José Antonio Primo de Rivera

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José Antonio Primo de Rivera, dit souvent José Antonio, né le 24 avril 1903 à Madrid et mort le 20 novembre 1936 à Alicante, est un militant et homme politique espagnol, fondateur en 1933 de la Phalange Espagnole qui devient en 1934 la Phalange espagnole des JONS.

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Condamné à mort par un tribunal formé d'anarchistes et exécuté le 20 novembre 1936 à Alicante, il est considéré comme l'un des plus grands martyrs du nationalisme espagnol et une figure européenne du soldat politique.

Biographie

Une jeunesse madrilène

José Antonio Primo de Rivera y Saenz de Heredia est né au soir du 24 avril 1903, au numéro 22 de la calle de Genova, à Madrid. Il est le premier enfant de doña Casilda, âgée de 23 ans, épouse du lieutenant-colonel Miguel Primo de Rivera, de dix ans son aîné. Ascendance andalouse par le père, castillane par la mère. Les parents appartiennent tous deux à la noblesse, mais« comptent plus de blasons que d’argent »[1]. Le couple donnera encore naissance à cinq autres enfants : Miguel, Carmen, les jumelles Pilar et Angelita, et Fernando. Peu de temps après la naissance de Fernando, doña Casilda, de santé fragile, meurt. Le père, officier de l’Armée d’Afrique, ne pouvant s’occuper de sa famille, confie sa progéniture à sa sœur Maria (que les enfants appellent affectueusement tia Má). À cinq ans, José Antonio partage la vie des enfants de son âge entre études et jeux. Son caractère se dessine déjà: il est volontaire, énergique, sensible. De 1912 à 1917, les deux fils aînés étudient sous la direction de professeurs particuliers. Après le baccalauréat, José Antonio entreprend des études à la Faculté de droit de la capitale. Il y obtient une licence en janvier 1923. Trop jeune pour exercer la profession d’avocat, il commence un doctorat. Une discipline l’intéresse tout particulièrement: la politique sociale[2]. Ses plus fidèles amis et condisciples sont alors Raimundo Fernandez Cuesta et Ramon Serrano Suñer. Tous deux joueront plus tard un rôle crucial dans l’histoire du mouvement phalangiste.

Un premier engagement politique : défendre la mémoire de son père

Le 13 septembre 1923, son père, nommé un an auparavant Capitaine général de Catalogne (i.e. gouverneur de la région), réalise un coup d’État. Aucune résistance ne lui est opposée. Après quarante-huit heures d’hésitation, le roi Alphonse XIII confie à l’officier putschiste le soin de constituer un nouveau gouvernement et lui accorde les pleins pouvoirs. Commence alors une dictature qui durera sept ans et qui comptera à son actif plusieurs réformes sociales et économiques de première importance (nomination dans chacune des 27 corporations d’un arbitre gouvernemental tranchant les conflits relatifs aux salaires et aux conditions de travail ; renforcement du protectionnisme en faveur de l’industrie nationale ; mise en chantier de grands travaux publics; éradication du chômage et développement sans précédent de l’instruction publique). Mais une crise économique après cinq ans de relative prospérité, l’opposition des intellectuels libéraux, des grands propriétaires terriens et de la bourgeoisie d’affaires – ainsi que la sourde réprobation d’une partie de l’armée – auront raison de la dictature. Le 28 janvier 1930, Miguel Primo de Rivera présente sa démission au roi et prend le chemin de l’exil. Il mourra à Paris six semaines plus tard. Jusqu’au décès de son père, José Antonio s’était tenu à l’écart de toute activité politique. C’est dans le seul but de défendre la mémoire du défunt qu’il va adhérer à l’Union Monarchique Nationale et présenter sa candidature aux Cortès (1931). Il sera largement battu par le représentant du gouvernement mais se lancera bientôt dans une lutte acharnée qui, plusieurs décennies durant, marquera l’Histoire espagnole.

La Seconde République[3]

Le 14 avril 1931, les électeurs espagnols sont appelés aux urnes. Il ne s’agit que d’élections municipales, mais celles-ci donnent aux républicains dans plusieurs grandes villes une incontestable majorité (même s’ils sont battus dans l’ensemble du pays, près de 60 % des voix se portant sur des candidats monarchistes). Sous la pression de la rue madrilène et devant l’affirmation du séparatisme catalan, Alphonse XIII quitte la terre d’Espagne et se réfugie d’abord à Paris, ensuite à Rome. Le pays, au début des années 30, compte 24 millions d’habitants. Sur une population active de près de 9 millions, 5 millions sont agriculteurs. Le reste se répartit entre industrie et services. La base de cette pyramide sociale est constituée par un énorme prolétariat rural. Numériquement faibles, les classes moyennes ne jouent dans la société qu’un rôle quasi insignifiant. Malgré les efforts entrepris sous la dictature, l’analphabétisme touche de 30 à 40 % de la population. Dès les premiers mois, les leaders républicains (Manuel Azaña, Niceto Alcalá Zamora, Alejandro Lerroux) initient une politique antireligieuse et antimilitariste, se heurtant aux institutions les plus fortes du pays. Des églises sont incendiées et, le 30 juin, le pouvoir ferme l’Académie militaire. Dans les faubourgs ouvriers, dans les campagnes, le mot « révolution » est sur toutes les lèvres. Les anarchistes et l’extrême gauche s’impatientent: le 19 janvier 1932, une révolte éclate dans le bassin du Llobregat. La Confédération nationale du travail (CNT anarchiste) publie un manifeste dénonçant l’échec de l’État républicain. Gardes civils et militaires interviennent contre les insurgés. Le sang coule. Des centaines de militants libertaires se retrouvent en prison. Cette même année, José Antonio est soupçonné d’avoir participé au complot réactionnaire du lieutenant-général Sanjurjo. Arrêté, il sera finalement relâché faute de preuves. José Antonio rejette les vieilles formules politiciennes. Il s’intéresse à l’expérience fasciste italienne, en apprécie les vertus mais en dénonce le culte de l’État et le corporatisme – qu’il juge bien timide face au capitalisme. En 1933, il collabore à l’unique numéro de l’hebdomadaire El Fascio (qui sera saisi par la police avant d’être diffusé). L’étranglement du Fascio, résultat de pressions socialistes et marxistes, incite le jeune avocat à créer une organisation politique. Avec l’aviateur Julio Ruiz de Alda, héros du raid transatlantique ayant relié en 1926 l’Espagne à l’Argentine, il fonde le Mouvement espagnol syndicaliste (MES). Ayant enregistré plusieurs ralliements, Ruiz de Alda propose que soit modifié le nom du groupe. Il avance celui de Falange Española (FE) qui sera définitivement accepté lors de la réunion constitutive de la nouvelle formation[4]. La Phalange tiendra sa première réunion publique au Théâtre de la Comédie, à Madrid, le dimanche 29 octobre 1933. Du discours de José Antonio, retenons les points suivants:

• la condamnation sans appel de l’État libéral et de la ploutocratie. • la nécessité d’une forme de socialisme, mais le rejet du matérialisme historique, de la lutte des classes et de l’internationalisme prolétarien. • la patrie conçue comme synthèse transcendante, unité totale où s’intègrent tous les individus et toutes les classes. L’orateur précise: « La patrie ne peut être aux mains de la classe la plus forte ni du parti le mieux organisé. Que les partis politiques disparaissent! Personne n’est jamais né membre d’un parti politique. En revanche nous naissons tous membres d’une famille, nous sommes tous habitants d’une commune, nous nous livrons tous à l’exercice d’un travail… Et si tels sont nos unités naturelles, pourquoi avons-nous besoin de partis qui, pour nous unir en groupes artificiels, commencent par nous désunir dans nos réalités quotidiennes? »

Moins d’un mois après la création de la Phalange, des élections législatives sont organisées – qui verront la victoire des partis de droite, et principalement de la CEDA[5] José Antonio se présente comme candidat indépendant à Cadix. Il est élu avec 41720 voix. Le voici menant de front la consolidation du mouvement et le travail de député.

De la Phalange à la FE de las JONS.

Ruiz de Alda et José Antonio ne sont ni les premiers ni les seuls à refuser capitalisme et marxisme au nom de la patrie espagnole. Le véritable initiateur de la doctrine nationale-syndicaliste est Ramiro Ledesma Ramos. Né en 1905, ce fils d’instituteur de village, romancier et philosophe, disciple de Nietzsche et de Spengler, traducteur d’Heidegger et de Max Scheler, avait lancé en 1931 un hebdomadaire de combat intitulé La Conquête de l’État. Renonçant à une brillante carrière universitaire, cet homme de vaste culture et d’intelligence exceptionnelle allait se lancer dans l’action révolutionnaire et fonder les Juntes d’offensive nationale-syndicaliste (JONS). Cet agnostique n’hésitera pas à se proclamer fasciste et unira ses efforts à ceux du catholique Onésimo Redondo Ortega, fils de paysans, « conservateur sur le plan des mœurs, mais farouche partisan d’une réforme agraire radicale »[6].

