Renzo De Felice

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Renzo De Felice, né à Rieti le 8 avril 1929 et mort le 25 mai 1996, est un historien italien, considéré comme un spécialiste du fascisme.

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Biographie

Renzo De Felice s'inscrit dans les années 50 à l'Institut Italien d'Etudes Historiques fondé à Naples par Benedetto Croce après la défaite italienne de 1945. Il étudie ensuite l'histoire à l'université de Rome, où il est l'élève de Federico Chabod (1901-1960)[1], sous la direction duquel il soutient sa thèse de doctorat, consacrée aux courants de pensée politique au cours de la Première république romaine. Il est ensuite influencé par l'historien et germaniste Delio Cantimori (1904-1966), avec lequel il restera lié. Cantimori préfacera plusieurs de ses publications.

Sur le plan strictement politique, De Felice est, à ses débuts, un marxiste convaincu. Il adhère au Parti communiste italien au début des années 1950, puis signe en 1956 le manifeste des 101 qui exprime la distance que prennent une grande partie des membres du parti vis-à-vis de l'Union soviétique après la répression sanglante de l'insurrection de Budapest ; comme beaucoup des signataires, il finit par quitter le Parti communiste et par évoluer peu à peu vers des positions libérales-conservatrices.

De Felice développe alors une critique de l'historiographie marxiste, en utilisant les méthodes et les grilles d'interprétation de l'école libérale de Benedetto Croce.

Il fonde en 1970 la revue Storia Contemporanea, qui paraîtra jusqu'à sa mort en 1996.

En 1972, il est appelé à l'université La Sapienza de Rome, où il va enseigner d'abord l'histoire des partis politiques, puis la science politique, avant d'obtenir en 1986 la chaire d'histoire contemporaine. Il aura notamment pour élève un autre historien considéré comme spécialiste du fascisme, Emilio Gentile.

Pendant longtemps, ses travaux restent réservés aux milieux universitaires et académiques. Mais il devient un personnage public avec la parution, en 1975, d'un petit livre d’entretiens consacrés au fascisme, facile à lire et qui va avoir beaucoup de succès: Intervista sul fascismo. Il va alors être soupçonné ou même accusé de vouloir « réhabiliter sournoisement le fascisme ». Pour se défendre, De Felice, qui jusqu'alors s'est cantonné aux bibliothèques et aux universités, va utiliser habilement les médias: il accorde de nombreux entretiens aux journaux, aux radios et à la télévision, et ainsi devenir connu du grand public.

Il est considéré comme l'historien italien du xxe siècle le plus connu en Italie et dans le monde[2].

Thèses et travaux

Le jacobinisme italien, l'illuminisme et le mysticisme révolutionnaire

Les grands thèmes sur lesquels Renzo De Felice travaille sont d'abord, de 1953 jusqu'au début des années 1960, le jacobinisme italien, la République romaine de 1798, l'illuminisme et le mysticisme révolutionnaire en France et en Italie à la fin du XVIIIe siècle.

De Felice considère que la mentalité moderne néglige le fait mystique et le considère comme un hasard étranger au développement historique concret. Or, selon lui, l'essentiel n'est pas tant de savoir ce que les révolutionnaires pouvaient penser de la religion que d'arriver à reconstituer la manière dont ils ont vécu la Révolution. Pour lui il n'y a pas de doute que l'écrasante majorité des révolutionnaires a vécu la Révolution de manière profondément « religieuse », quelle que soit leur origine idéologique.

Au sein du jacobinisme, les deux aspects qui intéressent le plus De Felice sont, d'abord, le moment irrationnel, lui aussi d'une certaine manière « religieux » et « apocalyptique », et, ensuite, la formation d'une nouvelle culture politique de masse. Ce phénomène annonce selon lui toutes les techniques modernes de formation de l'opinion publique, de suggestion des masses et de « fabrication du consensus »[3].

