénable à l'identité de chaque peuple », il cherche souvent à créer des convergences avec des mouvements de gauche. Certains des partisans de ce courant se réfèrent volontiers à la gauche national-socialiste, c'est-à-dire la tendance du NSDAP menée un temps par les frères Otto et Gregor Strasser, qui se caractérisait par la volonté de nationaliser les banques et l'industrie, prônait l'organisation de grèves ouvrières en commun avec certains partis de gauche et ne cachait pas sa sympathie pour l'Union soviétique. Aujourd'hui, les épigones de se courant sont influents dans certains partis de droite institutionnels, comme le Parti national-démocrate d'Allemagne et Die Rechte, mais animent aussi des cercles de réflexion, comme Sache des Volks (La cause du peuple), ainsi que des mouvements activistes, comme Der III. Weg (La troisième Voie) et les groupes de « nationalistes autonomes ».

Les principaux organes de la Nouvelle droite allemande

Sezession n° 95
  • L' « Institut für Staatspolitik », fondé en 2000 et dirigé par Götz Kubitschek et Karlheinz Weissmann. Il publie la revue bimestrielle Sezession et anime la maison d'Éditions Antaios. L'institut organise de nombreux colloques et conférences dans toute l'Allemagne, qui sont devenus au fil des années des lieux de rencontre privilégiés pour les intellectuels de droite d’Allemagne et d’ailleurs.
  • La revue Criticón, fondée en 1970 par Caspar von Schrenck-Notzing pour regrouper tous les intellectuels de droite face à l'hégémonie culturelle de la gauche instaurée à partir de 1968, a joué un grand rôle pour faire connaître les thèses de la Neue Rechte dans les milieux conservateurs. Sa figure de proue était le Suisse Armin Mohler. Elle a cessé de paraître en 2007.
  • Le centre de diffusion Parzifal-Versand, animé à Dortmund par Dennis Krüger, qui publie aussi la revue Reconquista. Ses publications traitent beaucoup de recherches mythologiques et préhistoriques, mais donnent aussi une large place à l'occultisme et à l'ésotérisme.
  • Le mensuel d'informations Zuerst!. Initialement fondé sous le nom Nation Europa en 1951, il prend plus tard le nom de Nation und Europa, puis adopte sa désignation actuelle en 2009. Longtemps proche des mouvements activistes, la revue soutient désormais l'Alternative pour l'Allemagne. On peut noter que son rédacteur en chef, Manuel Ochsenreiter, a rencontré plusieurs fois le président syrien Bashar El Assad et est considéré, même par ses adversaires politiques, comme un expert des problématiques du Proche-Orient.
  • La Deutsch-Europäische Studiengesellschaft (DESG), fondée en 1972 à Hambourg par Heinz-Dieter Hansen et Lothar Penz, sur une ligne national-révolutionnaire et solidariste. Elle a fait paraître la revue théorique Junges Forum et animé la maison d'édition Regin-Verlag.
  • L'hebdomadaire Junge Freiheit, de tendance plutôt national-libérale, fondée en 1986 par Dieter Stein. Elle prétend être le principal organe de presse du conservatisme allemand actuel (son tirage dépasse les 30 000 exemplaires) et refuse d'être assimilée à quelque forme d'extrémisme que ce soit. Proche désormais de l'Alternative pour l'Allemagne, on peut noter qu'elle est, par ailleurs, la seule publication de la Neue Rechte à défendre le libéralisme économique.
  • La revue culturelle et métapolitique Werk-Kodex, fondée en 2017 par Baldur Landogart, à parution irrégulière.

