Métapolitique

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La métapolitique est la diffusion dans la mentalité collective et dans la société civile de valeurs et d'idées (ou d' « idéologèmes ») en excluant tout moyen ou toute visée politicienne, comme tout étiquetage politique, mais selon une visée de « Grande politique » (Nietzsche), c'est-à-dire de recherche d'un impact historique et d'une transformation politique en profondeur et à long terme.

La stratégie métapolitique

La reconnaissance d'une réflexion fondatrice comme socle de toutes les grandes révolutions historiques, de la subversion chrétienne de l'Empire romain au manifeste du Parti communiste, en passant par les clubs intellectuels précédant la Révolution française (cf. Augustin Cochin), fut conceptualisée par le penseur communiste italien Antonio Gramsci. Dès les années 1920-1930, il fit de la guerre culturelle menée par des « intellectuels organiques » une précondition du succès de l'action politique sur le long terme.

« La théorie gramscienne diverge fondamentalement du marxisme classique qui réduit la société civile à l'état de simple infrastructure économique. Pour elle, c'est l'ensemble de la culture, dont l'économie n'est qu'un secteur, qui est en jeu dans la lutte pour le pouvoir. La culture constitue l'infrastructure qu'il faut investir ou subvertir par des moyens intellectuels avant même de s'attaquer au pouvoir politique.»[1]

La métapolitique se situe en dehors et au-dessus de la politique politicienne, laquelle est devenue théâtrale et ne constitue plus le lieu de la politique. La stratégie métapolitique vise à diffuser une conception-du-monde de sorte que les valeurs de cette dernière acquièrent dans l'histoire puissance et pouvoir à long terme. Cette stratégie est incompatible avec les ambitions bourgeoises de détenir le pouvoir, d' « être dans » le pouvoir à court terme. Polyvalente, la métapolitique doit s'adresser aux décideurs, aux médiateurs, aux diffuseurs de tous les courants de pensée, auxquels elle ne dévoile pas forcément l'ensemble de son discours. La métapolitique diffuse aussi bien une sensibilité qu'une doctrine; elle se fait culturelle ou idéologique selon les circonstances.

Hauteur de vue, souplesse, efficacité pratique et dureté du "discours interne" (qui se distingue du discours externe, lequel ne trahit nullement le discours interne, mais ne dit pas « tout » et en adapte la formulation) sont les quatre qualités de la stratégie métapolitique.

Origine du concept

Le terme de métapolitique apparait pour la première fois en français sous la plume de Joseph de Maistre qui le reprend des philosophes allemands Christoph Wilhelm Hufeland (1762-1836) et August Ludwig Schlözer (1735-1809):

« J'entends dire que les philosophes allemands ont inventé le mot métapolitique, pour être à celui de politique ce que le mot métaphysique est à celui de physique. Il semble que cette nouvelle expression est fort bien inventée pour exprimer la métaphysique de la politique, car il y en a une, et cette science mérite toute l'attention des observateurs »[2].

Dans cette acception traditionaliste, les développements politiques internationaux sont la traduction d'un plan archétypal divin, supra-politique, qu'il s'agit de comprendre et d'interpréter pour en saisir la signification, pour enfin l'implémenter concrètement et en prédire le déploiement à venir. Seule la métapolitique permet à l'Homme de conformer la société au logos universel (impliquant une économie écologique), pour le bénéfice de tous et de chacun, vivant ainsi, si ce n'est en harmonie durable avec le monde, en bonne intelligence avec celui-ci.

Dans la terminologie courante de la politique contemporaine, « métapolitique » est cependant sans rapport direct avec cet héritage philosophique. D'après l'universitaire historien et politologue américain Peter Viereck, qui introduit le mot et le concept de « Metapolitics » en anglais en 1941 dans un essai intitulé Metapolitics: the Roots of the Nazi Mind, « ce sont les nationalistes regroupés autour de Richard Wagner qui les premiers employèrent le mot de "Metapolitik" pour traduire l'ambition politique de l'Allemagne ». Enfin, pour Jean-Yves Pranchère, spécialiste de Joseph de Maistre, l'acception que celui-ci donne à « métapolitique » est sans rapport avec le sens que prend « Metapolitik » chez les philosophes allemands, sens dont l'usage actuel du mot est manifestement dérivé. En effet, « Maistre récuse absolument l'idée d'état de nature qui forme la base de cette théorie chez les philosophes allemands ». C'est cette idée d' état de nature qui, pour Peter Viereck, se confond totalement avec l'idée de race dans la philosophie politique de l'Allemagne, « de Wagner à Hitler », et au-delà chez leurs héritiers politiques.