Dès août 1933 débutent des négociations visant à unir FE et JONS. Dans un premier temps Ledesma Ramos se montre jaloux de son indépendance. En février 1934 pourtant, les deux organisations fusionnent, donnant naissance à FE de las JONS. Les couleurs des JONS (le rouge et le noir) ainsi que son symbole (le joug et les cinq flèches croisées) sont choisis pour identifier la formation nouvelle. Un triumvirat composé de José Antonio, Ledesma Ramos et Ruiz de Alda (ce dernier étant nommé président) veille aux destinées du national-syndicalisme. Huit mois plus tard, José Antonio sera élu seul chef de la structure unifiée par un Conseil national composé de 43 membres.

Les 9 points fondamentaux

Dans le premier numéro du journal phalangiste FE paraissent, le 7 décembre 1933, neuf principes politiques rédigés par José Antonio[7]:

• La Phalange espagnole croit fermement en l’Espagne. L’Espagne n’est pas un territoire, ni un agrégat d’hommes et de femmes. L’Espagne est avant tout une unité de destin qui existe comme quelque chose de supérieur à chacun des groupes sociaux qui la composent – même s’ils sont tous réunis. Les fins de l’Espagne sont la durée de son unité, la renaissance de sa vitalité et sa participation aux grandes entreprises spirituelles du monde.

• Pour atteindre ces fins, l’Espagne doit vaincre les séparatismes locaux, les divisions politiques et la lutte des classes. Les séparatismes oublient la réalité vivante de l’Espagne. L’Espagne n’est ni une langue ni une race. Rien ne peut justifier que soit rompue sa magnifique unité dans l’universel. Les partis politiques considèrent la patrie d’un point de vue partiel. Les uns sont à droite, les autres à gauche. Se situer ainsi devant l’Espagne, c’est déjà défigurer sa vérité. La lutte des classes est un fléau. Aux époques de crises, les patrons abusent des ouvriers qui eux-mêmes ne songent qu’à la défense de leurs intérêts. Ni les ouvriers ni les patrons ne se rendent compte qu’ils coopèrent à une œuvre d’ensemble.

• L’idée de l’Espagne s’est temporairement perdue. Il faut la restaurer. Cette idée est supérieure aux différences entre Catalans, Castillans, Galiciens, Basques, Asturiens, Andalous… Elle est supérieure à la lutte des partis comme à la lutte des classes.

• Certains conçoivent l’État comme un simple gardien de l’ordre. D’autres aspirent à s’en emparer pour le plier à leurs intérêts de groupe ou de classe. La Phalange espagnole souhaite un État appartenant à tous et qui assigne à chacun ses devoirs, ses droits, ses sacrifices.

• Le nouvel État sera basé sur les réalités vitales: la famille dont l’intégrité devra être respectée, la commune qui sera autonome, et le syndicat qui sera à la base de la vie nationale. Les partis politiques disparaîtront.

• Le nouvel État se situera bien au-delà de la lutte des classes. Parce qu’il appartiendra à tous, il considérera comme ses fins propres les fins de chacun des groupes qui le composent. Rien ne mérite plus l’attention de l’État que la dignité et le bien-être des travailleurs.

• Les profits du capital seront subordonnés aux intérêts supérieurs de la production nationale.

• La Phalange considère l’homme comme un ensemble formé d’un corps et d’une âme, capable d’un destin éternel et porteur de valeurs immuables. Elle accorde donc le plus grand respect à la dignité humaine, à l’intégrité de l’homme et à sa liberté.

• La Phalange refuse l’interprétation matérialiste de l’Histoire. Elle ne peut considérer la vie comme un simple jeu de facteurs économiques. Le spirituel est le ressort de la vie des individus et des peuples. L’un des aspects majeurs du spirituel est la religion. Toute reconstruction de l’Espagne doit prendre un sens catholique sincère. Cela ne signifie pas que les persécutions contre les non-catholiques vont renaître, ou que l’État assumera des fonctions religieuses. L’État nouveau s’inspirera de l’esprit catholique traditionnel espagnol, mais ne tolérera aucune immixtion de l’Église susceptible de porter atteinte à sa dignité propre ou à son intégralité. Voilà ce que veut la Phalange espagnole… Pour y parvenir, elle appelle à une croisade. Ceux qui y participeront devront considérer la vie comme un service et un sacrifice: discipline et danger, abnégation et rejet de toute vanité. Ni paresse, ni médisance. La justice et la patrie seront défendues par la violence si elles sont attaquées par la violence ou par la ruse, mais jamais la Phalange n’emploiera la violence comme instrument d’oppression. Tout ce qui est faisceau ou phalange est union, coopération enthousiaste et fraternelle, amour…

Le tribut du sang

Tandis que s’affine la doctrine et la vision du monde phalangistes, le mouvement s’organise. Le recrutement s’intensifie. Les premières publications (FE, Libertad, Arriba) sont vendues à la criée, ce qui provoque la rage des adversaires marxistes. Des vendeurs sont attaqués. Le 27 janvier, Vicente Perez, gérant de kiosque ayant accepté de vendre FE est retrouvé sans vie[8]. Le 8 mars, à Madrid, un ouvrier phalangiste est assassiné. Le 27, c’est un adolescent de 15 ans qui tombe sous les coups des Rouges. Le 9 février, Matias Montero Rodriguez, responsable du syndicat phalangiste universitaire (SEU), est abattu de cinq balles de revolver dans une rue de Madrid. D’autres militants tomberont encore… En avril, sous le nom de Première Ligne, des groupes nationaux-syndicalistes d’autodéfense se forment dans toute l’Espagne. Leurs miliciens rendront coup pour coup. En mai, une circulaire adressée aux provinces reconnaissait deux types de membres : militants et adhérents (Arnaud Imatz[9] estime à cette époque les effectifs du mouvement à 10000 membres).

Le 12 juillet, Pilar, sœur de José Antonio, crée un groupe de femmes phalangistes qui sera bientôt appelé à jouer un rôle social important. Meetings, concentrations de militants et actions de propagande se succèdent à un rythme effréné. Le 6 octobre, le Conseil national adopte la chemise bleue comme signe distinctif du mouvement. Le lendemain, un millier de phalangistes défilent dans Madrid. À la Puerta del Sol, José Antonio harangue ses fidèles: depuis quarante-huit heures, anarchistes et socialistes contrôlent les Asturies. Ils entendent ainsi s’opposer à l’entrée du leader de la CEDA dans le cabinet que forme le radical Lerroux. Mineurs de la CNT et de l’UGT occupent Oviedo. 30000 ouvriers ont formé une Armée rouge qui exige l’abolition de la République et la constitution d’un gouvernement authentiquement socialiste. Face au danger, la Phalange offre sa collaboration au gouvernement pour écraser l’insurrection et, dans toute la province, participe sous ses propres couleurs à la défense des cités et des hameaux. Malgré ce geste, le gouvernement s’entêtera à persécuter les nationaux-syndicalistes, à suspendre leurs journaux, à fermer leurs permanences.

1935, l'année des crises gouvernementales

En janvier, en désaccord avec José Antonio qu’il accuse de suivre une ligne bourgeoise, Ramiro Ledesma Ramos quitte la Phalange. Il sera suivi par quelques dizaines de militants. Heurts inévitables dans un parti révolutionnaire[10] José Antonio ne désarme pas. À quelques semaines du départ des dissidents, il organise un grand meeting à Salamanque – auquel assiste Miguel de Unamuno. Il prend ensuite la parole à Madrid, à Villagarcia, à Corralès de Zamora… Il est sans cesse sur la brèche. Aux premiers jours d’avril se produit une crise ministérielle: la CEDA abandonne le gouvernement… qu’elle réintégrera en mai : « Noces stériles des radicaux et des démocrates-chrétiens » écrira José Antonio dans Arriba. La démocratie républicaine marque ses limites: l’Espagne compte 600 000 chômeurs, la violence est quotidienne. Le régime parlementaire est discrédité et le chef du gouvernement impliqué dans une série de scandales financiers (Straperlo, affaire Nombela). Extrême gauche et patriotes intransigeants montent en puissance: la Phalange accentue son influence parmi les ouvriers et les étudiants, mais il apparaît clairement que ce sont les marxistes qui s’apprêtent à recueillir la succession du gouvernement failli. Le 20 octobre, à Madrid, Manuel Azaña, figure de proue de la gauche républicaine, prononce un discours devant 250000 personnes. Les poings se lèvent, l’Internationale gonfle les poitrines et enflamme les cœurs. Le Front populaire espagnol est né. Le 16 novembre, lors du second Conseil national, Raimundo Fernandez Cuesta est élu Secrétaire général du mouvement. Le lendemain, José Antonio réunit les membres du Conseil dans la grande salle du cinéma Madrid. Il affirme que « la prochaine lutte ne se fera pas autour des notions caduques de droite et de gauche, mais bien entre – d’une part – le front asiatique de la révolution soviétique dans sa version espagnole et – d’autre part – le front national de la jeune génération en ligne de combat ». Se pose donc la question de la création d’un « front national », seul capable de battre la gauche. Mais avec quels partis s’unir? Et comment conserver identité et programme au sein d’un regroupement électoral dominé par des conservateurs? Le jeune chef phalangiste expose ses exigences minimales à un journaliste de Blanco y Negro: « Nous acceptons d’adhérer à un Front national. Mais nous demandons impérativement que ce front donne au peuple espagnol une foi nouvelle dans son unité de destin et une volonté réelle de résurrection. Nous demandons d’élever la vie matérielle des travailleurs, ce qui exige la liquidation du capitalisme par une nationalisation du crédit. Une réforme agraire – qui donnera les bonnes terres aux familles paysannes – est tout aussi indispensable. Pour cela, il faudra sacrifier un certain nombre de rentiers qui, sans risque ni effort, tirent des sommes énormes de l’affermage de leurs terres aux paysans. Peu importe. Le peuple doit vivre, et il n’a pas d’argent pour acheter toutes les terres dont il a besoin. Il faut faire la réforme agraire de façon révolutionnaire, c’est-à-dire en imposant à ceux qui ont de grands domaines le sacrifice de donner aux paysans la part qui leur manque ». Il termine par une mise en garde aux partis de droite: « Tout ce qui ne sera pas l’acceptation sincère d’un tel programme n’aura rien d’une véritable hostilité au bolchevisme – qui s’appuie sur une conception matérialiste du monde –, mais ne sera qu’une conception – également matérialiste – pour conserver un ordre économique et historique blessé à mort. »

Lorsque se termine l’année 1935, sept crises gouvernementales ont ébranlé le pays. Nul ne doute que l’année nouvelle sera grosse de haines et d’interrogations.

