Action Antifasciste Paris-Banlieue
Action Antifasciste Paris-Banlieue est un mouvement de l'extrême gauche française, connu pour ses actes de violence et l'impunité dont il bénéficie souvent.
Sommaire
Histoire
L’Action Antifasciste Paris-Banlieue est fondée en 2008 sous le patronage de Julien Terzics[1], ancienne figure de la bande redskin Red Warriors, batteur du groupe de musique Brigada Flores Magon, chef du service d'ordre de la Confédération nationale du travail (CNT) et patron du bar militant Le Saint Sauveur. Terzics réalise la même année le documentaire « Antifa : chasseurs de skins » pour dresser le bilan de son parcours militant et introduire en France le concept d’« antifa », hérité de l’antifascisme allemand. Ancrée dans le milieu d’extrême-gauche parisien traditionnel, l’AFA-PB se constitue à partir de la fusion entre plusieurs bandes informelles et déjà actives de jeunes antifascistes, menés par Olivier Bonafé : la Jeune Garde, mouvement redskin fréquentant le local de la CNT ; des élèves du Lycée Autogéré de Paris ; et des ultras du groupe Brothers section du Virage Auteuil au Parc des princes.
Pendant cinq ans, l’AFA-PB échappe en grande partie à l’attention médiatique et son activité consiste principalement en bagarres et agressions ciblant la mouvance soralienne, les hooligans du Kop of Boulogne (Paris Saint-Germain), et des groupes identitaires comme le GUD ou les Jeunesses nationalistes (JN). Le 6 juin 2013, la mort du militant Clément Méric propulse l’AFA-PB dans les médias nationaux et fait connaître le phénomène antifa au grand public. Cet événement précipite aussi un basculement de génération : Micha Sztalryd, le successeur d'Olivier Bonafé depuis quelques années, se retire du mouvement suite à des dissensions intestines. Les membres les plus jeunes du groupe, menés par Antonin Bernanos, en prennent alors la tête pour affirmer une politique de rupture radicale avec les organisations de gauche traditionnelles. Cette politique se traduira notamment par un engagement au sein des manifestations pro-palestiniennes de 2014, jugées infréquentables par une partie de la gauche, et qui imprimeront durablement leur marque sur l’identité du mouvement. Cette rupture générationnelle verra en 2017 la condamnation par Bonafé de ses successeurs dans un communiqué relayé par... Djorde Kuzmanovic, à l'époque toujours membre de le France Insoumise !
L’AFA-PB s’investit ensuite tout particulièrement lors du mouvement social contre la Loi El-Khomri (ministre du Travail du gouvernement de François Hollande) en 2016, où elle participe au cortège de tête des « black-blocks » et au happening « Nuit Debout » dont elle assure le service d’ordre. Elle participe également à la mobilisation du comité « Vérité pour Adama » qui accuse la gendarmerie du meurtre du jeune Adama Traoré. L’arrestation d’Antonin Bernanos pour l’incendie d’une voiture de police au quai de Valmy (en mai 2016) dans ce contexte de fortes tensions sociales fait à nouveau parler de l’AFA dans les grands médias, et son image sera durablement associée aux « casseurs » et à la lutte anti-flic. C’est durant cette séquence que le groupe acquiert une réelle audience médiatique et commence à investir d’autres champs politiques que la simple lutte contre les groupes de Droite radicale.
Pendant longtemps seul acteur des violences antifas à Paris, l’AFA est progressivement rejointe par d’autres groupes tels que le MILI ou la Jeune Garde (nouveau groupe lyonnais qui multipliera cependant les apparitions à Paris), ainsi que des bandes d’ultras de football, comme les Rapaces du Red-Star Saint-Ouen, ou les Supras Auteuil du PSG. Des actions communes sont coordonnées sous le label unitaire « Paris Antifa », dont l’AFA assure le leadership, revendiquées via les comptes « Antifa Squads » sur les réseaux sociaux, et deviennent rapidement un modèle pour l'ensemble de l'extrême-gauche antifa française, en suivant les codes du hooliganisme footballistique.
Pionnière de la mouvance antifa en France, l’AFA-PB est aujourd’hui au centre d’un réseau de groupes locaux et autonomes, tels que le Groupe Antifa Lyon et Environ (GALE), l’AFA Nord-Pas-de-Calais (NP2C), l’AFA Marseille, ou encore l’AFA Nantes. Elle est également en concurrence avec la Jeune Garde, qui s’est constitué en réseau national, et coexiste à Paris aux cotés de nombreux groupes antifas mineurs, tels que le Tolbiac FC, le Collectif antifasciste inter-universitaire (CAIU) ou encore le Paris Queer Antifa.
