Fascisme (phénomène)

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Au-delà de la désignation du mouvement et du régime politique dirigé par Benito Mussolini en Italie, le terme de fascisme peut désigner un phénomène politique, métapolitique et culturel qui a traversé l'Europe dans la première moitié du XXème siècle.

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Plusieurs analyses du phénomène ont été opérées, dont l'interprétation marxiste, voyant dans le fascisme le « bras armé du Capital », l'interprétation libérale, pour qui le fascisme serait un « accident de l'Histoire », l'interprétation d'Ernst Nolte, qui le limite à son anticommunisme radical, ou l'interprétation de la Droite culturelle, qui replace le fascisme dans un cadre méta-historique.

Le phénomène peut aussi être dénommé sous les noms de Droite révolutionnaire, de « Révolution conservatrice », de « mouvements de rénovation » ou de révolution anti-moderne, même si l'équivalence entre ces concepts est parfois contestée[1]. Les historiens et chercheurs ne s'accordent pas non plus systématiquement sur les mouvements qu'il conviendrait d'inclure ou non dans la définition du fascisme en tant que phénomène, ce qui a amené certains à définir, par exemple, les Croix fléchées hongroises ou la Garde de fer roumaine, comme de « faux fascismes ».

L'interprétation marxiste du phénomène fasciste

La thèse du marxisme orthodoxe

Selon les théoriciens marxistes classiques, le fascisme serait « la forme prise par le régime bourgeois au stade de la concentration monopoliste, de l’impérialisme et de la défense contre la lutte des classes organisée par le prolétariat ». Il serait la « réponse terroriste de la bourgeoisie devant l'avancée du prolétariat », ou « l'instrument mis au point par la bourgeoisie pour combattre la classe ouvrière et l’expression directe de la bourgeoisie au pouvoir », résumé par la formule de « bras armé du Capital »[2].

Toutefois, même des marxistes orthodoxes comme l'historien anglais Eric Hobsbawm estiment que cette thèse est totalement erronée. Pour Hobsbawm, Selon celui-ci,« le grand capital s'accommode de tout régime qui ne cherche pas à l'exproprier, et que n'importe quel régime s'en accommode » et « le fascisme ne fut pas plus l'"expression des intérêts du capital monopoliste " que ne le furent le New Deal en Amérique , les gouvernements travaillistes en Grande-Bretagne ou la République de Weimar ». Il signale que « au début des années 1930, le grand capital ne souhaitait pas particulièrement Hitler et aurait préféré un conservatisme plus orthodoxe. Il ne lui apporta guère de soutien jusqu'à la Grande Crise, et encore cet appui fut-il alors tardif et inégal »[3].

Les thèses néo-marxistes

Les théoriciens freudo-marxistes de l’École de Francfort ont élaboré une théorie psychologique du fascisme. Pour Max Horkheimer (1895-1973), le décalage entre infrastructure et superstructure aurait entraîné le développement de tendances irrationnelles, dont l’antisémitisme[4]. Pour Theodor W. Adorno (1903-1969) et Erich Fromm (1900-1980), la déstructuration des sociétés au xxe siècle aurait provoqué chez l’individu un sentiment d’impuissance entraînant la résurgence d'une « personnalité autoritaire », donnant naissance à des pulsions qui correspondraient à la « mentalité fasciste ». Ainsi, dans certaines conditions menaçantes, les « personnages autoritaires » seraient émotionnellement et cognitivement vulnérables à l'attrait des « idéologies fascistes et nationalistes ».

Selon Wilhelm Reich (The Mass Psychology of Fascism, 1933), l'attrait des politiques « réactionnaires » et « conservatrices » et le « penchant pour le fascisme » seraient dus à la « longue histoire d'un patriarcat rigide et autoritaire qui affecte la famille, la parentalité, l'éducation primaire » et par conséquent la société dans son ensemble. Selon Reich, la « révolution sexuelle » est le préalable indispensable à toute révolution sociale et à toute lutte contre le « fascisme ».