Les prémices de la guerre civile

Le 6 janvier 1936, José Antonio fait connaître aux responsables phalangistes chargés de l’organisation du Front national les points essentiels à maintenir lors des négociations avec la CEDA et les monarchistes: antimarxisme et antiséparatisme. Il précise que la Phalange devra se réserver de 25 à 30 candidatures éligibles. La semaine suivante, il lance son manifeste électoral. Les diverses formations de gauche se présentent unies aux élections législatives prévues pour le 16 février. Pour satisfaire à la stratégie du Komintern, ont accepté de se regrouper: le Parti communiste, le Parti socialiste ouvrier espagnol, le Parti ouvrier d’unification marxiste, la Gauche républicaine et l’Union républicaine. Cette alliance est soutenue par les nationalistes galiciens de l’ORGA, par l’Esquerra republicana de Catalunya et, pour la toute première fois, par les anarchistes. La droite réactionnaire s’est elle aussi unifiée. Quant à la Phalange, elle se présente seule, chrétiens-démocrates et monarchistes ayant rejeté le programme proposé par José Antonio. À la veille des élections, le mouvement compte plus ou moins 15000 membres (dont une moitié d’étudiants). Ils mèneront campagne avec courage, mais lors du décompte final la Phalange, totalisant 45000 voix, n’obtiendra aucun élu. Le Frente popular triomphe. Pourtant, sa victoire n’est en partie qu’un leurre. Si les partis de gauche dominent bien les nouvelles Cortes, s’ils possèdent une confortable majorité d’élus… ils ne le doivent qu’aux règlements électoraux en vigueur. Car les droites les précèdent de 400000 voix. L’Espagne, irrémédiablement, est divisée en deux blocs antagonistes d’égale puissance. Afin de revivifier l’ardeur de ses cadres, José Antonio envoie le 21 février la circulaire suivante: « Le résultat de la lutte ne doit pas nous décourager. Vu la loi électorale, la Phalange ne pouvait espérer aucun siège, mais il était urgent de signaler par une attitude d’indépendance l’absence de compromis et de ressemblance avec les partis de droite. Nous avons pu ainsi affirmer la ligne nationale-syndicaliste, anticapitaliste et révolutionnaire de notre Mouvement. La gauche aujourd’hui réinstallée au pouvoir est capable de réaliser d’audacieuses réformes. Le tout est de savoir si elle saura affirmer son caractère national et éviter les dérives séparatistes. Si elle y réussit, si au brio révolutionnaire dans le domaine social, elle joint un haut degré de spiritualité espagnole, le gouvernement de la gauche sera peut-être bénéfique pour notre patrie. Tant que les forces gouvernementales ne trompent pas la marge de confiance qu’on peut leur accorder, il n’y a aucune raison pour que la Phalange se laisse gagner par le mécontentement. Par conséquent, les responsables veilleront à ce que personne n’adopte d’attitude hostile envers le nouveau gouvernement, ni de solidarité avec les forces de droite vaincues. Nos militants refuseront d’écouter toute invitation à des conspirations ou projets de coups d’État. Ils s’abstiendront de toute manifestation agressive – sauf en cas d’attaque de nos camarades. »

La victoire du Front populaire entraîne le retour d’Azaña. Le 27 février, le gouvernement décide la fermeture de tous les locaux de la Phalange et la suspension de ses journaux. Voici venu le temps des catacombes. Le 5 mars paraît le dernier numéro d’Arriba. Le 14 mars, José Antonio est incarcéré à la Prison Modèle[11]. En quelques heures, 2000 personnes – soit la quasi-totalité des cadres et des militants chevronnés de la Première Ligne – sont emprisonnées. Dans la cour, José Antonio impose à ses camarades des séances quotidiennes d’études doctrinales et de sport. Il ira même jusqu’à organiser des matches de football acharnés entre détenus phalangistes et anarchistes! Début mai, de nouvelles élections ont lieu dans la province de Cuenca (Nouvelle-Castille). À l’instigation de Serrano Suñer, les droites présentent la candidature de José Antonio. S’il est élu, il quittera la prison et bénéficiera de l’immunité parlementaire. Mais le gouverneur civil décide alors de ne comptabiliser que les voix se reportant sur l’un des candidats présents au premier tour. Irrégularités et falsifications rendent impossible la connaissance exacte des résultats. Serrano Suñer – alors député de la CEDA – démontrera au Parlement que le leader phalangiste avait bien été élu. Mais officiellement, c’est le Front populaire qui remporte l’élection. José Antonio demeure prisonnier. Un afflux massif d’ex-membres de la CEDA et de groupes monarchistes gonfle soudain les rangs de la Phalange – seul force d’opposition structurée. Le nombre des affiliés a quadruplé. S’ils ne manquent pas d’enthousiasme, ces nouveaux phalangistes ne risquent-ils pas de déborder le mouvement par la droite? José Antonio le craint et multiplie les mises en garde aux cadres des chemises bleues. Contre le gouvernement, il envisage depuis peu le recours à la force et, dans ce but, se rapproche de cercles militaires eux aussi convaincus de l’imminence de la révolution marxiste. Des feuilles clandestines (No importa, Aquí estamos) diffusent consignes et mots d’ordre.

La mort en face

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1936, les autorités décident de transférer José Antonio et son frère Miguel à la prison d’Alicante, où ils vont occuper deux cellules contigües. À Madrid et à Barcelone, la violence se déchaîne. Incendies volontaires, meurtres et attentats politiques sont réalités quotidiennes. Les communistes font régner la terreur; l’État de droit n’existe plus. De multiples complots se noueront pour faire échapper le chef de la Phalange. Tous échoueront.

Dans la matinée du 13 juillet, le corps du député monarchiste José Calvo Sotelo est retrouvé abandonné dans un cimetière madrilène. En apprenant la nouvelle, le ministre du Front populaire Julián Zugazagoita déclare à l’un de ses amis: « Cet attentat, c’est la guerre ».

Le soulèvement militaire programmé depuis plusieurs mois éclate dans le Rif quatre jours plus tard. Le lendemain, il atteint la péninsule ibérique. Il est victorieux au Maroc espagnol, à Séville, Cordoue, Mérida, Saragosse, Pampelune. La Navarre entière se soulève. À Tolède, le colonel Moscardo résiste aux milices marxistes. Mais Madrid, Barcelone, Valence et Alicante demeurent zones républicaines[12].

Alicante où s’ouvre le 17 novembre le procès de José Antonio, de son frère Miguel et de l’épouse de ce dernier. Parodie de procès. Verdict sans surprise. Si Miguel et son épouse sauvent leurs têtes, il n’en va pas de même pour José Antonio. Condamné à mort pour rébellion et complot contre la République, il est fusillé le 20 novembre entre deux Requetes et deux phalangistes.

En novembre 1939, son corps est exhumé d’une fosse commune et porté à dos d’hommes d’Alicante à l’Escurial. Tout le long des 450 kilomètres, une foule dense salue le bras tendu et se recueille. La dépouille sera ensuite transférée à la Valle de los Caidos, une cathédrale achevée en 1959, creusée dans le roc et érigée à la mémoire de ceux qui – vainqueurs et vaincus – sont tombés pour une Espagne meilleure entre 1936 et 1939.

En avril 2023, le corps de Jose Antonio Primo de Rivera, qui repose depuis 1959 dans la basilique de la Vallée de Los Caïdos, est exhumé pour être enterré dans le cimetière madrilène San Isidro.

Postérité

La guerre mobilise toutes les énergies. « Pour la Patrie, le pain et la justice », les milices phalangistes combattent avec vaillance. Mais le 19 avril 1937, Francisco Franco, généralissime des forces armées et futur chef de l’État, décide de fusionner toutes les composantes politico-militaires insurgées. Ce décret d’unification avec les militaires, les Carlistes et les restes de la CEDA marquera la fin du phalangisme. Le successeur de José Antonio, l’ouvrier mécanicien Manuel Hedilla Larrey, s’oppose au diktat franquiste. Il est immédiatement emprisonné. Un conseil de guerre le condamne à mort le 5 juin. Gracié 40 jours plus tard suite aux interventions de Serrano Suñer et de Benito Mussolini, Hedilla connaîtra la prison, puis la résidence surveillée aux Baléares. Il devra attendre avril 1946 avant de recouvrer la liberté. Et il ne sera définitivement réhabilité qu’en mai 1953.

