Jean de Mayol de Lupé

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Monseigneur Jean Mayol de Lupé
Mgr Jean de Mayol, comte de Lupé, né le 21 janvier 1873 à Paris et mort le 28 juin 1955 à Paris, est un prêtre catholique français, prélat de Sa Sainteté, et aumônier général de la LVF puis de la Division Charlemagne.

Biographie

Dieu et la patrie

Jean de Mayol de Lupé est issu d'une famille aristocrate de tradition monarchiste ; il est le septième enfant du comte Henri de Mayol de Lupé [1] et d'Elisabeth de Caracciolo Girifalco, issue de la noblesse napolitaine. Clin d’œil du destin, il vint au monde, à Paris, le 21 janvier 1873, 80 ans jour pour jour après la décapitation de Louis XVI. Toute sa vie, il a voué une haine farouche aux symboles de la République : le drapeau tricolore et la Marseillaise. L'enfant fait ses études en internat dans le Poitou à l'abbaye des Bénédictins. Suivant en cela une tradition familiale tenace, il est ordonné prêtre le 10 juin 1900 et devient chevalier ecclésiastique d'un ordre autant militaire que religieux : l'Ordre de Saint Georges Constantinien.

Un tempérament de moine-soldat

Lorsque la Grande Guerre éclate, il part se battre à 41 ans comme aumônier militaire au sein de la 1ère division de cavalerie. Fait prisonnier dès le mois de septembre 1914, il reste en captivité pendant deux années avant de bénéficier d'une mesure de clémence de la part des Allemands. Revenu en France en 1916, il reprend sa place d'aumônier au front au tout début de l'année 1917.

Il se distingue par son franc-parler et son humanité. Il risque sa vie de nombreuses fois pour apporter l’absolution aux mourants. René Bail cite le témoignage d’un soldat qui l’a connu alors: « En tant qu’homme, il en imposait, comme prêtre, il était respecté, mais aussi très aimé, adoré même de la troupe (…) Il visitait tous les régiments, par tous les temps… Par – 30°, il partait à cheval et revenait quelquefois complètement frigorifié. Il fallait l’aider à descendre de sa monture... »

Il sert en Champagne, à Verdun et dans la Somme où il est gravement blessé en 1918. Il finit la guerre en convalescence dans un hôpital militaire de Rouen. Au total il est cité à trois reprises à l'Ordre de l'armée et se voit remettre seize décorations aussi bien françaises (dont la Croix de guerre et la Médaille des évadés) qu'étrangères. Au yeux de tous, c'est un véritable héros.

Entre les deux guerres

Au sortir de la guerre, il décide de rester dans l'armée. Aventurier dans l'âme, Lupé demande à être affecté à la "coloniale". C'est ainsi qu'il rejoint l'armée d'Orient. Il est affecté en Bessarabie où il côtoie, console et secourt les syphilitiques et autres laissés-pour-compte... Il gagne la Syrie en 1921 où il se distingue encore : il est fait Chevalier de la Légion d’honneur. De la Syrie, il rejoint le Maroc et l’Algérie.

Mis à la « retraite » militaire en 1927 avec le grade de capitaine, il n'en reste pas moins très actif de retour à la vie civile. Il édite un Bulletin de St Mayol (de 1927 à 1936). Homme d'Église, aristocrate, héros de la Grande Guerre, lettré et cultivé, il est contacté par le Ministère de l'Éducation Nationale pour organiser diverses missions culturelles. C'est dans ce cadre qu'il rencontre aussi bien l'ambassadeur de France en Allemagne, Monsieur Poncet, que le maréchal Louis Lyautey ou le président Caillaux. Il devient prélat romain, auprès de Sa Sainteté Pie XII dont il est l'ami, et précepteur des enfants de la famille royale italienne ; c'est pourquoi il est autorisé par la Curie romaine à porter le titre de Monseigneur. Il est également aumônier de la Maison de Bourbon. Ces hautes charges ne l'empêchent pas de prendre part à l'émeute du 6 février 1934 place de la Concorde, afin de soigner les blessés et de confesser les mourants.

Au gré de ses voyages et des réceptions auxquelles il assiste, il fait la connaissance de plusieurs nationaux-socialistes influents. S'il ne semble pas partager totalement leurs idées politiques, il en est malgré tout qui le séduisent. En 1938, Lupé est convié par les autorités du IIIe Reich au Parteitag (congrès du parti). C'est dans le cadre de cette manifestation qu'il se lie d'amitié avec Otto Abetz, futur ambassadeur des forces d'occupation allemandes auprès de Vichy ainsi qu'avec le professeur Westrick.

Toujours en 1938, Mayol de Lupé, considéré comme étant un "élément sûr", est contacté par le service de renseignement militaire français afin de mener une mission en Italie : Monseigneur de Lupé doit évaluer l'attitude de Benito Mussolini en cas de guerre franco-allemande. Le rapport détaillé fourni par l'ecclésiastique au 2ème Bureau est formel : en cas de conflit, le Duce rejoindra son allié allemand et se retournera contre la France. Selon René Bail, il usa de son influence pour faire libérer, via Poncet, le professeur Othmar Spann et son fils, emprisonnés après l’Anschluss. Mieux encore, il serait intervenu auprès de Francisco Franco en Espagne, pour faire gracier Ajuriagerra, un Basque autonomiste que le Caudillo avait fait condamner à mort.

Il donne ensuite des cours comme professeur à l'École des Hautes Études (Sorbonne). L'expérience de la guerre n'a fait que renforcer sa vocation apostolique : en témoigne La paix, le legs d’Israel, article écrit en collaboration avec André Pinaud, pour lequel il reçoit les félicitations du rabbin L.G. Lévy.

L'aventure de la LVF

Prêtre et soldat
En septembre 1939, à cause de son grand âge (66 ans), il n'est pas considéré apte à aller au front et continue ses cours. Mayol de Lupé reste donc à Paris où il se met à la disposition de la défense passive en tant que brancardier. Après la drôle de guerre, les mois de mai et juin 1940 marquent l'effondrement de la France. Lupé quitte Paris lorsque la capitale est déclarée ville ouverte. L'armistice entraîne l'occupation d'une partie du pays par la Wehrmacht et l'instauration de l'État Français dirigé par le maréchal Pétain. De retour à Paris en septembre 1940, Monseigneur de Lupé est conduit à revoir Otto Abetz pour négocier la libération de certaines de ses connaissances.

