Internationale noire

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Le terme d' « Internationale noire », censé désigner une structure de coordination transnationale entre les forces nationalistes, « néofascistes » ou « néonazies », ne correspond à aucune réalité historique. Il est une invention des médias de gauche, particulièrement à la mode dans les années 1970-1980.

Toutefois, il a parfois été repris par dérision, par plaisanterie ou par ironie, dans la rhétorique de certains mouvements de la Droite radicale.

Histoire du terme

Une origine anarchiste

Le terme d'Internationale noire est d'abord employé par les anarchistes pour désigner la Première Internationale, entre 1870 et 1878, dont l'histoire se termine par la rupture entre anarchistes et marxistes. La version anarchiste de l'hymne L'Internationale, légèrement différente de celle chantée par les marxistes, s'intitule d'ailleurs L'Internationale noire.

Le terme de Black International est employé ensuite par les anarchistes pour désigner une nouvelle fédération syndicaliste révolutionnaire, fondée en 1881, menée par Bakounine. Face à la concurrence des marxistes, victimes de ses propres échecs organisationnels, elle décline rapidement. Selon les auteurs anarchistes, sa succession est reprise par l'association Industrial Workers of the World, fondée aux Etats-Unis en 1905.

Les Internationales chrétiennes

René de la Tour du Pin

Le théoricien corporatiste catholique René de La Tour du Pin, dans Un ordre social chrétien, emploie le terme dans un appel à constituer une entente des forces opposées à la fois au capitalisme libéral et au socialisme marxiste. Il est toutefois bien clair que la couleur noire fait chez lui référence aux partis catholiques et non au fascisme italien. Il écrit en effet entre 1882 et 1906, bien avant l'épopée de Gabriele D’Annunzio et des premières Chemises noires.

« Il y a en ce moment trois courants internationaux, que l'opinion désigne par les noms d'internationale jaune (ou judaïque), d'internationale rouge (ou révolutionnaire) et d’internationale noire (ou chrétienne); le premier se forme chez les capitalistes, le second dans la classe ouvrière, le troisième n'appartient pas spécialement à une classe, mais tend à la réconciliation des classes divisées par les deux autres courants, en tenant entre leurs prétentions la juste mesure dictée par une saine doctrine sociale »[1].

Les démo-chrétiens

Dans les années 1920 à 1940, plus rarement à l'époque actuelle, les termes d' « Internationale noire » ou d' « Internationale blanche » sont parfois employés pour désigner les ententes entre des partis d'inspiration démocrate-chrétienne. Il a été notamment usité pour surnommer le Secrétariat international des Partis démocratiques d'inspiration chrétienne, créé par le démo-chrétien et antifasciste italien Don Luigi Sturzo[2].

L'Europe des nations chrétiennes de Karl Anton Rohan

A l'opposé d'un Don Sturzo antifasciste, le prince autrichien Karl Anton Rohan (1896-1975) va s'efforcer de créer un vaste réseau de coordination des différentes forces chrétiennes et conservatrices en Europe. En 1924, il fonde une Verband für kulturelle Zusammenarbeit (Fédération pour une collaboration culturelle), qui prend l'année suivante le nom d'Europäischer Kulturbund (Front culturel européen). L'association organise à Vienne et à Paris plusieurs conférences internationales, auxquelles participent notamment Hugo von Hofmannsthal, Paul Valéry, Max Beckmann, Carl Schmitt, Julius Evola et le Suisse Gonzague de Reynold[3].

Il publie aussi de 1925 à 1936 une Europäische Revue, qui plaide en faveur d'une Europe chrétienne et aristocratique, en opposition à la Pan-Europe rationnaliste et anti-traditionnelle de Nikolaus Coudenhove-Kalergi. Dans les années 1930, Rohan va s'activer pour un rapprochement entre les forces chrétiennes et le national-socialisme. D'abord partisan d'une Autriche national-socialiste indépendante au sein d'une fédération européenne des nations chrétiennes, il soutiendra avec enthousiasme l'Anschluss en 1938.

Les Congrès internationaux de Montreux (1934 et 1935)

Les Comités d'action pour l'universalité de Rome organisent à Montreux, en Suisse, un colloque international de deux jours, les 16 et 17 décembre 1934. Ce projet d'« Internationale fasciste » rassemble des délégués de 13 pays européens, dont Ion Mota de la Garde de Fer roumaine, Vidkun Quisling du Nasjonal Samling norvégien, George Mercouris du Parti national-socialiste grec, Ernesto Giménez Cabalerro de la Phalange espagnole, Eoin O'Duffy des Chemises bleues irlandaises (Army Comrades Association), Marcel Bucard du Mouvement franciste français, des représentants du Tautininkai lituanien, du Portugais Acção Escolar Vanguarda, ainsi que des délégations provenant d'Autriche, de Belgique (Paul Hoornaert pour la Légion nationale), du Danemark, de Grèce, des Pays-Bas et, bien sûr, de Suisse (Front national, Union nationale et FFS).