Après la fin du conflit et la victoire des forces nationales, les symboles de la Phalange seront présents partout. José Antonio sera – avec le Caudillo – l’icône du Régime. D’Algésiras à San Sebastian nombre d’avenues, de places, de stations de métro porteront son nom. Mais l’idéal phalangiste sera sacrifié sur l’autel du « réalisme politique ». Certes, le régime de Franco aura connu de nombreuses réussites: il aura tenu l’Espagne exsangue en dehors de la Seconde Guerre mondiale, aura créé une classe moyenne forte et promu le pays parmi les premières puissances économiques mondiales. Mais il figure aussi parmi les régimes les plus cléricaux et les plus conservateurs du XXe siècle. Il ira même, hélas, jusqu’à concéder la présence de bases militaires américaines sur son sol.

Citations

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« La Phalange espagnole croit fermement en l’Espagne. L’Espagne n’est pas un territoire, ni un agrégat d’hommes et de femmes. L’Espagne est avant tout une unité de destin qui existe comme quelque chose de supérieur à chacun des groupes sociaux qui la composent – même s’ils sont tous réunis. Les fins de l’Espagne sont la durée de son unité, la renaissance de sa vitalité et sa participation aux grandes entreprises du monde. » (9 points fondamentaux)

« Certains conçoivent l’Etat comme un simple gardien de l’ordre. D'autres aspirent à s’en emparer pour le plier à leurs intérêts de groupe ou de classe. La Phalange espagnole souhaite un Etat appartenant à tous et qui assigne à chacun ses devoirs, ses droits, ses sacrifices.» (9 points fondamentaux)

« La révolution est l’œuvre d’une minorité résolue, inaccessible au découragement, dont la masse ne comprend pas les premiers mouvements parce que, victime d’une période de décadence, elle a perdu cette chose précieuse qu’est la lumière intérieure. » (« Autour de la Révolution », Haz, 12 octobre 1935)

« La vie ne vaut pas d’être vécue si ce n‘est pour la brûler au service d’une grande cause

« Je n’ai jamais été votre ennemi. Mon rêve est celui de la Patrie, du pain et de la justice pour tous les Espagnols, surtout pour ceux qui ne peuvent se réconcilier avec la Patrie parce qu’ils manquent de pain et de justice.» [Devant le peloton d'exécution]

Œuvres de José Antonio

  • Obras completas, Edición cronológica, Recopilación de Agustín del Río Cisneros, Delegación Nacional de la Sección Femenina de F.E.T. y de las J.O.N.S., Madrid, 1959. Cette édition chronologique des œuvres complètes fut publiée initialement en 1954 et régulièrement rééditée jusqu'en 1974.
  • L'édition des œuvres complètes publiée par l'Instituto de Estudios Políticos en 1976 sous la direction de Agustín del Río Cisneros est disponible en ligne (version pdf).
  • L'édition la plus récente des œuvres complètes, dite Edición del Centenario, a été publiée en deux volumes sous la direction de Rafael Ibáñez Hernández en 2007 par l'association.

Traductions françaises

Textes à l'appui

Le fondateur de la Phalange, par Antonio Medrano

La traduction de cet article est parue dans le numéro 13 de la revue Totalité.

« Il faut racheter les peuples contre eux-mêmes », disait Eugenio d’Ors, formulant ainsi un des principes de ce qu’il appelait la « politique de mission ». Ces mots pourraient résumer le destin tragique et la vie missionnaire de ce grand poète de la vie et du combat politique que fut José Antonio Primo de Rivera, que sa tentative de racheter le peuple espagnol conduisit au martyre.

Né à Madrid le 24 avril 1903, c’est le fils du général Primo de Rivera, marquis d’Estella et Grand d’Espagne, instaurateur de la dictature qui régit l’Espagne dans la période qui va de 1923 à 1930 et qui la sortit de l’effondrement auquel l’avait soumise le régime parlementaire de la Monarchie constitutionnelle. Il hérite de son père les dons de commandement les plus accusés et un port aristocratique, qui contribueront décisivement à former son futur rôle de chef. C’est l’aîné de six enfants, dont la majorité jouera aussi un rôle remarquable dans la gestation du mouvement phalangiste (que l’on pense au cas de sa sœur Pilar ou de ses frères Miguel et Fernando). Son enfance et sa prime jeunesse se passent à Algésiras, ville andalouse dont était originaire son père. Il fait ses études universitaires à l’université Centrale de Madrid, où il obtient la licence en droit en 1923. Durant cette même année, il accompagne son père dans le voyage qu’il fait en Italie, avec les rois d’Espagne, et à Rome, il est présenté à Mussolini, qui exercera sur le jeune aristocrate une incontestable fascination. En 1925, José Antonio ouvre une étude à Madrid, se consacrant entièrement à sa profession d’avocat, qu’il exerce brillamment et pour laquelle il éprouve une véritable passion. Sous la dictature, il n’occupa aucune charge publique de quelque type que ce soit, vivant sans ostentation, retiré de la politique et se consacrant à son activité professionnelle. À aucun moment il ne prétendit se servir de son nom – de la position de son père – pour obtenir des avantages ou des prébendes qui ne proviendraient pas de son propre effort. Bernd Nellessen nous présente José Antonio comme « un jeune aux sentiments délicats, intelligent, qui s’intéressait beaucoup à la littérature, fidèle à la tradition catholique de sa famille dédiée au service de l’État ».

En 1930 meurt le général Primo de Rivera à Paris, où il vivait en exil depuis la chute de son régime. Comme aîné, José Antonio hérite du titre de marquis et devient Grand d’Espagne. C’est alors que commence son travail politique, surtout centré, en ce début, sur la défense de la mémoire de son père. Il mène à bien cette entreprise avec véhémence et une loyauté filiale exemplaire, ce qui ne l’empêche pas de reconnaître, avec cette vision sereine et équilibrée qui le caractérisera toujours, les erreurs et les déficiences dont souffrit la dictature. En 1931, il milite, fidèle à la tradition familiale, bien que timidement et toujours au second plan, dans les rangs monarchistes, qui essaient de se réorganiser. Il entre à l’Union monarchiste nationale, essai de création d’un bloc unitaire destiné à rassembler les deux branches bourboniennes, carlistes et alphonsins. En septembre de cette année, il fait irruption pour la première fois sur la scène publique en se présentant comme candidat aux Cortes[13] pour Madrid. Les thèmes de sa campagne électorale tournent toujours autour de la défense de son père. Il n’est pas élu et ne tardera pas à perdre ses illusions sur le militantisme monarchiste en constatant les dissensions, l’inefficacité et le manque de vision qui règnent dans le camp monarchiste espagnol. Il commence à étudier le fascisme, dans le créateur duquel il voit l’homme politique génial qui fut l’ami de son père et son maître d’une certaine manière (ce n’est pas par hasard si le coup d’État du général Primo de Rivera survint un an après la Marche sur Rome, comme la tentative de répéter en Espagne l’action salvatrice du Duce et de ses « chemises noires »). En 1932, à la suite de l’échec du soulèvement monarchiste de Sanjurjo, il est arrêté à Saint-Sébastien, et remis en liberté car il n’a pas le moindre lien avec la tentative de coup d’État.

1933 est une année-clé de la vie de José Antonio. Elle marque son entrée définitive dans l’arène politique, à laquelle il fera don de toute son énergie et de sa vie elle-même. Il commence à organiser ce qui va être plus tard le mouvement phalangiste avec des tentatives à peine ébauchées comme celle du Front espagnol (Frente Espanol), celle du Fascisme espagnol (Fascismo Espanol) ou celle du Mouvement espagnol syndicaliste (Movimiento Espanol Sindicalista). Le 16 mars 1933 paraît le premier (et unique) numéro d’El Fascio, périodique édité par Manuel Delgado Barreto, dont l’édition sera entièrement retirée par les autorités démocratiques. José Antonio collabore à la nouvelle (et avortée) publication par différents articles, parmi lesquels « Orientations pour un nouvel État », où se profile déjà une partie de ce qui sera l’idéologie phalangiste. Il commence par dire que « l’État libéral ne croit en rien, pas même en lui-même », et il conclut par l’affirmation suivante : « Toutes les aspirations du nouvel État pourraient se résumer en un mot : Unité. La Patrie est une totalité historique, où nous nous fondons tous, supérieure à chacun de nos groupes ». Dans une autre de ses contributions, qui paraît sous le titre de « Distinguos nécessaires », il déclare, tirant les opportunes leçons de l’expérience paternelle et dissipant tout malentendu : « Nous, nous ne proposons pas une dictature », qui est toujours quelque chose de transitoire et ne touche pas le fond du problème, mais « une organisation nationale permanente », « un État fort » sur une base corporative. Le 13 octobre de la même année, il rend visite à Mussolini, avec lequel il a une conversation cordiale. Dans son prologue à la traduction espagnole de l’œuvre du chef italien El Fascismo, il rappellera cette entrevue qu’il eut avec le Duce, dans lequel il voit l’« image du Héros fait Père, qui veille près de sa petite lumière permanente sur le travail et sur le repos de son peuple ».