Le fascisme vu par la gauche libérale

Pour les théoriciens libéraux, le fascisme aurait constitué « accident de l’histoire », une parenthèse temporaire à contre-courant de l’évolution naturelle vers la démocratie libérale, fruit de la confusion mentale et sociale née de la Première Guerre mondiale.

Les mouvements fascistes représenteraient des « pratiques anthropologiques radicalement anti-chrétiennes et anti-civiques, qui sont un rejet total non seulement des valeurs et institutions démocratiques et libérales, mais de la civilisation occidentale elle-même […] Ces monstruosités n’étaient viables que quelques décennies, puisque, quand on entend recréer le type même de lien social qui caractérisait les sociétés tribales ou archaïques, on ne peut que régresser vers le niveau de performance de ces dernières. On se place en mauvaise posture pour rester dans la course au progrès scientifique, technologique et économique, etc. »[5] Cette vision libérale, juste sur le caractère anti-chrétien et anti-occidental du fascisme, sombre dans l’idiotie et l’absence de sens critique : car c’est précisément dans les domaines techniques et économiques que les fascismes furent plus performants et futuristes que les démocraties occidentales.

Certains libéraux tentent aussi d'établir une parenté entre le fascisme et les différentes formes de socialisme. Ceux-ci se rejoindraient sur leur évolution vers le totalitarisme et sur volonté de soumission à l’État de la société et des individus. Ce courant remonte à l’économiste et philosophe libéral austro-britannique Friedrich Hayek (1899-1992), auteur de La Route de la servitude (1943).

Les point de vue historicistes

Renzo De Felice

L'historien italien Renzo De Felice (1929-1996) a proposé une relecture du phénomène fasciste. Dans ses travaux, il insiste particulièrement sur la distinction qu'il opère entre « fascisme-mouvement » et « fascisme-régime ». Pour lui, le fascisme, en particulier en tant que mouvement, est une idéologie révolutionnaire correspondant aux attentes de la classe moyenne, qui s'enracine dans la philosophie des Lumières. Le fascisme ne profite pas de la peur des classes moyennes, mais plutôt d'une tentative de leur part pour monopoliser le pouvoir. Pour De Felice, le fascisme reste une idéologie politique valide, qui ne peut ni ne doit être diabolisée ou réduite comme le fait la vulgate marxiste.

Il refuse aussi les liens éventuels et les possibilités de comparaison entre le fascisme italien et le national-socialisme allemand, qu'il considère comme radicalement différents. Enfin, il affirme que le fascisme représenterait un phénomène définitivement achevé dans l'histoire.

Le fascisme vu de Droite

Contrairement aux théoriciens et aux historiographes de gauche, les esprits de la Droite intellectuelle notent tout d'abord que le fascisme, militairement vaincu, a toujours été jugé d’un point de vue moral et politiquement peccamineux par ses vainqueurs, mais pratiquement jamais sous un angle historique, philosophique et spirituel, ce qui est pourtant le plus important, sachant que « le “phénomène fasciste” est surtout présent en tant que fantasme de ses adversaires ». Pour Giorgio Locchi, par exemple, le fascisme se dépasse lui-même et signifie bien davantage pour le destin européen que les péripéties de mouvements politiques divers[6].

Le phénomène fasciste, de nature transnationale et transpolitique , se caractérise par un rejet de l'égalitarisme, le rétablissement des valeurs d’ordre, de hiérarchie et d’autorité et la défense d'une conception-du-monde héroïco-virile.

Le fascisme vu de Droite, par Julius Evola

L'analyse du phénomène fasciste de Julius Evola est synthétisée dans son essai, paru en 1964, Le Fascisme vu de Droite. Suivi de : Notes sur le IIIe Reich[7].

