Armin Mohler

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Armin Mohler, né à Bâle en Suisse le 12 avril 1920 et mort à Munich en Bavière en Allemagne le 4 juillet 2003, est un auteur, journaliste et historien des idées suisse.

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Il s'est rendu célèbre par sa monumentale somme consacrée à la Révolution conservatrice allemande, élaborée à partir de sa thèse de doctorat. Ce travail est considéré jusqu'à aujourd'hui comme l'un des ouvrages de référence les plus complets sur le sujet.

Armin Mohler a été, pour toute une génération d'écrivains, d'intellectuels et de journalistes, un trait d'union, un conseiller et un éveilleur de vocations. Au-delà de ses travaux de recherches historiques, il a travaillé, par ses activités de journaliste et d'essayiste, à réarmer intellectuellement les forces de Droite et à rénover leur corpus doctrinal. Il est ainsi considéré comme l'un des précurseurs des Nouvelles droites allemande et française.

Biographie

Premières années

Des débuts dans la gauche intellectuelle

Armin Mohler nait à Bâle le 12 avril 1920.

Au cours de ses études secondaires, il s'intéresse déjà aux œuvres de l'auteur helvétiste Carl Spit­te­ler, poète épique et seul Suisse qui ait re­çu un Prix Nobel de littérature. Mais, au cours de la même période, il cherche à articuler sa révolte contre son environ­ne­ment petit-bourgeois et cette Suisse en voie vers la « démocratie du consensus ». Il s'approche des milieux intellectuels et artistiques de gauche en rupture avec un Parti socialiste jugé trop consensuel. Il s'intéresse au freudo-marxisme, déjà bien implanté dans ces milieux à l'époque. Il se lie aussi avec les cercles des émigrés du Troisiè­me Reich, composés surtout de nombreux Juifs. Il se passionne pour ces Juifs non assimilés, qui pour lui apportent des airs de Berlin, de Prague, de Vienne. En fréquentant cette communauté poétique fondée par Stefan George, in­stallée à Bâle avant 1933 mais renforcée avec l'immigration de 1938, il apprend à connaître des auteurs comme Rudolf Borchardt, Alfred Mombert, Lud­wig Derleth, et même Vladimir Jabotinsky, le fondateur d'un « Parti révisionniste » sioniste.

En 1938, il s'inscrit à l'uni­ver­sité de Bâle, où il étudie, en branche principale, l'histoire de l'art et, en bran­ches secondaires, la philologie allemande et la philosophie.

Alors qu'il est encore marqué par les idéologies de gauche, il se met à s'intéresser quelque peu aux mouvements frontistes. Mais ceux-ci sont déjà sur le déclin, et ils ne lui paraissent donc pas en mesure d'apporter une alternative crédible à la crise des valeurs.

Le retour au réel par le service militaire

Il est encore profondément pacifiste et antimilitariste, quand il est mobilisé en 1940 dans l'armée suisse, dans l'infanterie. Après l'école de recrue, il est affecté durant deux ans en service actif à la garde de la frontière, dans une compagnie de Schützen (= tirailleurs), composée d'hommes issus de toutes les classes d'âge mais aussi, comme habituellement dans l'infanterie, d'hommes venus de tous les horizons de la vie civile. C'est au cours de ces deux ans qu'Armin Mohler opère une double rupture : d'une part la vie partagée vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec des hommes venus de milieux populaires le fait descendre de la tour d'ivoire où les intellectuels ont souvent coutume de se protéger, à l'abri derrière leurs abstractions. D'autre part, il met à profit cette période pour relire Nietzsche et découvrir des auteurs comme Oswald Spengler.

En février 1942, Armin Mohler déserte de l'Armée suisse pour franchir la frontière allemande et se rendre à Stuttgart, pour s'engager dans le corps de la Waffen SS. Il est jugé inapte et sa demande est rejetée. Il va alors étudier l'histoire de l'art à Berlin, avant de rentrer en Suisse, où il est condamné à un an de prison[1].

La Révolution conservatrice

L'édition française de la La Révolution conservatrice en Allemagne, publiée par Pardès en 1993.

Une fois libéré, il reprend à Bâle ses études. En 1947, il recense La Paix d’Ernst Jünger. Le texte attire l’attention de l’auteur d’Orages d’acier. Armin Mohler devient son secrétaire particulier de 1949 à 1953, à Ravensburg, puis à Wilflingen. Plus politique, Armin Mohler regrettera qu’Ernst Jünger se détache de son engagement national-révolutionnaire de l’Entre-deux-guerres. Entre-temps, en 1949, il présente sous la direction de Karl Jaspers et de Herman Schmalenbach sa thèse de doctorat Die Konservative Revolution in Deutschland 1918–1932. Ce travail de thèse est la première version de son étude sur la Révolution conservatrice qui sera publiée l'année suivante chez Friedrich Vorwerk.

À cette époque où il travaille aussi comme lecteur aux éditions Héliopolis, créés par Jünger, Mohler est en rapport étroit avec Carl Schmitt, à qui il rend régulièrement visite depuis 1948.

Son étude ne cessera à chaque réédition d'être augmentée, surtout bibliographiquement. Il s'agit d'un vaste panorama descriptif de tous les auteurs de la Droite allemande non nationale-socialiste sous la République de Weimar, qu'il a regroupés sous le syntagme « Révolution conservatrice », devenu rapidement un terme technique consacré en histoire des idées pour cette période.

Mohler distingue trois courants principaux : les jeunes-conservateurs (qui constituaient plus ou moins l' « aile droite » de la mouvance), les nationaux-révolutionnaires (qui en formaient l' « aile gauche ») et les Völkische, plus difficilement classables et aussi plus anciens du point de vue chronologique puisque, contrairement aux précédents, ils apparaissaient dès la fin du siècle dernier, avec des racines remontant au Mouvement allemand de la période 1770-1830. Mohler ajoute deux groupes plus spécifiques mais d'importance politique moindre : les représentants du Mouvement paysan (Landvolkbewegung) et les Bündischen du Mouvement de jeunesse (Jugendbewegung).

La publication de cet ouvrage n'a cessé de donner lieu à des discussions souvent fructueuses, et aussi à certaines critiques, telle celle de Stefan Breuer qui, soulignant l'hétérogénéité des auteurs de la KR, affirme que cette étude pionnière en donne rétrospectivement une image exagérément unitaire. Pourtant Mohler ne dissimule nullement ni la diversité des auteurs ni le caractère souvent contradictoire de leurs doctrines, il souligne même à juste titre, parmi les traits qui leur sont communs, l'importance de la critique du libéralisme et l'influence dominante de la pensée de Nietzsche. Néanmoins certains points sont discutables : l'expression « trotskystes du national-socialisme », parfois employée par Mohler, paraît mal choisie, en plus d'être anachronique. Les auteurs de la KR ne sont nullement des dissidents du nazisme, comme le fut Trostsky par rapport au communisme soviétique. En toute rigueur, cette expression ne devrait s'appliquer qu'à des dissidences internes au sein du mouvement nazi, telles celle de Gregor Strasser. En forçant un peu, on pourrait renverser la formule et interpréter le nazisme comme une "dissidence" de la KR qui cherche à s'en approprier certains thèmes tout en les déformant profondément.

Les répercussions de la Grande Guerre sur la société allemande (passage d'un capitalisme bancaire de grandes familles à un capitalisme d'actionnaires, dérégulation, corruption de la classe politique) sont le véritable catalyseur de la KR. Si celle-ci est une contre-révolution en ce sens qu'elle s'attaque en priorité à une idéologie libérale qui a totalement détruit la société, elle est aussi révolutionnaire car elle ne croit pas à la possibilité de restituer le passé. C'est une tentative de renverser la modernité en utilisant ses propres armes même s'il ne faut pas oublier qu'elle ne fut jamais un mouvement de masse, ce qui fut à la fois sa plus grande force et sa faiblesse. On peut la comparer à diverses formations contemporaines en Europe à ce moment-là comme les non-conformistes des années 30.

