Maoïsme

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Le maoïsme est un courant du marxisme qui se rattache à l'œuvre et à la théorie du dirigeant communiste chinois Mao-Zedong.

Le maoïsme n'est pas compris par ses partisans comme une « variante » du marxisme-léninisme, mais comme sa continuité. Ils assument pleinement la période stalinienne et considèrent tous les autres marxistes comme des « révisionnistes ».

Pendant longtemps, Mao-Zedong et le Parti communiste chinois (PCC) qu'il dirige se réclament d'un marxisme-léninisme classique. Suite à la rupture sino-soviétique à la fin des années 1950, le PCC va mettre en avant son propre corpus idéologique, le « marxisme-léninisme-Pensée Mao-Zedong ». De nombreux groupes d'extrême gauche dans le monde, en rupture ou en désaccord avec la direction des partis communistes de leur pays, vont alors s'autonomiser et se réclamer du « maoïsme » comme d'une forme particulière du marxisme.

La rupture sino-soviétique

Même si ceux qui se réclament du maoïsme présentent la rupture entre la Chine et l'URSS comme un conflit idéologique, elle obéit avant tout à des considérations d'ordre géopolitique.

Depuis sa fondation en 1921, le Parti communiste chinois s'est aligné sur la Russie bolchévique. Le PCC est alors soutenu par l'Internationale communiste, mais est aussi allié avec le parti des nationalistes chinois, le Kuomintang, que l'Internationale communiste soutient également. A partir de 1925, les relations entre les deux partis se détériorent. La guerre sino-japonaise les réconcilie. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Staline presse les communistes et les nationalistes à maintenir leur alliance. Le Kuomintang a en effet conclu un traité d'amitié et d’alliance avec l'Union soviétique. Mais la défaite du Japon fournit au PCC l'occasion de déchaîner une guerre civile qui aboutit à sa prise du pouvoir sur la quasi totalité du territoire.

L'immense Chine devenue une puissance communiste, les dirigeants de l’URSS commencent à s'inquiéter. Ils entendent bien garder la maîtrise du mouvement communiste international. Mais les communistes chinois, de leur côté, entendent mettre un terme à la tutelle soviétique, et désirent au moins pouvoir exercer à parité avec l’URSS la direction du mouvement communiste international.

Quand, en 1960, le dirigeant soviétique Nikita Kroutchev initie une politique de détente avec les Etats-Unis, les communistes chinois perçoivent l'occasion rêvée de se présenter comme les véritables représentants du marxisme et du léninisme. Le PCC traite les soviétiques de « traîtres » et de « révisionnistes ». Mao Zedong affirme que c'est désormais la Chine qui représente l'orthodoxie idéologique du marxisme-léninisme. De fait, alors que des tensions frontalières sur le fleuve Oussouri alimentent la rivalité, le « maoïsme » est né, même si ce terme ne sera jamais usité en Chine.

La Chine va alors soutenir, partout dans le monde, les groupes d'extrême gauche en rupture avec les partis communistes de leur pays, leur fournissant un soutien idéologique, et les incitant à créer de nouveaux partis communistes.

Le maoïsme se caractérise par un tiers-mondisme particulièrement exacerbé, qui recourt souvent à des formes de racisme anti-blanc.

A la différence de l’anarchisme et du trotskisme, le maoïsme est une offre politique nouvelle, inconnue avant 1963. C’est le schisme entre Moscou et Pékin qui provoque sa naissance et son image reste largement tributaire de celle de son fondateur, alors extrêmement positive dans les milieux de gauche. Domine à ce moment une perception de Mao comme « avocat d’une révolution à la fois tiers-mondiste, pure et intransigeante, face à la mollesse voire à la trahison des Soviétiques »[1].

Les caractéristiques du maoïsme

Les groupes et partis qui vont arborer le maoïsme se réclament avant tout de l'« orthodoxie » du marxisme-léninisme, c'est-à-dire de l'idéologie officielle de l'URSS à l'époque de Staline. Ils considèrent l'URSS, depuis l'arrivée au pouvoir de Kroutchev, et tous les partis communistes prosoviétiques comme des « traîtres », des « révisionnistes »[2] et des « sociaux-impérialistes ».