La Nouvelle droite en Italie

Le bouillonnement culturel de la jeunesse

Le terme de Nuova destra apparaît en Italie en 1977. Les organisations de jeunesse du Mouvement social italien vivent alors, depuis le début des années 1970, un bouillonnement culturel intense, qui voit se multiplier les initiatives en tout genre. L'un des principaux leaders de la jeunesse, Marco Tarchi, créé en 1977 une association à but métapolitique, au sein du MSI, qu'il baptise du nom de Nuova Destra. Les jeunes militants sont rapidement rejoints par des intellectuels de renom de la Droite italienne comme Enzo Erra.

Pour Tarchi, il s'agissait de reconquérir le terrain culturel. Pour cela, il fallait rompre avec un certain « passéisme » du MSI, qui ne s'était pas montré capable d'élaborer un projet global et cohérent de « vision du monde ». La Nuova Destra devait mener un combat métapolitique, qui ne devait pas signifier négation de la politique, mais son dépassement et son complément dans le cadre d'une vision du monde organique et globale qui permettrait d'intervenir activement dans le monde contemporain.

Le nouveau courant va s'exprimer à travers les périodiques Elementi (revue de culture générale), Diorama Letterario (mensuel bibliographique), Eowyn (spécialisée sur la condition féminine), Dimensione Ambiente (revue écologique), Dimensione Cosmica (littérature fantastique) et Trasgressioni (revue théorique), ainsi que dans la satirique Voce della Fogna.

La Nuova Destra se développera donc dans un premier temps à l'intérieur du MSI. Mais en 1979, Marco Tarchi est exclu du MSI, suite à la parution d'un article satirique de La voce della Fogna, jugé trop incisif envers la direction du parti.

Structuration de la Nuova Destra

Après l'exclusion de Marco Tarchi du MSI, la Nuova Destra et ses revues Diorama letterario et Trasgressioni continuent leurs activités.

Les 4,5 et 6 janvier 1980, lors d'une série de réunions tenues à Cison Valmarino (Vénétie), le courant se constitue en une coordination structurée.

Les causes d'un échec

Mais, contrairement à toute attente, la Nuova Destra se révèlera un échec. La situation de l'époque est pourtant particulièrement favorable à l'émergence de nouveaux courants : même le Premier ministre socialiste, Craxi, est alors prêt à tout pour contrer le monopole idéologique marxiste. Mais la Nuova Destra s'est montrée incapable d'assumer ce rôle.

Selon Gabriele Adinolfi, la principale raison de cet échec serait liée au caractère trop abstrait et trop intellectuel de la critique apportée par la ND à l'idéologie et à la méthodologie de la mouvance. Surtout, la plupart des animateurs de la ND, à l'exception de Tarchi ou d'Erra, n'est pas composée de véritables militants, mais d'intellectuels purs et abstraits. Ce type hunain est connu pour produire un terreau favorable au développement de l'individualisme, du narcissisme, de l'esprit bourgeois et des querelles personnelles. De plus, dans le contexte italien des années de plomb, ces intellectuels coupés du réel et de l'action seront vite traités de lâches et de pantouflards par les militants de terrain.

Ces cercles intellectuels, malgré leur dynamisme, perdront peu à peu leur influence, et la Nuova Destra finira par imploser. Une partie de leurs dirigeants retournera alors militer au MSI-DN, ou par la suite à Alleanza Nazionale.

La Nouvelle Droite en Suisse

Suisse romande

Les thèses de la Nouvelle Droite pénètrent en Suisse romande dans la deuxième moitié des années 1970. Un mouvement nationaliste-révolutionnaire dynamique, le Nouvel ordre social s'intéresse aux travaux du GRECE et recommande vivement à ses membres et sympathisants la lecture d'Éléments et de Nouvelle école.

En 1979, lorsque le NOS se disperse, une nouvelle structure naît, Forces nouvelles, ainsi qu'une revue satirique, Le Rat noir, qui, tous deux, opèrent une certaine critique du nationalisme révolutionnaire et prônent un renouvellement doctrinal basé sur Julius Evola, les travaux de la revue Totalité et les thèses du GRECE.