Une deuxième et dernière édition du colloque international a lieu à Montreux en avril 1935. José Antonio Primo de Rivera y participe.

La disparition et donc l'échec de cette tentative s'efface devant la geste de la guerre d’Espagne, qui voit affluer des contingents de volontaires pour combattre aux côtés des franquistes, puis, durant le second conflit mondial, la mobilisation faite au nom de la croisade contre le bolchevisme et pour « l’Europe nouvelle », notamment par l’engagement sur le Front de l’Est.

Un mythe transcendant les nations : les Waffen S.S.

Adriano Romualdi, partisan d'un nationalisme européen, souligne que, paradoxalement, « seuls les nationalistes peuvent faire l'Europe ». Et c'est au cours de la Seconde Guerre mondiale que ce paradoxe a pu s'incarner pour la première fois à l'époque moderne:

« Le drapeau de l’Europe est paradoxalement resté entre les mains des nationalistes. Lesquels l’avaient déjà empoigné pendant la Seconde Guerre mondiale, qui ne fut pas seulement la guerre civile des nationalismes, mais la guerre des nationalistes sur la voie de l’Europe. Comment pourrait-on définir autrement un conflit qui a vu les nationalistes se rassembler dans une internationale ? Qui les a vu se réunir, dans les Waffen S.S., en « brigades internationales » ? Les nationalistes finirent par devenir – selon la leçon de Nietzsche – de « bons Européens », tandis que les antinationalistes qui vainquirent en 1945 se révélèrent de mauvais Européens, comme ils avaient été de mauvais Allemands ou de mauvais Italiens »[4].

La mythologie journalistique des années 1970-1980 : le fantasme de l'« Internationale noire »

Durant les années 1970, une série d’essais journalistiques proclament, sans aucune preuve, l’existence d’une internationale « néofasciste » ou « néonazie ». La matrice en aurait été l’Organisation armée secrète (OAS). Son histoire se serait prolongée en Europe et en Amérique latine où cette « OAS internationale » aurait trouvé des relais et construit des bases arrières[5].

De la « stratégie de la tension » à l'« Orchestre noir »

Entre la fin des années 1960 et le début des années 1980, l'Italie traverse une période particulièrement trouble et tendue : instabilité politiques, agitation politique et sociales, criminalité, assassinats politiques, révoltes populaires au sud du pays, actions de groupes armés, développement extensif du trafic et de la consommation de drogues, criminalité, attentats meurtriers, immigration intérieure, etc. Face à la montée de la violence politique, une tentative d'explication se répand dans la presse: la théorie de la « stratégie de la tension ». Selon cette théorie, l'Etat, ou une partie des structures étatiques, aurait voulu se stabiliser en attisant et en provoquant l'un contre l'autre les « estremi opposti » (l'extrême gauche et l'extrême droite).

Alors que la théorie de la « stratégie de la tension » commence à s'imposer, la presse la plus à gauche va élaborer une autre théorie, celle de l'« Internationale noire » ou de l'« Orchestre noir ». Suivant ces auteurs, dont l'un des plus célèbres est le journaliste communiste Frédéric Laurent, de mystérieux comités, soutenus par la CIA, auraient réuni et coordonné services secrets, organisations « néofascistes », catholiques traditionalistes, colonels grecs et sudaméricains, pour abattre les régimes libéraux. Ce roman politique conspirationniste va obtenir un franc succès, jusqu'à devenir admis dans les milieux académiques. En effet, il absout les forces de gauche de toute responsabilité envers la violence politique.