Aujourd'hui, les multiples passages en prison d'Antonin Bernanos, dont la figure est à présent indissociable du mouvement, lui confère une aura de résistance enviée par le reste de la mouvance d'ultra-gauche, et le souvenir de la mort de Méric une légitimité certaine pour incarner une forme d'orthodoxie du milieu antifa, face au nouveau modèle plus médiatisable de la Jeune Garde. Antonin Bernanos qui, de son propre aveu[2], se sera retrouvé interpellé une quarantaine de fois et présenté dix fois devant des juges, pour une poignée de condamnation, incarne ainsi une certaine idée du militant révolutionnaire et contestataire, en rupture avec un ordre républicain que d'autres forces de gauche prétendent ostensiblement défendre.
Idéologie
L’AFA-PB se réclame de l’antifascisme autonome, ou antifascisme révolutionnaire et s’inscrit dans la mouvance, plus large, des autonomes, fraction de l’ultra-gauche anarcho-marxiste dont les « blacks blocks » sont la partie la plus visible. De cette mouvance autonome découle une pratique politique clandestine, centrée sur la vie en squats et l’organisation d’actions illégales, en rupture avec les institutions de la République. Dans le discours politique de l’AFA, la police est un ennemi. Institution par essence fasciste, la Police nationale serait héritière de l’État français de Vichy et de la police coloniale d’Algérie française[3]. Ainsi, l’AFA revendique l’usage de la violence, sous l’appellation d’« autodéfense populaire », comme une nécessité, du fait de la « fascisation » de l’État. L’ennemi principal n’est alors plus tant la montée du Rassemblement national (comme le théorisait l’anti-lepénisme historique), qu’un système raciste et capitaliste qui serait déjà au pouvoir.
L’expression de cet antifascisme autonome passe également par une forte implication dans les luttes anticoloniales de gauche, particulièrement le soutien aux mouvements palestiniens, au Kurdistan et à l’Irlande du Nord. L’AFA revendique une ligne clairement anti-impérialiste, le fascisme étant considéré comme l’expression de la force employée par le capitalisme international pour réprimer les peuples partout où ils se trouvent. Cet engagement anticolonial se double d’une idéologie décoloniale selon laquelle les méthodes de maintien de l’ordre utilisées jadis dans les colonies sont aujourd’hui appliquées dans les banlieues au nom d’un système raciste visant à diviser les travailleurs et empêcher leur union.
Enfin, en opposition avec une extrême-gauche souvent critiquée pour son folklore et ses codes « bourgeois blancs », l’AFA-PB revendique d’être un mouvement antiraciste constitué de « premiers concernés » issus de l’immigration et fut pionnière d’une rupture avec la tendance anticléricale « traditionnelle » des milieux anarchistes français : une partie des militants de l’AFA-PB se revendiquent ouvertement musulmans pratiquants, et le groupe se refuse à toute critique de la religion en soi. Ce positionnement l’aura poussé par exemple à protester contre la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), organisme islamiste, ou contre l’expulsion de l’imam Iquioussen, auteur de prêches antisémites. Selon une source policière, environ un tiers des membres de l'AFA sont de culture musulmane ou convertis à l'islam.
Structure
L’AFA-PB est un groupe affinitaire dont les effectifs n’ont jamais dépassé une quarantaine de personne, et dont l’activité est dirigée par un noyau dur de militants confirmés, tous proches de la trentaine, qui évoluent aux cotés de militants plus jeunes, actifs dans les facultés. Les profils sont de classe moyenne, souvent étudiants ou anciens étudiants, fréquemment de familles d’anciens militants de gauche. À la différence de nombreuses organisations de gauche, l’AFA-PB compte un grand nombre de militants d’origine immigrée, ainsi que quelques étrangers. Enfin, l’organisation peut compter sur un certain réseau d’entraide professionnel : une partie de son noyau est régulièrement employée dans les bars de Némésis, la société de Julien Terzics et Andreas Zund, comme le « Saint-Sauveur » ou encore le « TDTF » (également situé dans l’Est parisien, et où se réunit le MFC 1871).