Une relecture du phénomène fasciste

Renzo De Felice s'est ensuite concentré sur l'étude du phénomène fasciste. Il entreprend la rédaction d'une volumineuse biographie de Benito Mussolini, qui restera inachevée.

La distinction « fascisme-mouvement » et « fascisme-régime »

Dans ses travaux, il insiste particulièrement sur la distinction qu'il opère entre « fascisme-mouvement » et « fascisme-régime ». Pour lui, le fascisme, en particulier en tant que mouvement, est une idéologie révolutionnaire correspondant aux attentes de la classe moyenne, qui s'enracine dans la philosophie des Lumières. Le fascisme ne profite pas de la peur des classes moyennes, mais plutôt d'une tentative de leur part pour monopoliser le pouvoir. Pour De Felice, le fascisme reste une idéologie politique valide, qui ne peut ni ne doit être diabolisée ou réduite comme le fait la vulgate marxiste.

Il refuse aussi les liens éventuels et les possibilités de comparaison entre le fascisme italien et le national-socialisme allemand, qu'il considère comme radicalement différents.

Controverses

Ses travaux lui vaudront de nombreuses inimitiés dans le monde académique et dans les médias, qui l'accuseront même d'« apologie du fascisme », malgré son absence totale de sympathie pour son sujet d'études. Pourtant de Felice ne faisait rien d'autre qu'appliquer à l'étude du fascisme et surtout à la biographie de Mussolini les mêmes critères d'objectivité que l'on acceptait unanimement en milieux académiques.

A côté de ces critiques venues de la gauche, De Felice va se heurter à des critiques venues de la Droite intellectuelle. Celle-ci ne conteste pas la validité de ses travaux, mais rejette ses affirmations suivant lesquelles le fascisme représenterait un phénomène définitivement achevé dans l'histoire. En 1976, Enzo Erra, Maurice Bardèche, Gottfried Eisermann, Julien Freund, A. James Gregor et « un témoin anonyme » (en fait un pseudonyme de Giovanni Volpe), publient un recueil de textes en réponses à De Felice, Sei risposte a Renzo De Felice[4].

Citations

« Les discours moralisants appliqués à l'histoire, d'où qu'ils viennent et à quelques mobiles qu'ils obéissent, provoquent en moi un profond sentiment d'ennui, ils suscitent ma méfiance envers celui qui les prononce et m'amènent à conclure à un manque d'idées claires, sinon carrément à une énième forme de chantage intellectuel ou a un expédient pour introduire en contrebande des idées et des intérêts qu'on veut éviter d'exposer sous une forme directe. L'historien peut et parfois doit porter des jugements moraux; s'il ne veut pas trahir sa propre fonction ou se borner à faire du journalisme historique, il ne peut le faire, cependant, qu'après s'être acquitté de toutes les manières de son devoir propre d'enquêteur et de reconstructeur de la multiplicité des faits qui constituent la réalité d'une époque, d'un moment historique; or, j'entends au contraire souvent prononcer des jugements moraux sur des questions ignorées ou mal connues de celui qui les porte. Et ce n'est pas seulement superficiel et improductif sous le profil d'une vraie compréhension historique, c'est aussi peu éducatif et improductif ».

Publications

En italien

  • Note e ricerche sugli "Illuminati" e il misticismo rivoluzionario (1789-1800), Roma, Ediz. di Storia e Letteratura, 1960 ; Collana I Classici della Storia, Milano, Luni Editrice, 2018.
  • Storia degli ebrei italiani sotto il fascismo, Torino, Einaudi, 1961.
  • Italia giacobina, Napoli, Edizioni Scientifiche Italiane, 1965.
  • Le interpretazioni del fascismo, Bari, Laterza, 1969.
  • Il Fascismo. Le interpretazioni dei contemporanei e degli storici, Bari, Laterza, 1970.
  • Intervista sul fascismo, a cura di Michael Ledeen, Bari, Laterza, 1975.
  • Antologia sul fascismo. Il giudizio storico, Bari, Laterza, 1976.
  • D'Annunzio politico. 1918-1938, Bari, Laterza, 1978 ; Collana Classici della Storia, Milano, Luni Editrice, 2019.
  • Intellettuali di fronte al fascismo. Saggi e note documentarie, Roma, Bonacci, 1985 ; Collana Classici della Storia, Milano, Luni Editrice, 2018.
  • Il triennio giacobino in Italia, 1796-1799. Note e ricerche, Roma, Bonacci, 1990.
  • Rosso e Nero, Milano, Baldini & Castoldi, 1995.
  • Fascismo, antifascismo, nazione. Note e ricerche, Roma, Bonacci, 1996.
  • Breve storia del Fascismo, introd. Claudio Siniscalchi, con una nota di Folco Quilici, Collezione Le Scie n.47, Mondadori, Milano, 2001.
  • Biografia di Mussolini, Einaudi, Torino, VII volumes, 1965-1997.