La presse de gauche a régulièrement présenté le militant national-révolutionnaire italien Stefano Delle Chiaie comme le « chef » de cette « Internationale noire », qu'il aurait « animée » avec le traditionaliste catholique Yves Guérin-Serac. Une grande partie de ses allégations repose sur les dires de Vincenzo Vinciguerra, un « repenti » d'Avanguardia Nazionale converti au communisme en prison. C'est lui qui a affirmé que les contacts entre Avanguardia Nazionale et Pinochet auraient été établis par le prince Borghese, et que l'organisation aurait ensuite servi à appuyer la police politique chilienne à l'étranger et notamment en Europe, et qu'elle aurait planifié une tentative d'assassinat de Bernardo Leighton. Stefano Delle Chiaie a toujours rejeté toutes ces accusations, affirmant que cette « internationale noire » a été inventée de toutes pièces par les médias. Il précise aussi que, s'il a bien rencontré Guérin-Sérac, celui-ci est un catholique traditionaliste, et non un national-révolutionnaire comme il se définit lui-même. En revanche, il affirme avoir voulu constituer un « mouvement révolutionnaire mondial », réunissant les « groupes provenant de différents milieux culturels et qui cherchent à dépasser les deux dogmes de l'époque moderne : le marxisme et le capitalisme libéral ». De même, il affirme que s'il a été un temps en contact avec la Ligue anticommuniste mondiale (WACL), il dit l'avoir quittée, refusant d'être utilisé par la CIA.

Réalités

Les tenants des droites radicales n’ont pas créé d’internationale à l’image du Komintern. Mais cette absence ne saurait clore le débat historique sur l’existence d’une internationale des droites radicales. Et ce, à la condition de ne pas considérer seulement une internationale comme une organisation hiérarchisée et structurée mais de l’envisager sous l’angle d’une nébuleuse articulée autour de réseaux.

Essai de chronologie des prétendues « Internationales noires »

  • 1882 : Dresde. Premier « Congrès International anti-Juif », organisé par Adolf Stocker (Allemagne), Victor von Istoczy (Hongrie) et Geza von Onody (Hongrie).
  • Juin 1889 : Bochum (Allemagne). Congrès antisémite. Nombreux représentants de France, de Hongrie, d’Allemagne et d’Autriche (dont Georg von Schönerer).
  • Décembre 1910 : Henry Cellerier, secrétaire de Charles Maurras, écrit au Suisse Gonzague de Reynold pour l'inviter au 3° congrès de l'Action française et lui propose de travailler à la constitution d'une Coordination internationale ou d'une Alliance contre-révolutionnaire avec des militants Belges et Roumains.
  • avril 1931 : Johann Walthari Wölfl, industriel viennois, prieur de l'Ordre du nouveau temple de Jörg Lanz von Liebenfels, fonde l’Ostara-Rundschau (Panarische Revue). Cette revue fait la promotion de la coopération pan-aryenne entre les groupes de droite radicale du monde entier. Son carnet d’adresses utiles indiquait comment contacter les mouvements fascistes italiens, anglais, américain et français, ainsi que le NSDAP allemand.
  • 16-17 décembre 1934 : Montreux (Suisse). Congrès des fascismes européens ; treize pays sont représentés ; présence d'Arthur Fonjallaz et Georges Oltramare (Suisse), Eion O’Duffy (Irlande), Marcel Bucard (France), Vidkun Quisling (Norvège), Ion Motza (Roumanie), Georges S. Merkouris (Grèce), E.G. Caballero (Espagne), etc. Dans sa motion finale, le Congrès reconnaît à la quasi-unanimité Mussolini comme le « fondateur et chef du fascisme international ».
  • Lors de la guerre d'Hiver en 1939-1940 entre la Finlande et l'URSS, le Cercle Ragnarok (Norvège) et le Perkonkrusts (Lettonie) tentèrent de créer une « Internationale fasciste » non-inféodée à Benito Mussolini et à Adolf Hitler. [6]
Les signataires de la conférence de Venise : Jean Thiriart; Adolf von Thadden, Oswald Mosley, un inconnu, Giovanni Lanfre
  • 1949 : Londres. Création du Front européen de libération, sur la base de la Proclamation de Londres de l’américain Francis Parker Yockey. Les trois fondateurs sont F.P. Yockey, Guy Chesham et John Anthony Gannon. Le Front sera actif jusqu’en 1954, publiant le bulletin Frontfighter.
  • Mars 1950 : Rome. Premier congrès des droites nationales européennes (neuf pays représentés, avec Per Engdahl pour la Suède et Karl-Heinz Priester pour l’Allemagne).
  • Septembre 1951 : Zurich. Les tenants d'une ligne racialiste se séparent du MSE et fondent le NOE (Nouvel ordre européen) ; les leaders sont, entre autres, le Français René Binet et le Suisse G.A. Amaudruz.
  • 1959 : Uppsala (Suède). Colloque international nationaliste, qui se termine par la publication d’une déclaration commune : le « Message d’Uppsala ».
Conférence européenne des jeunes, organisée à Milan en 1964
  • 1963 : fondation du mouvement Jeune Europe à l’initiative du Belge Jean Thiriart, qui adopte une orientation anti-capitaliste et anti-américaine (le mouvement édite la revue La Nation Européenne de 1965 à 1969). Thiriart sera très actif jusqu’en 1969, établissant des contacts avec des pays communistes ou non-alignés (Baas irakien, résistance palestinienne, Egypte, Roumanie, etc.) et rencontrant des leaders comme Juan Perón, Nasser ou Ceausescu. Thiriart abandonnera ses efforts en 1969 et le mouvement disparaîtra peu après.
  • 23 juillet 1964 : conférence européenne des jeunes, organisée à Milan par Pierfranco Bruschi de Jeune Europe. Y participèrent Oswald Mosley et Jean Thiriart.
  • 5-6 avril 1969 : Barcelone. Xe Congrès du NOE avec 60 délégués de 7 pays européens, dont le Suisse G.A. Amaudruz et le général croate V. Ljuburich.
  • 13 mai 1970 : Paris. Meeting du mouvement français Ordre nouveau à la Salle de la Mutualité, avec de nombreuses figures de la droite radicale française, et avec la présence de délégués européens, notamment des Italiens du MSI et le leader suédois Per Engdahl.
Affiche du Front national européen
  • 28 mars 1976 : Lyon. Rencontre internationale sous les auspices du NOE.
  • 8-10 avril 1977 : Barcelone. XIIIe Congrès du NOE.
  • 1988 : à l'initiative de Pascal Junod, réunion européenne en Suisse. Celle-ci vise à créer une structure concurrente du Groupe du 12 mars. Ce projet n'aboutira qu'en 1994 avec la création de Synergies européennes.
  • 1994: fondation de Synergies européennes par des dissidents de la Nouvelle droite française, comme Gilbert Sincyr, qui exercera les fonctions de président européen pendant cinq ans, et Robert Steuckers qui en sera l'inamovible secrétaire général. Ce mouvement, qui a compté des sections dans de nombreux pays d'Europe, est toujours actif et est implanté en République de Russie où ont été organisées un certain nombre de réunions internationales.
  • 2003 : fondation du Front national européen (FNE), dont le secrétaire-général est Roberto Fiore. Il est notamment composé de Force nouvelle (Italie), FE–La Phalange (Espagne), Nouvelle droite (Roumanie), Parti national démocrate allemand (Allemagne), B.N.S. (Bulgarie), Parti de la rénovation nationale (Portugal), Renouveau français (France), l'Alliance nationale (Hollande et Bulgarie).
  • 2004 : fondation de la Fondation continent Europe par Patrik Brinkmann "dans l’objectif de défendre l’identité européenne menacée de mort physique en raison de l’immigration massive et de mort politique en raison de l’hégémonie américaine en Europe".

