Augustin Cochin

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Augustin Cochin, né le 22 décembre 1876 à Paris VIIe et mort à Maricourt, le 8 juillet 1916, est un historien et un sociologue français.

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Cochin est mal vu par les historiens de la Révolution, à l'exception de François Furet qui le considère comme l'un des meilleurs historiens, avec Tocqueville, de cette séquence historique. Il a été le théoricien des « sociétés de pensée », un premier analyste des relations entre les idéologies et les organisations qui les produisent. À ce titre, il est un ancêtre de la médiologie.

Biographie

C'est en 1876 qu’Augustin Cochin voit le jour au sein d’une famille d’orléanistes catholiques. De son milieu, il gardera un fort attachement à cette filiation spirituelle et intellectuelle. Son père est un homme politique monarchiste rallié à la République, inscrit dans une tradition conservatrice. Son grand père fut, quant à lui, un disciple réputé de Le Play, précurseur de la sociologie française ; une discipline qui deviendra une des spécificités des travaux historiques avant-gardistes de son petit-fils. Après l’obtention d’une licence de lettres doublée d’une licence d’histoire, Augustin Cochin entre à l’École des chartes et entame peu après des recherches sur la Révolution. C’est à ce moment-là qu’il se rapproche de l’Action française sans jamais toutefois l’intégrer car il est opposé au mouvement monarchiste sur les questions religieuses. De plus, il est fermement hostile au positivisme maurrassien. Cependant, Charles Maurras aura toujours pour lui une sincère admiration. Les deux hommes partagent en effet les mêmes adversaires : la franc-maçonnerie, la démocratie et la République.

Pourtant, on aurait tort de s’arrêter là et de considérer que ce parti pris décrédibilise une œuvre que certains ont trop rapidement rangé dans la lignée des écrits de l’abbé Barruel. Son travail s’en distingue résolument, même si la franc-maçonnerie se trouve au cœur de l’œuvre des deux hommes. Cependant, pour Cochin, la thèse d’un complot franc-maçon, ourdi secrètement dans le mystère des loges afin de renverser le trône et l’autel, s’oppose à sa conception de l’Histoire. Selon lui, les hommes sont exclusivement les produits de phénomènes historiques. Il s’oppose à la théorie « complotiste » soutenue par l’auteur des Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme. Il écrira ainsi qu’elle est « une forme naïve dont la conspiration de mélodrame va de Voltaire à Babeuf ». Ses conclusions vont également à l’encontre des interprétations psychologisantes de la plupart des historiens du XIXe siècle comme Taine ou Aulard pour lesquels la volonté des acteurs est le moteur de l’histoire. Comme l’écrit François Furet dans Penser la Révolution française : « Brissot, Danton, Robespierre sont moins leaders jacobins que produits jacobins. […] Les tireurs de ficelles ne sont que des rouages, et les manipulateurs, des manipulés, prisonniers de la logique de système. »

Inspiré par la toute récente sociologie durkheimienne et par Lévy-Bruhl, Cochin opère une révolution méthodologique. Il décide de s’intéresser aux fonds d’archives provinciaux alors inexploités, au contraire des archives parisiennes qui monopolisent la recherche historique. À travers cette approche qui met l’accent sur le phénomène social, il souligne le rôle d’une sociabilité démocratique nouvelle qui s’étend sur le pays dans les années précédant la Révolution et modifie les rapports entre le pouvoir et les Français. Cette sociabilité est basée sur ce qu’il nomme « les sociétés de pensée » (cafés, salons, clubs, chambres de lectures, loges…) au sein desquelles la franc-maçonnerie forme l’organisation la plus aboutie. Ces groupes incarnent une machine motrice qui amène à une accélération de l’Histoire et à la rupture révolutionnaire. Ces sociétés – puissantes machines de création d’opinion – créent, selon lui, une opinion artificielle. Elles forment « une petite cité philosophique » qui impose alors ses vues à « la grande cité », c’est-à-dire au pays tout entier. Cette nouvelle sociabilité, qui s’installe en France, se base non plus sur une appartenance sociale, comme sous l’Ancien Régime, mais sur l’adhésion à des idées communes et forme la matrice du jacobinisme qui étendra sa domination sur la France à partir de 1792.