Préfaces

  • Mariano Ambri, I falsi fascismi. Ungheria, Jugoslavia, Romania (1919-1945), éd. Jouvence, Rome, 1980.

Ouvrages traduits en français

  • Clefs pour comprendre le fascisme, Seghers, Paris, 1975.
  • Le fascisme un totalitarisme à l'italienne ?, préface d'Olivier Milza, traduction de Catherine Brice, Sophie Gherardi-Pouthier et Francesca Mosca, Presse de la fondation nationale des sciences politiques, 1988
  • Les Rouges et les Noirs : Mussolini, la République de Salò et la résistance 1943-1945, Georg, 1999 (Rosso e nero, Baldini & Castoldi, 1995).
  • Les interprétations du fascisme : essai « Le interpretazioni del fascismo » (trad. de l'italien par Xavier Tabet, préf. Emilio Gentile), Paris, Éditions des Syrtes, 2000, 298 p.
  • Brève histoire du fascisme, préface de Pierre Milza, traduction de Jérôme Nicolas, Éditions Points, 2009

Bibliographie

  • Philippe Baillet, « Les débuts méconnus d'un grand historien : Renzo De Felice, de l'étude du jacobinisme à l'étude du fascisme », in : Jean-Pierre Brach et Jérôme Rousse-Lacordaire (dir.), Études d'histoire de l'ésotérisme. Mélanges offerts à Jean-Pierre Laurant pour son soixante-dixième anniversaire, éditions du Cerf, Paris, 2007, 457 p., p. 269-279.
  • Philippe Baillet, « Renzo de Felice : une démarche historienne à l'écart des modes », in : Philippe Baillet, Le parti de la vie : clercs et guerriers d'Europe et d'Asie, Saint-Genis, Akribeia, 2015, 241 p., p. 35-52.
  • Emilio Gentile (trad. de l'italien), Renzo De Felice : l'historien dans la cité, Monaco, Éditions du Rocher, coll. « Démocratie ou totalitarisme », 2008, 235 p.
  • Didier Musiedlak, « Renzo De Felice et l'histoire du fascisme », in : Vingtième Siècle - revue d'histoire, no 21, janvier-mars 1989, p. 91-100.

Notes et références

  1. Chabod était un historien illustre, un anti-fasciste qui a lutté dans les rangs des partisans du « Parti d'Action »; élève de Benedetto Croce et de Gioacchino Volpe, Chabod fut le premier en Italie à abandonner l' « histoire justicière » pour lancer l' « histoire justificatrice » et réclamer la réconciliation des ad­versaires d'hier.
  2. Emilio Gentile, Renzo de Felice. L'historien dans la cité, Paris/Monaco, Le Rocher, 2008, p. 15
  3. Philippe Baillet, Le parti de la vie : clercs et guerriers d'Europe et d'Asie, Saint-Genis, Akribeia, 2015, 241 p., « Renzo de Felice : une démarche historienne à l'écart des modes », p. 35-52
  4. La contribution d'Enzo Erra à l'ouvrage a été traduite et publiée en français : « Le sens ultime du fascisme », Tabou, no 17, 2010, p. 36-93.