En juin 1941, lorsque Berlin passe à l'attaque à l'Est, Vichy autorise le 11 juillet 1941 la constitution d'un corps de volontaires français contre le bolchevisme. C'est la LVF. Abetz accepte de libérer à nouveau quelques amis de Mayol de Lupé à la condition sine qua non que ce dernier serve en qualité d'aumônier dans la LVF. Lupé hésite et prend conseil auprès des cardinaux Sibilia et Suhard [2] et ce afin de ne pas priver les jeunes recrues de toute aide spirituelle. Les deux hommes encouragent Monseigneur de Lupé à accepter le marché allemand.

Cela étant, la lutte contre le bolchevisme entrait pleinement dans les opinions idéologiques de ce "moine-soldat" royaliste [3] en lutte contre l'athéisme. Lupé répond par l'affirmative à Westrick qui est ami d'Otto Abetz, et devient l'aumônier de la LVF, au départ pour une mission courte. Il se rend en Pologne où sont cantonnés les volontaires. Il participe le 30 août à la cérémonie du serment au cours de laquelle il bénit le drapeau de la LVF et prononce une homélie : « Dieu protègera les défenseurs de la civilisation chrétienne ». Mayol de Lupé, sa mission accomplie, revient à Paris, un peu à contre-cœur maintenant. L’appel de la troupe l’a happé. Jean Mabire évoque ainsi son intransigeance fanatique quand il s’agit du Christ, mâtinée de générosité et de bonhommie pour ses "ouailles" : « Miséricordieux quand il s’agit de juger le chrétien, Mayol de Lupé se fait incroyablement dur lorsqu’il croit défendre le christianisme, en affûtant son fer de lance : la LVF protectrice de l’Occident contre le Bolchevisme ! Il a tout ramené aux grandes simplifications médiévales, comme Hitler dont il dit : "En dépit de toute apparence, c’est le dernier défenseur des Croyants !" ».

Retour sur la ligne de front

Couverture du n°20 du Signal d'octobre 1943
Réunion du vel' d'hiv' en avril 1944
Le 30 octobre 1941, la LVF part au front et subit un déluge de feu. Puis, courant 42, elle se consacre à la lutte contre les partisans. Dans les plaines de Russie en 1943, malgré ses 70 ans, Mayol de Lupé montre une endurance étonnante : « À tout moment on le rencontre à cheval, exposant aux ardeurs de l’été son torse nu de vieil athlète, une grande croix de cuivre à son ceinturon, un parabellum enfoncé dans la botte, et distribuant à ses "fils" de généreuses bénédictions » [4]. Le rôle de Lupé en Russie a un fort impact aussi sur les populations puisqu'il baptise des enfants par dizaines dans chaque village et célèbre les messes pour les populations locales. Sa notoriété lui vaudra, quand il est décoré de la Croix de fer de deuxième classe en 1943, de faire la couverture d'une édition du journal de propagande Signal avec cette légende : « De la légion d’honneur à la croix de fer ».

En avril 1944, il participe à la « grand-messe » de la LVF au vélodrome d’hiver où il enthousiasme l’auditoire (à la suite de Jacques Doriot et du général Edgard Puaud, nouveau commandant de l’unité) ; parlant des volontaires français en URSS, il déclare : « C'est un beau mystère, une chanson de geste, qu'écrivent nos gars à la pointe de leur baïonnette. Je le répète : si tous ne sont pas de petits saints, il y a chez tous de la gloire et de l’héroïsme ». Mais la « grande armée » germano-européenne qui devait marcher sur les traces de Napoléon a face à elle près de 196 divisons russes dont 46 blindées, prêtes à l’attaque. Sur le front, Mayol de Lupé déclare : « Pour la première fois, nos soldats se trouvent seuls ou presque seuls en face de l’armée rouge. C’est un titre de gloire qui se transmettra jusqu’à la septième génération, si le christianisme survit à cet assaut... » Malgré 36 heures d’une farouche résistance, les lignes sont enfoncées. Toutes les forces allemandes et supplétives entament leur longue marche à rebours, digne de la Bérézina. La LVF a vécu.

Croisade contre le bolchevisme

Durant l'été 1944, il appuie le Général Edgard Puaud pour fondre tous les Français volontaires contre le bolchevisme dans une seule unité intégrée à la Waffen SS: la Division Charlemagne. Cette dernière naît au camp de Wildflecken, en septembre 1944. Le major Lupé devient Sturmbannführer SS. Lors de la cérémonie de prestation de serment, Mayol célèbre la messe et dédie son homélie à «  Notre très saint père le Pape et notre Führer Adolf Hitler ». Trois unités composent le gros de la troupe (sous l'autorité de Puaud, lui-même sous celle de Krukenberg) : les survivants de la LVF, les Miliciens rapatriés de France et ce qui reste de la Brigade Frankreich.

En raison de la disparité des éléments [5], Mayol, tant bien que mal, fait taire les scrupules des uns et des autres. « Notre Saint Père le Pape et notre vénéré Führer savent que je suis ici, prêt à servir dans la Waffen SS, et ni l’un ni l’autre ne m’a demandé à ce que j’abandonne mon ministère (…). Athée, disiez-vous ? Alors sachez que les instructeurs allemands sont tenus de respecter les coutumes nationales et religieuses des volontaires musulmans de Bosnie, incorporés à la division SS "Handschar". (…) Au point où nous en sommes aujourd’hui, il n’y a pas de choix: ou pactiser avec le marxisme ou se ranger résolument aux côtés de ceux qui le combattent farouchement. Tout le reste n’est que billevesées... » Et quand ce n’est pas suffisant, selon Mabire, Mayol n'hésite pas à montrer son ire : « Si vous voulez faire les fortes têtes, je supprime les messes, les confessions et les communions. »

À Noël 1944, Mayol célèbre l’office de la Nativité devant plusieurs milliers d’hommes de la division. C’est sa dernière messe sur le front. Il parle une dernière fois de la « Croisade » pour l’Occident et les bénit. Tombé fortement malade lors de cet hiver, il ne les suivra pas dans leur baroud d'honneur en Poméranie (700 survivants à peine sur 7.000 combattants). Il reste en Allemagne et s'installe à Munich.