Citations

« L’union des fascismes fera la paix du monde ! »

Marcel Bucard.

« Le dépassement du nationalisme, seuls les nationalistes peuvent le faire. »

Maurice Bardèche.

Bibliographie

  • « De Jeune Europe au Front Européen de Libération : étude comparée des internationales nationalistes-révolutionnaires », Olivier Dard dir., Organisations, mouvements et partis des droites radicales au XXe siècle (Europe-Amériques), Peter Lang, Bern, 2015, pp.133-152.

Articles connexes

Notes et références

  1. René de La Tour du Pin, Vers un ordre social chrétien - Jalons de route 1882-1907, Paris, Nouvelle Librairie nationale, sans date (1907), rééd. Éditions du Trident, 1987, 398 p. p. 87-88
  2. Voir J-L Pouthier, « Émigrés catholiques et antifascisme : Luigi Sturzo et l'Internationale blanche », in: Les Italiens en France de 1914 à 1940, Collection de l'École française de Rome, 1986, vol. 94, pp. 481-497.
  3. H. T. Hansen, Julius Evola et la « Révolution conservatrice » allemande, Montreuil-sous-Bois, Les Deux Étendards, 2002, 96 p., p. 42
  4. Adriano Romualdi, La Droite et la crise du nationalisme, nouvelle trad. par Philippe Baillet, prés. par David Rouiller, Fribourg, éd. Sentiers perdus, octobre 2022, 94 p.
  5. Olivier Dard, « L’internationale noire en Europe de 1945 à la fin des années 1980 », Encyclopédie pour une histoire nouvelle de l'Europe [en ligne], ISSN 2677-6588, 2016, mis en ligne le 09/11/2015, lire en ligne : [1].
  6. Christian Bouchet, « Le Cercle Ragnarok, un national-socialisme radical en Norvège », in : Réfléchir & Agir n° 72 de l'hiver 2022.