Mythe
« Un pays qui n'a plus de légendes, dit le poète, est condamné à mourir de froid. C'est bien possible. Mais un peuple qui n'aurait pas de mythes serait déjà mort. La fonction de la classe particulière de récits que sont les mythes est en effet d'exprimer dramatiquement l'idéologie dont vit la société, de maintenir devant sa conscience non seulement les valeurs qu'elle reconnaît et les idéaux qu'elle poursuit de génération en génération, mais d'abord son être et sa structure mêmes, les éléments, les liaisons, les équilibres, les tensions qui la constituent, de justifier enfin les règles et les pratiques traditionnelles sans quoi tout en elle se disperserait. Tous ces récits ont une fonction, la même fonction, vitale » (Georges Dumézil).
Ne visant pas à convaincre mais à séduire, le mythe est un résumé mobilisateur de la personnalité d'une communauté, compris comme un récit fondateur : les héros, présentés par les mythes, cristallisent par exemple les types humains et les personnalités créatrices propres à une culture ou érigent en situation-type des évènements précis susceptibles de se reproduire. La dimension religieuse et sacrée du mythe le rend propice à la réactivation à tout moment de l'histoire. C'est pourquoi les dieux du paganisme constituent des mythèmes (éléments signifiants de mythe) toujours capables de trouver une nouvelle signification, une régénération. L'âge des mythes n'est nullement révolu ; il n'y a pas « primitivité » du mythe et celui-ci demeure toujours empreint de véracité même s'il emprunte une autre voie que le savoir rationnel. L'idée d'Empire, les cosmogonies hellènes ou germaniques sont, par exemple, porteuses de mythes parfaitement réactivables. De la tétralogie wagnérienne à la science-fiction, les temps modernes produisent toujours des mythes.
Notre conception-du-monde qui, parce qu'elle ne réduit pas l'homme à un animal rationnel, prend conscience de sa dimension mythique (cf. antiréductionnisme), doit s'employer à insérer, dans une modernité qui s'y prête, un nouveau discours mythique, tourné vers l'appel de l'avenir et le retour de l'immémorial. Le mythe est, par excellence, le domaine de "la plus longue mémoire"[1].
Polysémie
Le terme de mythe est aussi employé dans d'autres acceptions.
- Selon le Dictionnaire de l’Académie française, le mythe est une « représentation qu’un ensemble d’individus, en fonction de ses croyances, de ses valeurs, se fait d’une période, d’un fait, d’une idée, d’un personnage ». Il s’agit d’une image simplifiée que des groupes humains élaborent ou acceptent au sujet d’un individu, d’un groupe, d’un fait.
- Selon Bréhier, « le mythe n’est-il pas l’expression d’une pensée encore enfantine qui n’a pas encore su s’élever de l’image au concept, qui sait déjà raconter et qui ne sait pas encore expliquer? »[2]
- L’anthropologue Nicole Belmont rapproche les notions de mythe et de croyance populaire tout en traçant une nette distinction entre eux deux. Un mythe serait constitué d’une série d’énoncés qui se succèdent à la manière d’un récit. En contraste, la croyance populaire consisterait en un énoncé unique qui peut être résumé en un nombre restreint de phrases[3].
- Selon Mircea Eliade, « il serait difficile de trouver une définition du mythe qui soit acceptée par tous les savants et soit en même temps accessible aux non-spécialistes. D'ailleurs, est-il même possible de trouver une seule définition susceptible de couvrir tous les types et toutes les fonctions des mythes, dans toutes les sociétés archaïques et traditionnelles ? Le mythe est une réalité culturelle extrêmement complexe, qui peut être abordée et interprétée dans les perspectives multiples et complémentaires »[4].
Notes et références
- ↑ Guillaume Faye, Robert Steuckers et Pierre Freson, Petit lexique du partisan européen, Eurograf, Esneux, 1985 (rééd. Ars, Nantes, 1989), 108 p.
- ↑ Bréhier, E. (1914). Philosophie et mythe. Revue de métaphysique et de morale, 22(3), 361-381.
- ↑ Belmont, N. (1970). Les croyances populaires comme récit mythologique. L’Homme, 10(2), 94-108.
- ↑ Mircea Eliade, Aspects du mythe, Gallimard, 1963, p. 16.