Ainsi, le jeune Adriano Romualdi rend compte de l'ouvrage dès sa publication :

« Depuis la fin de la guerre, d1innombrables évocations du Fascisme et de ses hommes ont été publiées par les milieux de Droite. Pres­que toujours, il s'agit d'ouvrages "chromo" ou sentimentaux exaltant le Fascisme en tant que mythe sans en discuter sérieusement et de façon profonde les idées. La valeur de ce nou­veau livre sur la question pourrait quasiment consister dans le fait qu'il est le premier ouvrage écrit par un Italien où, à partir de positions rigoureusement "de Droite", une ana­lyse critique du phénomène fasciste est ten­tée. Cet essai a d'autant plus de valeur que son auteur est Julius Evola, c'est-à-dire le seul représentant de la Droite italienne qui possède une envergure européenne et dont, entre autres, deux nouvelles traductions, cel­le de Chevaucher le tigre et de Les Hommes au milieu des ruines viennent récemment de paraître en France.

Le point de vue d'Evola, ce1ui dont l'ensem­ble de son analyse procède, c'est celui de la Droite. Non pas de la petite droite économique ou sentimentale, celle des intérêts et des nostalgies, mais la pure idée de Droite en tant que principe politique dont les structu­res autoritaires, hiérarchiques et aristocra­tiques ont donné vie aux Etats de la civilisa­tion européenne traditionnelle. C'est à l'éta­lon de cette Droite-là qu'Evola mesure le Fascisme, séparant ce qui est "en ordre" de ce qui ne l'est pas.

Il convient de dire dès maintenant que cette analyse s'avère , dans l'ensemble, positive. L'auteur reconnaît au Fascisme le mérite d'avoir réaffirmé l'idée d'Etat à une époque qui ne croyait que dans la société, le peuple et le nombre; d'avoir opposé le pur principe politique aux instances économico-sociales ; d'avoir exalté le rôle des minorités héroï­ques au détriment de la brutalité et des voci­férations de la masse. Originellement, le Fascisme baignait encore dans la confusion idéologique propre à son époque. L'interven­tionnisme, dont il tire son origine, véhicu­lait bien des scories libertaires, jacobines et maçonniques. Mais de !ªintervention naîtra la "génération du front", avec sa redécouverte du culte de la discipline, de l'autorité et de l'honneur guerrier. De même, une autre compo­sante originelle du Fascisme, le nationalisme, avait-elle indubitablement des tares populis­tes. Mais il fut lui aussi purifié par l'expé­rience fasciste qui concevait la nation non comme la masse du peuple, non comme pure quan­tité, mais comme qualité, éthique et organi­que. A l'issue de cette œuvre de clarifica­tion, Mussolini, à juste titre, pouvait écri­re : "Ce n'est pas la nation qui crée l'Etat, mais l'Etat qui crée la nation".

Au reste, c'est le nationalisme dans son ensemble qui est dépassé par le mythe impérial du Fascisme. Revendiquant son droit souverain à guider des peuples non seulement non euro­péens (les Abyssins) mais aussi européens (les Albanais, les Croates, ls Monténégrins, les Grecs), il se projetait bien au-delà des vues étriquées du nationalisme démocratique façon XIXe siècle. Le Nouvel Ordre européen conçu par l'Italie et l'Allemagne se posait comme un ordre supranational institué par des nations à vocation impériale. C'est précisément à cette époque qu'Evola écrivait : "Il faut aller au-delà, tant d'un internationalisme destructeur que d'un nationalisme particula­riste, parce que la conception de l'Empire, du REICH, dépasse ces deux visions : elle est liée à l'idée d'une race capable de créer et de diriger une unité hiérarchique supérieure en laquelle les unités particulières, techni­quement et nationalement définies, ne sont pas amputées de leur caractère spécifique et de leur autonomie relative, mais sont amenées à participer à un plus haut niveau spirituel". Comme symbole de sa vocation impériale, le Fascisme choisit l'image de Rome. C'était, écrit Evola, "vouloir jeter un pont au-dessus d'un hiatus séculaire, afin de reprendre contact avec l'unique héritage vraiment valable de toute l'histoire dont le sol italien fut témoin". Le mythe romain devait être un modè­le de force disciplinaire et de combat de vérité. Malheureusement, en raison de certaines inclinations à jouer les histrions de l'âme italienne, il tomba trop souvent au niveau de Ia simple rhétorique.

