Gabriele D’Annunzio

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Gabriele D'Annunzio, prince de Montenevoso, né à Pescara le 12 mars 1863 et mort à Gardone Riviera le 1er mars 1938, est un poète, écrivain et homme politique italien.

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« Poète-guerrier », héros de la Première Guerre mondiale, il est à l'initiative de la prise de la ville de Fiume et de l'instauration de la « Régence du Carnaro ». Cette intervention dans l'histoire joue un rôle déterminant dans la naissance du mouvement fasciste[1].

Biographie

Une avant-guerre de succès littéraire

Dès son plus jeune âge, d’Annunzio avait lu Shakespeare et Baudelaire et ses premiers pas de poète, il les a faits dans le sillage du poète italien Giosué Carducci. L’influence de Nietzsche fut grande chez lui et le leitmotiv du « surhomme » devint rapidement central dans son œuvre. Il en déduisit un rôle important à accorder à l’héroïsme. Il hissa le culte éthique de la beauté, propre de l’héritage latin antique, au-dessus des fausses valeurs de l’industrialisme et du matérialisme. Il se dresse contre le positivisme et proclama qu’il ne voulait plus entendre de « vérité » mais voulait, plus simplement, posséder un rêve. C’est en ces années de maturation que l’influence de Nietzsche se fit fortement sentir sur d’Annunzio : il en vient à prêcher l’avènement d’une aristocratie spirituelle, arme contre la morale bourgeoise, et à concentrer ses efforts pour faire advenir une ère nouvelle. Avant la première guerre mondiale, sa pensée avait influencé le mouvement futuriste mais le fondateur du futurisme, Tomaso Marinetti, considérait que d’Annunzio était un personnage appartenant au passé.

La Première guerre mondiale

Après avoir séjourné un certain temps en France, il revient en Italie en 1915, en suscitant un énorme intérêt et pour participer aux combats de la guerre.

Il a déjà 52 ans au moment où elle éclate mais cela ne l’empêche pas de se porter volontaire pour commander une division de cavalerie et la mener au feu, contre les puissances centrales. Il acquiert bien vite le statut de héros, notamment en lançant une attaque contre les tranchées ennemies, vêtu d’une longue cape flottante jetée sur ses épaules et armé seulement d’un pistolet. Autre geste héroïque qu’il convient de rappeler : il s’envole un jour, à bord d’un avion, pour lancer des tracts sur Vienne, ce qui lui permet d’obtenir la « médaille d’or », la plus haute décoration honorifique d’Italie[2].

La « victoire mutilée »

Lors de la conférence préludant au Traité de Versailles en 1919, l’Italie exige le port de Fiume. Mais le sort de la ville a déjà été scellé par les autres puissances victorieuses. En Italie, un sentiment général prend le dessus : celui de subir une « victoire mutilée », concept forgé par d’Annunzio lui-même. La situation devient explosive, d’autant plus que l’état de l’économie se détériore considérablement, avec son cortège de millions de chômeurs et l’atmosphère prérévolutionnaire que cette misère implique.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France voulaient que Fiume fasse partie du nouvel État, né de Versailles : la Yougoslavie unitaire. Les alliés occidentaux occupent le port pour concrétiser leur volonté. En août 1919, les troupes italiennes sont contraintes de quitter la ville après quelques fusillades échangées avec des soldats français.

L'expédition de Fiume et la « Régence du Carnaro »

Un petit groupe d’officiers, qui avaient dû quitter le port adriatique, s’est alors adressé à d’Annunzio, pour lui dire : « Nous l’avons juré : ou nous reprenons Fiume ou nous mourrons. Et que faites-vous pour Fiume ? ».

