Franco Freda

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Franco Freda, dit Giorgio Freda, né à Padoue le 11 février 1941, est un éditeur, juriste et essayiste italien.

Franco (Giorgio) Freda.jpg

Rangé parfois parmi les nationaux-révolutionnaires par commodité malgré le fait qu'il ne se soit jamais référé à l'idée de nation, traité par ses adversaires de « nazi-maoïste », accusé par la presse du système d'actes de terrorisme, qualifié par d'autres d'« anarchiste mystique », il ne s'est jamais défini lui-même que comme « un soldat de l'État italien en lutte totale contre le système bourgeois ». Principale figure de ce qu'on a pu appeler le « traditionalisme révolutionnaire », il est le symbole du soldat politique et du « révolutionnaire inclassable ».

Biographie

Franco Freda effectue des études de droit à l'université de Padoue. En 1965 il soutient une thèse consacrée à la conception platonicienne de la justice. Le texte sera publié plus tard.

Il est l'époux d'Anna K. Valerio.

Au cours de ses études à l'université de Padoue, il fait partie du groupe San Marco, une association d'étudiants proches du MSI. Mais il passe moins de douze mois dans ce parti, qui l'exclut d'ailleurs définitivement pour être une « tête brûlée ».

Le Gruppo di Ar

Il se lie quelque temps à des groupes comme Giovane Nazione et au Centro Studi Ordine Nuovo, mais sans jamais y adhérer. Puis il forme, en 1963, à Padoue, un groupe de réflexion idéologique et culturelle avec d'autres jeunes militants, fortement influencés par l'œuvre du philosophe Julius Evola, se définissant comme traditionalistes-révolutionnaires. Ce sera le Gruppo di Ar, préfixe dérivant du sanscrit et « désignant l’homme dans sa dimension aristocratique et spirituelle ». Freda y défend une lutte politique menée au nom d’une conception aristocratique, traditionnelle (au sens évolien du terme) de l’existence, caractérisée par le refus de la pensée progressiste, égalitaire, bourgeoise, démocratique et matérialiste. Le groupe aura une influence sur le mouvement Lotta di Popolo, publiant des articles dans son périodique.

Il fonde la même année les Edizioni di Ar. Elles publieront des textes et des œuvres de Platon, Nietzsche, Arthur de Gobineau, Nikolaj Roerich, Oswald Spengler, Riccardo Bacchelli, Nicolás Gómez Dávila, Georg Simmel. Elles publient aussi L’ennemi de l’homme, un recueil de la poésie palestinienne de combat.

Freda est, dans les années 1964-1969, assez proche du mouvement paneuropéen Jeune Europe de Jean Thiriart, mais n'en a pas été membre. Il critiquera d'ailleurs violemment, dès 1969, le nationalisme laïc et les conceptions politiques machiavéliennes de Thiriart. Il s'engage tôt dans le soutien aux causes arabes et particulièrement pour le combat palestinien. En 1964, il affronte un premier procès pour avoir dénoncé dans une brochure la politique et la répression israéliennes en Palestine. En mars 1969, il organise, en collaboration avec le groupe d'extrême gauche Potere Operaio, la première grande réunion publique en Italie de soutien à la résistance palestinienne, à laquelle participent des représentants du Fatah.

Freda est considéré comme l’un des principaux disciples d’Evola dans le domaine politique. Parmi les continuateurs du philosophe, il serait l'un des dirigeants les plus radicaux, se basant avant tout sur les réflexions de Chevaucher le Tigre, en opposition avec la mouvance représentée menée par Adriano Romualdi, radicale au niveau des idées mais résolument légaliste, se référant principalement au livre Les Hommes au milieu des Ruines. Freda est plus un mystique qu'un pur politique. Il est avant tout soucieux de spiritualité et de mysticisme. Foncièrement antichrétien, il se réclame principalement de Platon, de Nietzsche et d'Evola.

La Désintégration du Système

En 1969, il publie en brochure son intervention à la réunion du « comité de régence » du Front révolutionnaire européen, tenue à Ratisbonne le 17 août 1969 : La désintégration du système, un texte qui prône une alliance entre les « ultras de gauche » et les « ultras de droite » pour détruire le Système. Il effectue une autocritique radicale de son soutien passé à Jeune Europe, estimant que l'Europe est la source de toutes les « infections idéologiques ». Il affirme que les combattants européens doivent prendre pour modèles les guérilleros palestiniens, nord-vietnamiens et latino-américains. Pour Freda, la priorité est la destruction du « système bourgeois ». Il propose une forme de « communisme aristocratique », « spartiate et platonicien, fusion hybride entre la conception de l'État vrai », reprise de Julius Evola, et celle de l'État populaire, inspirée du maoïsme chinois.