Revendication de l'Etat comme forme spirituelle qui donne son empreinte à une matière humaine, style militaire, dépassement de l'eudémonisme bourgeois sous le signe de l'amour du danger et du devoir: telles sont les caractéristiques positives du Fascisme. Mais, à côté d'elles, il en est d'autres moins nobles. Comme le "ducisme", en lequel le respect pour le chef dégénéra en servilité adulatrice: on devait le payer cher le 25 juillet 1943, lorsqu'on put voir combien l'ab­sence de toute critique interne et d'une véri­table liberté avait miné le Fascisme de l'intérieur ! Etouffé par la personnalité géniale de Mussolini, il ne réussit pas à créer une élite de chefs vraiment libres et responsables, capables de prendre des initia­tives et leurs responsabilités lorsque le Duce disparut de la scène politique.

Et même l'exaltation populaire que le Fascisme réussit à soulever autour de la per­sonne de Mussolini doit être regardée avec un œil critique. Elle se focalisait davantage sur un homme que sur une idée, davantage sur un individu que sur une aristocratie politique solide. Disparu l'homme et abattu son mythe, le magnétisme qui unissait en un même faisceau des forces diverses et opposées cessa lui aussi de jouer.

Evola écrit à ce sujet : "Il faut garder à l'esprit que, aussi intense que puisse être le magnétisme ainsi créé, il ne cesse pas pour autant d'avoir un caractère éphémère [...] L'agglomération auquel il donne lieu est comparable à l'adhérence de la limaille de fer sur un aimant: lorsque le courant qui détermine le champ magnétique cesse de passer, toute la limaille s'en détache immédiatement". Au reste, Mussolini lui-même, à l'époque de la République Sociale, n'eut pas de mots assez durs pour fustiger les esclaves et les adula­teurs qui avaient créé autour de lui un véritable rideau de fumée, l'empêchant de prendre contact avec la réalité.

Un peu plus loin, Evola examine les rapports qu'entretient le Fascisme avec l'économie. La formule économique de la vraie Droite n'est pas le capitalisme, cette conception anarchique et libérale de la vie économique qui porte la responsabilité de la naissance du socialis­me. Dans l'Europe traditionnelle, il existait de solides organisations corporatives animées par un esprit d'honneur professionnel et de fidélité encore médiéval. Le fascisme tenta de faire revivre cet ordre corporatif - mais il demeura quelque chose d'abstrait et de bureau­cratique, et ne dépassa pas le stade de l'ar­bitrage entre l'entrepreneur et le travail­leur. A cet égard, on fit mieux en Allemagne où la structure même des entreprises fut réorganisée, instituant des rapports de solida­rité et de fidé1ité entre l'entrepreneur (Betriebsführer) et sa "suite" (Gefolgschaft). Cependant, au moins sur le plan des principes, le Fascisme sut faire revivre 1'esprit écono­mique de la vraie Droite, hostile aussi bien à l'anarchie économique de type libéral qu'à l'égalitarisme socialo-communiste .