Le 12 septembre 1919, D’Annunzio, entouré d’un petit groupe de fidèles et à la tête d’une véritable armée personnelle de soldats démobilisés et d’aventuriers, prend la décision de marcher sur la ville de Fiume, dont il expulse sans difficultés les corps expéditionnaires américain, anglais et français qui l’occupaient, dans le but de restituer la ville à l’Etat italien. Le gouvernement italien déçoit cependant ses attentes en refusant son offre. D’Annunzio prend alors la décision d’instaurer à Fiume un gouvernement basé sur une charte rédigée par l’anarcho-syndicaliste Alceste de Ambris, tenant lieu de constitution pour la cité de Fiume, et prévoyant la création d’une « anti-société des nations » alliée de tous les « peuples opprimés de la terre ». La « Régence du Carnaro », ainsi créée et dénommée par D’Annunzio, inaugure une expérience politique unique en Europe qui allait s’étendre de septembre 1919 à décembre 1920. Autour de D’Annunzio se pressent les nouveaux maîtres de la ville de Fiume : les arditi, mais également des futuristes, des dadaïstes, des anarchistes, des monarchistes, et toutes sortes d’aventuriers de tout acabit. La Russie bolchevique est le seul Etat à reconnaître l’existence de cette Cité-Etat insurrectionnelle. Futuristes, dadaïstes et anarchistes expérimentent le laboratoire fiumain, en discutant de thèmes aussi osés pour l’époque que la libération de la femme, la drogue, l’abolition de l’argent et des prisons.

D'Annunzio, entouré de ses arditi.

Le « Noël sanglant » du 24 décembre 1920 met fin à l’aventure de Fiume et à la tentative de révolution de D’Annunzio, contraint d’évacuer la ville après une semaine de rudes combats contre l’armée italienne. La « Régence du Carnaro » est alors remplacée par un État libre de Fiume.

Toutefois, l'expérience de cette intervention dans l'histoire, de cette rébellion contre la fatalité, ainsi que l'organisation et le style des arditi, les compagnons de D’Annunzio, vont inspirer de manière déterminante Benito Mussolini. En effet, ceux-ci arborent déjà uniformes et drapeaux noirs, ornés de têtes de morts ou de poignards. Leur cri de ralliement est le me ne frego, et leurs chants de combat, comme Giovinezza, témoignent d'un culte de l'héroïsme et du courage.

Œuvres

Ouvrages politiques

En italien

  • L’Armata d’Italia, 1888.
  • Per la più grande Italia, 1915.
  • Orazione per la sagra dei Mille, 1915.
  • La riscossa, 1917.
  • Lettera ai dalmati, 1919.
  • Carta del Carnaro. Disegno di un nuovo ordinamento dello Stato libero di Fiume, 1920.
  • Teneo te, Africa, 1936.

Écrit en français :

  • Le dit du sourd et du muet qui fut miraculé en l’an de grâce 1266, 1936.

Textes à l'appui

« Entre la lumière d'Homère et l'ombre de Dante », par Luc-Olivier d'Algange

« En quelque sorte, un dialogue d'esprit, une provocation, un appel… » Friedrich Nietzsche

Né en 1863, à Pescara, sur les rivages de l'Adriatique, D'Annunzio sera le plus glorieux des jeunes poètes de son temps. Son premier recueil [Primo Vere] paraît en 1879, inspiré des Odes Barbares de Carducci. Dans L'Enfant de volupté [Il Piacere, 1889], son premier roman, qu'il publie à l'âge de 24 ans, l'audace immoraliste affirme le principe d'une guerre sans merci à la médiocrité. Chantre des ardeurs des sens et de l'Intellect, D'Annunzio entre dans la voie royale de l'Art dont l'ambition est de fonder une civilisation neuve et infiniment ancienne.

Le paradoxe n'est qu'apparent. Ce qui échappe à la logique aristotélicienne rejoint une logique nietzschéenne, toute flamboyante du heurt des contraires. Si l'on discerne les influences de Huysmans, de Baudelaire, de Gautier, de Flaubert ou de Maeterlinck, il n'en faut pas moins lire les romans, tels que Triomphe de la Mort ou Le Feu, comme de vibrants hommages au pressentiment nietzschéen du Surhomme.

Il n'est point rare que les toutes premières influences d'un auteur témoignent d'une compréhension plus profonde que les savants travaux qui s'ensuivent. Le premier livre consacré à Nietzsche (celui de Daniel Halévy publié en 1909) est aussi celui qui d'emblée évite les mésinterprétations où s'embrouilleront des générations de commentateurs. L'écrivain D'Annunzio, à l'instar d'Oscar Wilde ou de Hugues Rebell, demeurera plus proche de la pensée de Nietzsche — alors même qu'il ignore certains aspects de l'œuvre — que beaucoup de spécialistes, précisément car il inscrit l'œuvre dans sa propre destinée poétique au lieu d'en faire un objet d'études méthodiques.