Dans cette perspective, il manifeste clairement l’intention d’aller à la rencontre de tous les secteurs « objectivement engagés dans la négation du monde bourgeois », y compris l’ultra-gauche extra-parlementaire, à laquelle il propose une stratégie de « lutte unitaire contre le Système ». Il est alors en contact avec divers groupes maoïstes, comme Potere Operaio et le Parti communiste d’Italie (marxiste-léniniste).

Il manifestera souvent son soutien et son admiration pour Mao Zedong, mais considérant que le dirigeant chinois se servait du marxisme comme d'un « radeau » qu'il abandonnerait une fois le fleuve traversé. Freda affirme avoir vu dans la Chine maoïste une « vision du monde presque spartiate, un sens de la vie sobre, dur, militaire, un style d'existence ascétique, un rythme organique de fidélité qui lie au Chef toute la communauté nationale et favorise cette tension solidariste qui. à son tour, reflète dans le travail d'un peuple entier des caractères de discipline volontaire, de libre milice déprolétarisée ».

Il faut ici signaler que Julius Evola lui-même condamnera sévèrement cette passion pour la Chine maoïste, devenue récurrente chez des jeunes militants de la Droite radicale. À l'occasion d'une réédition du livre Les Hommes au milieu des ruines, il y adjoint un article « L'engouement maoïste », où il affirme qu'une telle position ne peut que s'expliquer par un manque de maturité [1].

Franco Freda et l'affaire de la « Piazza Fontana »

Prolégomènes

Depuis toujours, Freda estime que le sionisme représente l'avant-garde du système à combattre, l'« ennemi de l'homme ». Il va ainsi apporter un soutien actif à la cause du peuple palestinien.

En 1964, il doit affronter un procès pour avoir dénoncé dans une brochure la politique sioniste en Palestine.

En mars 1969, Freda organise à Padoue, en liaison avec le groupe Potere Operaio (Pouvoir ouvrier) d'inspiration maoïste, la première grande réunion en Italie de soutien à la résistance palestinienne. Des représentants d'El Fatah assistent à la réunion.

Piazza Fontana : un massacre et une enquête mystérieuse

Le 12 décembre 1969, à Milan, à 16h37, une bombe explose dans les locaux de la Banque Nationale de l'Agriculture, tuant 16 personnes et en blessant 87. Une autre bombe, déposée à la Banque Commerciale Milanaise, place de la Scala, n'explose pas, peut-être parce que le détonateur de l'engin n'a pas fonctionné. Mais les artificiers de la police feront exploser la bombe le soir-même à 2lh30. Cette décision restera inexplicable : en détruisant cette bombe si rapidement, on a perdu de très précieux indices, peut-être même la « signature » des responsables de l'attentat.

Le même jour, à Rome, à 17h30: deux bombes explosent devant la Banque Nationale du Travail et le monument aux morts pour la patrie: 13 blessés.

  • 14 décembre 1969. La police arrête à Milan plusieurs anarchistes, dont Pietro Valpreda et Mario Merlino, qui sera plus tard considéré comme un néofasciste infiltré dans le groupe anarchiste « Cercle

22 mars ».