Bien qu’elle organise le même type d’action bénigne (tractage, collage, conférence) que la plupart des groupes politiques de tous bords confondus, l’AFA-PB est connue pour ses actions violentes contre ses opposants politiques, souvent revendiquées sous le label générique de « Paris Antifa ». Celles-ci sont organisées selon les méthodes de la mouvance hooligan. Une « mob » est organisée sur des réseaux de messagerie cryptée, les militants antifas se réunissent en un lieu, définissent une cible, et organisent une attaque. Bien que ces attaques puissent viser des biens, tels que des bars ou des salles de réunion, elles visent beaucoup plus fréquemment des personnes. Ces attaques ne se déroulent d'ailleurs pas avec le soucis d'éviter les dommages collatéraux, comme en témoignent plusieurs bars parisiens ravagés par les antifas. L’objectif assumé de l’AFA-PB est de démobiliser des militants du bord opposé par une stratégie de la terreur, d’instaurer un rapport de force violent dans la rue. Ces violences sont loin de cibler uniquement les opposants de droite, l'AFA réglant régulièrement ses comptes manu militari avec les groupes de gauche la critiquant ou empiétant sur ses plates-bandes, comme le prouve la série d'affrontements avec la Jeune Garde qui eu lieu durant l'année 2021. Faisant partie de la plus large mouvance autonome, l'AFA-PB participe également régulièrement au black bloc des manifestations de gauche pour faire le coup de poing contre la police.
===Identité de groupe=== Issus de la rencontre entre les anarcho-communistes de culture punk et redskin, et d’ultras du Paris Saint-Germain, l’AFA-PB a très rapidement adopté l’identité visuelle et les codes vestimentaires des seconds. Les militants de l’AFA sont reconnaissables à leur look casual, constitué des marques Fred Perry, Lyle and Scott, CP Company ou encore Stone Island, bien que comme le reste de la mouvance autonome, ils s’habillent fréquemment dans des tons sombres. En plus des symboles communs à la mouvance antifa, la communication de l’AFA-PB met en scène régulièrement le blason de Paris ainsi que des références à la Commune. Les allusions au communisme soviétique sont plus discrètes, mais apparaissent néanmoins sur les réseaux sociaux d’une partie de ses membres, qui n’hésitent pas à plaisanter sur le Goulag ou le léninisme.
L’AFA-PB se constitue pionnière en matière de contre-culture antifa européenne, de forte inspiration allemande et italienne. Celle-ci diverge de la culture « punk » et « skinhead » classique de l’extrême-gauche traditionnelle par l’influence du hip-hop et la mise en scène d’une esthétique fortement inspirée des banlieues immigrés. Enfin, les antifas se distinguent également par un culte des martyrs du fascisme. En effet, la question du caractère meurtrier de la supposée violence de la Droite radicale est centrale dans la propagande antifa visant à légitimer ses propres violences. Ainsi, la commémoration de la figure de Clément Méric est associée à des hommages à toute une série de figures d'extrême gauche européennes tués par des « néonazis » (comme le rappeur grec Killah P ou des figures redskins russes), permettant la construction d'une figure du fasciste meurtrier à laquelle sont amalgamés tous les opposants à la gauche, quels qu'ils soient. Différents rappeurs affiliés à l'AFA composèrent même une mixtape d'hommage à Clément Méric et Killah P en 2014.
Communication en ligne
L’AFA-PB communique principalement en ligne via les grands réseaux sociaux, sur lesquels elle dispose de comptes particulièrement suivis : autour de 30 000 abonnés sur Instagram, Facebook et X. En plus de ces réseaux, elle a jadis animé un blog, toujours existant : [1], et a participé à la plateforme de renseignement fafwatch.com. Cependant, comme la plupart des blogs d'information politique, ces sites sont globalement inactifs depuis le tournant des années 2014-2015.
Enfin, la revendication des actions violentes passe presque exclusivement via la plateforme nationale Antifa Squads, qui est présente sur les réseaux sociaux et cogérée par les militants de l’AFA-PB et de la Jeune Garde Lyonnaise, notamment Mehdi Daddane (pour l’AFA) et Safak Sagdic (pour la JG). Cette politique permet de protéger les principaux réseaux de l'AFA, avec un très grand nombre d'abonnés, des campagnes de signalements subies par les vidéos de violence, ou des poursuites judiciaires.
== Émanations == L’AFA-PB se structure en plusieurs sous branches et collectifs écrans, pour se protéger d’éventuelles dissolutions, recruter, mais également pour ouvrir son militantisme à des collaborateurs qui pourraient soutenir ces actions violentes sans pour autant y participer directement. On y trouve :
- Collectif antifasciste Paris-banlieue (2013-2015)
- Mouvement Inter-Luttes indépendant (2013-2017) : Collectif autonome de lycéens
- Comité pour Clément (2013)
- Ménilmontant Football Club 1871 (2014)
- Libérons-les (2016) : Collectif fondé lors de l’incarcération d’Antonin Bernanos pour demander sa libération
- Collectif des mères solidaires
- Collectif Œil
L'organisation dispose ou bénéficie de plusieurs locaux à Paris, dont :
- Bar « Le Saint Sauveur », 11 rue des Panoyaux, Paris 20e.