Ce besoin de rafraîchissement et d'approfondissement intellectuell se traduit parallèlement par la création de cercles de réflexion métapolitique, comme le Cercle Thulé (1983) et le Cercle Proudhon (1984),ainsi que par celle d'une librairie par correspondance, le Centre de diffusion de la pensée européenne (1983). Le principal animateur de cette mouvance est le juriste Pascal Junod, qui avait fait ses premières armes au NOS. Ces structures organisent de nombreux colloques et conférences, en collaboration avec des représentants des Nouvelles droites française, italienne et allemande. Les cercles poursuivent leurs activités jusqu'à nos jours.

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Parmi les personnalités de la Nouvelle Droite de Suisse romande, outre Pascal Junod, on peut mentionner Éric Werner, malgré ses convictions catholiques.

La Nouvelle Droite et l'UDC, ou un rendez-vous manqué

Au milieu des années 1990, suite à ses succès électoraux en Suisse allemande, l'Union démocratique du centre décide de s'implanter dans tous les cantons de Suisse romande, et d'y regrouper toutes les forces de droite. À Genève, où ce parti n'avait jamais existé, les cercles de la Nouvelle Droite y voient une occasion inespérée. Ils participent activement à la création de la section locale.

En 1999, Pascal Junod se présente aux élections fédérales sur la liste de l'UDC. C'est alors qu'un journal à sensation alémanique, le Blick, déchaîne une campagne de haine et de diffamation contre l'avocat genevois. Apeurés, le secrétaire général de l’UDC Suisse, Martin Baltisser, et son président Ueli Maurer, exigent la démission de Pascal Junod. La section genevoise refuse dans un premier temps d’obtempérer mais, devant la menace de révocation de l'ensemble du comité brandie par les dirigeants du parti, Pascal Junod démissionne.

Plus tard, le journal Blick présentera des excuses à Pascal Junod pour avoir utilisé des méthodes diffamatoires, notamment un montage photographique. Mais il ne sera pas réintégré à l'UDC, dont la section genevoise derivera vers une démagogie à bon marché.

Suisse allemande

Étonnamment, la Nouvelle droite n'a pas essaimé en Suisse alémanique. Le Bâlois Armin Mohler compte bien parmi les grandes figures de la Nouvelle Droite au niveau européen, mais l'on doit rappeler qu'il a vécu essentiellement en Allemagne et en France. Il avait d'ailleurs une piètre opinion des milieux intellectuels suisses, dont il raillait la « disziplinierte Mediokrität ».

Plus récemment, on peut toutefois mentionner l'auteur bilingue Jan Mahnert.

La Nouvelle Droite aux Etats-Unis

Dès les années 1970, des représentants de la Nouvelle droite française, notamment Alain de Benoist, puis Guillaume Faye, se rendront aux Etats-Unis. Leurs thèses rencontreront un écho certain, malgré les réticences d'une Droite américaine fortement marquée par le christianisme.

C'est surtout sous l'influence du Croate Tomislav Sunic, doctorant à l'université de Californie dans les années 1980 puis professeur de science politique à l'université d'État de Californie de 1988 à 1993, que les thèses de la Nouvelle droite se diffusent chez les intellectuels de la Droite américaine. Parmi les autres figures de la Nouvelle droite américaine, on doit citer Michael O’Meara, fortement influencé par Alain de Benoist.

Peu à peu se crée aux Etats-Unis, par l'intermédiaire de nombreux think-tank, des carrefours où se rencontrent Nouvelle droite, mouvance identitaire, défenseurs de l'identité blanche, nationalistes ethniques, etc. Ces rencontres débouchent sur l'élaboration d'une mouvance plus large, avec des structures d'information comme The Occidental Observer ou Counter-Currents, dirigé par Greg Johnson. Celles-ci joueront un grand rôle dans l'émergence de ce qu'on appelle la Droite alternative (Alternative Right) des années 2010-2020.