  • 15 décembre 1969. Giuseppe Pinelli, militant anarchiste arrêté la veille, meurt en « tombant» (version officielle) d'une fenêtre de la préfecture de police de Milan, vers minuit, alors qu'il était interrogé depuis quelques heures par le commissaire Luigi Calabresi.
  • 19 décembre 1969. La section italienne de l'Internationale Situationniste (ultra-gauche) diffuse un manifeste intitulé « Le Reichstag brûle »; qui soulève pour la première fois l'hypothèse du terrorisme d'Etat. Par la suite, les situationnistes ne cesseront de répéter que la bombe de piazza Fontana n'était « ni anarchiste ni fasciste ».
  • Le 5 décembre 1971, Freda est pour la première fois accusé d'avoir organisé l'attentat de la Piazza Fontana. Il est placé en détention préventive.
  • 12 avril 1971. Sur ordre du juge d'instruction de Trévise, Giancarlo Stiz, Franco Freda et Giovanni Ventura sont arrêtés. On les accuse d'avoir formé « une association ayant pour but la subversion violente de l'ordre politique, social et économique de l'Etat ». Concrètement, Freda est inculpé pour « avoir diffusé des livres, des imprimés et des écrits contenant de la propagande ou instigation à la subversion violente », notamment en référence au texte, publié anonymement, La désintégration du système. Les prévenus seront remis en liberté quelques mois plus tard, mais pas pour longtemps.
  • 21 avril 1971. Acceptant la requête du procureur général Vittorio Occorsio, le juge d'instruction accuse formellement les anarchistes.
  • 23 février 1972. Le tout premier procès pour l'attentat de la Piazza Fontana s'ouvre à Rome. Au bout de seize jours, le dossier est transféré à Milan pour des raisons de compétence territoriale.
  • 3 mars 1972. Pino Rauti, journaliste au quotidien de droite « Il Tempo » et dirigeant national du Mouvement Social Italien, est arrêté sur mandat du juge Stiz. Il sera libéré un mois et demi plus tard, avant de devenir député de Rome.
  • 22 mars 1972. Le juge d'instruction de Trévise, qui enquête sur une série d'attentats commis dans des trains, accuse Franco Freda et Giovanni Ventura d'avoir organisé le massacre de Piazza Fontana.
  • 30 août 1972. Le procureur de la république de la ville de Milan demande que le procès soit transféré dans une autre ville pour des raisons relevant de l'ordre public.
  • 13 octobre 1972. La cassation transfère le procès à Catanzaro.
  • 29 décembre 1972. Pierro Valpreda est remis en liberté en vertu d'une nouvelle loi (sur les mandats d'arrêt qui ne sont pas toujours obligatoires et irrévocables) qui portera son nom.
  • 18 mars 1974. Le procès contra Valpreda et les anarchistes commence à Catanzaro.
  • 18 avril 1974. La cassation décide que la première et la deuxième enquêtes sur piazza Fontana doivent être unifiées.
  • 27 janvier 1975. Ouverture du procès unifié devant la Cour d'Assises de Catanzaro. Sont jugés Valpreda et onze coïnculpés, Freda et douze coinculpés. Freda est maintenu en détention préventive jusqu'en 1976.
  • 2 février 1975. La Cour d'Assises de Catanzaro décide que les débats doivent attendre les conclusions des instructions en cours contre Pino Rauti et Guido Giannettini. Le procès est donc de nouveau renvoyé.
  • 28 août 1976. Franco Freda et Giovanni Ventura, arrivés au terme de la détention préventive, sont remis en liberté et assignés à résidence. Remis en liberté surveillée et assigné à résidence, il quitte illégalement l'Italie le 1er août 1978 et s'exile au Costa Rica. Il est capturé, pendant l’été 1979, au Costa-Rica, dont il n’est pas extradé, mais ramené de force par la police politique italienne.
  • 18 janvier 1977. Réouverture du procès à Catanzaro.
  • 23 février 1979. Première sentence. Freda, qui s'est enfui le 5 octobre 1978, et Ventura, qui a fait de même un peu plus tard, seront tous deux capturés pendant l'été 1979: le premier au Costa Rica (d'où il n'est pas extradé mais ramené de force), le second en Argentine (où il restera détenu). Freda est condamné à la prison à vie.
  • 22 mai 1980. Le procès en appel s'ouvre à Catanzaro.
  • 20 mars 1981. Deuxième sentence. Giannettini est acquitté pour insuffisance de preuves en ce qui concerne l'attentat et acquitté pleinement en ce qui concerne l'accusation d'association subversive. Freda est acquitté pour l'affaire de la Piazza Fontana, mais il est condamné à 15 ans de prison, soit le maximum de la peine, pour « association subversive ».
  • 10 juin 1982. Les juges romains annulent la deuxième sentence de la Cour de Catanzaro pour « vices de forme » dans l'examen de la position des accusés Freda, Ventura, Valpreda et Merlino. Giannettini, lui, est définitivement blanchi.
  • 13 décembre 1984. Ouverture à Bari du quatrième procès pour le massacre de Piazza Fontana, marqué cette fois par la participation des « repentis d'extrême droite » Sergio Calore, Sergio Latini et Angelo Izzo, qui accusent Freda.
  • ler août 1985. Troisième sentence.
  • Freda est définitivement acquitté en décembre 1986, pour « insuffisance de preuves ».
  • En 2005, la Cour de cassation déclare que le massacre de la Piazza Fontana a été perpétré par « un groupe subversif lié à au Movimento Politico Ordine Nuovo dans la région de Padoue » et « dirigé par Franco Freda et Giovanni Ventura ». La Cour déclare toutefois que les deux accusés Freda et Ventura ne peuvent plus être jugés, en raison du verdict rendu par la Cour d'appel de Bari qui les avait absous du chef d'accusation de l'attentat de Piazza Fontana.