Evola attire ici l'attention de certains mythomanes du prolétariat égarés par hasard dans les rangs fascistes et qui, dénués devéritable sensibilité idéale, ne semblent pas s1apercevoir que tout Pathos social et popu­liste est en totale contradiction avec l' Ethos héroïque et autoritaire d'une justice sociale conçue comme le dépassement à la fois de l'arbitraire et de l'anarchie économique, sous le signe positif de l'Etat. Mais tout ceci est incompatible avec le soi-disant "socialisme national", si par ce terme on entend un socialisme chiche et petit-bourgeois. Ecoutons Evola : "Le socialisme est le socialisme et le fait d'ajouter l'épithète "national" est une ruse qui ressemble fort à un cheval de Troie [...] Une fois réalisé le "socialisme natio­nal" [...] on passera au socialisme tout court et ainsi de suite, car sur un plan incliné, on ne peut pas s'arrêter à mi-chemin. En son temps, le Fascisme fut un des régimes les plus progressistes et les plus en avance en matière de mesures libérales. Mais le corporatisme du Ventennio, ou ce qu'il avait de valable, doit être essentiellement interprété dans le cadre d'une idée organique antimarxiste, c'est -à-dire étrangère à tout ce qui peut légitime­ ment se réclamer du socialisme. C'est précisé­ment et uniquement, à cause de cela que le Fascisme aurait pu être une troisième force, une troisième voie pour l'Europe, opposée aussi bien au communisme qu'au capitalisme".

C'est sur cette citation, que certains énergumènes ne reliront jamais assez, que nous clorons cette recension. Si, pour Evola, ce court essai est un ouvrage mineur, par la clarté et l'audace de ses positions, il se situe comme toujours bien au-dessus de tout ce que l'on a pu écrire à Droite sur ce sujet. En publiant ce livre, l'éditeur Giovanni Volpe rend à nouveau un fier service à la cause de la culture de Droite »[8].

Enzo Erra, ou le fascisme comme « intervention dans l'histoire »

Pour Enzo Erra (1926-2011), le principe fondamental du fascisme est l'« intervention » : de la volonté d'intervention lors du Premier conflit mondial, à la volonté d'intervention dans la vie et l'histoire, avec un refus total de se soumettre à des déterminismes, qu'ils soient historiques, matériels ou sociaux[9]. C'est pour cette raison qu'Erra estime que le fascisme relève d'une tendance optimisme, qu'il oppose nettement au pessimisme, notamment racial, du national-socialisme allemand et même du « radicalisme de droite italien ».

En accord avec Renzo De Felice et Emilio Gentile, qu'il critique sur d'autres points, Erra considère que le fascisme ambitionnait d'être l'amorce d'une « nouvelle civilisation ». Ainsi, la guerre d'Espagne et la Deuxième guerre mondiale n'ont pas été des conflits idéologiques, mais des affrontements entre « visions du monde ». Les difficultés interprétatives du phénomène fasciste viennent essentiellement de l'obstination à lui appliquer des critères et des schémas qu'il a rejetés d’emblée : ainsi les cadres de droite et de gauche, de révolution et de contre-révolution, de tradition et de modernité[10].

Giorgio Locchi : une « tendance époquale surhumaniste »

Selon des auteurs comme Giorgio Locchi et Philippe Baillet, le phénomène relève d'une « tendance époquale surhumaniste », en rupture avec la « tendance époquale » égalitaire, et prenant racine dans la réaction antirationaliste de la seconde moitié du XIXe siècle.

Ainsi, selon Locchi, « on ne comprend rien au "fascisme" si l'on ne se rend pas compte ou si l'on ne veut pas admettre que le "phénomène fasciste" n'est que la première manifestation politique d'un vaste phénomène spirituel et culturel, nommons-le "surhumanisme", ne serait-ce que pour mettre les choses au clair, dont l'origine remonte à la seconde moitié du XIXe siècle »[11].

Selon Giorgio Locchi, le fascisme est la première expression incarnée du Surhumanisme, dont l’origine remonte principalement à Nietzsche et à Wagner, opposition absolue à l’Égalitarisme des temps modernes, produit déspiritualisé du christianisme et cause principale de la décadence de l’oecoumène européen. Le mouvement fasciste n’a évidemment rien de matérialiste ou de politicien : il vise à instaurer une nouvelle spiritualité (donc communautaire et populaire), une nouvelle forme-de-vie a-chrétienne dans l’avenir, conforme à l’esprit archaïque des anciens cultes grecs, romains ou germaniques ; en opposition radicale, absolue, irréconciliable avec le grand cycle égalitaire commencé avec le christianisme.