Disgrâce civile

Épitaphe à Lupé
Il y est arrêté en 1946 par les Américains à la demande des autorités françaises. Remis aux gendarmes, il rentre en France pour être enfermé dans de rudes conditions à la prison de Fresnes où il côtoie quelques-uns de ses anciens camarades de la LVF ou de la Charlemagne. C'est un homme brisé et malade qui se présente devant le tribunal. Il est accusé entre autres de collaboration notoire et de port de décorations ennemies. Son crime ? Avoir porté, même comme aumônier, un uniforme "ennemi", nonobstant le fait que le gouvernement français avait signé un armistice en 1940 avec l'Allemagne pouvant difficilement après cela être encore considérée comme "ennemi". Le commissaire de gouvernement Coyssac réclame le bagne à perpétuité. Après la plaidoirie de Me Véron, il est condamné le 13 mai 1947 à 15 années de réclusion, à la dégradation nationale, à la confiscation de ses biens et il est radié de la Légion d’honneur. Par contre, il n'a aucune sanction de la part de l'Église. Interné au camp de la Châtaigneraie, à la Celle-Saint-Cloud, il se consacre à une étude sur l'ordre bénédictin. En 1950, il reçoit même la bénédiction de Pie XII pour son jubilé sacerdotal. C'est dans sa cellule que son petit-neveu, qui avait été déporté à Rawa-Ruska, vient dire sa première messe le 24 décembre. En 1951, du fait de son état aggravé de santé à 78 ans, il bénéficie d'une mesure de grâce et est remis en liberté conditionnelle. Il parvient à récupérer son appartement parisien, avenue Émile Accolas, où il s’éteint le 28 juin 1955.

Conformément à ses dernières volontés, sa dépouille fut inhumée dans le Pilat, à Lupé, son « cher village » (expression figurant dans son testament), en présence d’amis, de relations et de sa famille. Son cercueil fut porté par six des paysans en faveur desquels il avait écrit à Hitler [6]. La tombe de Lupé est aujourd'hui encore fleurie par de jeunes catholiques animés de piété patriotique.

Bibliographie

  • R. Bail, Les Croix de Monseigneur de Mayol de Lupé, 1994, Dualpha, 2000
  • P. Giolitto, Volontaires français sous l'uniforme allemand, Tempus, 2007
  • Saint Loup, Les Volontaires, 1963.
  • É. Deschodt, Le Royaume d'Arles, Lattès, 1988. Dans ce roman, Mgr de Lupé est désigné sous le nom d'Anatole de Meyrargues.

Textes à l'appui

Mgr Mayol de Lupé, étincelant moine-soldat, par Paul-André Delorme

Belle et grande figure de moine-soldat que celle de Mgr Mayol de Lupé. Ce vaillant croisé, défenseur de la civilisation chrétienne, ne méritait pas l’opprobre attaché à son nom. Au contraire, la mémoire de ce témoin de la foi (mais il est vrai qu’un tel témoin s’identifie étymologiquement à un martyr) devrait être vénérée comme il convient à tous ceux qui paient de leur personne pour la Vérité celée dans le message et le calvaire du Christ, et pour leur patrie. Non certes la seule nation d’appartenance politiquement incarnée dans un Etat, mais cette grande patrie qu’est notre Occident chrétien, constamment menacée par les barbares, hier communistes, aujourd’hui hordes extra-européennes pour les uns, néo-libéraux mondialistes et matérialistes quant aux autres.

Un authentique aristocrate

Jean de Mayol, comte de Lupé, naît à Paris le 21 janvier 1873, soit quatre-vingts ans très exactement après le martyr de Louis XVI. Il est le septième enfant d’une vieille famille monarchiste et catholique. Ses parents sont le comte Henri de Mayol de Lupé et Élisa- de Caracciolo Girifalco, issue de la noblesse napolitaine. Henri de Mayol, comte de Lupé (1841-1916), ardent légitimiste, renonça à la carrière militaire pour ne pas servir le Second Empire, et combattit dans l’armée du Roi de Naples, François II, puis celle du pape Pie IX, l’un et l’autre menacés (et finalement vaincus) par les troupes des tenants de l’unification italienne, menées par Victor-Emmanuel de Savoie et aidés par Napoléon III. Quoique attaché à l’Europe morcelée des vieilles familles dynastiques du continent, il se montra cependant partisan d’une union économique de l’Europe et d’une monnaie commune à tous les Etats qui y seraient inclus, ce qui fait de lui, de manière surprenante, un précurseur du fédéralisme européen même si, en vérité, il ne concevait pas ce dernier sur le modèle universaliste, uniforme, apatride et monoculturel actuel. Auteur d’un livre sur la captivité de Pie VII, il coucha, dans un ouvrage posthume, Au service de l’Etat (1940), ses conceptions en matière de religion, de rapports entre l’Eglise et les pouvoirs publics, et d’éducation.

Jean fut élevé par ses parents dans le rejet viscéral de la République et de ses symboles : toute sa vie, il refusa de chanter la Marseillaise et d’arborer les trois couleurs, même lorsqu’il servit sous l’uniforme français durant la Grande Guerre. Elevé par les Bénédictins du Poitou, il se sent une double vocation, ecclésiastique et militaire, conformément à l’esprit et au sang de ses ancêtres, lesquels comptèrent des soldats et des hommes d’Eglise. Jean entre à seize ans à l’abbaye bénédictine de Ligugé, en Poitou. Il est ordonné prêtre le 10 juin 1900 et devient chevalier ecclésiastique d’un ordre autant militaire que religieux : l’Ordre de Saint-Georges Constantinien.

Un grand soldat

Mobilisé en 1914 comme aumônier militaire au sein de la 1ère division de cavalerie, il est fait prisonnier par les Allemands dès septembre 1914. Dans le train qui l’emmène, il aide les prisonniers à s’évader. Il sera libéré, par mesure de clémence, en 1916. Il retourne alors au front en 1917. Combattant en Champagne, dans la Somme, à Verdun, grièvement blessé en 1918, il sera titulaire de seize décorations (dont la Croix de Guerre et la médaille des Évadés) et de trois citations à l’Ordre de l’armée, et laissera le souvenir d’un aumônier prêt à risquer sa vie pour aider ses frères d’armes, brave au feu et endurant les conditions de vie les plus extrêmes.