Le 29 octobre 1933, il prononce le célèbre discours du Théâtre de la Comédie, d’une telle hauteur poétique et d’une telle nouveauté radicale qu’il réussira à impressionner Unamuno et qu’il restera comme l’une des pièces maîtresses, l’un des plus beaux témoignages de l’art oratoire espagnol du présent siècle. Par ce discours, la Phalange et son fondateur font acte de présence sur la scène de l’histoire d’Espagne. Cette réunion marque la naissance de la Phalange. Alors commence sa fébrile activité politique, que déjà rien ne pourra arrêter et qui, jour après jour, gagne en intensité et en élévation. Peu de mois après, il est élu député aux Cortès pour la province de Cadix, et il fonde l’hebdomadaire FE, dont les forces marxistes empêcheront la diffusion par tous les moyens violents à leur disposition.

En février 1934 a lieu la fusion de la Phalange espagnole et des JONS, qui viennent ainsi unir leurs forces à ce qui est déjà indiscutablement le mouvement national-révolutionnaire le plus important d’Espagne. À la tête de la nouvelle organisation se trouve un triumvirat formé de Primo de Rivera, Ledesma Ramos et Ruiz de Aida. Cette année-là est aussi créée la Section féminine du mouvement, à la tête de laquelle se trouve Pilar Primo de Rivera. José Antonio est victime, à Madrid, d’un attentat qu’il affronte avec courage, pistolet en main, faisant fuir ses assaillants. En mai de la même année, il voyage en Allemagne, pour étudier sur le terrain le régime national-socialiste. Pendant sa visite, le fondateur de la Phalange a un entretien avec Alfred Rosenberg, principal idéologue du national-socialisme, lequel, selon ce qu’il rapporte dans ses Mémoires, manifeste à José Antonio sa sympathie pour le mouvement phalangiste et déconseille au jeune leader espagnol la traduction de son œuvre, uniquement pensée pour l’Allemagne, lui faisant remarquer que « l’Espagne a ses propres traditions originales » et « au cas où elle aspirerait à l’établissement de nouvelles et justes formes de vie sociale elle devrait les rattacher à sa propre tradition » : un point sur lequel José Antonio se montre pleinement d’accord. En septembre 1934, il prend contact avec Francisco Franco, au moyen d’une lettre dans laquelle il appelle l’attention du jeune et déjà alors brillant général sur le danger de bolchevisation et de désintégration qui plane sur l’Espagne. Dans les premiers jours d’octobre est convoqué le premier Conseil national de la Phalange espagnole des JONS, au cours duquel José Antonio est élu chef national. Sa première décision est l’adoption de la chemise bleue, couleur « nette, sérieuse, entière et prolétaire », comme uniforme du mouvement.

1934 est une année pendant laquelle José Antonio déploie une intense action de prosélytisme, parcourant les plus différentes régions d’Espagne et prononçant discours et conférences qui profilent le contour doctrinal de la Phalange.

En 1935 croît le climat de tension dans tout le pays. La sanglante tragédie de la guerre civile se dessine déjà. José Antonio intensifie sa campagne de recrutement et de diffusion des nouvelles idées dans les principales capitales espagnoles. Le 21 mars, il fonde le périodique Arriba, qui remplace FE, interdit par le régime en juillet 1934. Dans ce périodique il publie des articles et des essais d’une grande importance doctrinale, collaborant de même à l’hebdomadaire étudiant Haz. En juin a lieu dans la sierra de Gredos une réunion clandestine de la Junte politique, au cours de laquelle on s’accorde que la seule voie de sortie pour éviter la soviétisation, le démembrement et la ruine de l’Espagne, c’est la lutte armée. Francisco Bravo annonce la prochaine victoire des gauches, soutenant qu’au lieu d’attendre la persécution, il conviendrait mieux de préparer le soulèvement. À partir d’alors, l’attitude combative de l’organisation s’accentuera puissamment, ses efforts étant dirigés vers la préparation d’une rébellion militaire et populaire.

Vers le milieu de décembre de cette si critique année 1935, José Antonio assiste au congrès fasciste de Montreux[14]. [...][15] Lors de ce congrès, le chef de la Phalange se montre hostile à la constitution d’une sorte d’internationale fasciste, proposée par certains des assistants, car il considère ce projet incompatible avec le caractère éminemment national du mouvement qu’il dirige.

Après la victoire du Front populaire aux élections de février 1936, la persécution de la Phalange et de ses dirigeants s’accentue. Le 14 mars, la Direction générale de la Sûreté ordonne la fermeture de tous les centres du mouvement et l’arrestation des principaux chefs. José Antonio est arrêté à son domicile et le jour suivant il entre à la prison de Madrid. Dans sa cellule, il rédige sa « lettre aux militaires d’Espagne », feuille clandestine dans laquelle il appelle aux armes les militaires d’honneur pour qu’ils empêchent l’« invasion des barbares » et qu’ils arrêtent la ruine de la Patrie. Il qualifie dans cette lettre l’armée de « sauvegarde du permanent » et, dans les paragraphes intitulés « L’heure a sonné », il demande aux militaires espagnols de ne pas laisser sans réponse « le tocsin de guerre qui s’approche ». Le 20 mai, il ordonne le lancement de la publication clandestine No importa, dont quelques numéros paraîtront avant le 18 juillet.

Le 6 juin, après l’échec de plusieurs tentatives d’évasion, il est transféré à la prison d’Alicante, avec son frère Miguel. De là il donne l’ordre aux phalangistes de toute l’Espagne de collaborer au soulèvement militaire qui se prépare. Le 17 juillet, un jour avant le Soulèvement, il lance son dernier manifeste. Il y affirme que dans la lutte armée qui va éclater ne se décide pas autre chose que « la pérennité de l’Espagne », la réalité d’« une Patrie grande, unie, libre, respectée et prospère ». Dans les mois suivants échouent différentes tentatives de libération, entreprises par des groupes phalangistes de la région. Devant la peur de l’évasion, le chef de la Phalange et son frère sont isolés. En novembre de cette année-clé pour l’Espagne et pour l’Europe, José Antonio passe en procès devant un « tribunal populaire », qui le condamne à mort. « Plaise à Dieu que mon sang soit le dernier sang espagnol qu’on verse dans des discordes civiles », dit-il dans son testament. Le 20 novembre, le fondateur de la Phalange est fusillé avec quatre autres jeunes, deux militants phalangistes et deux requetés, que peu avant de mourir il encourage en disant : « Courage, garçons, il ne s’agit que d’un moment. Nous obtiendrons une vie meilleure ! »

Pendant la guerre civile, dans l’Espagne nationale qui se refusait à croire à sa disparition définitive, on l’appela « L’Absent », jusqu’à ce qu’en novembre 1938 « le Caudillo », Francisco Franco, déclare publiquement sa mort.

La guerre finie, ses restes seront solennellement transférés, sur les épaules de phalangistes de la « Vieille Garde », d’Alicante à L’Escurial, dans le célèbre monastère duquel ils reposèrent temporairement, avant d’être conduits, vingt ans plus tard, à leur lieu de repos définitif dans la monumentale basilique de la Valle de los Caidos, érigée par le général Franco pour commémorer la geste de la « Croisade » et accueillir les restes des morts des deux camps.

José Antonio est, sans aucun doute, un des dirigeants fascistes européens dont le souvenir et l’héritage doctrinal exercent le plus puissant attrait sur la jeunesse de nos jours. Y contribuent de façon décisive son port noble et juvénile, sa position classique et profondément religieuse, son attitude toujours sereine et mesurée, sa langue claire et tranchante, son attitude révolutionnaire et combative, la beauté et le caractère contondant de ses expressions, l’exemple de sa vie et de sa mort (« il a toujours cru son exemple supérieur à ses paroles », écrit Luys Santa Marina, un de ses inconditionnels, fidèles jusqu’à la dernière heure), l’authenticité de son dévouement à l’action, qui s’intensifie par moments et finit scellé par son propre sang. Comme le disait Lain Entralgo dans sa période de ferveur phalangiste, le José Antonio des derniers moments, fruit mûr d’une lente évolution – ou si l’on préfère d’une transformation intérieure – est l’homme d’action exemplaire, « le chef révolutionnaire, capable d’allier une inabdicable dévotion à la forme et à l’intelligence avec les urgences démagogiques du héros politique » ; le chef populaire, « à la fois agitateur et aristocrate, styliste et révolutionnaire ». Robert Brasillach, le jeune poète français amoureux de l’Espagne, fusillé dans l’euphorie de la « libération » démocratique de 1945, considérait le « Jeune César » – comme on l’appelait dans l’Espagne nationale qui renaissait à la chaleur de son verbe –comme le héros le plus grand et le plus pur du fascisme, ce « mal du siècle »[16] qu’il a lui-même défini comme « la poésie même du XXe siècle »

Mais la force actuelle du message josé-antonien est surtout déterminée par l’excellence et la profondeur de ses formulations doctrinales, qui s’élèvent au-dessus des circonstances du moment et qui se caractérisent par leur profond réalisme, éloigné de toute démagogie et des mesquines passions que provoquent la lutte de partis et la politique de masses. On trouve chez peu d’hommes politiques et de penseurs de ce siècle une analyse aussi lucide et un diagnostic aussi juste du mal qui afflige l’humanité, le tout uni à une précise et encourageante formulation des remèdes à appliquer.