Les arguments de l'accusation

Les accusations contre Freda reposent sur deux types d’indices:

  • il aurait acheté des minuteries dont les débris ont retrouvés dans la banque,
  • il aurait acheté les sacs de voyages dans lesquels ont été déposées les bombes.
Les minuteries

L'enquête confirme que Freda a bel et bien acheté cinquante minuteries, qu'il aurait remises à un capitaine des services secrets algériens qui les lui avait demandées pour un groupe palestinien. Cet officier algérien s'était présenté à Freda sous le nom de Mohammed Selim Hamid lors de la conférence qu'il avait organisée en mars 1969 en solidarité avec la résistance palestinienne. Freda n'a donc jamais nié avoir acheté ces minuteurs, mais a affirmé les avoir remis au dénommé capitaine Hamid. Ce qu'il nie donc est les avoir jamais utilisés ou fait utiliser par d'autres en Italie [2].

Àu cours de l'instruction, des renseignements furent demandés aux autorités israéliennes, qui ne transmirent aucune réponse. Le capitaine Hamid était algérien et plus précisément kabyle. Aucune demande de renseignements ne fut faite en Algérie par les enquêteurs italiens.

Suivant l'acte d'accusation, cinquante-sept minuteries auraient été vendues par le concessionnaire. Or, l’hebdomadaire Candido va mener une enquête en Allemagne auprès du fabricant des minuteries. Les journalistes de Candido découvrent que les minuteries vendues en Italie n’étaient pas cinquante-sept mais plusieurs centaines. Ils remarquent aussi que les modèles achetés par l’éditeur sont d'un modèle différent de ceux qui ont été utilisés pour l’attentat.

Les sacs de voyages

En ce qui concerne le deuxième point, l'inconvénient pour l'accusation est que la vendeuse du magasin où Freda aurait acheté quatre sacs de voyage ne l'a pas reconnu comme acheteur. En revanche, elle a reconnu comme acheteur: dans un premier temps l'officier de police Virgini; dans un deuxième temps le sous­-officier de police Valentini. Pourtant, le juge d’instruction ne tient aucun compte de ces preuves à décharge.

L'hypothèse d'un « Freda naïf et manipulé »

D'autres manœuvres ont été tentées pour « prouver » l'implication de Freda dans l'attentat, notamment celle des enquêteurs milanais, qui reposait sur l'hypothèse de la manipulation: Freda serait le responsable involontaire d'un massacre. L'auteur de l'attentat, ne connaissant pas l'horaire irrégulier de fermeture de la Banque Nationale de l' Agriculture, aurait réglé le timer en supposant que la banque serait fermée au moment de l'explosion; l'attentat devait être purement démonstratif.

L'hypothèse de la provocation

Un autre argument de l'accusation s'appuyait sur les contacts que Freda avait avec certains militants d'extrême gauche de l'université de Padoue. Mais soutenir que Freda n'entretenait ces contacts qu'à des fins d'infiltration et de provocation ne résiste pas à l'analyse. En effet, lorsqu'on veut infiltrer des adversaires, le meilleur moyen d'y parvenir n'est certainement pas de leur proposer publiquement une stratégie de lutte contre le système. Or, c'est exactement ce que Freda a fait dans La Désintégration du Système, et même avant dans sa brochure La Giustizia è come il timone. II s'est de nouveau exprimé très clairement à ce sujet devant les juges de la Cour de Bari:

« J'estimais alors - en 1969 -, de même que j'estime toujours nécessaire, de surmonter les faux clivages idéologiques droite­ gauche, fascisme-antifascisme, afin de parvenir à une conformation politique qui s'oppose de manière réaliste à l'oligarchie capitaliste - en un mot au « système ». Mes efforts pratiques dans cette direction furent toujours faits au grand jour, sans sous-entendus, sans insinuations sournoises ou furtives, sans infiltrations opérées par moi ou mes camarades »[3].