On mesure mal à quel point la rigueur méthodique nuit à l'exactitude de la pensée. Le rigorisme du système explicatif dont usent les universitaires obscurcit leur entendement aux nuances plus subtiles, aux éclats brefs, aux beaux silences. « Les grandes idées viennent sur des pattes de colombe » écrivait Nietzsche qui recommandait aussi à son ami Peter Gast un art de lire bien oublié des adeptes des “méthodes critiques” : « Lorsque l'exemplaire d'Aurore vous arrivera en mains, allez avec celui-ci au Lido, lisez le comme un tout et essayez de vous en faire un tout, c'est-à-dire un état passionnel ».

L'influence de Nietzsche sur D'Annunzio, pour n'être pas d'ordre scolaire ou scolastique, n'en est pas pour autant superficielle. D'Annunzio ne cherche point à conformer son point de vue à celui de Nietzsche sur telle ou telle question d'historiographie philosophique, il s'exalte, plus simplement, d'une rencontre. D'Annunzio est “nietzschéen” comme le sera plus tard Zorba le Grec. Par les amours glorieuses, les combats, les défis de toutes sortes, D'annunzio poursuit le Songe ensoleillé d'une invitation au voyage victorieuse de la mélancolie baudelairienne.

L'enlèvement de la jeune duchesse de Gallese, que D'Annunzio épouse en 1883 est du même excellent aloi que les pièces de l'Intermezzo di Rime, qui font scandale auprès des bien-pensants. L'œuvre entière de D'Annunzio, si vaste, si généreuse, sera d'ailleurs frappée d'un interdit épiscopal dont la moderne suspicion, laïque et progressiste est l'exacte continuatrice. Peu importe qu'ils puisent leurs prétextes dans le Dogme ou dans le “Sens de l'Histoire”, les clercs demeurent inépuisablement moralisateurs.

Au-delà des polémiques de circonstance, nous lisons aujourd'hui l'œuvre de D'Annunzio comme un rituel magique, d'inspiration présocratique, destiné à éveiller de son immobilité dormante cette âme odysséenne, principe de la spiritualité européenne en ses aventures et créations. La vie et l'œuvre, disions-nous, obéissent à la même logique nietzschéenne, — au sens où la logique, désentravée de ses applications subalternes, redevient épreuve du Logos, conquête d'une souveraineté intérieure et non plus soumission au rationalisme. Par l'alternance des formes brèves et de l'ampleur musicale du chant, Nietzsche déjouait l'emprise que la pensée systématique tend à exercer sur l'Intellect.

De même, D'Annunzio, en alternant formes théâtrales, romanesques et poétiques, en multipliant les modes de réalisation d'une poésie qui est , selon le mot de Rimbaud, « en avant de l'action » va déjouer les complots de l'appesantissement et du consentement aux formes inférieures du destin, que l'on nomme habitude ou résignation.

Ce que D'Annunzio refuse dans la pensée systématique, ce n'est point tant la volonté de puissance qu'elle manifeste que le déterminisme auquel elle nous soumet. Alors qu'une certaine morale “chrétienne” — ou prétendue telle — n'en finit plus de donner des lettres de noblesse à ce qui, en nous, consent à la pesanteur, la morale d’annunzienne incite aux ruptures, aux arrachements, aux audaces qui nous sauveront de la déréliction et de l'oubli. Le déterminisme est un nihilisme. La “liberté” qu'il nous confère est, selon le mot de Bloy « celle du chien mort coulant au fil du fleuve ».