José Antonio Primo de Rivera, n’en déplaise aux ennemis de sa doctrine, aux récalcitrants de l’antifascisme, s’est conquis de droit une place éminente dans l’histoire de la pensée espagnole. Et, cette place, personne ne peut encore la lui enlever. Comme l’écrivait Azorin, le maître de la « génération de 98 », José Antonio « s’éloigne au plus profond de l’histoire, et sa personne devient de plus en plus légère ; il a la légèreté de l’immortel […]. À mesure qu’il s’éloigne […] une lumière pure, une sorte de lumière incréée, entoure sa personne ».

Son œuvre comprend beaucoup plus qu’une simple idée politique. C’est toute une vision du monde et de la vie qui s’y trouve tracée. Une vision du monde et de la vie de la plus haute valeur poétique, d’une nouveauté radicale et en même temps d’une nette inspiration traditionnelle, d’une puissante force transformatrice et révolutionnaire, authentiquement espagnole mais également d’une valeur universelle. Ce que les yeux de José Antonio embrassent de leur génial regard poético-philosophique, ce qui se trouve au centre de sa pensée et de sa doctrine, c’est le mal du monde moderne, le terrible problème de la décadence de l’Occident et de la culture européenne, la grave crise de l’humanité occidentale – crise dont le libéralisme, le communisme, le capitalisme, l’anarchisme, la désintégration de la Patrie, les luttes sociales, et tant d’autres phénomènes ne sont que des expressions partielles.

José Antonio est un authentique poète de la politique ; une authentique personnification de l’idéal que lui-même formulera dans une expression clairvoyante. En d’autres mots : un homme d’action et de pensée qui a épuré la politique de l’adultération dont elle avait souffert dans les temps modernes, qui l’a libérée de sa gangue d’impuretés, de mesquinerie et de bassesse auxquelles l’avait mêlée l’ère bourgeoise, et l’a revêtue du profil sacré, de la splendeur dorée et solaire de l’antique tradition impériale. Un « guerrier du divin » (guerrero a lo divino) – pour employer une expression médiévale espagnole –, dont le regard va au- delà des problèmes du moment et des frontières de sa patrie, pour devenir une vision prophétique et divinatoire d’une valeur permanente et universelle. Un homme politique qui s’élève au-dessus de la politique, qui va au-delà de ce que celle-ci signifie aujourd’hui et qui transforme l’action ordonnatrice de la société en une haute entreprise spirituelle, orientée vers le maintien de l’ordre divin de l’univers. « José Antonio, par sa conduite et sa doctrine – a écrit Per Engdahl, remarquable penseur suédois – fut un capitaine dans l’armée des héros de l’esprit […]. José Antonio, plus qu’un homme, fut un évangile, une doctrine – le National-Syndicalisme – qui après sa mort demeura non seulement pour les Espagnols, mais aussi pour toutes les forces nationales de l’Europe, comme un testament sacré. » « Le dernier grand penseur occidental de la nation », l’a appelé Jésus Fueyo y Feravia. Et Eurdiaga le considère comme le dernier des penseurs traditionalistes espagnols. Même si ces qualificatifs sont pleinement justifiés dans une vision rétrospective, je crois qu’on pourrait plutôt le considérer, avec le regard tourné vers le futur – ce futur qui, comme le signale la doctrine islamique, se trouve dans la main de Dieu –, comme le penseur et le poète anticipateur de l’Empire en plein XXe siècle, comme un des premiers hérauts de la restauration traditionnelle, impériale, aryenne et solaire de l’Occident. « Rêveur de l’Empire », l’appela Victor de la Serna. Et même s’il est certain que l’idée d’Empire présente dans l’idéologie phalangiste n’est pas vraiment l’idée authentique et traditionnelle, car elle ne réussit pas à dépasser la limitation nationale commune à tous les mouvements fascistes des années trente et quarante – l’Empire est conçu comme le résultat de la plus grande expansion du pouvoir d’une nation donnée, et non comme une réalité placée au-dessus de la nation –, néanmoins, la répudiation du nationalisme (proclamée, au moins, théoriquement et de manière explicite) et la vocation à l’universalité implicite dans la pensée josé-antonienne ouvrent la voie à une authentique formulation du principe impérial, adaptée aux temps actuels. Par ailleurs, la conception-clé de l’« unité de destin dans l’universel », appliquée à l’idée de Patrie, se prête de manière indépassable à une extension supranationale, devenant en ce sens parfaitement applicable à l’édification de l’Empire : unité supranationale, universelle, intégrée par des unités moindres qui trouvent en celle-ci leur plein sens et la place adaptée à la réalisation de leur destin particulier. Comme l’a fait remarquer un commentateur portugais de l’œuvre josé-antonienne, José Miguel Alarcao Judice, dans cette dernière la nation est conçue « comme une étape sur le chemin de l’universel », « comme moment d’une évolution qui portera au futur dépassement de la réalité nationale par des organismes d’un plus grand degré intégratif » : « un projet dont la réalisation et la perfection marquera le commencement d’un nouveau processus d’aspect supranational, pour lequel, à notre époque, il ne semble cependant pas encore y avoir les conditions ».

Par sa vie et par son œuvre, José Antonio figure certainement à l’avant-garde historique de la future révolution traditionnelle de l’Occident. Nous pouvons voir en lui un de ces hommes illuminés, qui, dans la conjoncture critique des années trente, eurent l’intuition de la possibilité d’un réveil et qui, avec toutes les insuffisances que l’on voudra, amorcèrent à travers leur action et leur pensée la Révolution intégrale qui doit rénover la vie des peuples européens et qui, en les réinsérant dans l’ordre cosmique, devra les faire revenir à l’ordre et à la paix.

« Le fondateur de la Phalange, entre l’admiration et la haine », par Arnaud Imatz

Commémoration de la mort de José Antonio le 20 novembre 2021.

En comparaison de Francisco Franco, le cas de José Antonio Primo de Rivera est totalement différent. Le vieux dictateur meurt de maladie et de complications infectieuses, le 20 novembre 1975, après trente six ans de pouvoir sans partage. Le jeune avocat madrilène, élu chef de la FE de las JONS en 1934, est condamné à mort par un Tribunal populaire et fusillé en catimini dans la cour de la prison d’Alicante, le 20 novembre 1936, après un simulacre de procès. Les points de ressemblance entre les deux hommes sont rares , en dehors de la coïncidence des dates de leurs morts : les deux aiment leur patrie et sont des catholiques pratiquants ; ils ont une douloureuse expérience de la lutte des classes et de la division des partis ; enfin, ils ignorent la peur et dédaignent l’argent.

De la propagande franquiste à la désinformation antifasciste

« José Antonio, ce méconnu », tel était le titre opportunément choisi par la rédaction du Monde, pour un article publié par mes soins en octobre 1983[17]. Trente ans plus tard, pour qualifier le fondateur de la Phalange le mot juste serait plutôt « ignoré ». José Antonio est devenu le véritable tabou de l’historiographie espagnole de droite comme de gauche. Victime de la manipulation idéologique qu’en firent les franquistes, honni et vomi par les auteurs néolibéraux, néo-sociaux-démocrates et postmarxistes, il est passé sous silence ou caricaturé par la majorité des journalistes est des historiens.

Ses Œuvres Complètes, éditées en pleine transition démocratique par l’Institut d’Études Politiques de Madrid (1976), ont été intégralement détruites[18]. Les conférences programmées sur son nom par les universités espagnoles ont été régulièrement annulées, sans raisons avouées. Pendant des décennies, la RTVE, puis, les principales chaînes de télévision du pays, ont censuré et interdit toute émission qui prétendait lui accorder un peu d’importance.

Lorsqu’un journaliste récalcitrant s’obstine, l’émission est tout simplement supprimée. Dans le meilleur des cas, on décrit José Antonio comme un esprit contradictoire, ambigu, qui aurait cherché dans le fascisme la solution de problèmes personnels et affectifs; dans le pire, il est tenu pour un pâle imitateur de Mussolini, un apprenti dictateur, un homme de main du capital, démagogue, autoritaire, arrogant, violent, raciste et antisémite. On répète à l’envi qu’il ne dédaignait pas le culte de la personnalité, qu’il préférait le pathos au logos, la passion au raisonnement, voire que sa pensée était simplificatrice ou manichéenne.

Mais répéter à satiété quelques formules insultantes n’est pas démontrer. Les actes, les discours et les écrits de José Antonio, ne correspondent guère à cette légende[19]. Le philosophe libéral, Miguel de Unamuno, avait vu en lui « un cerveau privilégié peut être le plus prometteur de l’Europe contemporaine ». Le prestigieux historien libéral, Salvador de Madariaga, l’avait défini comme une personnalité « courageuse, intelligente, idéaliste« . Des hommes politiques aux sensibilités de gauche, voire d’extrême gauche, comme Indalecio Prieto, Felix Gordón Ordas, Teodomiro Menendez, Diego Abad de Santillán ou des intellectuels renommés comme Gregorio Marañon, Alvaro Cunqueiro, Rosa Chacel, Federico García Lorca, Bertrand de Jouvenel, Gustave Thibon ou Georges Bernanos ont tous rendu hommage à son honnêteté et à sa sincérité. Des personnalités aussi opposées que Fidel Castro, Adolfo Suarez ou José Manuel Aznar ont été séduites dans leur jeunesse par la pensée du fondateur de la Phalange[20].