La stratégie d'infiltration et de provocation aurait été mise au point lors d'une réunion à Padoue le 18 avril 1969, à laquelle auraient participé Freda, Pozzan, Fachini et d'autres amis de Freda, Giannettini, Pino Rauti, etc. Freda a toujours nié formellement qu'une telle réunion se soit déroulée. La seule preuve contre lui en l'espèce est constituée par l'enregistrement de plusieurs conversations téléphoniques. Mais Freda savait parfaitement que son téléphone était sous surveillance. Aucun élément concret n'a jamais pu être apporté par l'accusation pour rendre crédible l'hypothèse de la réunion.

Un dernier élément, enfin, ne cadre pas du tout avec l'image d'un Freda impitoyable stratège de la mort et poseur de bombes: son attitude envers l'élimination physique des « repentis » et des traîtres. Freda a déclaré à ce sujet:

« Je désire préciser que tout le monde sait dans les milieux de Droite radicale, celui des détenus et l'autre, que je suis hostile à certaines formes de violence physique, à plus forte raison quand il s'agit de supprimer physiquement des personnes, et ce pour des motifs tant éthiques que politiques ( ... ) Dans les discussions que j'ai eues sur cette question en diverses circonstances et avec différentes personnes, j'ai toujours soutenu qu'il fallait isoler avec un « cordon sanitaire » les personnes qui se sont souillées par un comportement indigne, mais sans aller plus loin ( ... ) J'ignore les mobiles qui menèrent à l'assassinat du détenu Buzzi dans la prison de Novare (Buzzi a été liquidé par Mario Tuti et Pierluigi Concutelli qui, l'un et l'autre condamnés à la détention à vie, n'ont de toute façon plus rien à perdre). Je suis arrivé dans cette prison quelques mois après le meurtre de Buzzi et je pris nettement position contre cet acte de violence ( ... ) et ceci servit à stigmatiser mon comportement aux yeux de certains détenus. Mieux, ma prise de position fut utilisée pour renforcer à mon égard les soupçons et l'hostilité d'autres détenus d'opinion différente sur le sujet »[4].

Les témoignages plus que douteux des « repentis »

La dernière manœuvre de l'accusation pour faire condamner Freda à la réclusion à vie fut l'utilisation des déclarations des repentis Calore, Latini et Izzo, qui prétendirent avoir reçu en prison des « confidences » de la part de Freda. Dès le départ, leurs soi-disant « témoignages » laissèrent perplexes de nombreux observateurs:

« Le doute le plus fondé, en effet, est qu'un personnage comme Franco Freda (sa longue réclusion pourrait avoir changé son caractère, mais c'est une hypothèse à la limite de l'impossible) se soit confié à des individus somme toute médiocres et d'un niveau intellectuel très inférieur au sien »[5].

Mais le pedigree des trois repentis est plus éloquent que tout le reste: Sergio Latini est un ancien voleur qui se serait « politisé » en prison; Angelo Izzo a été reconnu coupable et condamné à la prison à vie, il y a quelques années, pour le viol et le meurtre de deux jeunes filles dans une villa à San Felice Circeo. Dans une lettre adressée à Mario Tuti, Freda s'était déclaré désagréablement étonné de voir la signature d'Izzo (qui avait effectivement appartenu aux milieux néofascistes romains) au bas d'un article paru dans la revue des détenus nationaux-révolutionnaires, et avait ajouté qu'en tout état de cause il refusait absolument de voir dans cet individu un soldat politique. Sergio Calore, enfin, le principal accusateur, soumis aux questions de l'avocat de Freda, Pietro Moscato, dut reconnaître le 8 mai 1985 qu'il était un indicateur des carabiniers depuis 1974 ! L'avocat de Freda a pu démontrer que lorsqu'un groupe de néofascistes romains fut arrêté par les carabiniers en 1977, deux membres du groupe purent, comme par hasard, s'échapper: Calore et un autre futur « repenti », Aldo Tisei.