L'interprétation est identique chez Julien Dohet, historien spécialiste de l'« extrême droite contemporaine », qui note que le Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne, importateur du concept de Metapolitik en France, l'exploite pour arriver à « dépasser le nationalisme par une liaison entre identité (raciale) européenne et identité régionale ». Marie-José Chombart de Lauwe a montré, en s'appuyant sur des textes explicites des cadres du GRECE - notamment de Pierre Vial - que l'objectif au départ avoué, et même revendiqué, de cette « métapolitique » est de « modifier les mentalités et s'implanter dans les instances du pouvoir, assez ébranlées pour accepter, si la crise s'accentue, une nouvelle forme de gouvernement : un système d'ordre où prédomine une élite bien préparée, de race blanche, imprégnée des valeurs occidentales que l'opinion aura insidieusement été poussée à souhaiter. »

Dans Ma Dernière Mémoire, Raymond Abellio affirme que les enjeux ésotériques du Troisième Reich au cours de la Seconde Guerre mondiale ne peuvent s'expliquer que par la « métapolitique » à l'œuvre dans le national-socialisme. Il écrit: « Toute métapolitique s'enracine au plus bas dans ces régions troubles, ces nuits ancestrales de l'inconscient des peuples où les complexes d'agressivité et de culpabilité gravitent ensemble. (...) Aussi bien ne peut-on pas comprendre la Deuxième Guerre mondiale si l'on ne sort pas de la politique banale pour accéder à la métapolitique (...) Quelles qu'aient été ses motivations immédiates, le génocide de 1942-1945 lui-même a constitué à cet égard une véritable opération de magie noire où le fol orgueil luciférien des nazis et leur besoin de possession satanique conjoignaient leurs effets »[3].

Métapolitique et gramscisme de droite

Dans un tout autre ordre d'idées, à partir d'une réflexion du dissident communiste italien Antonio Gramsci (années 1920-1930), le concept de métapolitique est principalement développé durant les années 1970 par le courant de pensée dit de la « Nouvelle droite ». Alain de Benoist découvre le concept en lisant l'universitaire italienne vivant alors en France, Maria-Antonietta Macciocchi (1922-2007), qui avait vulgarisé en un petit volume, les thèses “métapolitiques” d’Antonio Gramsci[4], [5].

C'est une stratégie qui « consiste à agir dans le champ idéologique et culturel, préalablement à la prise du pouvoir effectif (politique) ».

Cette stratégie consiste en une diffusion dans la collectivité et dans la société civile de valeurs et d'idées (ou d'« idéologèmes ») en excluant tout moyen ou toute visée politicienne, comme toute étiquette politique, mais dans l'optique d'une « Grande politique » (Nietzsche), c'est-à-dire orientée vers la recherche d'un impact historique.

La métapolitique se situe en dehors et au-dessus (meta) de la politique « politicienne », laquelle – aux yeux de ses promoteurs – serait devenue théâtrale et ne constituerait plus le lieu de la politique. La stratégie métapolitique diffuse une conception-du-monde (Weltanschauung) de sorte que les valeurs de cette dernière acquièrent une portée historique et produisent un résultat à long terme. Cette stratégie est incompatible avec l'ambition de détenir le pouvoir, d'« être dans » le pouvoir à court terme. La métapolitique n'est donc pas, par définition, quelles que soient par ailleurs ses motivations idéologiques, supposée s'intéresser à l'actualité politique, si ce n'est comme le symptôme d'un esprit du temps qu'elle cherche à transformer.

La théorisation de la métapolitique en France a surtout été l'objet du Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne, avec les travaux d'Alain de Benoist et de Jacques Marlaud.

Elle s'inspire notamment de la réflexion du penseur communiste italien Antonio Gramsci qui fait de la guerre culturelle menée par des « intellectuels organiques » une précondition du succès de l'action politique sur le long terme.

