Enzo Erra
Enzo Erra (Naples, 7 juillet 1926 - 11 septembre 2011) militant de la droite nationale italienne, journaliste et écrivain.
Sommaire
Biographie
Un « fils du soleil »
Fasciste dès sa prime adolescence, Enzo Erra quitte Naples lors de l'entrée des troupes anglo-américaines dans cette ville et se rendit à Rome, où, à 17 ans, il s'engage dans l'armée de la République sociale italienne. Il y sert dans la division San Marco.
Après la défaite, il retourne à Naples où il rejoint le mouvement Uomo Qualunque. En 1947, il s'installe à Rome et adhère au Movimento sociale italiano, dont il devient l'un des plus brillants animateurs du mouvement de jeunesse. En 1948, il fonde la revue La Sfida avec Pino Rauti et Egidio Sterpa, sous-titrée « organe des jeunes du MSI ». Lié au philosophe steinerien Massimo Scaligero, il entre par son intermédiaire en contact avec Julius Evola.
Elu membre de la direction du mouvement de jeunesse du MSI au congrès de mars 1949, il milite pour que le parti adopte des positions intransigeantes et il conteste les positions modérées de ses dirigeants. Par deux fois, en mai 1949 et en juillet 1950, il occupe avec d'autres jeunes militants le siège national du MSI pour protester contre des prises de position qu'il désapprouve. En 1950, il cesse de publier la Sfida, qu'il remplace par Imperium, une revue qui publiera de nombreux textes de Julius Evola et de Massimo Scaligero.
Il est arrêté en janvier 1951, lors d'une grande opération policière contre les Fasci d'azione rivoluzionaria, et reste emprisonné jusqu'en novembre de la même année[1]. Lors du Congrès d'Aquila du MSI (juillet 1952) il entre dans la direction nationale du parti et en septembre 1952, il devient secrétaire général du mouvement de jeunesse du MSI. Au IV° congres du MSI (Viareggio, janvier 1954) il participe, avec Pino Romualdi et Ernesto De Marzio, à une liste « de droite » qui s'oppose à la gauche du MSI, menée par Ernesto Massi, pour qui le fascisme se résume à un « socialisme national », au centre modéré d'Augusto De Marsanich et d'Arturo Michelini, ainsi qu'à la tendance menée par Giorgio Almirante.
En 1954, il quitte le secrétariat-général du mouvement de jeunesse pour prendre la direction de l'hebdomadaire Lotta Politica, l'organe officiel du MSI, mais celui-ci cesse de paraître en 1955. En 1955, il fait partie, avec Pino Rauti, des « jeunes évoliens », ou « spiritualistes », qui fondent le Centro Studi Ordine Nuovo[2].
En novembre 1956, au Ve congrès du MSI (Milan), Erra soutient toutefois Michelini (qui avait été élu secrétaire-général en octobre 1954) contre Almirante.
Départ du MSI
Au début de l'année 1958, il quitte le MSI pour fonder, avec Nicola Foschini, le Movimento nazionale italiano, qui s'allie, pour les élections, au Partito monarchico popolare de l'armateur napolitain Achille Lauro. Erra n'est pas élu lors des législatives de 1958. Il quitta alors la politique active pour se consacrer au journalisme. Il travaille alors pour le quotidien Roma de Naples (financé par Achille Lauro et qui compte Julius Evola parmi ses rédacteurs) et pour La Notte de Milan, pour lesquels il écrit des chroniques politiques et parlementaires.
La revue Intervento
En 1972, il participe au lancement de la revue bimestrielle Intervento, à laquelle vont collaborer les plus prestigieuses plumes de la culture de Droite italienne et internationale[3].
Intervento apparaît rapidement comme l’une des meilleures revues culturelles de droite dans l’Italie de l’après-guerre. Publiée par la maison d’édition de Giovanni Volpe (1906-1984), elle est, de 1972 à 1984, bimestrielle, puis devient trimestrielle, paraissant jusqu’au début des années 90. Parmi ses collaborateurs italiens plus ou moins réguliers, on relève les noms du philosophe catholique Augusto Del Noce, de l’éditeur traditionaliste Alfredo Cattabiani (qui joua un rôle important à la fin des années 60 et au début des années 70 pour relancer une culture de droite dans le cadre des éditions Rusconi), d’Evola lui-même, de Giano Accame, de Fausto Gianfranceschi et du philosophe Marcello Veneziani. Faisant preuve d’un certain éclectisme, Intervento a compté, parmi ses collaborateurs étrangers, les Français Bernard George, Roland Laudenbach, Jean Cau, Jean Anouilh, le Suisse Armin Mohler, Thomas Molnar et le penseur d’origine grecque et d’expression française Kostas Papaioannou[4];[5].
La Nuova Destra
A la fin des années 1970, Enzo Erra patronne la création de la Nouvelle droite italienne et collabore à la revue Elementi lancée par celle-ci.