La Chine se charge d'imprimer, en quantité énorme et dans un nombre de langues impressionnant, de nouvelles éditions des « Classiques du marxisme-léninisme » (Marx, Engels, Lénine, Staline) et des œuvres (en fait essentiellement de courts articles regroupés) de Mao Zedong, dont la plus célèbre est un recueil de citations, connu sous le nom de Petit livre rouge.

S'il s'agit avant tout d'une reprise du marxisme-léninisme classique, synthétisé autrefois par Staline, le maoïsme se signale par certaines caractéristiques:

- un tiers-mondisme radical, un soutien à toutes les luttes « anti-impérialistes » dans le monde[3], où se manifestent déjà des formes de racisme anti-blanc

- le « prolétariat industriel » étant jugé numériquement trop faible dans les pays du Tiers-monde, la « force principale de la révolution » est la paysannerie (même si, en théorie, cette situation doit être considérée comme provisoire)

- une hostilité face au « révisionnisme » et aux partis qualifiés tels, au point de les combattre physiquement et même militairement[4].

- un principe de l'égalitarisme poussé à l'extrême. En Occident, il s'illustre par les « établissements » des militants intellectuels, qui doivent abandonner leurs études et devenir ouvriers en usine. Ailleurs dans le monde, les effets sont plus beaucoup plus sanglants : outre la Chine elle-même, on doit citer le Kampuchéa démocratique (Cambodge des Khmers rouges), où la moindre parcelle d'instruction constitue déjà un objet de suspicion. Toutefois, les cercles dirigeants seront toujours composés de théoriciens intellectuels, qui parviennent à se maintenir en place malgré toutes les déclarations de « rectification », en se présentant comme les détenteurs de la « vérité révolutionnaire ».

- l'apologie de la violence et la perspective de la lutte armée. Les partis et organisations ne mettent pas toujours en avant le recours à la violence armée, mais ils considèrent tous que, tôt ou tard, les « conditions » se réaliseront pour une « guerre populaire prolongée », envisagées ous des formes diverses (guerilla urbaine dans les pays industrialisés, stratégie d' « encerclement des villes par les campagnes » dans les sociétés à dominante agraire).

- des formes de fonctionnement interne très strictes : discipline militaire, esprit de dévouement et de sacrifice, culte du dénuement, rigorisme et moralisme sexuel, mais surtout dogmatisme borné et pratique de « la critique et de l'autocritique » jusqu'au délire.

Le mythe maoïste et sa réalité

La Chine maoïste a exercé, et exerce encore, un grand attrait sur la jeunesse militante et idéaliste en Occident, ainsi que dans certains milieux intellectuels. Encore aujourd’hui, des intellectuels célèbres et médiatiques comme le philosophe marxiste français Alain Badiou, chantent les louanges de Mao Tsé-Toung et de son régime. Pour bien des jeunes en révolte contre le capitalisme, le maoïsme exerce un attrait en tant qu’idéologie typiquement tiers-mondiste et « anti-impérialiste ». Sa phraséologie radicale déchaînée contre les capitalistes et les « exploiteurs » joue pour beaucoup dans son aura mythique et révolutionnaire dans les milieux d’extrême-gauche. La victoire de la révolution chinoise, dirigée par Mao et le parti communiste chinois en 1949, est régulièrement décrite dans l’historiographie progressiste et gauchiste comme une victoire des opprimés et des exploités face à l’impérialisme américain et ses agents locaux représentés par le parti nationaliste du Kuomintang de Tchang Kaï-Chek. Il y a une tendance à minimiser, voire passer sous silence, le rôle joué par ce dernier dans la lutte contre les envahisseurs japonais au cours de la 2ème guerre mondiale et à donner le crédit de la victoire aux communistes. Le Kuomintang a été souvent dénoncé par les libéraux occidentaux à cause de sa corruption réelle ou supposée et de ses politiques répressives qui pourtant étaient plutôt faibles en comparaison de celles de Mao et du PCC. Le nombre de morts causés par le Kuomintang est sans commune mesure avec les massacres du régime maoïste.