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Période française (1953-1961)

En 1953, Mohler entame sa « période française ». Il devient en effet le correspondant parisien de plusieurs grands journaux de langue allemande : Die Zeit (Hambourg), Christ und Welt (Munich), Die Furche (Vienne), ainsi que le quotidien zurichois Die Tat, dont le patron à l'époque est Carl Jacob Burckhardt. Il habite alors avec sa famille dans un pavillon de Bourg-la-Reine, non loin de la tombe de Léon Bloy, qu'il fera visiter à Jünger et à Schmitt. Grâce à la complicité active de Michel Mourre, qui passe ses nuits à travailler son dictionnaire d'histoire universelle, il découvre Maurice Barrès et Charles Maurras et se familiarise avec la pensée de Georges Sorel. Il se lie d'amitié avec José Cabanis, qui sera élu en juin 1990 à l'Académie française. Chez les bouquinistes et les libraires, il acquiert une collection impressionnante d'ouvrages politiques français (5.000 volumes seront mis en vente en 1992).

En 1958, il assiste à la chute de la IVe République et à l'arrivée au pouvoir du général de Gaulle, dont les orientations le séduisent et dont il oppose volontiers la volonté d'indépendance aux velléités et au manque d'audace des politiciens allemands. « Ma plus grande expérience politique fut le gaullisme, confiera-t-il en 1987 : la prise d'une égale distance entre les États-Unis et l'Union Soviétique ».

De son séjour en France, Mohler retire la matière de deux ouvrages (non encore traduits), l'un consacré à l'histoire de la droite française, l'autre à la Ve République. Dénonçant l' « hypermoralisme » où se complaît la classe politique allemande, il prend appui sur l'exemple gaullien pour s'efforcer de montrer à ses compatriotes la nécessité d'une pensée proprement politique, réhabilitant les notions de puissance, de souveraineté et de décision, et s'appuyant sur la continuité de l'histoire nationale. Parallèlement, il dénonce le libéralisme et l'atlantisme des politiciens de droite et plaide avec vigueur pour un rapprochement franco-allemand. Par la suite, il aura encore plus d'une fois l'occasion de faire référence à des phénomènes politiques français pour donner des leçons à ses compatriotes.

Période allemande (1961-2003)

Mohler rentre en Allemagne en 1961 et s'installe à Munich. Il s'y impose rapidement comme l'un des observateurs les plus avisés de la politique allemande. Toujours désireux d'acclimater l'esprit gaullien outre-Rhin, il est alors assez proche de Marcel Hepp, de Franz Josef Strauss, dont il lui arrive même de rédiger des discours.

En 1964, il est nommé directeur-gérant de la Fondation Carl Friedrich von Siemens, à Munich. À ce poste, occupé jusqu'en 1985, il se montre très actif : invitation de nombre de personnalités intellectuelles, publication de maintes brochures et d'une dizaine de volumes collectifs.

Parallèlement, Mohler conserve une activité journalistique : de 1961 à 1964 dans Christ und Welt, ensuite au Bayern-Kurier et à Die Welt, où il bénéficie de l'appui de Hans Zehrer, puis à partir de 1970 dans la revue de Caspar Schrenk-Notzing, Criticon, enfin à l'hebdomadaire néoconservateur Junge Freiheit où longtemps il dispose d'une tribune bimestrielle intitulé Chronique de l'interrègne.

En 1967, il est nommé chargé de cours à l'université d'Innsbruck (chaire de science politique). La même année, le 28 février, il est le premier titulaire du prix Konrad-Adenauer. La remise du prix par Adenauer lui-même déclenche de vives controverses dans la presse de gauche, en particulier dans le Spiegel. "Ma première chasse aux sorcières !" dira Mohler. L'une de ces conséquences de cette polémique est qu'il se verra refuser en 1972, pour des raisons politiques, le poste de professeur pour lequel il avait été proposé à cette université. Entre temps, suite à la mort de Marcel Hepp, en 1970, il rompt avec Franz Josef Strauss et la CSU.

C'est à cette époque également que Mohler commence une série d'ouvrages traitant de la difficile problématique de la « rééducation » (Umerziehung) subie par les Allemands après 1945 afin de parvenir à « surmonter leur passé » (Vergangenheitsbewältigung), ce qui n'a abouti qu'à culpabiliser une génération entière avec pour seule échappatoire l'irénisme économique comme du temps de Bismarck et à offrir un instrument pour délégitimer certaines opinions. Le plus connu est son dernier sur ce sujet, Nasenring (L'anneau dans le nez), paru en 1989, évoque sa jeunesse, rappelle le génocide irlandais organisé par le gouvernement anglais, et surtout dénonce la « névrose allemande », c'est-à-dire la façon dont les Allemands, mis en demeure de « surmonter leur passé », ont été en fait, pendant des décennies frappés d'incapacité politique et culpabilisés au point de ne plus pouvoir accepter normalement leur existence collective. Significativement, la seconde édition se prononce d'ailleurs pour l'amnistie des anciens dirigeants de la RDA et critique ceux qui auraient voulu, après la chute du Mur, faire à nouveau replonger l'Allemagne dans une suite de procès sans fin, ce qui aboutirait à une plus grande injustice encore : la mise en suspicion de toute une partie du peuple par une autre partie de ce même peuple. La réunification (Wiedervereinigung) ne peut être qu'une réconciliation nationale.

Un rénovateur du conservatisme

Mohler, à cette époque, fréquente surtout les milieux conservateurs, auxquels il s'efforce de donner les bases intellectuelles et doctrinales qui leur font si souvent défaut. Dénonçant la réduction de la pensée de droite à l'anticommunisme, affirmant qu ele "péché mortel" du conservatisme allemand d'après 1945 a été de cropire qu'il pouvait faire l'économie d'une réflexion en profondeur sur l'identité nationale, et par suite qu'il était possible de faire de la politique "non politiquement", il s'en prend non sans humour aux "Kérenskis de la révolution culturelle" et aux "jardiniers du conservatisme". Dans Was die Deutschen fürchten, ouvrage faisant une large place à la notion de "volonté générale", il dénonce la triple peur allemande de la politique, de l'histoire et de la puissance, popularise les thèmes d'Arnold Gehlen et de Carl Schmitt, réhabilite la notion d'agonalité et laisse entendre que les conservateurs ont le dos au mur : soit ils deviennent une force politique soit ils se recroquevillent en secte.

Il est en même temps parfaitement conscient de l'ambiguïté du mot "conservateur". La Révolution conservatrice, rappelle-t-il, est né elle-même d'un effort de modernisation du vieux conservatisme à la Burke ou du Demutkonservatismus d'inspiration piétiste. Mohler n'est donc pas un « conservateur » au sens « classique » (ou au sens « français ») du terme, il fait sien le sens donné par Albrecht Erich Günther :« Être conservateur, ce n'est pas s'accrocher à ce qui fut hier, mais vivre en fonction de ce qui vaut toujours ». Dans les années 70, il utilise d'ailleurs plutôt le terme de « droite », étiquette d'usage moins courant en Allemagne qu'en France et dont la signification est moins équivoque : « le terme de conservateur, dira-t-il, est trop lié à des gens que je ne supporte pas, et qui ne me supportent pas non plus ! ».

Dans un essai paru au lendemain de la réunification, Mohler s'emploiera au demeurant à rappeler aux conservateurs que le communisme n'a pas été la seule grande utopie du siècle, et que le libéralisme constitue lui aussi un danger. « Avec un homme de gauche, je peux encore m'entendre, remarquera-t-il, car il a souvent compris une partie de la liberté. Avec un libéral, il n'y a pas de compréhension possible ».