Figure de résistance

Freda est érigé, au sein des différents courants de la droite radicale italienne et européenne en modèle du militant et en martyr de la cause antibourgeoise et anti-système. Durant toute son incarcération, de nombreuses organisations, malgré leurs divergences, se mobilisent et organisent des campagnes de soutien à l'« éditeur emprisonné ».

Freda a toujours clamé son innocence, déclarant que le massacre est « immoral ».

L'hypothèse de Freda sur le massacre

Freda croit à la piste internationale, c'est-à-dire à la responsabilité d'un ou plusieurs services secrets étrangers qui auraient éventuellement utilisé une « main d'œuvre » terroriste italienne:

« Au sujet du « crescendo criminel », je désire répéter ce que j'ai déjà dit lors de l'instruction et des débats en première instance: il s'agit d'événements déformés par une optique géographique et temporelle limitée à l'Italie, alors qu'il faudrait les voir dans une perspective globale, ou du moins européenne, en se souvenant que toute manifestation typique ou pathologique d'un Etat doit être replacée dans un contexte international »[6].

Le Fronte Nazionale

Franco Freda, après avoir passé 13 ans en prison, reste à l'écart des activités politiques, préférant se concentrer sur sa maison d'édition et sur la formation culturelle d'un petit nombre. Alarmé toutefois par le développement de l'immigration extra-européenne, il place d'abord ses espoirs dans l'accession de l' « évolien historique » Pino Rauti à la tête du Mouvement social italien en janvier 1990. Mais les dissensions au sein du movimento et le jeu des tendances qui s'y manifestent le convainquent d'agir lui-même.

Fronte nazionale.jpg

En 1990, il fonde un mouvement, le Fronte Nazionale.

En 1993, les cadres dirigeants sont arrêtés pour « reconstitution de parti fasciste » (loi Scelba) et « incitation à la haine raciale » (loi Mancino). Le Fronte Nazionale est définitivement dissous par décret du Conseil des ministres en 2000.

En 1995, la cour d'assise de Vérone le condamne à 6 ans de réclusion pour « incitation à la haine raciale ». La sentence est confirmée en 1998. En 1999, la Cour de cassation annule la sentence et condamne Freda à 3 ans de réclusion.

Citations

  • « Chez un soldat politique, la pureté justifie toute dureté, le désintérêt toute ruse, tandis que le caractère impersonnel imprimé à la lutte dissout toute préoccupation moraliste

La désintégration du système, 1969

  • « Je m'appelle Franco Freda, je suis né à Padoue le 11 février 1941. Je milite depuis vingt ans dans les rangs de l' État italien, organisme politique destiné à anéantir l'appareil de gouvernement de la soi-disant république italienne — contrefaçon de l'ordre politique et ramassis de forces ennemies du bien du peuple à laquelle l' État italien ne reconnaît aucune valeur morale et, par conséquent, aucun pouvoir d'exprimer l'âme nationale ; je déclare donc privées d'autorité politique et de dignité juridique ses prétentions despotiques. En ma qualité de soldat politique, prisonnier d'une organisation que l'État dont je suis membre et représentant considère comme une parodie criminelle du corps social et, par là même, comme un instrument de perversion morale et de dégénérescence politique du peuple, je suis soustrait à toute manifestation de prétendue puissance à laquelle des membres de cette organisation entendent m'assujettir. La présente rencontre (je ne reconnais pas, en effet, la qualification d'interrogatoire qu'une pseudo-autorité veut m'imposer) entre moi-même et les préposés aux affaires judiciaires de la soi-disant république italienne ne se justifie donc que dans les limites de cette profession de personnalité et de fonction politiques » Déclaration devant la commission d'interrogatoire, août 1979[7]
  • « Il n'y a pas un Dieu, il y a le divin d'où nous venons

Œuvres

Principaux textes originaux

  • Il Fronte Nazionale [« Le Front national »], Padoue, Ar, 1994.
  • L'albero e le radici [« L'Arbre et les Racines »], Padoue, Ar, 1996.
  • Platone: lo Stato secondo giustizia [« Platon : l'État selon la justice »], Padoue, Ar, 1996, 111 p. [rééd. de thèse de doctorat en droit 1964-1965].
  • I lupi azzurri: documenti del Fronte Nazionale [« Les Loups bleus : documents du Front national »], Padoue, Ar, 2000
  • La disintegrazione del sistema [« La Désintégration du système »], Padoue, Ar, 2000 (1ère éd. 1969).
  • Monologhi a due voci: interviste, 1974-2007 [« Monologues à deux voix : entrevues, 1974-2007 »], Padoue, Ar, 2007.
  • In alto le forche (Il '68 e il nichilismo), Edizioni di Ar, Padova, 2008.