Par la suite, Mayol de Lupé intègre la “coloniale” et sert successivement en Bessarabie, en Syrie (où il reçoit la Légion d’Honneur), au Maroc et en Tunisie. Gravement malade, il quitte l’armée en 1927.

Il sera fait chevalier de l’Ordre constantinien de Saint-Georges, un ordre à la fois religieux et militaire.

Retraité militaire avec le grade de capitaine en 1927, il lance un modeste Bulletin de Saint-Mayol. Mais surtout, il accepte diverses missions culturelles à l’étranger, à la demande du ministère de l’Instruction publique (puis de l’Education nationale). Cela peut surprendre : ce ministère, arche sainte (si l’on ose ainsi dire) de la République laïque, maçonnique et anticléricale, représente, comme celle-ci, tout ce qu’abhorre depuis toujours Mayol ; et ses dirigeants connaissent les convictions religieuses et politiques de ce dernier.

Il faut que le prestige militaire de Mayol de Lupé ait été grand pour qu’ils le sollicitent. Du côté de celui-ci, le besoin de servir et d’entreprendre une action culturelle d’envergure devait être assez fort pour lui faire accepter de servir le régime qu’il détestait, sous la houlette de son ministère le plus symbolique. Il se familiarise alors avec diverses personnalités, tels le maréchal Lyautey, mais aussi des hommes situés aux antipodes de ses convictions, comme les radicaux Joseph Caillaux et André François-Poncet. Elles lui permettent de croître en influence spirituelle et politique à l’étranger. Il devient ainsi précepteur des enfants du prince Humbert, futur (et très éphémère) Roi d’Italie, fils du Roi Victor-Emmanuel III. Elles favorisent également sa carrière ecclésiastique en l’envoyant au Vatican.

À Rome, Jean Mayol de Lupé sera quelque peu tenu à distance par le pape Pie XI en raison de ses convictions monarchistes et “intégristes”. Rappelons ici que Pie XI, modérément libéral et dont les positions inclinaient quelque peu à la démocratie chrétienne, avait porté un coup très dur à L’Action française en condamnant ce journal et les ouvrages de Maurras et en interdisant de sacrements les fidèles qui continueraient à lire celui-là et ceux-ci (décret pontifical du 29 décembre 1926). Jean Mayol de Lupé, de sensibilité légitimiste, comme son père, étranger au monarchisme agnostique, positiviste et paganisant de Maurras, pouvait ne pas se sentir visé par cette condamnation. Il reste que cette dernière, outre L’Action française, désavouait implicitement tout engagement monarchiste et tout catholicisme traditionaliste hostile au rapprochement avec la république et la démocratie.

Cependant, Mayol de Lupé se lie d’amitié avec le cardinal Pacelli, secrétaire d’Etat depuis 1930, et plus traditionaliste que le Souverain Pontife. Devenu pape, il lèvera l’interdiction de son prédécesseur à l’encontre de L’Action française (décret pontifical du 5 juillet 1939). L’accession du cardinal Pacelli au siège de saint-Pierre (sous le nom de Pie XII), en mars 1939, fait de Mayol de Lupé un intime du pape qui lui donne le titre honorifique de prélat romain, lui conférant du même coup l’appellation de “Monseigneur”.

Légitimiste, il est aumônier de la Maison de Bourbon[7]. Désormais proche des pouvoirs établis, Mayol de Lupé demeure un rebelle contre un monde moderne qui tourne le dos à Dieu, et contre la République française maçonnique. Il soutient la Fédération nationale catholique du général de Castelnau, notamment dans sa lutte contre la tentative du gouvernement Herriot d’étendre la laïcité de l’enseignement à l’Alsace-Moselle reconquise en 1918 et d’y abroger le Concordat[8]. Il soutient les manifestants nationalistes du 6 février 1934. Lors de la soirée tragique de cette journée, il soigne les blessés et confesse les mourants.

Cependant, homme de foi et homme d’Église avant tout, il se tient à la lisière de la vie politique, et résiste à la tentation de l’engagement, ce qui n’est pas facile pour lui, car le besoin d’agir est une composante essentielle de son tempérament, et donc le tenaille.

L'exemple ambigu de l'Eglise catholique allemande

Mais surtout, c’est durant cette période, singulièrement à partir de 1937, que Mayol de Lupé va infléchir sa position morale et politique. Ses séjours en Allemagne l’amènent à rencontrer divers notables du IIIe Reich. Il se lie d’amitié avec Otto Abetz, alors agent allemand en France, qui cherche à constituer un pool de personnalités françaises favorables à une entente avec le Reich[9]. Mgr Mayol de Lupé est séduit par Hitler.

D’autant plus que l’Eglise catholique d’Allemagne s’est récemment montrée très favorable à une bonne entente avec le nouveau régime national-socialiste. En mars 1933, Mgr Kaas, chef de la Zentrumpartei (parti du Centre), la grande formation politique catholique allemande, s’est démené pour obtenir du Reichstag le vote des pleins pouvoirs au chancelier. Les cardinaux Bertram et Faulhaber ont appelé les catholiques à serrer les rangs derrière le parti national-socialiste lors des élections générales des 5 mars et 12 novembre 1933. A Rome même, Pie XI fait un éloge public d’Hitler lors du consistoire du Vatican du 15 mars 1933[10]. Certains ecclésiastiques affichent leur sympathie à l’égard du régime, tels Mgr Gröber, archevêque de Fribourg-en-Brisgau et membre bienfaiteur de la SS, ou le père Schachleiter, national-socialiste convaincu. En outre, le vice-chancelier du Reich est alors Franz von Papen, éminente personnalité catholique, venu du Zentrum et ancien chancelier du Reich. Un concordat a été signé entre l’Allemagne et le Vatican le 20 juillet 1933. Suivant ce concordat, l’Eglise catholique est reconnue dans toute l’Allemagne, pour la première fois depuis le Kulturkampf (1871-1878), l’enseignement confessionnel, les œuvres, les associations de jeunesse et autres, voient leur indépendance garantie, et la nomination des évêques par Rome n’est refusée par Berlin qu’en cas de désaccord politique très sérieux sur le choix du prélat désigné.