Influence sur la Nouvelle Droite et perspectives européennes

Armin Mohler s'efforce de tout mettre en œuvre pour faire émerger une Europe indépendante des blocs soviétique et américain. Pour cela, un rapprochement entre la France et l'Allemagne lui paraît indispensable. Il se considère comme « un adepte critique du général de Gaulle ». Pour lui, de Gaulle est parvenu à décoloniser sans provoquer une guerre civile généralisée. Il félicite aussi le fondateur de la Ve République d'avoir amorcé un changement institutionnel qui revalorise le politique. Pour lui, ce qu'il appelle le « quatrième gaullisme » est celui de la « Grande politique » , d'une géopolitique mondiale alternative, où la France essaie de se dégager de l' « étau américain » et d'assumer une politique indépendante dans le monde entier. De plus, le projet gaullien d' « Europe des patries » lui semble être une base de départ réaliste. Il y voit la possibilité de transposer l'indépendantisme gaullien en Allemagne, avec en perspective, la possibilité de dégager l'Europe du « carcan de Yalta ».

Dans cette optique, dans les années 1960 et 1970, il se rapproche de la CSU bavaroise, qu'il pense pouvoir influencer. Il devient conseiller du président de ce parti, Franz Josef Strauß, pour lequel il écrit un certain nombre de ses discours. Mais cette tentative aboutit à un échec : Strauss, systématiquement, modifie les ébauches de discours de Mohler, pour les conformer au langage « atlantiste ».

Il participe au comité de patronage de la revue théorique de la Nouvelle Droite française, Nouvelle École. Malgré des divergences importantes, notamment la position de Mohler sur la question de l'Algérie française et son admiration pour de Gaulle, Mohler va influencer le GRECE et la Nouvelle Droite française. Celle-ci va hériter de Mohler l'idée d'une alliance planétaire entre l'Europe et les ennemis du duopole de Yalta d'abord, de l'unipolarité américaine ensuite. En revanche, Mohler réhabilite Georges Sorel de manière beaucoup plus explicite et profonde que ne le font les théoriciens de la Nouvelle Droite française.

Révolution conservatrice et fascisme

Pour Armin Mohler, nietzschéen avant tout, la Révolution conservatrice, en rejetant les idées de 1789, du manchestérisme anglais et de toutes les autres idées libérales, a posé les bases d'une nouvelle batterie de valeurs appelées à régénérer le monde et à lui donner de nouvelles assises, portées par les efforts de nouvelles élites. La pérennité de ces idées pouvait, selon lui, balayer celles des vainqueurs soviétiques et américains, tout en dépassant celles du national-socialisme, qu'il considère comme trop caricatural.

Dans une interview accordée au Leipziger Volkszeitung fin novembre 1995, dans laquelle on lui demande s'il se considère comme fasciste, il répond: « Ja, im Sinne von José Antonio Primo de Rivera » ( « Oui, au sens que lui donnait José Antonio Primo de Rivera »). Dans le même entretien, lorsqu'on lui demande de définir le fascisme, il affirme: « Faschismus ist für mich, wenn enttäuschte Liberale und enttäuschte Sozialisten sich zu etwas Neuem zusammenfinden. Daraus entsteht, was man konservative Revolution nennt » ( « Pour moi, le fascisme est le résultat de la rencontre entre les déçus du libéralisme et les déçus du socialisme. C'est alors que naît ce que l'on appelle la Révolution conservatrice »)

Un penseur de l'ordre concret

Les auteurs allemands qui ont le plus influencé Mohler sont probablement Ernst Jünger, Ernst Niekisch, Carl Schmitt et Arnold Gehlen. C'est auprès d'eux qu'il a trouvé les bases de son « nominalisme » et de sa critique de toute forme d'individualisme, qu'il soit libéral, marxiste ou chrétien. Développée dans un petit livre paru en 1981, Wider die All-Gemeinheiten oder das Besondere ist das Wirkliche, cette critique se fonde sur la constatation que la totalité est par définition inconnaissable et qu'on ne peut jamais raisonner qu'à partir d'une situation particulière.

Comme le jeune Jünger, Mohler oppose donc le « particulier » aux « idées générales » (Allgemeinheiten). Comme Carl Schmitt, il se réclame d'une « pensée de l'ordre concret » par opposition à l'ordre abstrait. Comme Gehlen, dont le livre Moral und Hypermoral (1969) fut reçu comme un événement décisif dans les milieux néoconservateurs, il se refuse à transposer l'être en devoir-être. Il n'aime ni les concepts grandiloquents ni les idées pures, et encore moins les idéologies englobantes. Il leur préfère ces « images conductrices » (Leitbilder) assez comparables aux « Mythes » soréliens, dont le rôle fut si important dans la Révolution conservatrice, et grâce auxquelles on peut redonner aux choses leurs couleurs, en les sortant de la grisaille de l'abstraction. Ainsi s'expliquent ses réticences vis-à-vis de la notion d'Empire, son antiromantisme emprunté à Schmitt, en même temps que sa critique de l'écologisme ou ses affinités avec la pensée d'un Clément Rosset. Dans cette perspective, le monde apparaît inévitablement comme un chaos (au moins du point de vue épistémologique), dans laquelle il appartient à l'homme de mettre de l'ordre en décidant à partir de la position concrète qui est la sienne, et non à partir d'un principe général nécessairement invérifiable. Les réponses à donner dépendent des réalités du moment, lutter pour des idées abstraites c'est pour Mohler refuser de comprendre comment les problèmes se posent concrètement.

Textes à l'appui

Extraits de l'autobiographie d'Armin Mohler

Pour expliquer ses positions critiques à l'égard de l'histo­rio­graphie de la République Fédérale, Armin Mohler dans son ouvrage Der Nasenring : Im Dickicht der Vergangenheits­be­wältigung (Heitz und Höffkes, Essen, 1989), évoque quel­ques péripéties de sa jeunesse.

Mes années d'études : Marx, Freud & Cie

Rétrospectivement, je ne regrette pas la ligne en zigzag qu'a pris mon cheminement à cette époque là. Elle m'a permis des expériences qui m'ont préservé ultérieurement de tout encroûtement. Pendant quelque temps, je me suis défendu con­tre cette vision (fort juste) que la vie est faite de para­do­xes. Pendant de nombreuses années, j'ai tenté de voiler, de re­fouler, cette vision pertinente du paradoxal de l'existence qui s'installait pourtant lentement dans mes idées, mes sen­ti­ments et mes représentations. Je me suis soumis à une doc­tri­ne sotériologique et universaliste qui promettait de liquider tous les paradoxes et de révéler le sens du Tout. Ce fut une ex­périence qui, au moins, me préserva de fabriquer une au­tre doctrine sotériologique après m'être débarrassé d'une pre­mière.

Cette expérience a commencé quand j'avais 16 ou 17 ans. Je voulais articuler ma révolte contre l'environ­ne­ment petit-bourgeois d'une façon « originale », c'est-à-dire de « gauche ». Ce n'était pas si facile au milieu des années 30. La Suisse était déjà sur la voie de la « démocratie du consensus » (ou plus précisément : la démocratie des cartels). L'époque où la troupe avait tiré sur les ouvriers était passée, cela fai­sait au moins vingt ans. La couche de la population vivant dans le besoin s'amenuisait et se réduisait graduellement, pour rester confinée aux paysans des montagnes, dans les loin­taines vallées alpines. Les associations et les cartels des employeurs et des travailleurs avaient décidé de se partager pacifiquement le gâteau. Sur le plan physionomique, les bos­ses d'un camp comme de l'autre ne se distinguaient quasi­ment plus. Dans une telle situation, un marxisme radical se­rait mort de ridicule, car chaque besoin de la classe ouvrière était satisfait par la création d'une nouvelle association. Un anarchisme radical aurait tourné à vide dans un pays, où, certes, chaque autochtone ressent un malaise, mais où au­cun d'eux n'est vraiment opprimé. Personne ne pose des bom­bes contre soi-même.