Dans les années 1960 et 1970, les intellectuels de la gauche occidentale sont fascinés par le maoïsme et sa rhétorique (ici : le film de Jean-Luc Godard La Chinoise, tourné en 1967, avec Anne Wiazemsky, Jean-Pierre Léaud et Juliet Berto, brandissant le Petit livre rouge.

Le livre noir du communisme publié en 1997 contient une description assez détaillée des crimes et des horreurs perpétrés par les communistes chinois à partir des années 30 dans les zones sous le contrôle du PCC et ensuite dans la Chine entière après la prise du pouvoir par Mao et ses acolytes. Mao proclamait que le marxisme pouvait se résumer à « On a raison de se révolter », mais il est sous-entendu que la « révolte » n'est légitime que quand elle sert la cause du Parti communiste, voire de la personne de Mao lui-même. Il recourra régulièrement à des purges sanglantes de son Parti. La Chine depuis Mao possède son système de camps de concentration et de travaux forcés, les célèbres Laogaï qui n’ont rien à envier aux goulags soviétiques et où ont été déportés des dizaines de millions de personnes afin de les « rééduquer ».

Un des épisodes les plus meurtriers du maoïsme sans conteste le « Grand Bond en avant ». Ce « plan économique », qui devait faire décoller l'économie chinoise, a été appliqué de 1958 à 1960. Toute la société est collectivisée de force, pendant qu'est menée une politique d'industrialisation forcenée et absurde : les paysans sont contraints à contribuer à la production de l'acier. Les récoltes sont abandonnées. En conséquence, la Chine va connaître la plus grande famine de son histoire : on a même rapporté des cas de cannibalisme. Selon les travaux de l’historien Frank Dikötter, ce « Grand Bond en avant » cause la mort d’au moins 45 millions de personnes dont 2 à 3 millions lors de massacres de paysans révoltés, taxés de « contre-révolutionnaires » ou de « propriétaires terriens exploiteurs »[5]. Le « Grand Bond en avant » et son absurdité ont préfiguré le génocide causé par les Khmers Rouge de Pol Pot au Cambodge à la fin des années 70.

Une autre période caractéristique de l’époque maoïste est bien sûr la « Révolution culturelle » de 1966 à 1976. Si la propagande en a fait une « tentative révolutionnaire de faire changer les mentalités », sa réalité est bien plus prosaïque. Mao souhaitait ardemment reconquérir le pouvoir qui lui avait en partie échappé suite à la catastrophe du Grand Bond en avant. Il voulait évincer ses rivaux au sein du Parti, comme Liu Shaoqi et Deng Xiaoping. Pour cela, Mao développe un discours idéologique, accusant les autres dirigeants du Parti de « vouloir restaurer le capitalisme ». Il parvient à mobiliser et à fanatiser une partie importante de la jeunesse étudiante, les Gardes rouges. Ceux-ci vont lui servir à se réimposer comme le chef incontestable du Parti, à éliminer ses adversaires (qui étaient quasiment tous ses anciens camarades), à purger le Parti et la société toute entière. La quasi totalité des intellectuels, des artistes et de tous ceux qui sont soupçonnés de penser différemment sont envoyés en camps de travail. La majorité n'en reviendra pas. Les confessions religieuses sont presque totalement éradiquées. Le patrimoine historique, traditionnel et culturel est en grande partie détruit, dans une politique de table rase du passé. Le chiffre exact des victimes de la « Révolution culturelle » ne sera jamais établi, mais deux à trois millions de morts sont attestés.

Pourtant, tout au long de cette période, le maoïsme continue d'être l'objet d'éloges de la part de l’intelligentsia gauchiste occidentale, toujours à la recherche d’un modèle « socialiste » idéalisé. Ceux qui mettaient en doute la réalité du « paradis socialiste chinois » étaient traités de « réactionnaires » et de « propagandistes de l'impérialisme »[6]

La « Grande révolution culturelle prolétarienne » et son envers

Le 16 mai 1966, à Pékin, était publié un document qui déclarait l’avènement de la Grande révolution culturelle prolétarienne. Passé inaperçu à l’époque, il sera suivi, le 1er juin, d’un éditorial du Quotidien du peuple, l’organe du parti communiste chinois, appelant à «balayer les monstres et les démons». La Révolution culturelle était cette fois en branle. Le retour de Mao Tsé-toung à Pékin, mi-juillet, après une baignade dans le Yang-tsé qui présageait sa reconquête du pouvoir, allait mettre le pays sens dessus dessous.