« Un héros de roman de cape et d’épées » disait de lui l’ambassadeur des États Unis, Claude Bowers. Mais José Antonio n’était pas que cela. Il était en réalité un esprit beaucoup plus fin, subtil et généreux que ne le prétendent les libelles et les hagiographies. Grand d’Espagne, il était devenu républicain de raison et s’était défait de toute nostalgie passéiste pour la monarchie. Il n’avait ni le goût excessif du militaire pour l’ordre et la discipline, ni l’attirance irrésistible de l’acteur politique pour la scène et la comédie. Beaucoup de ceux qui l’ont connu soulignent sa haute conception de la justice, son sens du devoir et de l’honneur, son magnétisme, son courage et son humour. Azorín, l’illustre écrivain de la Génération de 98, insiste sur sa « cordialité » et sa « bonté de cœur ».

José Antonio face à la violence

Pour la presse libérale et conservatrice de l’époque, José Antonio était un « national-bolchevique » qui confondait « fascisme » et « franciscanisme ». La droite n’eut en réalité de sympathie pour lui qu’après les élections de février 1936. Entre le 30 octobre 1933, date de création de la Phalange et le 10 juin 1934, pendant près de six mois, la Phalange fut victime de dix attentats mortels. José Antonio fut lui-même victime d’attentats à la bombe. Mais il refusa obstinément de lancer ses militants dans des représailles. Cette attitude lui valut le surnom de Simon le fossoyeur et son parti fut affublé du terme de Funeraria Española (Pompes funèbres espagnoles). Sous la République, 725 personnes périrent victimes d’affrontements (2225 en incluant les morts de la Révolution d’octobre 1934). La Phalange de José Antonio, dont environ 80 militants périrent sous les balles de leurs adversaires, est responsable, à titre de riposte, d’une cinquantaine de morts. Elle n’en est pas moins décrite le plus souvent comme le parti des « pistoleros ».

La phrase de José Antonio sur la nécessité de « la dialectique des poings et des revolvers lorsqu’on porte atteinte à la justice et à la patrie » (prononcée lors du discours de fondation de la FE en octobre 1933), est systématiquement accolée à son nom. Beaucoup la considèrent comme l’exemple archétypique de la violence gratuite. Mais elle ne faisait que répondre à la violence des années précédant la guerre civile. L’exemple des parlementaires fouillés à l’entrée de l’hémicycle pour éviter que leurs disputes ne dégénèrent en crimes (un grand nombre d’entre eux étant armés), est révélateur de l’état d’esprit de l’époque. Le député socialiste, Margarita Nelken, réclamait alors « des flammes gigantesques qui se verront d’un point à l’autre de la planète et des vagues de sang qui teindront les mers en rouge ». Le président du parti socialiste, Francisco Largo Caballero, déclarait: « Nous sommes en pleine guerre civile. Mais cette guerre n’a pas encore pris le caractère cruel qu’elle devra prendre inexorablement ». Le socialiste Indalecio Prieto tonnait: « Si le sang doit couler qu’il coule ». Le jacobin-libéral, Manuel Azaña, affirmait préférer : « À une république entre les mains des fascistes ou des monarchistes […] n’importe quelle catastrophe, même s’il nous faut répandre du sang ». Le conservateur-libéral, Gil Robles, proclamait pour sa part : « Nous voulons une patrie totalitaire. Peu nous importe s’il faut verser du sang. La démocratie n’est pas pour nous une fin, mais un moyen pour aller à la conquête du nouvel État ». Laissons le lecteur imaginer les propos incendiaires des communistes, trotskistes et anarchistes… Il est clair que les démocrates modérés et tolérants brillaient alors surtout par leur absence.

La troisième voie josé-antonienne

La filiation de José Antonio est celle des partisans de la troisième voie. « Ni de droite, ni de gauche« , il cherche à jeter un pont entre la tradition et la modernité. Il appartient à la lignée des révolutionnaires ou réformistes, radicaux ou modérés, autoritaires ou démocrates, socialistes organicistes ou nationaux populistes, qui prétendent associer, concilier, surmonter les contraires relatifs afin d’intégrer ouvriers, paysans, bourgeois et chômeurs dans la communauté nationale. Unir et fondre les traditions de droite et de gauche, refuser le particularisme égoïste et l’universalisme abstrait, lutter contre le matérialisme individualiste et collectiviste, tel est l’objectif de José Antonio. Il veut, dit-il, implanter une profonde justice sociale pour que sur cette base les peuples retournent à la suprématie du spirituel.

Ce projet idéaliste, il entend le mener à bien en procédant à la nationalisation des banques et des services publics, à une profonde réforme agraire et en créant une propriété familiale, communale et syndicale à coté de la propriété individuelle. La dimension religieuse et chrétienne, le respect de la personne humaine, le refus de reconnaître dans l’État ou le parti la valeur suprême, l’antimachiavélisme et le fondement non hégélien mais classique de l’État, sont autant d’éléments distinctifs de sa pensée. José Antonio n’était ni hégélien, ni darwiniste. Sa pensée est très proche de celle des non-conformistes français des années trente (Mounier, Fabrègues, Maxence, Rougemont, Daniel-Rops)[21] et de celle d’Eamon de Valera, le fondateur du Fianna Fain, futur président de la République irlandaise.

José Antonio et la guerre civile

José Antonio était convaincu du caractère inéluctable de la révolution socialo-marxiste et pour l’éviter il souhaitait une révolution par le haut. Il ne voulait pas d’une dictature de l’armée. Il rêvait d’un rapide coup d’État phalangiste qui se serait appuyé sur les secteurs militaires jeunes, « régénérationnistes » et réformistes. Aux élections de février 1936, la Falange se démarque soigneusement du Bloc National, coalition des droites, qui s’oppose au Frente popular. En mars, José Antonio et la plupart des leaders de la Phalange sont incarcérés. Le gouvernement espère alors se débarrasser définitivement d’une opposition encombrante. Mais le résultat inverse est obtenu. Les jeunes des partis conservateurs et libéraux affluent en masse dans les rangs du mouvement que le pouvoir croyait décapiter. Après la destitution illégale du président de la République par le gouvernement du Front populaire, le journal démocrate-chrétien Ya réalise une enquête parmi ses lecteurs sur la personnalité la plus apte à remplir les fonctions de chef d’État. La censure interdit de publier le résultat la veille de l’élection de Manuel Azaña (le 11 mai 1936) : José Antonio arrive en tête, devant le monarchiste Calvo Sotelo, lui-même suivi du libéral, Gil Robles. Le philosophe Ortega y Gasset occupe la neuvième place.

Soulignons le : fin juin – à la veille du soulèvement -, les membres du comité directeur de la Phalange se divisèrent sur le point de savoir s’il convenait ou non de joindre leurs forces à un soulèvement contre-révolutionnaire. Finalement, la volonté de s’opposer à la révolution marxiste l’emporta.

Pendant les premiers mois de la guerre civile, face au déferlement de haine et de sang, du fond de sa cellule d’Alicante, José Antonio résiste et se dresse presque seul. Il propose sa médiation pour tenter d’arrêter la barbarie. Peine perdue. Condamné à mort pour rébellion militaire, par un Tribunal populaire, alors qu’il a été emprisonné trois mois avant le soulèvement du 18 juillet, sa demande d’appel est rejetée. L’ordre de la condamnation à mort, envoyé directement de Moscou au président du Conseil, Francisco Largo Caballero, par l’intermédiaire de l’ambassadeur de Staline à Madrid, n’admet pas de réplique.

Dès l’annonce de sa condamnation, José Antonio se dirige vers le président du Tribunal, Iglesias del Portal, qui avait été son ami. « Je regrette le mauvais moment que je te fais passer » lui dit-il, puis, il lui donne généreusement l’accolade. La belle-sœur de José Antonio et les filles du président du tribunal, témoigneront de ce geste de réconciliation (lettre du 30 janvier 1955). Il meurt, dignement, sans haine, l’âme sereine, après avoir écrit dans son testament: « Plaise à Dieu que mon sang soit le dernier sang espagnol versé dans des discordes civiles. Plaise à Dieu que le peuple espagnol, si riche en qualités dignes d’être aimées, trouve dans la paix, la Patrie, le Pain et la Justice […] Que notre Seigneur accepte ma mort en sacrifice pour compenser en partie ce qu’il y a eu d’égoïsme et de vain dans ma vie. Je pardonne de toute mon âme à tous ceux qui ont pu me faire du tort ou m’offenser, sans aucune exception et je prie que tous ceux auxquels je dois la réparation d’un dommage grand ou petit me pardonnent […]. Je veux être enterré conformément au rite de la religion Catholique, Apostolique et Romaine, que je pratique, en terre bénite et sous la protection de la Croix ».