S'introduire dans le monde des artistes

Parmi les mésaventures grotesques de mon existence : le fait que cette situation sociale, qui m'a fait fuir la Suisse, me rat­tra­pe dans ma nouvelle patrie d'adoption, l'Allemagne de l'Ouest. Des amis allemands, qui se moquent de moi, me po­sent malicieusement la question : « pensez-vous que certains signes permettent de dire qu'il y a “helvétisation” de la Ré­pu­blique Fédérale ? ». Je pense alors que peu avant la Seconde Guerre mondiale, seule une gauche intellectuelle avait ses chan­ces dans ma patrie suisse. Or cette chance était limitée à un domaine vraiment réduit : la caste des intellectuels, des lit­térateurs, des artistes avec leurs mécènes issus des clas­ses aisées de la société. C'est justement dans cette caste que je voulais m'introduire : elle me semblait être la porte ou­verte sur le vaste monde. En 1938, je m'inscris donc à l'uni­ver­sité de Bâle ; branche principale : histoire de l'art ; bran­ches secondaires : philologie germanique et philosophie.

Juste avant cette inscription, j'avais pénétré dans un nou­veau cercle de personnalités, celui des émigrés du Troisiè­me Reich, composés surtout de nombreux Juifs. Les familles juives bien établies à Bâle n'étaient pas trop ravies de cet apport nouveau. Moi personnellement, je me passionnais pour ces Juifs non assimilés. Ils nous apportaient de Berlin un petit reflet des Roaring Twenties, de Prague l'air qu'avait respiré Kafka, de Vienne un zeste de la décadence la plus fascinante de l'histoire récente. Avec les émigrés non juifs, ils prétendaient être « la meilleure Allemagne ».

Mais ce furent également des émigrés juifs qui m'ont apporté les premiers éléments philosophiques et esthétiques qui contredisaient mes options libérales. Sur ce chapitre, je m'étais contenté jus­qu'alors d'étudier mon très proche compatriote, Carl Spit­te­ler (1845-1924) , natif du Baselbiet, le pays rural autour de la ville de Bâ­le. Spitteler était un poète épique, le seul Suisse qui avait re­çu un Prix Nobel de littérature (sans compter Hermann Hes­se, qui est un naturalisé). Mais, avec la vague d'émigrés de 1938, la communauté poétique fondée par Stefan George, in­stallée à Bâle avant 1933, s'est trouvée renforcée numé­ri­que­ment, si bien que j'ai appris à connaître dans ce cercle des auteurs comme Rudolf Borchardt, Alfred Mombert, Lud­wig Derleth, et même Vladimir Jabotinsky, père fondateur d'un fascisme juif.

Mes intérêts se concentrèrent d'abord sur le plat principal, mitonné par des Suisses et des étrangers, des hommes de gauche, des avant-gardistes et des libéraux, pour être servi à cette gauche culturelle. C'était un savant mélange, parfois assez pertinent, de marxisme, de psychanalyse, de peinture abstraite, de musique atonale, d'architecture du Bauhaus, de films soviétiques, le tout nappé d'une sauce sucrée faite de pathos libéral. De ce côté du front, dans la guerre civile mon­diale, on trouvait ce qu'il y avait de meilleur dans les années 30, car on tentait de revalider le marxisme devenu un peu ca­duc en lui injectant de solides doses de psychanalyse. Wilhelm Reich n'a jamais été qu'un théoricien parmi beau­coup d'autres à avoir eu cette idée. C'était génial : faire entrer en scène de concert, Marx, le mage de la société, et Freud, le mage de l'âme, bras dessus bras dessous. Avec ce cou­pla­ge, le regard devenu un peu myope que jetait la gauche sur le monde, fut renforcé comme par un effet stéréo. À l'é­po­que aussi je croyais disposer, avec le freudo-marxisme, d'un code universel pour déchiffrer rationnellement le mon­de. Le tour de passe-passe scientifique, qui permit à cette doc­trine sotériologique nouvelle d'entrer en scène, la rendit si­multanément irrésistible. Voilà pourquoi, trois décennies plus tard, j'ai eu l'impression de voir des fantômes en Ré­pu­bli­que Fédérale quand les soixante-huitards se sont coiffés de ce vieux chapeau (mais, il est vrai, ils le portaient à la fa­çon californienne et non pas à la mode zurichoise).

Nous nous prenions pour de grands réalistes…

Chez les soixante-huitards, j'ai également découvert une ar­ro­gance élitaire identique à celle qu'affichaient mes amis a­vant-gardistes en 1938. Nous aussi avions commencé notre quê­te en évoquant la « dialectique » et le « refoulement », nous avions forgé le jargon de notre petite clique pour nous dis­tancier des « masses ». Nous, nous savions « vraiment » ce qui se cachait « derrière » les choses. Une toile constructiviste de Piet Mondrian ne se composait pas seulement de traits droits qui formaient un angle droit, puis s'entrecoupaient, pour séparer agréablement et rythmiquement des carrés ou des rectangles rouges, bleus ou jaunes, le tout sur fond blanc (ce qui peut apaiser un individu hyper-stressé, tout com­me un beau tapis). Non, non, ce n'était pas que cette sim­ple géométrie, cela « signifiait » quelque chose. Ce que nous voyions n'était pas l'essentiel, mais ce que nous as­sociions dans l'image. Nous nous prenions pour de grands « réalistes », mais nous n'étions que des « réalistes des uni­versaux » (et seulement, comme le veut la conditio humana, selon notre prétention).

Beaucoup d'entre nous pensaient avoir entre les mains la clef donnant accès aux énigmes de l'univers. En réalité, nous avions troublé notre regard sur le monde en usant d'un filtre d'abstractions. On devient ainsi la proie facile de ceux qui veulent nous faire gober que le vrai monde un jour vien­dra, mais dans le futur. Ou on devient la proie d'autres mar­chands d'illusions (moins nombreux mais plus dangereux) qui veulent nous faire croire que le vrai monde a déjà été, et qu'il est irrévocablement perdu. L'espoir existe, quand on com­mence à se rendre compte que l'on passe ainsi à côté de sa vraie vie, unique, spécifique et irremplaçable. (pp. 34-37)

Quand mes premières convictions se sont érodées…

Quand ai-je cessé d'être étudiant de gauche ? Je sais du moins le jour où j'ai pris conscience que tout cela était absolument faux : le 22 juin 1941. Toutefois ma conviction que le freudo-marxisme était la clef de l'univers avait déjà été ébranlée.

Je n'étais pas le type prêt à déployer des efforts pendant toute sa vie pour réaliser les lunes de l'universalisme. Dans tous les cas de figure, on peut difficilement évaluer ce que l'on reçoit en héritage avant sa naissance. Personnellement, après ma naissance, j'ai eu de la chance. Mes parents vi­vaient un mariage heureux. Mon père était un homme dis­cret, mais il possédait une autorité naturelle et incontestée. Ma mère, plus entreprenante, était son complément parfait dans la vie. La maison parentale était une maison où régnait l'ordre, mais elle n'était pas ennuyeuse. Je n'ai pas été gâté. Mes parents n'en avaient pas les moyens. Les petites misè­res quotidiennes, physiques ou psychiques, n'ont jamais don­né lieu à des excitations ou des émotions hors de l'ordi­nai­re : on savait qu'elles faisaient partie du lot de tous les vi­vants. Ainsi, j'ai hérité d'un état d'esprit que je ne qualifierais pas d'optimisme mais plutôt de « goût pour la vie » (Lebens­lust).