Mais, depuis l’été 1934, les bonnes relations entre l’Eglise et le Reich se sont refroidies, à moins dire. Lors de la Nuit des Longs Couteaux (30 juin 1934), des dirigeants d’associations catholiques ont été exécutés, les prêtres et prélats sont surveillés, et, surtout, certaines personnalités du nouveau régime ne cachent pas leur orientation antichrétienne : Martin Bormann, adjoint de Hess, Hanns Kerrl, ministre des Affaires religieuses, Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, et Alfred Rosenberg, théoricien national-socialiste, affirment leur hostilité à l’Eglise et se réclament d’une forme de néo-paganisme ; et la politique antisémite (lois de Nuremberg, en 1935, Kristallnacht du 9-10 novembre 1938) et répressive suscitent des désapprobations dans les milieux catholiques. Le pape a réagi en publiant l’encyclique Mit brennender Sorge [11] qui condamne le racisme et le paganisme (14 mars 1937). Il s’absente volontairement du Vatican lors de la venue à Rome d’Hitler (mai 1938), et prend position contre la législation antisémite italienne, imitée de celle de l’Allemagne (septembre 1938). Le Vatican met à l’Index Le Mythe du XXe siècle de Rosenberg. Et, après l’Anschluss, l’Eglise autrichienne est malmenée en raison de la vive opposition à Hitler des chanceliers Dollfuss et Schuschnigg, fervents catholiques, et de leur parti chrétien-social.

L’opposition entre le Vatican et le Reich, entre le catholicisme et le national-socialisme, est patente en 1938, et Mayol de Lupé ne peut pas ne pas y avoir été sensible.

Un engagement total fondé sur une vision chrétienne et médiévale de l'Allemagne hitlérienne

Et pourtant, notre prélat va manifester une attirance croissante à l’égard de Hitler. C’est qu’il voit en lui le défenseur de l’Occident chrétien contre la barbarie russe et bolchevique et contre la décadence de l’Europe qui s’abandonne à la déliquescence libérale, démocratique et mercantile instillée par la maçonnerie matérialiste, universaliste et athée. Hitler figure à son esprit un Saint Louis germanique moderne, et les SS des croisés. Leur violence ne lui paraît pas tant la négation délibérée de la morale chrétienne que la brutalité nécessaire et la cruauté inévitable dans une guerre sans merci contre le démon, contre un adversaire puissant et lui-même féroce, acharné à la perte de la civilisation et à la corruption (en attendant la damnation) des âmes. Les SS ne sont pas, à ses yeux, les « belles brutes blondes » de Nietzsche, païennes, mais les nouveaux chevaliers de l’Ordre teutonique. Ils ne paraissent antichrétiens qu’en raison de l’affadissement, dans notre Occident décadent, de la morale chrétienne qui a dégénéré en l’humanitarisme geignard de créatures déchues et abâtardies, trop faibles pour se défendre contre leurs ennemis et secouer le joug de leur servitude. En 1938, l’Eglise lui semble à la croisée des chemins : ou elle persévère dans un humanitarisme égalitariste et individualiste inspiré par la philosophie des Droits de l’homme et des “Lumières”, et entérine la ruine de la civilisation chrétienne, ou elle choisit la voie, certes ingrate, du relèvement, aux côtés des soldats de l’Allemagne nationale-socialiste.

Mayol de Lupé, quant à lui, a choisi, et résolument. Il cultive son amitié récente avec Abetz qui le fait inviter au Parteitag (congrès du parti [national-socialiste]) de 1938. Il essaie d’influencer les diplomates français dans le sens d’une bonne entente avec l’Allemagne et, en 1938 toujours, il informe le 2e Bureau (services secrets), dans un rapport nourri et argumenté, qu’en cas de conflit franco-allemand, l’Italie se rangerait aux côtés du Reich. A vrai dire, cet homme, chez lequel il y a du soldat, aspire au maintien de la paix avec l’Allemagne, paix menacée par la crise des Sudètes à l’automne 1938. Pour autant, il n’est pas pacifiste à l’image d’un Chamberlain ou d’un Georges Bonnet, ou d’un Sartre ou d’une Simone Weil, ou encore d’un Giono, il veut simplement que, le moment venu, la France se joigne à l’Allemagne dans son offensive contre la Russie bolchevique. Il ne refuse pas la guerre, mais il entend que la France la mène aux côtés de l’Allemagne, non contre elle, et contre la Russie des Soviets, et plus généralement, contre toutes les forces de subversion et de décomposition de l’Europe chrétienne. Il s’agit, à ses yeux, de ne pas se tromper d’ennemi, et l’Allemagne lui paraît être non notre adversaire mais notre alliée contre le communisme au nom de la cause de l’Occident chrétien. Et d’ailleurs, de juillet 1936 à mars 1939, il soutient, lors de la Guerre civile d’Espagne, la rébellion nationaliste, à laquelle se sont ralliés presque tous les catholiques fervents, contre la République, laïque, anticléricale et maçonnique.

En somme, dès les deux ou trois années précédant la Seconde Guerre mondiale, Mgr Mayol de Lupé fait le choix politique qui sera le sien sous l’Occupation.

Cependant, Mayol de Lupé demeure non seulement un patriote inconditionnel, soucieux de la sécurité de la France et lui accordant la priorité sur tout, mais également un catholique attaché aux préceptes moraux du christianisme, et appelant à les respecter. En 1938, après l’Anschluss, il intervient, avec succès, auprès d’Arthur Seyss-Inquart, nouveau statthalter d’Autriche, pour faire libérer Othmar Spann, sociologue et économiste hostile aux nationaux-socialistes[12]. L’année suivante, il obtient de Franco, nouveau maître de l’Espagne, la grâce d’un leader autonomiste basque condamné à mort.

En septembre 1939, lorsqu’éclate à nouveau la guerre, Mayol de Lupé, âgé déjà de 66 ans, demande à servir comme aumônier militaire, en vain. Il se met néanmoins au service de la défense passive de Paris comme brancardier.