Le fascisme est donc une reconstruction métamorphique d’une conception-du-monde et d’une forme de civilisation dont les Européens ont été dépossédés par le virus égalitaire, siècle après siècle, depuis la christianisation de Rome. Sa portée est donc immense et dépasse (bien qu’il l’inclue) le champ des “programmes” politiques. L’objet du fascisme est en effet bel et bien un changement de civilisation et pas seulement de régime. Il envisage le politique comme une véritable forme d’esthétique historique, la fonction souveraine ayant en charge de modeler sur le long terme et pour l’avenir un destin pour le peuple et un projet pour sa civilisation.

Le fascisme vu par Dominique Venner

« Le fascisme est né de la Première Guerre mondiale et de la jeune génération des tranchées qui voulut exercer son droit à commander dans la paix comme elle l’avait fait dans la guerre. (…) Mêlant volontarisme et vitalité, il fut une entreprise autoritaire pour apporter des solutions neuves aux défis que le vieux système libéral ne semblait plus en état de relever. Il fut aussi une tentative pour créer une méritocratie libérée du pouvoir de l’argent, ayant pour ambition de renouer avec les liens communautaires qu’avait défaits la révolution industrielle. Si l’on braque l’attention sur le milieu d’où il a surgi, on découvre qu’il fut la revanche improbable et momentanée d’un type humain, prépondérant dans toute l’Europe avant le XIXe siècle, celui de l’homme d’épée, que le triomphe du bourgeois avait relégué dans une position subalterne, marginale et méprisée. En d’autres termes, son originalité foncière fut d’être un mouvement plébéien animé par une éthique militaire et aristocratique. Ce trait ne définit pas la totalité du fascisme, mais il en cerne l’essence et les limites »[12].

Principales valeurs partagées par les mouvements relevant du fascisme en tant que phénomène

La base commune des mouvements que l'on peut rattacher au fascisme est constituée par :

* la reconnaissance de l’inégalité de valeur entre les hommes,
* le différentialisme hiérarchisant entre les peuples,
* la recherche de l’homogénéité ethnique des nations et le refus des métissages,
* l’autarcie économique,
* l’éthique de l’honneur,
* l’esthétique codée comme fondement de l’art,
* l’éducation disciplinaire,
* le principe de sélection aux mérites et aux talents étendu à toute la société,
* l’interdiction du capitalisme spéculatif et mondialisé,
* l’éradication des déviances et des pathologies sociales ou sexuelles (non pas au nom d’une métaphysique mais de principes d’hygiène biologique et éthologique)
* le recours à la volonté de puissance, principe vitaliste de dépassement inégalitaire de la condition humaine.
* une certaine relativisation des notions de Bien et de Mal.[13]