Le mouvement frontiste en Suisse

Quand je me suis dégagé du corset des idéologies de gau­che, c'est ce goût pour la vie qui a été le moteur principal. Mais ce n'était pas le seul. Quoi qu'il en soit, ce n'est cer­tainement pas la droite suisse de l'époque qui a constitué un moteur supplémentaire. Pour autant qu'il y ait eu des grou­pe­ments qualifiables de « conservateurs » en Suisse du temps de ma jeunesse, et pour autant que ces groupements n'aient pas été édulcorés, ils étaient de nature « patricienne » et/ou catholique. Ces 2 fondements m'étaient étrangers. J'étais issu de la petite bourgeoisie, je ne me suis jamais senti chré­tien et, au jour de ma majorité, j'ai quitté volontairement l'É­gli­se réformée, dans laquelle j'avais été éduqué. Le maur­ras­sisme, représenté en Suisse romande, aurait pu m'attirer. Mais le Suisse alémanique a toujours été coupé de la Suisse francophone. En général, il connaît mieux Paris ou la Pro­ven­ce. Pour un garçon comme moi, qui tentait de trouver une voie à droite, il ne restait plus que le mouvement fron­tiste en Suisse alémanique (c'est-à-dire des mouvements comme le Neue Front, le Nationale Front, le Volksbund, etc.). Ce mouvement était un de ces nombreux mouvements de renouveau qui surgissaient partout en Europe à cause de la crise économique et que les politologues contemporains qualifient de « fascistoïdes ».

En 1931, au moment où les fronts connaissaient leur prin­temps, je n'avais que 11 ans, sinon je me serais facile­ment laisser entraîner par eux. Ce mouvement de renou­veau, à ses débuts, pouvait compter sur l'assentiment de nom­breuses strates de la population. Il avait été initié par des jeunes loups issus des partis établis, qui voulaient créer quelque chose pour absorber le mécontentement général et la lassitude de la population contre les partis conventionnels. Pourtant, très vite, les fronts suisses ont créé leur propre dynamique. On vit apparaître des similitudes de style avec le fascisme tel qu'il se manifestait dans toute l'Europe mais, à partir de 1933, l'ombre compromettante du Troisième Reich s'est étendue sur le mouvement frontiste. Les représentants des associations de l'établissement, qui participaient à ces fronts, ont rapidement pris leurs distances, dès 1933.

Les in­tellectuels, qui étaient les pendants suisses de la Révolution conservatrice allemande à Zurich ou à Berne, sont resté plus longtemps dans ces formations politiques et ont béné­ficié de l'approbation de la Jeunesse dorée qui s'ennuyait. Cependant, lors des exécutions de la Nuit des Longs Cou­teaux, le 30 juin 1934, à Munich et à Berlin, plusieurs victi­mes étaient des représentants de la Révolution conservatrice ; choqués, la plupart de ces intellectuels suisses conservateurs-révolutionnaires quittent la vie publique et se ré­fu­gient dans leur tour d'ivoire. Le seul siège frontiste au Par­lement suisse est rapidement perdu. Ce qui a subsisté des fronts a été marginalisé par la société libérale avec tous les moyens dont elle disposait. Les chefs les plus modérés se sont repliés sur leur vie privée. Une partie des leaders les plus radicaux se sont réfugiés dans le Troisième Reich pour échapper à la police et à la justice helvétiques. Il n'est plus resté qu'une troupe sans chefs, dont le nombre ne cessait de se réduire : des petites gens, obnubilés par une seule idée fixe, que les francs-maçons et les juifs (dans cet ordre) é­taient responsables de tous les maux de la Terre.

Le Major Leonhardt du Volksbund

Une théorie du complot aussi lapidaire n'était pas ce qu'il fallait pour un type comme moi, qui était sur le point de résoudre l'énigme de l'univers. Pourtant, un jour, je me suis ha­sardé dans l'antre du lion. J'ai assisté à un meeting du plus radical des chefs frontistes, le Major Leonhardt, chef du Volksbund, une dissidence du Nationale Front. (Comme l'ar­mée, à l'époque, était encore une institution sacro-sainte, le fils d'un Allemand naturalisé utilisait ses galons d'officier pour faire de la propagande en faveur du Volksbund). Ce mee­ting a dû avoir lieu au plus tard en 1939, car j'ai lu dans une thèse de doctorat consacrée au Volskbund, que Leon­hardt avait émigré en Allemagne en 1939 et qu'il y a trouvé la mort en 1945 lors d'un raid aérien allié. Extérieurement, il correspondait à son surnom : le « Julius Streicher suisse ». Ef­fectivement, son corps était d'allure pycnique, tassée, il sem­blait ne pas avoir de cou ; il avait le même crâne pointu que Streicher, un crâne qui semblait toujours prêt à l'attaque. Il avait aussi des talents d'orateur comparables, comme j'allais ra­pidement le constater à mes dépens.

Après le discours du Ma­jor — sur la Suisse « souillée » par les francs-maçons et les juifs — j'ai osé formuler une remarque. Je ne sais plus au­jourd'hui ce que j'ai dit alors. Mais je n'ai pas oublié que le Major Leonhardt a tout de suite repéré que j'étais étudiant. Il m'a directement attaqué ad personam (dans la thèse que j'é­voquais tous à l'heure, j'ai lu qu'il avait justifié sa rupture et celle de ses ouailles avec le Nationale Front car celui-ci était entièrement tombé sous la coupe des universitaires). Le Ma­jor a commencé à me répondre froidement, puis m'a admi­nistré une litanie d'injures, d'une voix toujours plus élevée; les insultes successives semblaient s'enrouler autour de moi comme une spirale. Leur contenu approximatif ? Le contri­bua­ble suisse fait construire des universités avec son argent et qu'en sort-il ? Des universitaires étrangers au monde, qui ont appris tant de choses inutiles qu'ils ne savent même plus quels sont les véritables ennemis du peuple ! Leonhardt avait bien chauffé son public : les uns me regardaient avec un air nar­quois, les autres me lançaient des regards haineux. Quant à moi, j'étais également échaudé car que peut-on op­poser à une telle avalanche d'insultes ? Je n'ai revécu de si­tuation semblable qu'à la fin des années 60 et au début des années 70 dans les “discussions” qui avaient lieu à l'époque dans les universités ouest-allemandes.

Mobilisé dans l'armée suisse en 1940

Comme les fronts n'ont nullement contribué à me faire des­cen­dre de mon petit trône de libéral de gauche, quelle est a­lors la force qui m'en a fait descendre ? Avec la distance que procure l'âge, je dois bien constater que ma mobilisation dans les rangs de l'armée suisse en 1940 a eu sa part. Le « drill » helvétique de l'époque était encore très rude : mes com­patriotes qui ont d'abord servi dans l'armée suisse puis, plus tard, dans la Waffen SS allemande, considèrent que l'in­struction dans notre pays était plus dure que celle qui prévalait dans les divisions de Himmler. Avec l'état d'esprit qui était le mien en ce temps-là, j'ai endossé l'uniforme avec des sentiments anti-militaristes. Je n'ai pas été un bon soldat et, à la fin de mes classes de conscrit, mon commandant m'a demandé si je voulais devenir aspirant officier (on le de­man­dait automatiquement à tout universitaire à l'époque). J'ai répondu « non merci ! » et je suis resté simple fantassin.