« La théorie gramscienne diverge fondamentalement du marxisme classique qui réduit la société civile à l'état de simple infrastructure économique. Pour elle, c'est l'ensemble de la culture, dont l'économie n'est qu'un secteur, qui est en jeu dans la lutte pour le pouvoir. La culture constitue l'infrastructure qu'il faut investir ou subvertir par des moyens intellectuels avant même de s'attaquer au pouvoir politique. »[6]

Sans renoncer à la métapolitique, Alain de Benoist relativise aujourd'hui l'importance du pouvoir intellectuel et du combat des idées face à d'autres facteurs de changements contemporains tels que les progrès de la technique :

« Bien entendu, on peut se demander si, dans le monde où nous sommes, les idées peuvent encore jouer un rôle comparable à celui qu’elles ont eu dans le passé. Le temps où les intellectuels détenaient, au moins dans certains pays dont la France, une véritable autorité morale est visiblement passé. L’Université elle-même a beaucoup perdu de son prestige, au profit du système médiatique. Or, les grands médias, à commencer par la télévision, ne sont guère aptes à faire passer une pensée complexe. Dans le même temps, il est clair que les transformations sociales les plus décisives sont aujourd’hui induites, non par les instances politiques classiques, mais par l’évolution des technologies. Il n’en reste pas moins que les idées ont toujours de l’importance, car elles influent sur les valeurs et les systèmes de valeurs auxquels se réfère la société globale. La multiplication des réseaux, qui est un des phénomènes les plus caractéristiques de notre époque, peut contribuer à leur diffusion. »

Textes à l'appui

Le point de vue d'Alain de Benoist

TOQ : La « métapolitique » est un terme qu’on ne rencontre pas souvent dans le discours politique aux États-Unis. Le manifeste de la ND [Nouvelle Droite] la définit en ces termes : « la métapolitique n’est pas une autre manière de faire de la politique. Elle n'a rien d’une “stratégie” qui viserait à imposer une hégémonie intellectuelle, pas plus qu'elle ne prétend disqualifier d’autres démarches ou attitudes possibles. Elle repose seulement sur la constatation que les idées jouent un rôle fondamental dans les consciences collectives et, de façon plus générale, dans toute l'histoire des hommes (…) Dans un monde où les ensembles clos ont laissé la place à des réseaux inter-connectés, où les points de repère deviennent toujours plus flous, l'action métapolitique consiste à tenter de redonner du sens au plus haut niveau par le moyen de nouvelles synthèses, à développer en dehors des joutes politiciennes un mode de pensée résolument transversal, enfin à étudier tous les domaines du savoir afin de proposer une vue du monde cohérente ». S'agit-il là d'un appel « gramscien » à une révolution culturelle ? De la condition nécessaire d'une révolution politique ? Cet appel est-il limité à la vie politique en Europe, toujours plus diversifiée qu’aux États-Unis, où il y a très peu de différences entre les deux partis qui dominent le paysage politique américain ?

AdB : Il me semble que l’on a donné un peu trop d'importance à ce terme de "métapolitique" En prônant une action de type « métapolitique », la ND se proposait tout simplement de faire de façon plus ou moins collective ce que de tout temps les théoriciens ou les intellectuels ont fait isolément. On pourrait de ce point de la comparer à ce qu’a été l'École de Francfort dans les années 30. Il s’agissait aussi de rappeler que ce ne sont pas seulement les mouvements politiques qui transforment la vie des hommes, mais que les idées jouent aussi un rôle dans l'évolution des mentalités. La révolution cartésienne et la révolution kantienne ont joué dans l'histoire un rôle au moins aussi important que la Révolution française ou la Révolution industrielle. Bien entendu, la métapolitique, ainsi comprise, peut avoir des conséquences politiques : la Révolution française n’aurait sans doute pas été possible, en tout cas sous la forme qu’on a connue, sans l’œuvre des Encyclopédistes et des philosophes des Lumières. Mais de telles conséquences, toujours imprévisibles, se situent sur un plan différent. Lénine n'aurait pas été marxiste si Marx n'avait pas écrit avant lui, mais cela ne signifie pas que Marx aurait approuvé Lénine. Les « think-tanks » tels qu'il en existe aux États-Unis sont encore autre chose. Ils visent en général à élaborer des programmes ou à servir de « réservoirs d'idées à des hommes politiques ou à des partis, ce qui n’est pas du tout l’ambition de la ND. La comparaison avec Gramsci, qu'il m’est arrivé de faire moi-même, trouve également très vite ses limites dans la mesure où les « intellectuels organiques » qu'Antonio Gramsci appelait de ses voeux étaient eux-mêmes censés agir en liaison avec un parti politique, en l'occurrence le parti communiste italien. L'objectif de la ND est plus simple : il s'agit simplement de répandre le plus possible ses idées, de faire connaître ses analyses, et d'aider ainsi à l'évolution des mentalités.