Bibliographie

  • Philippe Baillet, Le Parti de la vie : clercs et guerriers d'Europe et d'Asie, Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2015, 241 p.
  • Maurice Bardèche, Qu’est-ce que le fascisme ?, Paris, Les Sept Couleurs, 1962, Pythéas, 1996.
  • Enzo Erra, « Le sens ultime du fascisme » [trad. par Philippe Baillet de la contribution d'Enzo Erra à l'ouvrage collectif Sei riposte a Renzo De Felice], Tabou, no 17, 2010, p. 36-93.
  • Enzo Erra, « Tradition et intervention » [trad. de postface d'Enzo Erra à : Julius Evola, Orientamenti, Edizioni di Ar, Padoue, 2000, p. 73-80], Tabou, no 17, 2010, p. 94-106.
  • Julius Evola, Le Fascisme vu de droite. Suivi de : Notes sur le IIIe Reich, Cercle Culture et Liberté 1981, 2ème éd. : Pardès, 1993, 214 p.
  • Guillaume Faye, Réflexions archéofuturistes inspirées par la pensée de Giorgio Locchi, lire en ligne : [1]
  • Thomas Ferrier, Fascismes d'Europe: Origines, idéologie, histoire..., Synthèse nationale, 2019, 128 p.
  • Roger Griffin, « "Consensus ? Quel consensus ?" — Perspectives pour une meilleure Entente entre spécialistes francophones et anglophones du fascisme », in : Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2010/4, n° 108, p. 53-69.
  • Giorgio Locchi, « Adriano Romualdi, l'essence du fascisme et la conception sphérique du temps de l'histoire » , in: Philippe Baillet, Le parti de la vie : clercs et guerriers d'Europe et d'Asia, Éditions Akribeia, 2015, p. 164-179.
  • Giorgio Locchi, Définitions. Les textes qui ont révolutionné la culture non conforme, éd. La Nouvelle Libraire, Collection Agora de l’Institut Iliade, 2022, 320 p.
  • Armin Mohler, « Le "style" fasciste », in : Nouvelle École, n°42, été 1985, pp. 59-86.
  • Armin Mohler, Robert Steuckers et Thierry Mudry, Généalogie du fascisme français. Dérives autour des travaux de Zeev Sternhell et Noel O’Sullivan, Idhuna, Genève, 1986 (rééd. Diffusion du Lore, 2017), 99 p.
  • Ernst Nolte, Le Fascisme dans son époque, 3 vol.: L'Action française, Le Fascisme italien, Le National-socialisme, Paris, Julliard, 1970.
  • Ernst Nolte, Les Mouvements fascistes. L'Europe de 1919 à 1945, Calmann-Lévy, Paris, 1969.

Articles connexes

Notes et références

  1. Certains historiens, comme Armin Mohler, excluent le national-socialisme de la Révolution conservatrice allemande, contrairement à Giorgio Locchi et Adriano Romualdi qui en font au contraire son centre de gravité.
  2. Pierre Milza, Les Fascismes, Point Seuil, 1991.
  3. Eric Hobsbawm, L'Âge des extrêmes : le court xxe siècle 1914-1991 (éd. originale : The Age of Extremes, 1994), traduction française, coédition Le Monde diplomatique - Éditions Complexe, 1999, p. 178-179.
  4. Max Horkheimer, Autoritärer Staat. Die Juden und Europa - Aufsätze 1939-1941, Amsterdam, de Munter, 1967
  5. Philippe Nemo, Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains, Paris, PUF, « Quadrige », 2002, 1428 p.
  6. Guillaume Faye, op. cit.
  7. Trad. française : Cercle Culture et Liberté 1981, 2ème éd. : Pardès, 1993, 214 p.
  8. Adriano Romualdi, « Le fascisme de Julius Evola », in : Totalité, no 21/22, octobre 1985, p. 201--207, trad. française de la recension du livre de Julius Evola parue le 7 novembre 1964 dans le quotidien Il Secolo d'Italia.
  9. Philippe Baillet, « Optimisme fasciste et pessimisme traditionaliste », in : Tabou, no 17, 2010, p. 27-35.
  10. Enzo Erra, « Le sens ultime du fascisme » [trad. par Philippe Baillet de la contribution d'Enzo Erra à l'ouvrage collectif Sei riposte a Renzo De Felice], Tabou, no 17, 2010, p. 36-93; et « Tradition et intervention » [trad. de postface d'Enzo Erra à : Julius Evola, Orientamenti, Edizioni di Ar, Padoue, 2000, p. 73-80], Tabou, no 17, 2010, p. 94-106.
  11. Giorgio Locchi, L'Essenza del fascismo, avec une interview de l'auteur par Marco Tarchi, Edizioni del Tridente, , Castelnuovo Magra, 1981, 70 p., p. 8.
  12. Dominique Venner, La Nouvelle revue d'histoire, mai-juin 2003, n°6, p.45.
  13. Guillaume Faye, op. cit.