À ma grande surprise toutefois, je sentais que certains aspects du service me plaisaient. Ainsi la course avec paquetage d'as­saut et fusil me plaisait. Je ne pouvais pas me hisser au-dessus de la barre fixe mais j'étais un bon coureur à pied. Pour un étudiant anti-militariste, ces petits plaisirs peuvent en­core se justifier : c'est du sport. Mais, il y avait plus inquié­tant pour un pacifiste de gauche : des plaisirs quasi ataviques m'emportaient dans un domaine strictement militaire, notam­ment le drill. Je ne pouvais pas réprimer une profonde satis­fac­tion quand mon peloton, après des journées d'exercices, fai­sait claquer ses fusils sur le sol sans « effet de machine à é­crire » (pour les civils, cela signifie : lorsque les crosses des fu­sils tombent sur le sol en ne faisant plus tAc-TaC-taC-Tac dans le désordre et sans unisson, mais avec un seul et uni­que TAC métallique sur les dalles de la cour de la caserne). Quinze jours auparavant, je me serais encore moqué de ces « enfantillages ».

Aller au peuple

Cependant, l'expérience la plus importante de mon service mi­litaire est venue après l'école des recrues, quand je suis passé au service actif et quand j'ai été affecté à la garde de la frontière. On m'avait envoyé dans une compagnie de Schützen (tirailleurs), composée d'hommes, aptes à porter les armes, issus de toutes les classes d'âge mais aussi, comme habituellement dans l'infanterie, d'hommes venus de tous les horizons de la vie civile. Dans une société haute­ment spécialisée, l'intellectuel éprouvera des difficultés à fai­re ample connaissance avec des « gens du peuple ». Il n'exis­te que 2 institutions où il peut le faire, 24 heures sur 24 : la prison et le service militaire. Les deux ans de mon service le long de la frontière m'ont beaucoup plus apporté dans ma formation humaine que le double du temps que j'avais passé auparavant dans les universités. […] Dans cette optique autobiographique, je me contenterai d'une citation, qui résume bien l'affaire. Elle provient de l'œu­vre d'un Suisse original, Hans Albrecht Moser (1882-1978) ; je l'ai tirée de son journal Ich und der andere, paru à Stutt­gart en 1962. La voici : « L'humain se trouve plus facile­ment dans l'homme normal que dans l'homme excep­tion­nel. C'est pourquoi cet homme normal m'attire da­van­tage. Pour satisfaire des besoins spirituels, il existe des livres ».

Découvrir Spengler

Pour ce qui concerne les livres, je m'empresse de dire ceci : j'ai continué à en dévorer, sans discontinuité, et, parmi eux, j'ai surtout lu les grands critiques du libéralisme. Ces lectu­res ont beaucoup contribué à faire crouler mes palais imagi­nai­res et utopiques. J'avais déjà commencé à lire Nietzsche quand j'étais scout. Pendant mes 2 ans de garde le long de la frontière, je suis passé aux autres grands anti-libéraux. L'expérience la plus originale que j'ai eue, c'est en lisant Os­wald Spengler. Au sommet de ma période de gauche, j'avais tenté de lire Le Déclin de l'Occident (bien sûr, pour appren­dre à connaître l'adversaire). Mais je n'étais pas parvenu à franchir le cap des premières pages : pour moi, le texte était absolument incompréhensible. La notoriété de cet ouvrage res­tait un mystère pour moi, même d'un point de vue thérapeu­tique. Vers la fin de ma période d'incubation, que je viens de vous esquisser — ce devait être au début de l'an­née 1941 — les 2 énormes volumes me sont tombés une nouvelle fois entre les mains. J'ai ouvert le premier à n'im­por­te quelle page et j'ai commencé à lire, sans m'arrêter, et au bout de quelques jours, j'avais entièrement parcouru les 2 tomes. Pourquoi n'avais-je pas pu faire la même ex­pé­rience lors de ma première tentative ? Quelque chose d'es­sen­tiel en moi avait changé, mais je n'en avais pas encore idée. (pp. 37-41)

Entretien avec Armin Mohler

Entretien paru dans Éléments n°80, 1994

  • Certains contestent le caractère “révolutionnaire” de la Révolution conservatrice et n’y voient qu’une forme contemporaine de contre-révolution. D’autres, plus nombreux, la caractérisent comme une tentative de renverser la modernité en utilisant ses propres armes. En cherchant à battre la modernité sur son propre terrain, la RC est-elle plus efficace ou contribue-t-elle, paradoxalement, à maintenir en place ce qu’elle cherche à supprimer ?

Armin Mohler : La RC est une contre-révolution en ce sens qu’elle s’attaque en priorité à une idéologie libérale qui a totalement détruit la société. Mais elle est aussi révolutionnaire, car elle ne croit pas à la possibilité de restituer le passé. En même temps, il ne faut pas oublier qu’elle n’a jamais été un mouvement de masse, ce qui fut à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse. C’est par ailleurs, en effet, une critique de la modernité avec les armes de la modernité, voire de la postmodernité (les “postmodernes” sont des enfants illégitimes, imprévisibles, mais incontestables de la RC !). Toute la thèse que développe Jünger dans Le Travailleur repose sur cette idée. J’adhère donc pour ma part à l’interprétation optimiste : une critique moderne de la modernité est plus efficace, même si elle comporte des risques. Heidegger disait lui-même : le salut vient du danger.

  • Parmi les trois principales familles de la RC, peut-on dire que les Völkischen étaient encore ceux qui se rapprochaient le plus de l’idéologie nazie ?

Les Völkischen étaient beaucoup plus éloignés de la politique que les jeunes-conservateurs ou que les nationaux-révolutionnaires. Ils étaient des utopistes qui vivaient dans le passé, et parfois même dans la préhistoire. Un trait caractéristique de la plupart des ouvrages völkisch, c’est qu’ils auraient aussi bien pu être écrits en 1890 qu’en 1930. La seule force des Völkischen venait de ce qu’ils utilisaient un langage peu intellectuel, que tout le monde pouvait comprendre. Il est en outre difficile de parler d’une “idéologie nazie” au plein sens du terme, car celle-ci n’a tout simplement pas eu le temps de se former. Ce qui est sûr, c’est que Hitler détestait les Völkischen, parce qu’il les considérait comme irrécupérables. Il les faisait parquer dans des “réserves”, où leurs activités passaient plus ou moins inaperçues. J’ai habité quelques mois à Berlin sous le IIIe Reich. Je n’ai pas eu l’impression de vivre dans un univers völkisch ! Le régime nazi visait avant tout à l’efficacité. L’Allemagne d’après-guerre, celle du “miracle économique” fut reconstruite par les ingénieurs, les industriels et les techniciens qu’il avait formés.

  • Une question que l’on se pose souvent est de savoir si les grandes familles politiques qui composent la RC se retrouvent aussi en dehors de l’Allemagne. Qu’en est-il en ce qui concerne la France ?

Quand je suis arrivé en France, je croyais y trouver un paysage politico-intellectuel complètement différent de celui que je connaissais. Très vite, je me suis aperçu que la différence était moins grande que je ne l’avais pensé. Cette différence provient surtout de la grande continuité de l’histoire nationale française. On pourrait dire que les Français ont eu dans leur histoire trop d’État-nation, alors que les Allemands n’en ont pas eu assez ! Il faut aussi de tenir compte de la forte imprégnation de la société française par les valeurs féminines. C’est elle qui explique, par exemple, le succès que Jünger a connu chez vous. Joseph Breitbach n’hésitait pas à parler à ce propos de “phénomène érotique” !