D'une manière générale, les œuvres des auteurs de la Nouvelle droite française comme Alain de Benoist et Guillaume Faye connaissent un regain de diffusion dans tout l'espace anglophone depuis la fondation des éditions Arktos en 2009 en Suède.

La Nouvelle Droite en Grande Bretagne

Au Royaume-Uni et en Grande Bretagne, la Nouvelle Droite met du temps à s'implanter. La Droite y est encore fortement marquée par la nostalgie de l'immense empire britannique et par un conservatisme peu ambitieux, penchant facilement vers un néo-libéralisme économiste.

En 1983 naît une revue de haute qualité, The Scorpion, animée par Michael Walker. Elle sortira régulièrement jusqu'en 1998.

La Nouvelle Droite en Suède

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Une « Nouvelle Droite suédoise » nait en 2005, lorsqu'un petit groupe d'étudiants de droite se forme à Göteborg, sous l'impulsion de Daniel Friberg. Le groupe étudie les œuvres de Michael O’Meara, Guillaume Faye, Pierre Krebs et Dominique Venner.

Le 10 juillet 2006, le groupe créé le think-tank Motpol. Il organise des cycles de conférences comme Identitarian Ideas qui voient un succès croissant.

En 2009, Daniel Friberg crée les éditions Arktos, en s'associant avec l'Américain John B. Morgan, qui gérait jusque là les éditions Integral Tradition Publishing. La nouvelle maison d'édition va devenir le premier distributeur d'œuvres des auteurs de la Nouvelle Droite, de la mouvance identitaire et du courant traditionaliste au niveau mondial, notamment grâce à un énorme travail de traduction dans une quinzaine de langues.

En parallèle du développement de Motpol apparait un réseau médiatique alternatif qui commence, à partir de 2015, à défier les médias officiels. On peut citer Fria Tider et Avpixlat.

Articles connexes

Bibliographie

  • Alain de Benoist, Vu de Droite - Anthologie critique des idées contemporaines, Paris, Copernic, 1977.
  • Guillaume Faye, L'Archéofuturisme - Techno-science et retour aux valeurs ancestrales, Paris, L’Æncre, 1998, (rééd. 2011), 260 p.
  • Daniel Friberg, Le retour de la vraie Droite - Un manuel pour la véritable opposition, Arktos, 2017, 120 p.
  • Lorenzo Papini, Radici del pensiero della Nuova Destra. La riflessione politica di Alain de Benoist, Giardini, Pisa, 1995.
  • Tomislav Sunic, Against Democracy and Equality. The European New Right, Peter Lang, New York/Bern/Frankfurt a. M., 1990.
  • Pierre-André Taguieff, Sur la Nouvelle droite. Jalons d'une analyse critique, Paris, Descartes & Cie, 1994.
  • coll., La Nouvelle Droite au XXIe siècle - Orientations face aux années décisives, avant-propos d'Alain de Benoist, collection « Dans l’arène », éditions de la Nouvelle librairie, Paris, 2023, 96 p.

Cité dans

  • Anaïs Voy-Gillis, L’Union européenne à l’épreuve des nationalismes, coll. Lignes de repères, Éditions du Rocher, Monaco, 2020, p. 179.

Liens externes

Notes et références

  1. R. De Herte [A. de Benoist], « Le terrorisme intellectuel », in Éléments, n° 3, janvier 1974.
  2. R. De Herte [A. de Benoist], « La révolution conservatrice », in Éléments, n° 20, février-avril 1977, p. 3.
  3. Guillaume Faye, L'Occident comme déclin, Paris, Editions du Labyrinthe, 1984, 85 p., p. 28-29.
  4. « Cessons d’être des Occidentaux et redevenons des Européens d’origine boréenne », Entretien avec Georges Feltin-Tracol, Propos recueillis par Andrej Sekulovic pour le site slovène tradicijaprotitiraniji.org, mars 2021.