Futurisme

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Le futurisme est un mouvement artistique, né en Italie au début du XXe siècle.

Il se voulait en rupture totale avec la pensée et les formes conventionnelles, contre lesquelles il exaltait le mouvement, la dynamique et la « vitesse omniprésente », appelée à supprimer les frontières de l'espace et du temps.

Ses principaux initiateurs étaient Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944) et Giovanni Papini (1881-1956).

Histoire

Russolo, Carrà, Marinetti, Boccioni et Severini devant la rédaction du Figaro à Paris, pour l'inauguration de la première exposition futuriste le 9 janvier 1912.

Tout part d’un jeune écrivain italien, né en Égypte. Il s’appelle Filippo Tommaso Marinetti. Il a 32 ans. Le 20 février 1909, il lance dans les colonnes du Figaro (la presse transalpine étant alors tout entière monopolisée par un tremblement de terre dans le détroit de Messine) un article intitulé Le Manifeste du futurisme. On peut y lire :

« Nous voulons chanter l’amour du danger, l’habitude de l’énergie et de la témérité (…) La littérature ayant jusqu’ici magnifié l’immobilité pensive, l’extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas de gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing (…) Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive… une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace (…) Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte ; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes ; la vibration nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes électriques ; les gares gloutonnes avaleuses de serpents qui fument ; les usines suspendues aux nuages par les ficelles de leurs fumées, les ponts aux bonds de gymnastes lancés sur la coutellerie diabolique des fleuves ensoleillés. »

Pour Marinetti et ses amis, il y en a plus qu’assez de cet art classique, de ces musées antiquisants et des bibliothèques poussiéreuses. Tout cela sent trop la naphtaline, et ces jeunes gens vivent avec leur temps, et sont persuadés que le progrès industriel et technique est source d’art et de beauté. Ils voient en l’homme nouveau un héros prométhéen (et nietzschéen), un surhomme casqué, botté et chevauchant des créatures métalliques ailées. Ce nouveau souffle artistique va se décliner sur tous les plans : littérature (Marinetti publiant plusieurs romans futuristes : Mafarka le futuriste, Les Indomptables), musique (Pratella), cinéma (les frères Corra), photographie (Bragaglia), architecture (Sant’Elia, Chiattone) et même… cuisine (des menus de cuisine futuriste sont publiés par Marinetti et Fillia) ou mode !

Les machines contre le clair de lune

Pour ce faire, on privilégie les happenings et performances (là aussi de manière tout à fait novatrice pour l’époque) : on lance des manifestes futuristes du haut des principaux monuments italiens, on organise des soirées futuristes (qui sont de vastes chahuts hernaniens) dans les théâtres, on inaugure des « expositions d’art libre » (comme celle de Milan en mai 1911) où ouvriers, artistes d’avant-garde, peintres amateurs et enfants sont tous conviés à exposer, et où chacun explique son œuvre au public. Une manière de populariser et de désacraliser l’art. Les bénéfices sont reversés à une caisse pour les chômeurs.

Tous ces arts se nourrissent les uns des autres, et intègrent les nouvelles découvertes scientifiques. Les spectres lumineux, les vibrations, ou le « cône de Mach » sont utilisés dans des œuvres (comme La Révolte de Russolo).

Prenons quelques œuvres emblématiques de ce futurisme italien. Dans La Journée de l’ouvrier (1904), Giacomo Balla montre dans la même toile les différents moments de la journée d’un ouvrier : le matin, la pause de midi et le chantier abandonné le soir. Ce découpage cinématographique montre aussi la fuite du temps.

Dans Lampe à arc (1909), Balla chante la lumière électrique qui tue le clair de lune (Marinetti avait intitulé l’un de ses manifestes, Tuons le clair de lune !), métaphore du futurisme triomphant du romantisme et du symbolisme. Avec Éclairs (1909), Luigi Russolo montre une ville industrielle surmontée d’un ciel orageux : les cheminées d’usine, par leur énergie, semblent nourrir et donner naissance aux éclairs de l’orage.

Ainsi, toute manifestation machiniste, de rue, est source d’art. Carlo Carrà intitule ses toiles Ce que m’a dit le tram ou Cahots de fiacre.

Dans les années 30, les futuristes italiens expérimentent « l’aéro-peinture » (et idem pour la photo), comme en témoigne le tableau de Tullio Crali, En piqué sur la ville (1939).

Futurisme et politique

Avant la Guerre de 1914, Marinetti et ses amis ne se désintéressent pas de la chose politique. Ils tentent d’organiser une alliance révolutionnaire avec le mouvement anarcho-syndicaliste (notamment avec la revue milanaise La Demolizione, proche des thèses de Georges Sorel). Des conférences sont organisées auprès des travailleurs dans les Bourses du Travail ou les Cercles socialistes de Naples, Milan, Parme, mais sans réel succès. Marinetti publie aussi le manifeste, Nos ennemis communs, où il prône l’union des deux avant-gardes artistique et politique (« le prolétariat de la culture et le prolétariat du travail ») contre « les éternels ennemis de la révolution : cléricalisme, affairisme, moralisme, académisme, pédantisme, pacifisme et médiocrisme ».

Les futuristes italiens sont des patriotes. Ils se portent tous au-devant de la Première Guerre mondiale où certains laissent leur vie (Sant’Elia, Boccioni) ou sont grièvement blessés (Russolo, Soffici). En 1919, Marinetti participe à la création des Faisceaux de combat fascistes de Benito Mussolini, avant de se mettre en retrait quelques années après. Il n’abandonne toutefois pas l’idée de faire du futurisme l’art officiel de l’Italie nouvelle. Du côté des communistes, on essaie de réagir : des artistes proches de la revue Ordine Nuovo (d’Antonio Gramsci) montent une « Exposition futuriste internationale », et Paladini publie des manifestes futuristes intitulés Art communiste, La Révolte intellectuelle ou Appel aux intellectuels (pour les pousser à l’engagement politique aux côtés du « prolétariat »).

Postérité

Marinetti n’hésitera pas à courir toute l’Europe pour promouvoir sa révolution esthétique : à Moscou (où il déclare que le futurisme est « la religion de l’avenir »), Berlin, Londres, Bruxelles, Paris… Cela suscite la naissance de mouvements d’avant-garde tels que le cubofuturisme russe ou le vorticisme anglais. Des contacts fructueux sont établis avec les membres du Bauhaus allemand, du De Stijl hollandais, du purisme ou du constructivisme. En France, les cubistes notamment sont très séduits (Léger, Villon) mais aussi les futurs mouvements Dada et surréaliste (Picabia, Duchamp avec son Nu descendant un escalier – 1911). Le motlibrisme (livres-objets manuscrits ou imprimés lancés notamment par Marinetti) influence Apollinaire qui découvre l’art du calligramme (qui lui inspirera notamment son superbe recueil Calligrammes), les dadaïstes avec les poèmes-collages et les surréalistes avec la célèbre écriture automatique[1]..

Notes et références

  1. Pierre Gillieth, « Quand Marinetti et les siens écrivaient le futur », in: Réfléchir et agir, no 44, été 2013, p. 66-68.