Les principales classifications que j’ai introduites dans mon travail sur la RC sont tout à fait applicables à la France. Les jeunes-conservateurs correspondent à la droite traditionnelle, depuis Rivarol jusqu’à Maurras, en passant par Maistre, Bonald, Chateaubriand, Lamennais, Veuillot, Le Play, Gustave Thibon et la plupart des écrivains d’Action française. Comme équivalent des nationaux-révolutionnaires, il faudrait surtout citer les nationaux-jacobins, qui comprennent aussi bien Boulanger, Déroulède et Clemenceau que Péguy, Valois, Hugues Rebell, Gustave Hervé, Bernanos, Déat, Drieu La Rochelle, de Gaulle et Malraux. Quant aux Völkischen, qu’on considère souvent comme un genre purement “germanique”, je placerais parmi eux Gobineau et Boulainvilliers, mais aussi Toussenel, Drumont, et sans doute aussi Céline. Saint-Yves d’Alveydre est un bon exemple de mélange d’idéologie völkisch et d’ésotérisme religieux. Se rangent encore dans la même catégorie les artisans de la “renaissance celtique” inaugurée au XIXe siècle, ainsi que des auteurs “régionaux” comme Frédéric Hoffet, Mistral, La Varende ou Giono. Robert Brasillach me semble, quant à lui, un assez bon représentant de l’esprit bündisch. Bien entendu, il y aurait aussi quelques catégories supplémentaires à créer, où prendraient place les héritiers de Proudhon, les fédéralistes, les “non-conformistes” des années trente. Enfin, comme je l’ai fait en Allemagne pour des hommes tels que Jünger, Schmitt, Spengler ou Thomas Mann, il faudrait considérer quelques grands auteurs comme des inclassables. Je pense notamment à Sorel, Barrès ou Montherlant.

  • Kurt Sontheimer a écrit que, sous la République de Weimar, le libéralisme était le “souffre-douleur” (Prügelknabe) de la droite comme de la gauche. Alors quele principal adversaire du nazisme était le communisme (toujours associé aux Juifs), l’ennemi n°1 de la Révolution conservatrice était précisément représenté par les libéraux. Contrairement à beaucoup d’hommes de droite, vous considérez vous-même le libéralisme comme l’ennemi principal. En deux mots, que reprochez-vous aux libéraux ?

D’être des hypocrites. Les libéraux veulent qu’on les approuve parce qu’ils affichent de “bonnes intentions”. En outre, ce sont des adeptes du wishful thinking : ils croient que les mots sont les choses, et qu’il suffit d’énoncer de bonnes intentions pour que celles-ci deviennent autant de réalités. Le sermon libéral sert de billet d’entrée dans la société : l’important est d’adhérer aux bonnes intentions, après quoi on peut aussi bien se comporter en mafioso.

  • Parlons de votre “nominalisme”. Vous avez toujours critiqué les “idées générales”. Quel est le fondement de cette critique ?

Quand j’ai fait sa connaissance, en 1948, Carl Schmitt me disait souvent : “Chaque mot est une réponse. Chaque réponse vient d’une question. Chaque question vient d’une situation”. Énoncer une théorie en faisant abstraction des situations dans lesquelles on se trouve, c’est parler dans le vide. C’est en ce sens qu’il n’y a pas d’idées pures et qu’il est impossible, lorsque la situation a changé, de s’en tenir à un discours reflétant la situation précédente. Un grand nombre d’hommes de droite, malheureusement, ne parviennent pas à comprendre cela. Pour l’admettre, je crois qu’il faut être un peu anarchiste ! Aujourd’hui, néanmoins, beaucoup de déçus de droite et de gauche ont renoncé à lutter pour des idées abstraites et commencent à reconnaître que les réponses à donner varient selon les situations. Prenez l’exemple de l’immigration. Être pour ou contre l’immigration en soi n’a aucun sens. C’est seulement si l’on sait qu’il y a en Allemagne 40.000 immigrés, 400.000 immigrés ou quatre millions d’immigrés, que l’on peut déterminer une position adéquate. La réponse, autrement dit, dépend des réalités du moment. Tout mon “nominalisme” tient dans cette attitude : je ne veux pas me référer à des idées générales, mais répondre aux problèmes qui se posent concrètement.

  • Vous n’êtes pas seulement l’historien de la Révolution conservatrice, mais aussi l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la Vergangenheitsbewältigung, c’est-à-dire à la façon dont les Allemands ont été depuis la guerre mis en demeure de “surmonter” leur passé. Cette problématique a-t-elle retrouvé une nouvelle actualité après la chute du Mur de Berlin ?

La Vergangenheitsbewältigung est aujourd’hui devenue une farce. C’est un thème qu’on instrumentalise pour délégitimer certaines opinions, supprimer le débat et généraliser les tabous politiques qui ont désormais remplacé les tabous sexuels. Les Allemands ont été contraints pendant des décennies de se livrer à cet exercice, afin de perpétuer l’effet de la “rééducation” imposée après 1945 par les Alliés. On a ainsi culpabilisé une génération entière. Après l’effondrement du communisme, le thème de la Vergangenheitsbewältigung est en effet redevenu d’actualité. Mais ma position n’a pas changé. Avec Golo Mann, je suis même l’un des rares hommes de droite qui se soient prononcés en faveur d’une amnistie générale pour les anciens dirigeants de la RDA. Certains disent que c’est injuste, car il y a des crimes (indéniables) qui ne seront jamais punis. Ma réponse est qu’en rentrant dans l’engrenage des poursuites et des procès on aboutirait à une plus grande injustice encore : la mise en suspicion de toute une partie du peuple par une autre partie de ce même peuple. Du reste, à l’heure actuelle, une grande partie des principaux chefs de la Stasi s’est déjà reconvertie dans les affaires !

  • Peut-on dire que depuis 1989, l’Allemagne est entrée dans une période nouvelle de son histoire ?

Bien sûr. La réunification a été le point de départ du grand “tournant”. Les Allemands ont subitement découvert qu’ils vivaient depuis quarante ans sous une cloche à fromage, et ils n’en sont pas encore revenus ! Ils jouissent désormais d’une unité recouvrée, c’est-à-dire d’une liberté plus grande, mais ils ne savent pas encore ce qu’ils veulent en faire. C’est en partie un problème de générations. La génération d’après-guerre s’est montrée politiquement irresponsable. C’était une génération d’enfants gâtés, élevés par des parents épuisés par les épreuves qu’ils avaient connues et qui n’ont pas pu leur consacrer le temps qu’il aurait fallu. À la fois culpabilisés et apolitiques, ces jeunes ont vite oublié le martyre de leurs mères qui, à l’Est, furent violées en masse par les Russes, tandis qu’à l’Ouest elles durent se prostituer aux soldats américains pour permettre à leur famille de manger. Mais voici qu’apparaît maintenant une nouvelle génération, celle des fils et des filles de ces enfants de l’après-guerre. Cette génération-là est volontiers cynique. Elle se moque de tout ce qu’on lui a appris. Elle se moque, parfois même en termes cruels, de la culpabilité que les parents ont intériorisée pendant si longtemps. Quand cette génération remplacera la précédente, il y aura une nouvelle Allemagne.

  • Pour l’instant, il n’y a guère de débat politique en Allemagne. Les extrémistes de droite et de gauche s’affrontent avec plus de brutalité que jamais. D’où vient cette violence ?

Il y a toujours eu de la violence dans la vie politique allemande, tout simplement parce que les Allemands prennent au sérieux, peut-être trop au sérieux, ce qu’ils croient être vrai. S’y ajoutent les effets d’une rééducation plus morale que politique, qui sert d’alibi et de bonne conscience.

  • En mai-juin dernier, le programme scolaire de la Norddeutsche Rundfunk a présenté une série de trois émissions sur la Révolution conservatrice. Peut-on dire que la RC est encore d’actualité ?