Le 18 août, du haut de la Porte de la Paix céleste, qui domine la place Tiananmen, au centre de Pékin, Mao présidait un premier rassemblement de milliers de Gardes rouges. Il les encourageait à éliminer les révisionnistes au sein du parti, à briser les «quatre vieilleries», toute forme de culture ancienne. La jeunesse, vêtue d’un uniforme militaire et d’un brassard rouge, se lance dès lors dans des ratonnades qui imposent le règne de la terreur. Le 25 août, humilié par ses étudiants, l’un des plus grands romanciers chinois du XXe siècle, Lao She, se jetait dans un des lacs artificiels de la capitale.

Fin septembre 1966, on dénombrait 1700 morts à Pékin. Au terme de la Révolution culturelle, dix ans plus tard, les historiens estiment que 1,5 à 2 millions de personnes avaient été exécutées ou acculées au suicide, 20 millions de jeunes avaient été forcés à travailler dans les campagnes, 200 millions de ruraux avaient souffert de malnutrition chronique et des centaines de millions de personnes avaient été victimes de luttes fratricides, c’est-à-dire l’ensemble de la population ou presque.

Le peuple chinois subit un traumatisme collectif. Les Chinois en ressortent brisés: on n’a plus foi en rien, les valeurs morales sont détruites, les liens de famille et d’amitiés sont ruinés.

Pour asseoir son pouvoir et assurer son legs dans l’histoire du communisme, Mao Tsé-toung crée une nouvelle religion: le maoïsme. Il ne s’agit plus simplement d’éliminer les ennemis de classes ou de «laver leur cerveau». Ce travail était déjà fait par le parti. L’heure est à l’avènement de l’homme nouveau, un être coupé de ses racines culturelles, endoctriné pour ne plus succomber à la tentation des idées capitalistes, entièrement voué au culte de son nouveau dieu, Mao, et à l’apprentissage de sa bible, le Petit Livre rouge.

De 1966 à 1968, la furie iconoclaste des Gardes rouges se conjugue avec l’élimination des cadres du parti opposés, ou supposés l’être, à Mao et sa révolution. Durant ces «années rouges», les «masses révolutionnaires» ne vont pas tarder à entrer en collision, au gré des luttes de factions ou téléguidées par des potentats locaux qui règlent leurs comptes. La révolution glisse alors dans la guerre civile, les «petits généraux de Mao» s’entre-tuant dans les rues à l’aide de briques, de mitrailleuses ou de canons antiaériens.

Pour reprendre le contrôle du pays, à l’été 1968, Mao fait alors intervenir l’armée. Les hauts cadres du parti, purgés, sont remplacés par des responsables militaires au sein des comités révolutionnaires nouvellement mis en place. Durant ces «années noires», comme les appelle Frank Dikötter, la Chine se transforme en Etat-garnison: les écoles, les usines et le gouvernement, tout est dirigé par l’armée alors que les «jeunes instruits» sont envoyés à la campagne pour se faire rééduquer.

Mao ne tarde toutefois pas à se sentir menacé par les ambitions des militaires cette fois-ci. En 1971, il élimine Lin Biao, le généralissime et successeur désigné dont l’avion s’écrase en Mongolie alors qu’il tentait de fuir vers la Russie. Jusqu’à son dernier souffle, en 1976, le pouvoir du Grand Timonier restera dès lors incontesté.

Après les obsèques de Mao, sa femme, Jiang Qing, et trois de ses acolytes en charge de la propagande, sont arrêtés: la Bande des Quatre, comme on nomme désormais ce groupe, sera tenu comme principal responsable de la catastrophe provoquée par la Révolution culturelle.

