Antifascisme

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L'antifascisme est un terme employé par certains mouvements politiques pour s'autodésigner, en se définissant en tant qu'adversaires résolus du « fascisme » Le terme « fascisme » peut être soumis à diverses interprétations, mais les antifascistes se définissent exclusivement en fonction de l'analyse marxiste du phénomène fasciste.

Mathieu Bock-Côté aborde le sujet sur la chaîne de télévision CNews

De manière générale, les mouvements antifascistes développent une rhétorique basée sur des slogans d'apparence anodine (lutte contre le « racisme », « défense de la démocratie », lutte contre les « exclusions », défense « des libertés », etc.). Mais, en réalité, ils suivent toujours une stratégie marxiste-léniniste classique : celle de la constitution d'un large « front démocratique » permettant de rallier les non-communistes, et les objectifs finaux sont la prise du pouvoir par la « violence révolutionnaire » et l'instauration d'un système politique de type marxiste. Il ne s'agit donc pas pour eux de se limiter à « barrer la route au fascisme », au sens historique du terme, mais de combattre par tous les moyens tout ce qui, dans leur esprit, correspond à la « droite »[1], au nationalisme, au « capitalisme », aux identités nationales ou ethniques.

Origines

A l'origine, il qualifie de manière plutôt vague l'opposition au mouvement politique dirigé par Benito Mussolini en Italie et au régime politique qui est mis en place par la suite. Il devient ensuite, dans les années 1930, un slogan de ralliement des forces de gauche, qui estiment que l'heure n'est plus à une stratégie de « lutte classe contre classe » (jusque là, les partis communistes considéraient les sociaux-démocrates comme des « traîtres à la classe ouvrière » et donc comme des ennemis), mais à une « union contre la menace fasciste », c'est-à-dire à un vaste front regroupant toutes les organisations de gauche ainsi que les « démocrates bourgeois ». Il est sous-entendu que cette large entente doit être dirigée de fait par le parti communiste, et qu'elle doit aboutir à terme à la prise du pouvoir par celui-ci.

En Allemagne, l’appel à l’ « action antifasciste » est publié dans le Drapeau Rouge, journal du Parti Communiste (KPD), et le 10 juillet 1932 à Berlin a lieu un « congrès de l’unité », qui donne naissance à la structure de l'« Action antifasciste » le 10 juillet 1932.

Congrès de fondation de l'« Action antifasciste » le 10 juillet 1932 à Berlin

Période de l'après-guerre

Résurgences du terme

A la fin des années 1980, dans un contexte où les fissures dans le Bloc soviétique sont de plus en plus apparentes et où le communisme est devenu très impopulaire, l'extrême gauche allemande va remettre à la mode le terme d'antifascisme, susceptible de remplacer une rhétorique marxiste fatiguée. Sous l'impulsion des groupes communistes « autonomes » de Göttingen, un mouvement nommé Autonome Antifa [M] annonce sa fondation en 1990.

La mouvance reprend le symbole de 1932 aux deux drapeaux (symbolisant alors le KPD et le SPD) mais l'un des deux est désormais noir, pour appeler à l'union avec les anarchistes, habituellement peu enclins à s'accoquiner avec les marxistes-léninistes et autres trotskistes.

En 1992 est fondée une Action Antifasciste (Antifaschistische Aktion) qui doit fédérer toute l'extrême gauche allemande au niveau fédéral.

Cette stratégie de l'extrême gauche allemande va inspirer peu à peu ses homologues dans de nombreux pays (Danemark en 1992, Suède en 1993, etc).

Ainsi, dans tout le monde occidental, l'extrême gauche va remplacer la rhétorique marxiste classique (« lutte des classes », « impérialisme », etc.) par des slogans dirigés contre le « fascisme ». Celui-ci n'est par compris comme un mouvement de renaissance nationale ou de révolte contre les dogmes de la modernité, mais, suivant les canons de l'analyse marxiste, comme l'aboutissement logique d'un « système » englobant « le patriarcat, le capitalisme, le racisme, l'impérialisme occidental », etc.

Manifestation d'extrême gauche à Francfort. On peut noter que si la plupart des mouvements d'extrême gauche en Europe affichent un certain soutien à la cause palestinienne, les Antifas allemands proclament ouvertement leur soutien à l'Etat d'Israël.

Au sujet de la nature profonde de l'antifascisme, Philippe Baillet écrit en 2018 : « Si l’antifascisme resté maître du terrain jusqu’à ce jour était cohérent avec ses propres principes, s’il voulait être réellement ce qu’il est dans son propre inconscient, à savoir l'incarnation du filon central qui traverse toute la société moderne durant les deux siècles de son histoire, s'il voulait être explicitement ce qu'il est implicitement - un type de civilisation -, il devrait reconnaitre une dignité et une stature égales à son adversaire […] laisser remonter de l'étude de l'expérience fasciste les caractères révolutionnaires qui révèlent une nouvelle forme de civilisation, ou, du moins, qui l'annoncent comme possible. Mais, parce que la civilisation moderne, dont l’antifascisme est, depuis les années trente, le « cœur profond et militant », s’est pensée comme le terme indépassable , ultime et suprême, de l’évolution humaine, elle ne saurait en réalité admettre la moindre alternative : voici pourquoi, aujourd’hui encore et même plus que jamais, le fascisme comme phénomène européen ne peut pas être regardé comme un autre type de civilisation, mais seulement comme la « barbarie incarnée », la figure historique du Mal. On a en effet trop tendance à oublier que la civilisation moderne est constitutivement intolérante et méprisante envers tout ce qui l’a précédée et tout ce qui a osé la combattre sérieusement. »[2]

Anecdotes

L'écrivain juif néerlandais Jacques Presser (1899-1970) a écrit : « Le nouveau fascisme s’appellera antifascisme. »[3]

Bibliographie

  • Sébastien Bourdon, Une vie de lutte plutôt qu’une minute de silence. Enquête sur les antifas, Seuil.
  • Oskar Freysinger, Antifa, éditions Tatamis, 2011, 62 p.
  • Andy Ngô, Démasqués : infiltré au cœur du programme antifa de destruction de la démocratie, trad. Anne-Sophie Nogaret, éd. Ring, 2021, 317 p.

Articles connexes

Références

  1. On peut noter que les « Antifa » allemands, initiatieurs de ce renouveau, intitulent le plus souvent leurs campagnes et leurs sites Kampf gegen Rechts, Endstation Rechts, Blick nach Rechts, etc.
  2. Philippe Baillet, De la confrérie des Bons Aryens à la nef des fous. Pour dire adieu à la droite radicale française, Akribeia, Saint-Genis-Laval, 2018, 200 p., p. 92-93.
  3. Maurice Cailliau, « Over de arrogantie van post-fascistiche journalisten en historici. », in : Driemaandelijkse Nieuwsbrief Studiecentrum Joris Van Severen, 25e jg., 4e trimester 2021, Ieper, p. 9 à 14.