Et comment ! Il y a peu, certains disaient : la Révolution conservatrice, c’est une histoire de grands-pères. Mais les mêmes qui disaient cela se référaient au libéralisme et au marxisme, c’est-à-dire aux idéologies de leurs arrière-grands-pères ! La vérité est que la RC est toujours restée une source d’inspiration pour les néoconservateurs, exactement de la même façon que la culture de Weimar n’a jamais cessé de parler à la gauche d’après la guerre. Aujourd’hui, même si c’est surtout à l’étranger que les travaux les plus sérieux s’effectuent, la RC fait l’objet d’une redécouverte permanente. Tout récemment encore, Friedbert Pflüger a publié, chez Econ, un livre intitulé Deutschland driftet : Die Konservative Revolution entdeckt ihre Kinder. Un journal comme Junge Freiheit, qui est le premier hebdomadaire de ce genre à toucher un public aussi important (il diffuse à plus de 100.000 exemplaires), se situe à bien des égards dans le prolongement direct de la Révolution conservatrice. D’ailleurs, il y a aujourd’hui en Allemagne deux catégories de gens de gauche : d’un côté les idiots qui multiplient les actes de violence sous couvert de “vigilance antifa” et de l’autre les gens sérieux, intelligents, qui s’en prennent à la RC parce qu’ils savent qu’elle constitue pour eux le véritable danger. Et inversement, il y a à droite de plus en plus de gens qui comprennent que la Révolution conservatrice est plus que jamais la façon la plus moderne d’être conservateur.

  • Quels sentiments a pu éprouver l’auteur de La Révolution conservatrice en Allemagne en voyant Helmut Kohl et François Mitterrand se rendre de concert chez Ernst Jünger ?

De l’amusement, d’abord, devant la surprise que les Allemands de gauche, et parfois aussi de droite, ont manifestée devant pareil “scandale”. Les Allemands ont découvert à cette occasion que bien des Français, à commencer par votre chef de l’État, voient en Jünger le plus grand auteur allemand vivant, ce qu’ils sont pour leur part encore rarement capables d’admettre ! J’ai par ailleurs un certain respect pour Kohl. J’aime son côté direct, paysan. Au moment de la réunification, il s’est comporté comme un véritable homme d’État. S’il était mort après la chute du Mur, on l’aurait regardé comme le père de la patrie ! Mitterrand, c’est différent. Il a un talent indéniable, mais il manque de stature historique. La première fois qu’il a rendu visite à Jünger, j’ai dit à ce dernier : “Maintenant, on ne peut plus rien contre vous. Il faut parler à votre peuple !” Jünger m’a seulement répondu : “Laissez-moi donc en paix”.

  • Quelle est la dénomination qui, selon vous, pourrait vous définir le mieux ?

Anarchiste de droite.

Influence

Armin Mohler a influencé :

Publications

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  • Die Konservative Revolution in Deutschland 1918–1932 - Ein Handbuch, 1950 (rééd. sous la direction de Karlheinz Weissmann, Ares Verlag, 2005, 643 p.)
  • Die Schleife. Festschrift für Ernst Jünger, 1955 (nouvelle éd. 2001)
  • Die französische Rechte. Der Kampf um Frankreichs Ideologienpanzer, Isar-Verlag, München 1958
  • Die fünfte Republik, Piper, München 1963
  • Was die Deutschen fürchten – Angst vor der Politik, Angst vor der Geschichte, Angst vor der Macht, Seewald Verlag, Stuttgart-Degerloch, 1966, 249 p.
  • Vergangenheitsbewältigung. Von der Läuterung zur Manipulation, Seewald Verlag, Stuttgart 1968
  • Sex und Politik, Rombach, Freiburg/Breisgau 1972
  • Von rechts gesehen, Seewald Verlag, Stuttgart, 1974, 343 p.
  • Tendenzwende für Fortgeschrittene, Criticon-Verlag, München 1978, 207 p.
  • Vergangenheitsbewältigung oder Wie man den Krieg nochmals verliert, Sinus, Krefeld 1980
  • Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, 1987
  • Liberalenbeschimpfung. Drei politische Traktate, Heitz & Höffkes, Essen 1990
  • avec Dieter Stein: Im Gespräch mit Alain de Benoist. Junge Freiheit Verl., Freiburg 1993
  • Ravensburger Tagebuch. Meine Zeit bei Ernst Jünger 1949/50, Wien 1999
  • Georges Sorel. Erzvater der Konservativen Revolution, Bad Vilbel 2000
  • Der Streifzug. Blicke auf Bilder, Bücher und Menschen, Dresden 2001
  • Das Gespräch. Über Rechte, Linke und Langweiler, Dresden 2001
  • Lieber Chef... Briefe an Ernst Jünger 1947-1961
  • Gegen die Liberalen, Éditions Antaios, 2015, 80 p.
  • Der faschistische Stil, Éditions Antaios, 2020, 96 p.
  • Notizen aus dem Interregnum, Éditions Antaios, 96 p.

Textes parus en français

Ouvrages

  • « Zeev Sternhell, nouvel historiographe du fascisme », in : Armin Mohler, Robert Steuckers et Thierry Mudry, Généalogie du fascisme français. Dérives autour des travaux de Zeev Sternhell et Noel O’Sullivan, Idhuna, Genève, 1986 (rééd. Diffusion du Lore, 2017), 99 p., p. 3-23.

Articles parus dans la revue Orientations

  • « Hommage à Oswald Spengler », no 1, janvier 1982[2].
  • « Mafia, Goulag et agonalité », no 2, 1982.

Articles parus dans la revue Éléments

  • « Jünger, le retour de "l’auteur du siècle" », 19 avril 1978.
  • « Thomas Mann, portrait d’un "apolitique" », 2 septembre 1975.

Articles parus dans la revue Nouvelle École

  • « Devant l'histoire. Quelques remarques non-systématiques », n°27-28, 1975.
  • « Le tournant nominaliste. Un essai de clarification », n°33, 1979.
  • « Le "muralismo mexicano", un art populaire de notre temps », n° 39, 1982.
  • « Le "style" fasciste », n°42, été 1985, pp. 59-86.
  • « Schmittistes de droite, schmittistes de gauche et... schmittistes établis », n°44, 1987.
  • « Kondylis, l'anti-Fukuyama », n°47, 1995.

Préfaces

Bibliographie

Cité dans

  • Benjamin Demeslay, Stefan George et son cercle. De la poésie à la Révolution conservatrice, collection Longue Mémoire de l’Institut Iliade, La nouvelle librairie, Paris, 2022.
  • Robert Steuckers, La Révolution conservatrice allemande - Biographies de ses principaux acteurs et textes choisis, tome I, éditions du Lore, 2014, 348 p.

Liens externes

  • Série d'articles consacrés à Armin Mohler sur le site Archives EROE (Armin Mohler, l’homme qui nous désignait l’ennemi, « Homme de droite à sa façon » - Hommage à Armin Mohler pour ses 75 ans, extraits de l'autobiographie d'Armin Mohler, Armin Mohler ou l'image comme argument - Hommages à Armin Mohler pour ses 80 ans, etc) : [1]
  • Vidéo Vers un renouveau du conservatisme ? (Armin Mohler), sur la chaîne Ego non, décembre 2021 : [3]

Notes et références

  1. L’article 94 du Code pénal militaire suisse, intitulé « Atteintes à la puissance défensive du pays », condamne tout « service militaire étranger », à l'exception de la garde du Pape. Instauré à la base pour faire disparaître le mercenariat, il ne fait explicitement aucune mention de rétribution matérielle. Dans la pratique, il a servi souvent à condamner les combattants politiques, notamment les volontaires de la guerre d’Espagne, de la Waffen-SS, des diverses factions des conflits de l’ex-Yougoslavie des années 1991-2001, ainsi qu’un combattant pro-Kurde en 2013.
  2. Le texte de cet article est reproduit en intégralité sous l'entrée Oswald Spengler.