La grande aventure de la LVF

Mayol de Lupé ressent douloureusement la défaite de juin 1940. Il se rallie au maréchal Pétain, qu’il considère comme le seul protecteur possible de la France contre l’envahisseur allemand, et au régime de Vichy, mais sans grand enthousiasme. Cette solution n’est, pour lui, qu’un moindre mal, imposé par la défaite, et on ne sait pas alors quelle sorte de régime va être l’État Français instauré par le Maréchal. Ce n’est que lorsqu’il constatera l’orientation antimaçonnique et cléricale du nouveau régime, et le ralliement à ce dernier de nombre de personnalités catholiques (Vallat, Henriot, Claudel, le cardinal Suhard et autres grands prélats) qu’il deviendra vraiment pétainiste. Il renoue alors avec Abetz, devenu ambassadeur du Reich en France, pour obtenir la libération de plusieurs de ses amis, faits prisonniers durant les opérations militaires du printemps.

Mais, très vite, il voit dans la politique de collaboration avec l’Allemagne le moyen de relever la France et de lui faire retrouver son rang. Aussi approuve-t-il la création de la Légion des Volontaires français (LVF) le 11 juillet 1941, qu’il conçoit comme l’instrument militaire approprié à la lutte contre la Russie communiste et le moyen de réconcilier la France et l’Allemagne en unissant en une fraternité d’armes les soldats des deux nations. Au départ, Mayol de Lupé n’envisageait pas de s’engager lui-même dans cette Légion. Âgé de soixante-sept ans, il s’estimait trop vieux pour servir militairement, même si son tempérament de moine-soldat était bien loin de l’avoir quitté. Mais Abetz insiste. Il pense que la caution d’un ecclésiastique connu comme Mgr Mayol de Lupé aurait les effets les plus bénéfiques pour la LVF auprès de la population française. et il sait se montrer persuasif : il fait miroiter à Mayol de Lupé la libération de prisonniers de guerre français en échange de sa participation à la LVF. Évidemment, en raison de son âge, le prélat ne combattra pas. Mais ce qu’Abetz et les Allemands attendent de lui, c’est un appui moral, une propagande flatteuse et efficace. Mgr Mayol de Lupé servira comme aumônier. Mgr Mayol de Lupé accepte donc de s’engager dans la LVF. Cette décision, il ne la prend pas sans l’aval de l’Église catholique, en bon ecclésiastique qu’il est. Il consulte successivement le cardinal Suhard, archevêque de Paris bien en cour à Vichy, puis le cardinal italien Sibilia, proche de Pie XII et protecteur du Collège teutonique. Les deux éminences émettent un avis favorable à son engagement. Il participe le 30 août à la cérémonie du serment au cours de laquelle il bénit le drapeau de la LVF et prononce une homélie : « Dieu protègera les défenseurs de la civilisation chrétienne ».

D’abord aumônier du 3e bataillon, Mayol de Lupé devient aumônier général en 1943. Le 30 octobre 1941, la LVF part au front et subit un déluge de feu. Puis, courant 1942, elle se consacre à la lutte contre les partisans. Dans les plaines de Russie en 1943, malgré ses 70 ans, Mayol de Lupé montre une endurance étonnante : « À tout moment, on le rencontre à cheval, exposant aux ardeurs de l’été son torse nu de vieil athlète, une grande croix de cuivre à son ceinturon, un parabellum enfoncé dans la botte, et distribuant à ses “fils” de généreuses bénédictions »[13]. Le rôle de Mayol de Lupé en Russie a un fort impact aussi sur les populations puisqu’il baptise des enfants par dizaines dans chaque village et célèbre les messes pour les populations locales.

Il est sur le front de 1941 à 1944, blessé en 1942, il est décoré de la croix de fer de 2e classe ainsi que de la croix des services de guerre. Aumônier de la LVF, il sert en Pologne et en URSS, se distinguant par son endurance et son énergie, d’autant plus remarquables qu’il est maintenant septuagénaire. Son zèle lui vaut de faire la couverture du numéro 20 du journal Signal[14], en octobre 1943, avec cette légende : « De la Légion d’honneur à la Croix de Fer ». Son enthousiasme ne connaît plus de bornes. Alors qu’au départ, il n’avait intégré la LVF que sur l’insistance d’Abetz, avec la promesse de celui-ci de faire libérer quelques-uns de ses amis, et après avoir sollicité l’avis du cardinal Suhard (archevêque de Paris), il s’emploie à glorifier ses frères d’armes, et prononce leur éloge, à l’occasion d’une grand-messe au Vélodrome d’Hiver en avril 1944. A cette occasion, il déclare notamment :

« C’est un beau mystère [au sens littéraire et médiéval du mot], une chanson de geste qu’écrivent nos gars à la pointe de leur baïonnette. Je le répète : si tous ne sont pas de petits saints, il y a chez tous de la gloire et de l’héroïsme ».

Son homélie fait vibrer d’émotion tous les présents, jusqu’à Jacques Doriot, l’ancien dirigeant communiste, si différent de lui par ses origines sociales, son itinéraire politique, sa sensibilité, et si étranger au catholicisme. Le général Edgard Puaud, nouveau commandant de l’unité, se montre lui aussi ivre d’admiration. À l’audition de telles paroles, si fortes et tellement émouvantes, les soldats et les gradés de la LVF se sentent des âmes de croisés, trouvent un sens à leur mission ou se sentent confirmés dans celui qu’ils avaient découvert plus tôt et qui avait décidé de leur engagement, et se sentent des âmes de justes et de vainqueurs. Abetz, les Allemands et les partis collaborationnistes groupés autour de Doriot et de Déat en sont enchantés. Mais, plus tard, d’aucuns reprocheront à Mgr Mayol de Lupé d’avoir enivré et subjugué bien des jeunes hommes en faveur d’une cause qu’ils jugent perverse, celle du national-socialisme, et de les avoir déshonorés et mené beaucoup d’entre eux à la mort sur le champ de bataille.

Mais la « grande armée » germano-européenne qui devait marcher sur les traces de Napoléon a face à elle près de 196 divisons russes dont 46 blindées, prêtes à l’attaque. Sur le front, Mayol de Lupé déclare : « Pour la première fois, nos soldats se trouvent seuls ou presque seuls en face de l’Armée rouge. C’est un titre de gloire qui se transmettra jusqu’à la septième génération, si le christianisme survit à cet assaut... » Malgré 36 heures d’une farouche résistance, les lignes sont enfoncées. Les troupes sont décimées. Toutes les forces allemandes et supplétives se replient en une retraite digne de la retraite de Russie de la Grande Armée napoléonienne. La LVF n’est plus.