Cette façon d’annunzienne de faire sienne la démarche de Nietzsche par une méditation sur le dépassement du nihilisme apparaît rétrospectivement comme infiniment plus féconde que l'étude, à laquelle les universitaires français nous ont habitués, de “l'anti-platonisme” nietzschéen, lequel se réduit, en l'occurrence, à n'être que le faire valoir théorique d'une sorte de matérialisme darwiniste, comble de cette superstition “scientifique” que l'œuvre de Nietzsche précisément récuse :

« Ce qui me surprend le plus lorsque je passe en revue les grandes destinées de l'humanité, c'est d'avoir toujours sous les yeux le contraire de ce que voient ou veulent voir aujourd'hui Darwin et son école. Eux constatent la sélection en faveur des êtres plus forts et mieux venus, le progrès de l'espèce. Mais c'est précisément le contraire qui saute aux yeux : la suppression des cas heureux, l'inutilité des types mieux venus, la domination inévitable des types moyens et même de ceux qui sont au-dessous de la moyenne… Les plus forts et les plus heureux sont faibles lorsqu'ils ont contre eux les instincts de troupeaux organisés, la pusillanimité des faibles et le grand nombre » [Fragments posthumes, regroupés sous le titre La Volonté de puissance, #324, tr. fr. Henri Albert].

Le Surhomme que D'Annunzio exalte n'est pas davantage l'aboutissement d'une évolution que le fruit ultime d'un déterminisme heureux. Il est l'exception magnifique à la loi de l'espèce. Les héros du Triomphe de la Mort ou du Feu sont des exceptions magnifiques. Hommes différenciés, selon le mot d'Evola, la vie leur est plus difficile, plus intense et plus inquiétante qu'elle ne l'est au médiocre. Le héros et le poète luttent contre ce qui est, par nature, plus fort qu'eux. Leur art instaure une légitimité nouvelle contre les prodigieuses forces adverses de l'état de fait. Le héros est celui qui comprend l'état de fait sans y consentir. Son bonheur est dans son dessein. Cette puissance créatrice — qui est une ivresse —, s'oppose aux instincts du troupeau, à la morale de l'homme bénin et utile.

Les livres de D'Annunzio sont l'éloge des hautes flammes des ivresses. D'Annunzio s'enivre de désir, de vitesse, de musique et de courage car l'ivresse est la seule arme dont nous disposions contre le nihilisme. Le mouvement tournoyant de la phrase évoque la solennité, les lumières de Venise la nuit, l'échange d'un regard ou la vitesse physique du pilote d'une machine (encore parée, alors, des prestiges mythologiques de la nouveauté). Ce qui, aux natures bénignes, paraît outrance devient juste accord si l'on se hausse à ces autres états de conscience qui furent de tous temps la principale source d'inspiration des poètes. Filles de Zeus et de Mnémosyne, c'est-à-dire du Feu et de la Mémoire, les Muses Héliconiennes, amies d'Hésiode, éveillent en nous le ressouvenir de la race d'or dont les pensées s'approfondissent dans les transparences pures de l'Éther !

« Veut-on, — écrit Nietzsche —, la preuve la plus éclatante qui démontre jusqu'où va la force transfiguratrice de l'ivresse ? — L'amour fournit cette preuve, ce qu'on appelle l'amour dans tous les langages, dans tous les silences du monde. L'ivresse s'accommode de la réalité à tel point que dans la conscience de celui qui aime la cause est effacée et que quelque chose d'autre semble se trouver à la place de celle-ci, — un scintillement et un éclat de tous les miroirs magiques de Circé… » [Fragments posthumes #38, 1888-1889, t. XIV OC]

Cette persistante mémoire du monde grec, à travers les œuvres de Nietzsche et de D'Annunzio nous donne l'idée de cette connaissance enivrée que fut, peut-être, la toute première herméneutique homérique dont les œuvres hélas disparurent avec la bibliothèque d'Alexandrie. L'Âme est tout ce qui nous importe. Mais est-elle l'otage de quelque réglementation morale édictée par des envieux ou bien le pressentiment d'un accord profond avec l'Âme du monde ?

« Il s'entend, — écrit Nietzsche —, que seuls les hommes les plus rares et les mieux venus arrivent aux joies humaines les plus hautes et les plus altières, alors que l'existence célèbre sa propre transfiguration : et cela aussi seulement après que leurs ancêtres ont mené une longue vie préparatoire en vue de ce but qu'ils ignoraient même. Alors une richesse débordante de forces multiples, et la puissance la plus agile d'une volonté libre et d'un crédit souverains habitent affectueusement chez un même homme ; l'esprit se sent alors à l'aise et chez lui dans les sens, tout aussi bien que les sens sont à l'aise et chez eux dans l'esprit » [La Volonté de puissance, IV, # 482].