Ces idées communes incarnent ce qu’il nomme « la libre pensée ». Cochin dénonce la logique nihiliste de cette esprit né des idéaux philosophiques des Lumières qui tend à déraciner les hommes en les coupant de leurs attaches traditionnelles. Elle s’attaque violemment à l’ordre ancien sans lui proposer d’alternative. Cette philosophie fondée sur un idéal d’égalité entre les individus représente pour lui une abstraction dangereuse. Quand l’ancienne société était organique, composée d’ordres et d’états, la nouvelle société jacobine, dont on voit l’avènement sous la Révolution, est caractérisée par « l’anomie ». Le peuple devient un composé « d’atomes politiques » désorganisé et affaibli. L’historien Gérard Grunberg explique : « Pour Cochin, la Révolution est davantage l’avènement d’un nouveau type de socialisation qu’une bataille sociale ou un transfert de propriété. Elle est discours plus qu’action. » Ce phénomène se concrétise en 1789, mais il est, pour Cochin, l’aboutissement d’un travail de sape amorcé autour des années 1750. « Avant la Terreur sanglante de 93, il y eut, de 1765 à 1780, dans la république des lettres, une terreur sèche, dont l’Encyclopédie fut le comité de salut public, et d’Alembert le Robespierre. » L’enjeu de ses recherches est ainsi de montrer la passerelle entre ce pouvoir intellectuel et le pouvoir politique.

L’étude des archives provinciales lui permet de centrer son travail sur la représentation réelle du peuple pendant la période révolutionnaire, et plus précisément sur les élections des États généraux en 1788 et 1789 et sur le gouvernement révolutionnaire de 1793 et 1794. Lors de son étude sur la rédaction des cahiers de doléance bourguignons, ses conclusions l’amènent à percevoir l’influence décisive d’une minorité agissante sur une majorité grégaire par le biais de manipulations électorales. En Bretagne également, la bourgeoisie impose des modèles à suivre de cahiers de doléance aux paroisses paysannes qui ne font qu’en reproduire fidèlement les revendications. Cochin nie ainsi toute légitimité représentative aux institutions révolutionnaires prétendues démocratiques. Il conteste même le patriotisme de ses membres pourtant proclamé à longueur de discours.

Il évoque ainsi à leur propos ce qu’il nomme le « patriotisme humanitaire ». L’esprit jacobin qui en est issu rase les anciens corps constitués de la France d’Ancien Régime et détruit les petites patries au profit de la grande afin d’unifier la nation. Le jacobinisme souhaite créer un homme nouveau, un même citoyen français de Dunkerque à Toulon au nom d’une égalité utopique, que l’on peut analyser avec le recul comme une forme précoce de totalitarisme. Pour Cochin, « il s’agit bien plus de tuer les petites patries que de faire vivre la grande ; la grande ne gagne rien à ces ruines au contraire… » Et d’ajouter : «  Si leur patriotisme s’est arrêté en chemin, fixé pour un temps à l’unité française, c’est pour des raisons fortuites : parce que les provinces françaises ont cédé – que les nations étrangères résistent – à l’unité jacobine. S’il a défendu les frontières françaises, c’est qu’elles se trouvaient être alors celles de la révolution humanitaire… » Ce « patriotisme humanitaire » s’oppose aux intérêts français en voulant étendre cette conception d’un homme nouveau, né des principes révolutionnaires, à l’ensemble de l’humanité au nom d’une utopique patrie universelle.

En centrant son étude sur ces « sociétés de pensée », Cochin met en lumière à la fois le pouvoir des idées dans le processus révolutionnaire et la dynamique historique de cette période qui conduit à la Terreur et aux exécutions politiques successives des girondins, dantonistes ou hébertistes. Ce phénomène d’exclusions politiques se retrouvera tout au long des deux derniers siècles, même si le couperet de la guillotine n’en sera plus alors la sinistre conclusion. Par ses recherches, Augustin Cochin a su ainsi nous livrer un éclairage sur la naissance de la démocratie moderne[1].

Œuvres

  • La Machine révolutionnaire. Œuvres. Textes réunis, présentés et annotés par Denis Sureau, préf. de Patrice Gueniffey, Tallandier, 2018. Ce volume reprend la totalité des œuvres et de la correspondance, à l'exception des Sociétés de pensée et la Révolution en Bretagne. (1788‑1789), Paris, Champion puis Plon, 1925, deux tomes. Une édition dans la collection de poche Texto de Tallandier est parue en 2022.

Bibliographie

  • « Augustin Cochin : la théorie du jacobinisme », in : François Furet, Penser la Révolution française, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1978 (rééd. 1983), 259 p.
  • François-Bernard Huyghe, « Augustin Cochin (1876-1916) », in : Médium, vol. 13, no. 4, 2007, pp. 146-153.
  • Antoine de Meaux, Augustin Cochin et la genèse de la Révolution, Paris, Plon, 1928, 368 p.
  • Yves Morel, La vraie pensée d’Augustin Cochin, préf. Jean Tulard, Versailles, Via Romana, 2019, 342 p.
  • Fred E. Schrader, Augustin Cochin et la République française, trad. Marie-Claude Auger,Paris, Seuil, 1992, 312 p.

Notes et références

  1. « Augustin Cochin, l’historien oublié de la Révolution française », par Benjamin Fayet, Phillitt