Il réintègre aussi le MSI à la fin des années 1980. Entre 1990 et 1992, il soutient Pino Rauti, alors en charge du secrétariat national du parti. Il quitte le MSI et la vie politique quand Gianfranco Fini accède à la direction du mouvement national italien.
Le Fronte nazionale
Le 13 juillet 1997, Adriano Tilgher, Tomaso Staiti de Cuddia et Enzo Erra, tous trois alors cadres du Mouvement social - Flamme tricolore, convoquent une assemblée d'environ deux cents dirigeants et militants. Ils contestent la direction du parti menée par Pino Rauti. Après une violente confrontation verbale, les trois hommes sont exclus sous prétexte qu'ils auraient « nui à l'activité du mouvement et à son ordre interne ».
Le 26 septembre, ils annoncent la création d'un nouveau parti : le Fronte Nazionale, dont Erra devient le porte-parole officiel.
Thèses
Enzo Erra est marqué très tôt par Julius Evola, mais aussi par le théoricien spiritualiste Massimo Scaligero.
Le fascisme comme intervention dans l'histoire
Erra défend une ligne radicalement antidémocratique, hostile aux tendances héritières de la toute dernière période de la République sociale italienne et qui se réclament, elles, d'un « socialisme national ».
En dépit de certaines critiques qu'il adresse à l'historien Renzo De Felice, il lui sait gré d'avoir fait ressortir plusieurs points, à ses yeux essentiels, du phénomène fasciste. Ainsi, tout comme De Felice et comme Emilio Gentile, Erra considère que le fascisme ambitionnait d'être l'amorce d'une « nouvelle civilisation ». Pour lui, la guerre d'Espagne et la Deuxième guerre mondiale n'ont pas été des conflits idéologiques, mais des affrontements entre « visions du monde ». Les difficultés interprétatives du phénomène fasciste viennent essentiellement de l'obstination à lui appliquer des critères et des schémas qu'il a rejetés d’emblée : ainsi les cadres de droite et de gauche, de révolution et de contre-révolution, de tradition et de modernité. Erra opère par ailleurs une très nette distinction entre, d'une part, l'optimisme du fascisme et, d'autre part, le pessimisme du national-socialisme allemand et même du « radicalisme de droite italien ».
Pour Enzo Erra, le principe fondamental du fascisme est l'intervention : de la volonté d'intervention lors du Premier conflit mondial, à la volonté d'intervention dans la vie et l'histoire, avec un refus total de se soumettre à des déterminismes, qu'ils soient historiques, matériels ou sociaux[6].
Citations
« Les révolutions ne sont pas des catégories abstraites, ce sont des assauts de minorités ou des soulèvements populaires dirigés contre les idées dominantes, contre les classes dirigeantes intellectuelles, économiques et politiques, contre la conception de la vie et l'image de l'homme qui dominent dans un pays ou dans le monde ». Le sens ultime du fascisme
Œuvres
- L'interpretazione del fascismo nel problema storico italiano, Roma, Giovanni Volpe Editore, 1971.
- en collaboration avec Maurice Bardèche, Gottfried Eisermann, Julien Freund, Anthony James Gregor et « un témoin anonyme » [pseudonyme de Giovanni Volpe], Sei risposte a Renzo De Felice, Roma, Giovanni Volpe Editore, 1976
- Le radici del fascismo: una storia da riscrivere, Roma, Edizioni Settimo Sigillo, 1995, 1998.
Textes traduits en français
- « Le sens ultime du fascisme » [trad. par Philippe Baillet de la contribution d'Enzo Erra à l'ouvrage collectif Sei riposte a Renzo De Felice], Tabou, no 17, 2010, p. 36-93.
- « Tradition et intervention » [trad. de la postface d'Enzo Erra à : Julius Evola, Orientamenti, Edizioni di Ar, Padoue, 2000, p. 73-80], Tabou, no 17, 2010, p. 94-106.
Notes
- ↑ C'est lors de cette opération policière que Julius Evola lui-même, accusé d'être « le gourou des jeunes extrémistes » est arrêté et détenu durant 6 mois.
- ↑ Philippe Baillet, « Optimisme fasciste et pessimisme traditionaliste », in : Tabou, no 17, 2010, p. 27-35.
- ↑ Massimo Magliaro, « Le MSI. Le Mouvement Social Italien », Cahiers d'Histoire du Nationalisme, Paris, Synthèse nationale, n° 11, 2017, 250 p., p. 99.
- ↑ Philippe Baillet, « L'antisémitisme de Gramsci », in: Sparta, no 2, 2021, p. 167-170.
- ↑ Sur l'histoire de la revue, voir aussi : Francesco Germinario, « Giovanni Volpe e “Intervento”: storia di una rivista di cultura della destra (1972-1984) », Studi piacentini, no 30, 2001, p. 77-114.
- ↑ Philippe Baillet, Op. cit.