José Antonio devant l’Histoire

La disparition prématurée de José Antonio et celle de près de 60% des effectifs de la Phalange, dès le début de la guerre civile, laissaient idéologiquement le champ libre au général Franco. La quasi-totalité des leaders phalangistes ou nationaux-syndicalistes (Ramiro Ledesma Ramos, Onésimo Redondo, Julio Ruiz de Alda, etc.) avaient péri. En avril 1937, le Caudillo imposa à la Phalange et aux carlistes la fusion avec tous les partis de droite (monarchistes, républicains-conservateurs et libéraux de droite). Le nouveau mouvement informe, appelé Phalange espagnole traditionaliste (FET) compta bientôt plus d’un million de membres. En février 1936, la Phalange de José Antonio ne groupait pas plus de 10 à 20 000 militants. Élu second chef de la Phalange, le 18 avril 1937, Manuel Hedilla fut arrêté et détenu le 25 avril. Accusé d’avoir « conspiré » contre Franco, il fut condamné à mort pour avoir, en réalité, refusé l’unification avec les partis de droite. Très vite, les autorités franquistes comprirent l’avantage qu’elles pouvaient tirer d’un culte à José Antonio. Elles exaltèrent son exemple et son sacrifice, récupérant la phraséologie et la symbolique de son parti, mais éliminèrent systématiquement les thèmes révolutionnaires de sa doctrine. Sur 119 ministres du Caudillo, 7 (voire 21, selon les critères que l’on adopte), seront phalangistes. Ils occuperont, presque exclusivement, des portefeuilles à caractère « technique » ou « social », sans portée comme le travail, le logement ou l’agriculture. Les ministères-clefs, notamment ceux de l’économie ou de l’éducation nationale et de la culture leur échapperont toujours.

L’instrumentalisation par l’historiographie franquiste explique en grande partie la manipulation ou le silence embarrassé dont la figure du fondateur de la Phalange est aujourd’hui l’objet. Ramón Serrano Suñer, ministre des affaires étrangères, beau-frére du « generalisimo », le seul témoin des deux entretiens entre Franco et José Antonio, m’affirmait en 1985: « Les rapports entre eux étaient ni bons ni mauvais. C’était ceux de personnes qui, par leur mentalité, leur sensibilité et leur idéologie, se trouvent dans des mondes très éloignés. Il ne put jamais y avoir de discussion politique sérieuse entre eux. Il n’y eut jamais d’accord ou d’entente entre les deux ».

Il y a plus de 30 ans, dans un article du Figaro, qui invitait à lire la première édition de mon José Antonio et la Phalange, Pierre Chaunu dressait un surprenant parallèle entre « le nationalisme populaire » de Charles de Gaulle et le national-syndicalisme de José Antonio Primo de Rivera[22]. Soulignant le désir du futur général, alors colonel, de concilier et d’harmoniser les traditions libérale, socialiste et nationaliste, l’historien de l’Institut de France écrivait sans ambages : « Ce besoin de réconciliation en forme de dépassement dialectique se retrouve au même moment chez José Antonio Primo de Rivera ». Une thèse séduisante, à rapprocher de celle qui fait un parallèle entre le phalangisme josé-antonien, le Fianna Fail irlandais et le personnalisme chrétien des non-conformistes français des années trente.

Bibliographie

  • Michel Festivi, Les trahisons des gauches espagnoles, du républicanisme au totalitarisme : 1930/1936, Dualpha, Paris, 2021. [1]
  • Daniel Leskens, « José Antonio un être d’exception, un idéal mutilé », in: Réfléchir et agir, HS 2, 2015, p. 49-58.
  • Arnaud Imatz, José Antonio et la Phalange espagnole, Éditions Albatros, Paris, 1981, 620 p.
  • Arnaud Imatz (sous la dir.), La guerre d'Espagne revisitée, Préface de Pierre Chaunu, Economica, Paris, 1993
  • Olivier Grimaldi (sous la dir.), Présence de José Antonio, Synthèse éditions, Paris, 2013

Notes et références

  1. Gilles Mauger, José Antonio, Chef et Martyr, NEL, 1955, p.13
  2. Faute d’écrire sa thèse, il n’obtiendra pas le titre.
  3. Une Première République espagnole connut une existence éphémère de février 1873 (abdication du roi Amédée de Savoie) à janvier 1874 (coup d’État du général Manuel Pavia). Caractérisé par l’instabilité politique, ce régime fut ensanglanté par la troisième guerre carliste et par la « Guerre des Dix Ans » menée à Cuba par les forces indépendantistes.
  4. Les initiales FE forment le mot fe, qui signifie la foi.
  5. La Confédération espagnole des droites autonomes (CEDA) était un parti modéré rassemblant un large éventail politique allant des chrétiens-démocrates aux monarchistes. Il était dirigé par José Marίa Gil-Robles y Quiñones, personnage instable et vaniteux qui, de mai à décembre 1935, fut ministre de la Guerre du gouvernement Lerroux. Gil-Robles apportera ensuite son soutien au pronunciamiento de juillet 1936, puis s’exilera à la fin de la guerre civile. Après la Seconde Guerre mondiale, il prendra contact avec des monarchistes et des républicains – dont l’ancien dirigeant socialiste Indalecio Prieto – pour tenter de restaurer une monarchie parlementaire. Abandonné de tous, il est mort à Madrid en 1980.
  6. Jean-Claude Valla, Ledesma Ramos et la Phalange espagnole (Cahiers libres d’Histoire n°10, 2002)
  7. Le texte complet des 9 points est reproduit dans La Réponse de l’Espagne – Textes choisis de José Antonio Primo de Rivera (Editions du Movimiento, 1964, pp.57-70). Ces principes politiques seront rapidement complétés pour devenir les fameux « 27 points » programmatiques.
  8. Vicente Perez n’est pas le premier phalangiste assassiné. Dès novembre 1933, l’extrême gauche se lance dans une série d’attentats, tuant le militant jonsiste José Ruiz de la Hermosa. En décembre, c’est le boulanger Juan Jara qui est tué. Tombent encore sous les balles Paula Sampol et Tomas Polo. Soulignons le fait que José Antonio fut, pour des raisons religieuses, longtemps hostile à toute mesure de représailles contre les agresseurs marxistes.
  9. Arnaud Imatz est le meilleur connaisseur de la Phalange espagnole. Son ouvrage José Antonio, la Phalange espagnole et le national-syndicalisme, Godefroy de Bouillon, 2000, 600 p., est le travail le plus complet consacré à la Phalange.
  10. Ledesma Ramos tentera de relancer les JONS. Il rectifiera ensuite son jugement sur José Antonio mais, arrêté quelques jours avant le soulèvement franquiste, il sera abattu sans jugement par des miliciens communistes le 29 octobre 1936. Son corps sera ensuite jeté dans une fosse commune. Ses livres et articles seront mis à l’index par l’Église catholique dès 1939.
  11. Le dirigeant phalangiste est emprisonné parce que la police a trouvé des armes à son domicile. En 2013, l’historien Francisco Torres, auteur d’un ouvrage intitulé El último José Antonio (non traduit en français) affirmera que ces armes avaient été introduites dans la demeure par la police elle-même.
  12. Sur l’histoire de la guerre civile espagnole : Histoire de la Guerre d’Espagne de Robert Brasillach et Maurice Bardèche (Plon, 1939), La Guerre d’Espagne de Hugh Thomas (Robert Laffont, 1985) et La Guerre d’Espagne et ses lendemains de Bartolomé Bennassar, Perrin, 2004
  13. Les Cortes : ensemble des deux chambres législatives (NDT).
  14. Il s'agit du deuxième Congrès de Montreux. Lors du premier Congrès, qui s'est tenu les 16 et 17 décembre 1934, la Phalange espagnole a été représentée par Ernesto Giménez Cabalerro.
  15. Cette partie du texte a été enlevée car elle contient de nombreuses erreurs.
  16. En français dans le texte (NDT).
  17. « Il y a cinquante ans, la création de la Phalange Espagnole, José Antonio, ce méconnu », Le Monde, dimanche 30 – lundi 31 octobre 1983, p.2.; Voir : [2]
  18. Elles ont fait l’objet d’une réédition définitive plus de vingt cinq ans plus tard, établie par l’historien Rafael Ibañez Hernández : José Antonio Primo de Rivera, Obras completas, 2 tomes, Madrid, Plataforma 2003, rééd. 2007.
  19. Voir : Arnaud Imatz, José Antonio et la Phalange Espagnole, Paris, Albatros, 1981 et l’édition complétée, José Antonio, la Phalange Espagnole et le national-syndicalisme, Paris, Éditions Godefroy de Bouillon, 2000. Deux éditions actualisées ont été publiées ultérieurement en espagnol: José Antonio, Falange Española y el nacionalsindicalismo, Madrid, Ediciones Plataforma 2003 et José Antonio : Entre odio y amor. Su historia como fue, avec un prologue de l’académicien Juan Velarde Fuertes, Madrid, Áltera 2006, rééd. 2007.
  20. Voir les 1000 témoignages de personnalités culturelles et politiques, de droite et de gauche, recueillis par Enrique de Aguinaga et Emilio González Navarro, Mil veces José Antonio, Madrid, Plataforma 2003, 2003.
  21. J’ai appelé l’attention sur ce rapprochement, notamment dans mon essai « José Antonio y el fascismo : 70 años de historiografía » (in Proceso a José Antonio, II Jornadas Universitarias José Ruíz de la Hermosa, 2010). Depuis, Ernesto Milá a publié: José Antonio y los no conformistas. Personalismo y Revolución Nacional a los dos lados de los Piríneos, Barcelone, Eminves 2013.
  22. « De Gaulle à la lumière de l’Histoire » in Le Figaro, 4-5 septembre 1982, sur le livre de François-Georges Dreyfus, De Gaulle et le gaullisme, 1982.