La Division Charlemagne

Après l’écrasement de la LVF par les Soviétiques, Mgr Mayol de Lupé aide le général Puaud à intégrer les volontaires français dans la division Charlemagne, unité de Waffen SS, créée au camp bavarois de Wildflecken en septembre 1944. Il devient alors Sturmbannfûhrer SS. Au moment de la prestation de serment, il célèbre une messe et dédie son homélie à « notre très saint Père le Pape et notre Führer Adolf Hitler ». Trois unités composent le gros de la troupe (sous l’autorité d’Edgard Puaud, lui-même sous celle de Krukenberg) : les survivants de la LVF, les Miliciens rapatriés de France et ce qui reste de la Brigade Frankreich. Cependant se pose toujours la délicate question de la difficile conciliation de la foi catholique et de certains courants du national-socialisme, de tendance anti-chrétienne et païenne, nietzschéenne et athée. Mayol de Lupé, tant bien que mal, fait taire les scrupules des uns et des autres.

« Notre Saint Père le Pape et notre vénéré Führer savent que je suis ici, prêt à servir dans la Waffen SS, et ni l’un ni l’autre ne m’a demandé à ce que j’abandonne mon ministère [...]. Athée, disiez-vous ? Alors sachez que les instructeurs allemands sont tenus de respecter les coutumes nationales et religieuses des volontaires musulmans de Bosnie, incorporés à la division SS “Handschar”. [...] Au point où nous en sommes aujourd’hui, il n’y a pas de choix : ou pactiser avec le marxisme ou se ranger résolument aux côtés de ceux qui le combattent farouchement. Tout le reste n’est que billevesées... »

Le jour de Noël 1944, Mgr Mayol de Lupé célèbre l’office de la Nativité devant plusieurs milliers d’hommes de la division. C’est sa dernière messe sur le front. Il parle une dernière fois de la “Croisade” pour l’Occident chrétien et bénit les troupes. Très malade, il ne les suivra pas dans leur baroud d’honneur en Poméranie (700 survivants à peine sur 7 000 combattants). Il reste en Allemagne, à Munich.

La chute et le discrédit

Il est cloué au lit en Bavière lorsqu’il apprend l’écrasement de sa division en Poméranie. Arrêté par les Américains, livré à la France, il est détenu à Fresnes, où il côtoie quelques-uns de ses anciens camarades de la LVF ou de la division Charlemagne. Enfin, en mai 1947, s’ouvre son procès, devant la Cour de justice de la Seine. Il n’est pas dans des conditions idéales pour en supporter vaillamment l’épreuve. Outre son âge (74 ans), il est encore malade. De plus, il est profondément meurtri par la défaite finale des Allemands, en laquelle il voit l’écroulement prochain de la civilisation européenne, ce qui, avec le recul, est loin d’être faux. Car il ne renie rien de ses idées, de son engagement, et reste fier d’avoir servi au sein de la LVF et de la division Charlemagne, fût-ce sous l’uniforme allemand et au sein de la Waffen SS.

Devant le tribunal, il doit répondre des accusations de collaboration active et de port d’uniformes et de décorations ennemies. Le procureur et les juges feignent d’ignorer le fait que le gouvernement français avait conclu un armistice en 1940 avec l’Allemagne, laquelle, dès lors, pouvait difficilement être encore considérée comme ennemie, même si aucun traité de paix en bonne et due forme n’avait été signé entre les deux pays. Le commissaire du gouvernement, Coyssac, réclame le bagne à perpétuité pour l’accusé. Après la plaidoirie de Me Véron, son avocat, Mgr Mayol de Lupé se voit condamné le 13 mai 1947 à 15 ans de réclusion, à la dégradation nationale, à la confiscation de ses biens et il est radié de la Légion d’honneur. En revanche, il ne fait l’objet d’aucune sanction de la part de l’Église.

Interné au camp de la Châtaigneraie, à la Celle-Saint-Cloud, il se consacre à une étude sur l’ordre bénédictin. En 1950, il reçoit la bénédiction de Pie XII pour son jubilé sacerdotal. C’est dans sa cellule que son petit-neveu, qui avait été déporté à Rawa Ruska, vient dire sa première messe le 24 décembre. Bénéficiant d’une grâce médicale, Mgr Mayol de Lupé est libéré en 1951. Il s’éteint à 82 ans le 28 juin 1955 dans son appartement parisien qu’il est parvenu à arracher à la confiscation grâce à l’aide d’amis. Selon son vœu, il est inhumé au cimetière de son village de Lupé, dans la Loire. Son cercueil sera porté par six des quatorze paysans de Lupé dont il avait demandé la libération à Hitler en 1943.

Aristocrate à la double vocation ecclésiastique et militaire, doté d’un tempérament de feu, Jean Mayol de Lupé fut également un homme de haute culture. Ses multiples activités, religieuses, politiques, militaires, l’empêchèrent de se consacrer à l’ecclésiologie, spécialité érudite où il aurait voulu se distinguer. Il trouva cependant le temps d’animer un séminaire à l’Ecole pratique des Hautes Etudes entre 1939 et 1941, puis, en prison, d’ébaucher une histoire de l’ordre bénédictin.

Un jugement à rectifier

Comme la plupart de ses contemporains engagés dans la politique de Collaboration, Mgr Mayol de Lupé fut mécompris. Beaucoup virent en lui un national-socialiste convaincu alors qu’il réprouvait les idéologèmes antichrétiens de certains courants du national-socialisme et ne se ralliait (certes avec ardeur) à l’Allemagne de Hitler que dans la mesure où il voyait dans ses courageux et jeunes soldats le fer de lance de la lutte de l’Europe chrétienne contre le communisme.