Le maoïsme et les Droites radicales européennes

Un engouement inattendu

Dans un premier temps, la totalité des forces de Droite manifeste une hostilité pour la nouvelle puissance communiste, qui ne cache d'ailleurs pas son expansionnisme sous toutes ses formes. Toutefois, l'esprit occidental a toujours été marqué par une fascination pour le lointain et notamment pour la mystérieuse Chine.

Il est ainsi bien naturel que des intellectuels et militants d'extrême gauche s'engouffrent dans la propagande maoïste, qui leur permet à la fois de s'émanciper de la tutelle du parti communiste, de se débarrasser de l'image d'agent stipendié de l'URSS et de se poser en novateur. Et, à long terme, de prendre la tête des forces de gauche de leur pays respectifs.

Il est plus étonnant de voir la sympathie que commence à générer la Chine dans certains milieux des Droites radicales.

Yalta et le condominium américano-soviétique suscitent peu à peu chez les nationalistes européens un désir de se trouver des alliés dans le Tiers-monde. Pour certains, la Chine, hostile à la fois aux Etats-Unis et à l'Union soviétique, apparaît tout d'un coup comme une divine surprise. La répugnance au communisme s'efface progressivement devant une fascination, qui s'accompagne de justifications presque mystiques : la Chine ne serait pas véritablement communiste, mais incarnerait un esprit héroïque et guerrier derrière une façade matérialiste. Si certains se contentent de déclarations, d'autres entreprennent de réelles démarches.

Ainsi, Jean Thiriart, dirigeant de Jeune Europe, toujours en quête d'un poumon extérieur pour une future insurrection armée anti-américaine et anti-soviétique en Europe, se rapproche de la Chine. Il prétendra, en été 1966, au cours d'une tournée dans différents pays est-européens, avoir rencontré Zhou Enlaï à Bucarest[7]. L'organisation, notamment à travers sa revue La Nation européenne, prendra désormais faits et cause pour la Chine.

Après la dissolution de Jeune Europe en 1969, certains de ses membres italiens rejoignent des organisations d'extrême gauche de ce pays, dont Potere Operaio et les Brigades rouges. Claudio Mutti lui-même passe par Potere Operaio, avant de rejoindre sa famille politique d'origine. Claudio Orsi va fonder les Centres d'études et d'application de la pensée Mao Zedong, ainsi que l'association Italie-Chine. Pino Balzano devient rédacteur de Lotta continua. Quant à Renato Curcio, dirigeant historique et emblématique des Brigades Rouges, il a été découvert bien plus tard qu'il avait milité à Jeune Europe au moins jusqu'en 1967, et que précédemment il avait été responsable du groupe d'Albenga de Giovane Nazione (organisation de jeunesse du Mouvement social italien).

Si le penchant des nationalistes-révolutionnaires, notamment chez Jeune Europe, pour la géopolitique et pour la recherche d'alliés stratégiques, peut expliquer cette sinophilie inattendue, il est encore plus surprenant de rencontrer cette même fascination chez certains traditionalistes, pourtant en général très stricts quant à la doctrine. Ainsi Franco Freda manifestera souvent son soutien et son admiration pour Mao Zedong, mais considérant que le dirigeant chinois se servait du marxisme comme d'un « radeau » qu'il abandonnerait une fois le fleuve traversé. Freda affirme avoir vu dans la Chine maoïste une « vision du monde presque spartiate, un sens de la vie sobre, dur, militaire, un style d'existence ascétique, un rythme organique de fidélité qui lie au Chef toute la communauté nationale et favorise cette tension solidariste qui. à son tour, reflète dans le travail d'un peuple entier des caractères de discipline volontaire, de libre milice déprolétarisée ».

Evola contre Mao

Intrigué par ce phénomène, le philosophe Julius Evola rédige un article sur le sujet, qu'il fait adjoindre à la nouvelle édition des Hommes au milieu des ruines.