- Local de la Confédération nationale du travail (CNT), 33 rue des Vignolles, Paris 20e.
- Centre international de culture populaire (CICP), 21ter rue Voltaire, sert également de local au Ménilmontant Football Club.
- Parole Errante, 9 rue François Debergue, Montreuil.
- Lycée autogéré de Paris, 393 rue de Vaugirard, Paris 15e, bastion de l’extrême-gauche, fermé sur ordre du rectorat en 2024 suite à une longue procédure de l'inspection, initiée par des signalements de harcèlement sexuel.
Proximités
L’AFA co-anime la plateforme Acta.zone, lancée avec d’autres acteurs de la mouvance autonome durant le mouvement des Gilets Jaunes, en 2019, sur laquelle elle publiait des textes doctrinaires.
Le groupe est également proche du Parti des indigènes de la République (PIR), souvent accusé de flirter avec l'antisémitisme du fait des prises de position de son ancienne porte-parole, Houria Bouteldja. Un membre de l’AFA, sous le pseudonyme « Valerio Starita » et également « Geko », a traduit des textes de l’italien pour le PIR, et les deux groupes ont déjà organisé des prises de paroles communes. L’AFA se prévaut également d’une proximité avec le militant du PIR Wissam Xelka, qui a déjà invité les antifas parisiens sur sa plateforme « Paroles d’Honneur ».
Dans le cadre des manifestations pro-palestinienne, l’AFA-PB se retrouve fréquemment au côté de l’Union Juive française pour la Paix (UJFP), organisation juive antisioniste associée au PIR, qui a souvent co-déclaré des rassemblements avec les fractions de l’ultra-gauche, mais est accusée par d’autres mouvements de jeunesse juifs d’être « la caution juive des antisémites ». Dans le cadre de cet engagement, l’AFA entretient également des liens avec le mouvement Front Populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), mouvement marxiste classé terroriste en Union européenne, dont un porte-parole, Abu Samia déjà été invité au CICP.
L’AFA possède des liens étroits avec le syndicat Solidaires (SUD). En effet, Clément Méric fut membre de la branche étudiante de SUD, et la manifestation en son hommage est chaque année co-organisée avec ce syndicat. Aurélien Boudon, militant de l’AFA présent lors de la mort de Méric, est aujourd’hui porte-parole de SUD-Education. Enfin, un porte-parole de SUD-Poste dans le 92, Gael Quirante, a participé activement aux rassemblements de soutien à Antonin Bernanos durant ses incarcérations.
Dans les facultés, les jeunes de l’AFA s’appuient aujourd’hui sur le Tolbiac Football Club (Tolbiac FC), un groupe de jeunes antifas formés lors de l’occupation de Tolbiac en 2018, qui s’inspire des codes de la culture hooligan et se rattache idéologiquement à la mouvance autonome. Ces alliances avec des groupes plus jeunes leur permettent de grossir leurs rangs et d’établir une présence là où des militants plus vieux et insérés professionnellement ne peuvent se mobiliser.
L’AFA est proche de l’essayiste Matthieu Rigouste, militant d’ultra-gauche toulousain et chercheur en sociologie régulièrement invité aux événements du groupe, dont les travaux (résumés dans l’ouvrage La domination policière) visent à prouver la supposée nature foncièrement raciste et coloniale de l’institution policière.
Enfin, bien que ces derniers ne soient pas aussi étendus que ceux qu'entretient la Jeune Garde, l'AFA peut se prévaloir de liens avec les élus en exercice de la France Insoumise. Tout d'abord Raphaël Arnault, aujourd'hui député, a dans un premier temps milité aux cotés de l'AFA lors de ses études à Paris, étant inscrit pendant une année à la faculté de Nanterre. Une collaboration qui prit fin notamment en raison de l'engagement de Raphaël Arnault au sein des ultras Marseillais, ennemis historiques des supporters parisiens, fussent-ils de gauche ! L'AFA entretient également de bonnes relations avec Louis Boyard, qui prend la pose avec ses militants, tout comme avec Daniele Obono... qui participait en novembre 2019 à un rassemblement de soutien à Daniele Bombace, membre de l'AFA de nationalité italienne visé par une OQTF.
Chefs du groupe
- 2008~2011 : Oliver Bonafé.
- 20011~2013 : Micha Sztarlyd.
- 2013~2016 : Antonin Bernanos.
- 2016~2018 : Bastien Berne.
- 2018~2024: Antonin Bernanos.
Articles connexes
Liens externes
- « Action Antifasciste Paris-Banlieue : 16 ans de violences », enquête menée par L’observatoire des violences politiques[4]; lire en ligne : [2].