Mais il y a plus grave : maints catholiques ont accusé Mgr Mayol de Lupé d’avoir violé les préceptes du christianisme, lequel impose, à les en croire, la défense des droits de l’Homme et de la démocratie. Cette accusation donne la mesure du degré de corruption, d’abâtardissement et de perversion du christianisme contemporain. Tous ces fils du Ralliement, du modernisme[15], du Sillon, et de Vatican II, nourris à la lecture d’Esprit, de Témoignage chrétien et de Golias, conçoivent le christianisme comme un humanitarisme libertaire, égalitaire, apportant un supplément d’âme au dogme des Droits de l’Homme et à la philosophie des “Lumières”. Cette conception fut illustrée par Theodor De Wyzewa, avec ses Contes chrétiens (1893) qui inspirèrent à Maurras, en manière de réfutation, ses Contes du Chemin de Paradis (1894) ; Maurras qui, toute sa vie, loua l’Eglise romaine d’avoir, par son institution et son dogme, annihilé l’effet d’une charité mal comprise, à l’origine de toutes les déviations humanitaristes du christianisme, aujourd’hui triomphantes. Mayol de Lupé n’est pas de la pâte molle dont sont pétris les Francisque Gay, les Joseph Vialatoux, les Emmanuel Mounier, les Georges Montaron, les Christian Terras, mais de l’acier des armures des croisés d’autrefois, et sa filiation spirituelle remonte à Saint Dominique, non à Lamennais. Il est un serviteur de la vraie foi, celle qui sauve, non celle qui trompe et qui damne. Et il n’avait pas tort de voir dans la cruelle et écrasante défaite des puissances de l’Axe les débuts de l’écroulement total de notre civilisation européenne et chrétienne incapable depuis 1945 de se défendre contre toutes les formes d’agression et de dilution, de submersion et de subversion, de régression et de dissolution. [16]

Notes et références

  1. Son père, Henri (1841-1916), légitimiste, fidèle partisan du comte de Chambord, refusa de prêter serment à Napoléon III, renonçant ainsi de fait à une carrière militaire en France. Qu’à cela ne tienne, il alla combattre en Italie, d’abord au service de François II, roi de Naples, puis au service du Pape. Il fut aussi un hardi écrivain d'idées et un polémiste. Dans un recueil rassemblé sous le titre d'Au service de l'État sont exaltées ses théories sur le rôle politique de l’Église dans le pays, sur le clergé et sur le problème de l’éducation. Il critique aussi la partitocratie comme destructrice d’un État. Il estime par ailleurs nécessaire la formation d’un bloc économique européen, une union douanière des pays appartenant à ce continent et l’établissement d’une monnaie commune pour toutes les nations comprises dans cette union.
  2. Selon P. Masson (« La LVF nach Moscou », in Historia H.S. n°40.), le cardinal Suhard, archevêque de Paris, aurait même aidé à lever ses doutes : « Allons, pour qui s’occupe avant tout de s’occuper des âmes de ces hommes, l’uniforme, c’est une contingence et vous pouvez y voir une forme de pénitence ».
  3. Certains autres dignitaires religieux prendront une attitude tout aussi « engagée », comme le cardinal Baudrillart, recteur de l’Institut catholique de Paris et membre de l’Académie française, qui salue l’attaque allemande contre l’URSS en ces termes : « Le temps de la colère est enfin venu. Le monde chrétien et civilisé se dresse dans un élan formidable pour défendre et sauver notre antique civilisation chrétienne en péril de bolchevisation ».
  4. P. Masson, op. cit.
  5. En 1973, Krukenberg évoquait ainsi son aspect hétéroclite : « Les miliciens qui avaient été versés presque d'office dans la division n'avaient pour la plupart aucune formation militaire. Les anciens de la LVF étaient souvent fatigués par trois ans de front et leur retraite difficile. Quant aux hommes de la Sturmbrigade, ils tenaient à marquer qu'ils étaient d'une espèce différente, bien entendu supérieure, celle des « vrais » SS, des nationaux-socialistes intégraux. »
  6. En 1943, Mayol avait écrit en personne une lettre à Hitler pour lui demander la libération de 14 paysans de Lupé, prisonniers en Allemagne : « (…) Ces paysans sont la force de mon petit et pauvre pays. Ce sont pour moi des frères et des fils car j’ai été élevé dès l’enfance avec leurs pères et leurs aînés et moi et les miens nous ne sommes avec eux qu’une famille. Notre terre est une rude terre et notre pays a besoin de jeunes bras pour le travail de nos champs. J’ai la joie de pouvoir affirmer qu’à Lupé, tous les habitants, fidèles à ma voix, sont ardemment franco-allemands. (…) Je me confie à vous et j’espère en vous qui, seul ici-bas, pouvez avec l’aide de Dieu sauver notre France aimée et réaliser la grande Patrie. » René Bail n’indique pas clairement s’il fut entendu. En tout cas, ce sont six de ces paysans pour lesquels il était intervenu qui porteront son cercueil lors de son enterrement.
  7. Dirigée alors par le prince Jacques (Jaime) de Bourbon, par ailleurs prétendant carliste au trône d’Espagne.
  8. Allemande de 1871 à 1918, l’Alsace-Moselle était demeurée, pour cette raison, hors du champ d’application de la loi Ferry rendant l’Ecole laïque (28 mars 1882) et de la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat (9 décembre 1905), et vivait encore sous le régime du Concordat napoléonien institué en 1801 ; c’est toujours le cas de nos jours.
  9. Otto Abetz (1903-1958) deviendra en 1940 ambassadeur allemand en France.
  10. Il est possible toutefois que cet éloge ait été moins appuyé que ne le prétendirent le cardinal Faulhaber et autres prélats allemands.
  11. Rédigée expressément en allemand, alors que les encycliques le sont traditionnellement en latin.
  12. Néanmoins, quoique libéré, Othmar Spann fut révoqué de ses fonctions universitaires.
  13. référence manquante
  14. Mensuel en couleurs édité par la Propagandastaffel allemande, dans les pays occupés par la Wehrmacht, en 25 langues différentes (avec cependant, une partie de textes allemands).
  15. L'auteur de l'article fait ici allusion, bien entendu, au modernisme exégétique et théologique des Loisy et autres, au tournant des XIXe et XXe siècles, condamné en 1907 par le pape Pie X (encyclique Pascendi).
  16. Paul-André Delorme, « Mgr Mayol de Lupé, étincelant moine-soldat », in : Rivarol, no 3559, 29 mars 2023.