« Un tel phénomène nous a incité à prendre la peine de lire le fameux Petit livre rouge pour tenter d'y voir clair et de découvrir ce qui pouvait bien justifier une telle fascination. Cette recherche s'est avérée vaine. En fait, il ne s'agit même pas d'une espèce de bréviaire écrit délibérément avec un certain systématisme, mais d'un ensemble hétéroclite de bribes de discours et d'écrits divers portant sur une très longue période. D'une véritable et spécifique doctrine maoïste, ce n'est certes pas le cas de parler ici. Que penser d'un livre où l'on trouve dès la première page des phrases aussi catégoriques que celle-ci : « Le fondement théorique sur lequel se base toute notre pensée est le marxisme-léninisme » ? Ceci suffirait pour mettre au panier le nouvel évangile, où, par ailleurs, les habituels slogans éculés de la subversion mondiale - « lutte contre l'impérialisme et ses valets », « libérer le peuple de ses exploiteurs », etc. se rencontrent à chaque instant.

En conséquence, s'il peut exister entre les Soviétiques et les communistes chinois des oppositions, des divergences et des tensions, il faut bien se dire qu'il s'agit de querelles de famille, de problèmes internes (exception faite de mobiles au réalisme très prosaïque, les vastes territoires déserts de la Russie asiatique excitant l'appétit de la Chine surpeuplée) qui ne nous concernent en rien du tout. Tout au plus peut-on espérer que les deux compères finiront bien un jour par en venir aux mains.

Ce qui peut en revanche exercer une fascination, c'est un pur mythe du maoïsme, d'où l'on a évacué toute formulation idéologique précise en se livrant à des interprétations hasardeuses et en mettant tout particulièrement en exergue ce qu'on a appelé la "révolution culturelle" ».

Bibliographie

  • Philippe Baillet, L'Autre Tiers-mondisme: des origines à l’islamisme radical - Fascistes, nationaux-socialistes, nationalistes-révolutionnaires entre « défense de la race » et « solidarité anti-impérialiste », Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2016. 475 p.
  • Christophe Bourseiller, Les maoïstes. La folle histoire des gardes rouges français, Éditions du Seuil, collection « Points », 2008, 369 p.
  • José Cuadrado Costa, « De Jeune Europe aux Brigades rouges », La Nation eurasienne, n° 5, 2005 (traduction de Da Jeune Europe alle Brigate Rosse, Barbarossa, Milan, 1992).
  • Julius Evola, « L'engouement maoïste », in: Julius Evola, Les Hommes au milieu des ruines, Grez-sur-Loing, Éditions Pardès, 1984 (rééd. 1972, trad. française 1984), 286 p., p. 267-272.

Notes et références

  1. Buton, Philippe Buton, « Le PCF et le gauchisme. Acte I. La rencontre (1963-1968) », Revue historique, vol. 684, no. 4, 2017, pp. 855-874.
  2. Le terme de « révisionniste », qui n'a ici aucun rapport avec le révisionnisme historique, était déjà employé par Lénine pour accuser ceux qui contestaient sa ligne, notamment les sociaux-démocrates, de « réviser » le marxisme et de le « vider de son contenu ».
  3. En pratique, ce soutien à toutes les luttes « anti-impérialistes » se retrouve en contradiction avec la Realpolitik chinoise, complètement dominée par son hostilité aux « révisionnistes » et « sociaux-impérialistes » soviétiques : la Chine va par exemple s'allier avec le Shah d'Iran, recevoir le président américain Nixon et attiser le conflit entre Vietnamiens et Cambodgiens, uniquement par volonté de contrer l'URSS partout dans le monde, tout en se masquant derrière des justifications idéologiques absconses.
  4. A titre d'exemple, au Portugal, à partir du printemps 1975, un mouvement maoïste, le Parti communiste des travailleurs portugais dirigé par Arnaldo Matos, lance une campagne « militaire » contre le Parti communiste portugais (pro-soviétique) d'Alvaro Cunhal. Pendant des mois, les militants du groupe maoïste attaquent, incendient et détruisent les permanences du Parti communiste. Ailleurs en Europe, certaines organisations maoïstes prônent le soutien à l'OTAN contre l'Union soviétique.
  5. Ursula Gauthier, « Mao, le plus grand criminel de l’histoire », in : [1]
  6. Jérôme Boily, « Maoïsme et terrorisme », in : Québécois de souche, 20 mars 2021.
  7. En 1983, Jean Thiriart affirmera avoir inventé l'épisode de sa rencontre avec Zhou Enlai à Bucarest