Bien entendu, on peut se demander si, dans le monde où nous sommes, les idées peuvent encore jouer un rôle comparable à celui qu'elles ont eu dans le passé. Le temps où les intellectuels détenaient, au moins dans certains pays dont la France, une véritable autorité morale est visiblement passé. L'Université elle-même a beaucoup perdu de son prestige, au profit du système médiatique. Or, les grands médias, à commencer par la télévision, ne sont guère aptes à faire passer une pensée complexe. Dans le même temps, il est clair que les transformations sociales les plus décisives sont aujourd’hui induites, non par les instances politiques classiques, mais par l'évolution des technologies. Il n’en reste pas moins que les idées ont toujours de l’importance, car elles influent sur les valeurs et les systèmes de valeurs auxquels se réfère la société globale. La multiplication des réseaux, qui est un des phénomènes les plus caractéristiques de notre époque, peut contribuer à leur diffusion.

Extrait de l'entretien d'Alain de Benoist donné à la revue The Occidental Quarterly (repris dans C'est-à-dire, vol. 1, 2006, p. 181-183).

Le point de vue de Guillaume Faye

La métapolitique recouvre un travail de propagande qui n'émane pas nécessairement d'un parti étiqueté, mais qui diffuse un corpus idéologique dont le but est d'exprimer un projet politique global. La métapolitique s'avère le complément indispensable de l'action politique directe mais elle ne doit en aucun cas la remplacer.

Des sociétés de pensée qui ont préparé la Révolution française (les « clubs ») jusqu'aux groupes de pression et associations d'aujourd'hui, la pratique de la métapolitique constitue l'indispensable préparation de toute action politique ou révolutionnaire, comme du maintien d'un pouvoir en place, quel qu'il soit.

Se situant en dehors de tel ou tel parti, elle a l'avantage d'une apparente « neutralité » non électoraliste et désintéressée, ce qui renforce son pouvoir de persuasion, puisqu'elle ne s'exprime pas à partir d'un lieu politiquement repérable. La stratégie métapolitique, qui peut utiliser tous les médias imaginables, vise à diffuser une conception-du-monde capable d'agir à long terme. C'est par son travail métapolitique de longue haleine que l'égalitarisme est parvenu à dominer la scène politique et les mentalités mêmes de ses soi-disant adversaires. La métapolitique est l'occupation des esprits, la politique est l'occupation du terrain.

Polyvalente, l'agitation métapolitique s'adresse autant aux décideurs (« frapper à la tête »)qu'à la population globale ; elle doit autant viser la formation idéologique complète d'une élite active que la propagande dans les médias populaires par « saupoudrage ». Enfin, l'action métapolitique doit se garder du danger de culturalisme excessif, qui tombe vite dans l'intellectualisme creux, l'érudition vantarde ou la philosophie d'amateurs, mais avoir toujours comme objectif principal d'affirmer les grands axes, les concepts centraux d'un projet de société et de civilisation de manière positive et affirmative.

Guillaume Faye, Pourquoi nous combattons : Manifeste de la Résistance européenne, Paris, L'AEncre, 2002, 292 p., p. 204-205.


Citation de Maurice Barrès :

Les Déracinés de Maurice Barrès

Source: Ego Non

Articles connexes

Notes et références

  1. Jacques Marlaud, « Métapolitique : la conquête du pouvoir culturel. La théorie gramscienne de la métapolitique et son emploi par la Nouvelle droite française », Interpellations. Questionnements métapolitiques, Dualpha, 2004, p. 121-139
  2. Joseph de Maistre, Essai sur le principe générateur des constitutions politiques et des autres institutions humaines, in: Œuvres complètes, Lyon, Vitte et Perrussel, I, 1884, p. 227-228.
  3. Raymond Abellio (Georges Soulès), Ma dernière mémoire, vol. 3 : Sol invictus : 1939-1947, Paris, Gallimard, 1980, 497 p. (ISBN 2-85956-189-7), p. 154-155
  4. Maria-Antonietta Macciocchi, Pour Gramsci, choix de textes gramsciens commentés, Seuil, collection « Tel Quel », 1974.
  5. Entretien avec Robert Steuckers, Numéro spécial sur les “nouvelles droites européennes”, Naves en Llamas 5, [1]
  6. Jacques Marlaud, « Métapolitique : la conquête du pouvoir culturel. La théorie gramscienne de la métapolitique et son emploi par la Nouvelle Droite française », Interpellations. Questionnements métapolitiques, Dualpha, 2004, pp. 121-139.