Que nous importerait une Âme qui ne serait point le principe du bonheur le plus grand, le plus intense et le plus profond ? Évoquant Gœthe, Nietzsche précise : « Il est probable que chez de pareils hommes parfaits, et bien venus, les jeux les plus sensuels sont transfigurés par une ivresse des symboles propres à l'intellectualité la plus haute ».

La connaissance heureuse, enivrée, telle est la voie élue de l'âme odysséenne. Nous donnons ce nom d'âme odysséenne, et nous y reviendrons, à ce dessein secret qui est le cœur lucide et immémorial des œuvres qui nous guident, et dont, à notre tour, nous ferons des romans et des poèmes. Cette Âme est l'aurore boréale de notre mémoire. Un hommage à Nietzsche et à D'Annunzio a pour nous le sens d'une fidélité à cette tradition qui fait de nous à la fois des héritiers et des hommes libres. Maurras souligne avec pertinence que « le vrai caractère de toute civilisation consiste dans un fait et un seul fait, très frappant et très général. L'individu qui vient au monde dans une civilisation trouve incomparablement davantage qu'il n'apporte » [Mes idées politiques, ch. III, « Qu'est-ce que la civilisation ? »].

Écrivain français, je dois tout à cet immémorial privilège de la franchise, qui n'est lui-même que la conquête d'autres individus, également libres. Toute véritable civilisation accomplit ce mouvement circulaire de renouvellement où l'individu ni la communauté ne sont les finalités du Politique. Un échange s'établit, qui est sans fin, car en perpétuel recommencement, à l'exemple du cycle des saisons.

La philosophie et la philologie nous enseignent qu'il n'est point de mouvement, ni de renouvellement sans âme. L'Âme elle-même n'a point de fin, car elle n'a point de limites, étant le principe, l'élan, la légèreté du don, le rire des dieux. Un monde sans âme est un monde où les individus ne savent plus recevoir ni donner. L'individualisme radical est absurde car l'individu qui ne veut plus être responsable de rien se réduit lui-même à n'être qu'une unité quantitative, — cela même à quoi tendrait à le contraindre un collectivisme excessif. Or, l'âme odysséenne est ce qui nous anime dans l'œuvre plus vaste d'une civilisation. Si cette Âme fait défaut, ou plutôt si nous faisons défaut à cette âme, la tradition ne se renouvelle plus : ce qui nous laisse comprendre pourquoi nos temps profanés sont à la fois si individualistes et si uniformisateurs. La liberté nietzschéenne qu'exigent les héros des romans de D’annunzio n'est autre que la liberté supérieure de servir magnifiquement la Tradition. Ce pourquoi, surtout en des époques cléricales et bourgeoises, il importe de bousculer quelque peu les morales et les moralisateurs.

L'âme odysséenne nomme cette quête d'une connaissance qui refuse de se heurter à des finalités sommaires. Odysséenne est l'Âme de l'interprétation infinie, — que nulle explication “totale” ne saurait jamais satisfaire car la finalité du “tout” est toujours un crime contre l'esprit d'aventure, ainsi que nous incite à le croire le Laus Vitae :

« Entre la lumière d'Homère et l'ombre de Dante semblaient vivre et rêver en discordante concorde ces jeunes héros de la pensée balancés entre le certitude et le mystère, entre l'acte présent et l'acte futur… »

Victorieuse de la lassitude qui veut nous soumettre aux convictions unilatérales, l'âme odysséenne, dont vivent et rêvent les « jeunes héros de la pensée », nous requiert comme un appel divin, une fulgurance de l'Intellect pur, à la lisière des choses connues ou inconnues[3].

Notes et références

  1. Le concept de l'intervention dans l'histoire, c'est-à-dire du refus total de se soumettre à des déterminismes, qu'ils soient historiques, matériels ou sociaux, comme caractéristique principale du phénomène fasciste, a été développé dans les années 1970 par Enzo Erra. Il entendait répondre à la parution des travaux de l'historien Renzo De Felice.
  2. Peter Verheyen, « Quis contra nos ? Gabriele d’Annunzio et la Marche sur Fiume », 2010.
  3. Luc-Olivier d'Algange, « Intentions 5 » in : Le cygne noir, n° 1.