Textes traduits en français

  • La désintégration du système [trad. Philippe Baillet], Paris, Totalité, 1980, 54 p.
  • « Pour un radicalisme de Droite : "Chevaucher le tigre" », in : Totalité, no 21/22, octobre 1985, p. 209--220.
  • Deux lettres à contre-courant, Nancy, Le Soleil et l'Acier, 1990, 20 p.[8]
  • Le révolutionnaire inclassable, Nantes, ARS, 1991, 30 p.
  • Entretien avec Ferdinando Camon, Nantes, ARS, 1991, 14 p.
  • « Orientations pour la culture intégrale », in : Sparta, vol. 1, 2020, p. 23-25[9].

Transpositions littéraires

  • En 2016, l'épouse et la cousine de Freda, Anna K. Valerio et Silvia Valerio, publient un roman biographique: Non ci sono innocenti (il n'y a pas d'innocents). Le livre raconte les aventures du Gruppo di Ar dans le contexte des années 1967 et 1969. Le personnage de Freda est nommé « l'Autocrate ».
  • Dans Piazza Fontana, un film de Marco Tullio Giordana sorti en 2012, son personnage est incarné par Giorgio Marchesi.
  • La figure de l'anti-héros « Franco » du roman Occident de Ferdinando Camon est aussi inspirée de Freda (Garzianti, 1975 ; traduction française : Gallimard, 1979). Un téléfilm sera réalisé en 1978 à partir du roman. Lors d'un entretien avec l'auteur du livre, Freda dira ne se reconnaître aucunement dans ce personnage « grossier » , ni d'ailleurs dans le titre et la notion d'« Occident ».
  • Le roman de Alberto Garlini, Les Noirs et les Rouges (titre original : La Legge Dell’ Odio, trad. fr. Vincent Raynaud 2014) met aussi en scène un personnage du nom de Franco, directement inspiré de Freda.

Bibliographie

  • Jean-Gilles Malliarakis (dir.), L'Éditeur emprisonné, Paris, La Librairie française, 1985, 173 p. (ISBN 2-903244-37-5).
  • (it) Chiara Stellati, Una ideologia dell'originale: Franco Freda e la controdecadenza, Padoue, Edizioni di Ar, 2002.
  • (it) Roberto Sforni, Freda: Il filosofo della disintegrazione, Collana Politika, Milan, 2012.
  • (it) Anna K. Valerio et Silvia Valerio, Non ci sono innocenti, Padoue, Edizioni di Ar, 2016 (ISBN 978-88-98672-62-2).
  • Philippe Baillet, L'Autre Tiers-mondisme: des origines à l’islamisme radical - Fascistes, nationaux-socialistes, nationalistes-révolutionnaires entre « défense de la race » et « solidarité anti-impérialiste », Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2016. 475 p., p. 185-203 (ISBN 978-2913612617)
  • Christophe Boutin, Politique et tradition, Julius Evola dans le siècle, Paris, Kimé, 1992, 513 p., p. 403-408.
  • Edouard Rix, « Giorgio Freda : nazi-maoïste ou révolutionnaire inclassable ? », Le Lansquenet, no 17,‎ printemps 2003.

Notes et références

  1. Julius Evola, « L'engouement maoïste », in: Julius Evola, Les Hommes au milieu des ruines, Grez-sur-Loing, Éditions Pardès, 1984 (rééd. 1972, trad. française 1984), 286 p., p. 267-272)
  2. Procès de Bari, déclaration de Freda à l'audience du 22. l. 1985.
  3. Audience du 23. l. 1985.
  4. Audience du 4. 2. 1985.
  5. Corriere della Sera, 17. 6. 1985.
  6. Audience du 22. 1. 1985.
  7. Texte reproduit par le quotidien La Repubblica, 1er septembre 1979.
  8. La première lettre est datée de juin 1971, la seconde de mai 1972. Les destinataires ne sont pas nommés.
  9. Nouvelle traduction partielle d'« Eléments de la culture intégrale », in: Jean-Gilles Malliarakis (dir.), L'Éditeur emprisonné, Paris, La Librairie française, 1985, 173 p., p. 135-145.