Engelbert Dollfuss

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Engelbert Dollfuss (all. Dollfuß), né le 4 octobre 1892 à Texing et mort assassiné à Vienne le 25 juillet 1934, est un homme d'État autrichien, de tendance nationale-catholique.

Engelbert Dollfuss (à gauche) et Ernst Rüdiger Starhemberg (à droite), commandant fédéral de la Heimwehr, en 1934 à Vienne

Il est chancelier fédéral d'Autriche du 20 mai 1932 à sa mort.

Biographie

Contexte : l'Autriche, « Etat-avorton »

La défaite de 1918 fait exploser l’ensemble danubien. Le 12 novembre 1918, naît la République allemande d’Autriche tandis que l’empereur Charles part en exil. Perdant tout son arrière-pays (Hongrie, Slovénie, Croatie), la nouvelle Autriche rétrécie se tourne vers l’Allemagne et entend au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes la rejoindre. Mais l’Entente refuse cette union qui renforcerait le principal vaincu. L’article 88 du traité de Saint-Germain-en-Laye du 10 septembre 1919 interdit par conséquent tout Anschluss (« rattachement ») avec Berlin. Georges Clemenceau donne même le Tyrol du Sud à l’Italie. Les Alliés ont conscience de créer un État artificiel et déséquilibré entre la capitale, Vienne, centre industriel et administratif majeur, dirigée par les sociaux-démocrates, et des campagnes pauvres, alpestres, forestières et agricoles, très conservatrices. Les géographes qualifient le nouvel État de « corps chétif avec une tête hypertrophiée ».

L’Autriche traverse une période troublée. Les deux principaux partis, la social-démocratie – les « Rouges » – et le Parti social-chrétien – les « Noirs »[1] – s’allient contre les tentatives de révolution communiste. Ils encouragent la constitution de corps francs, bientôt réunis en Heimwehr (« Défense du foyer ») qui affrontent les irrédentistes slovènes en Carinthie, évitent le rattachement du Voralberg à la Suisse et brisent le mouvement indépendantiste tyrolien. La paix revenue, les « Noirs » disposent d’un formidable atout, la Heimwehr. Dirigée par le prince Ernst Rüdiger Starhemberg, elle s’ouvre aux unités paramilitaires alpines, aux anciens combattants, aux pompiers ainsi qu’aux jeunes des sociétés de gymnastique. Les socialistes répliquent par la constitution d’une Ligue de défense républicaine contre le communisme et toute restauration monarchique.

Après une période de gouvernement « rouge », les électeurs choisissent Mgr Ignaz Speidel, un social-chrétien chancelier fédéral de 1922 à 1924, puis de 1926 à 1929. Celui-ci respecte les institutions, crée une monnaie nationale, le schilling, et négocie l’aménagement des dettes de guerre avec les Alliés. Toutefois, l’instabilité politique se poursuit avec des affrontements parfois violents entre « Noirs » et « Rouges ». En juillet 1927, les ouvriers socialistes et communistes de Vienne se soulèvent sans grand succès. Dans ce contexte troublé s’ajoute l’activisme naissant des nationaux-socialistes autrichiens favorables à l’Anschluss.

Naissance de l'« austro-fascisme »

En mai 1932, à quarante ans, le nouveau chef des chrétiens-sociaux, Engelbert Dollfuss, caricaturé pour sa petite taille, accède à la chancellerie. L’année précédente, l’ancien président des chemins de fer autrichien avait été nommé ministre de l’Agriculture. Bien que son parti ne dispose que d’une voix de majorité au Parlement, Dollfuss refuse tout accord avec les « Rouges ». Il déteste autant le bolchevisme soviétique que le socialisme internationaliste et le national-socialisme pangermaniste. Décidé à redresser un pays frappé par la crise et le chômage (22 %), il rétablit l’équilibre financier, stabilise la monnaie, réorganise l’une des principales banques du pays et réduit les allocations chômage. Cette politique d’austérité suscite un vif mécontentement populaire. Le 4 mars 1933, le président et les deux vice-présidents du Parlement démissionnent afin de pouvoir prendre part à un vote décisif. Dollfuss prend ce prétexte pour dissoudre le Parlement, imposer sa propre conception institutionnelle et interdire deux mois plus tard le Parti communiste. Cette transformation autoritaire de la République autrichienne est surnommée par la gauche « austro-fascisme ».

L’Autriche connaît une courte guerre civile du 11 au 15 février 1934. Les ouvriers viennois de gauche s’insurgent contre Dollfuss qui ordonne à la Heimwehr de les écraser. Le Parti social-démocrate et sa Ligue sont à leur tour proscrits. Maints de leurs responsables se réfugient en Tchécoslovaquie. Dollfuss ignore qu’il se prive ainsi d'un puissant allié contre les nationaux-socialistes clandestins depuis juin 1933. En admirateur sceptique de Benito Mussolini, Dollfuss promulgue, le 1er mai 1934, une nouvelle constitution « au nom de Dieu tout-puissant de qui émane tout droit ». Inspiré des écrits de deux théoriciens locaux de la Révolution conservatrice, Richard von Kralik, chantre du « Renouveau catholique baroque germanique », et le correspondant de Julius Evola, Othmar Spann, penseur d’un « État vrai », c’est-à-dire corporatiste non étatiste, le texte abroge le caractère républicain de l’État pour instaurer un État fédéral corporatiste chrétien. Une vision corporatiste chrétienne issue de l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII remplace le parlementarisme par une Assemblée fédérale organique elle-même constituée d’un Conseil d’État, d’un Conseil culturel, d’un Conseil économique et d’un Conseil des provinces. L’« austro-fascisme » incarne principalement un mouvement corporatiste qui considère que l’ensemble des problèmes financiers, économiques et sociaux d’une profession doivent être soumis à la décision des délégués mandataires représentant les travailleurs, les techniciens – ingénieurs et les patrons. L’« austro-fascisme » diverge du fascisme par l’absence de grandes messes orchestrées par une lancinante propagande.

Devenu le seul parti officiel après la fusion plus ou moins consentie du Parti social-chrétien et de certains courants nationaux-allemands, le Front patriotique, dont le symbole est la croix potencée, n’accepte que les adhérents prêts à faire allégeance au gouvernement. Quant à la Heimwehr, elle aussi intégrée, elle en devient son service d’ordre, la Frontmiliz. Certaines unités tendaient déjà vers un proto-fascisme, en particulier au lendemain du Serment de Korneuburg en mai 1930. En 1936, le vice-chancelier Ernst Rüdiger Starhemberg est destitué parce qu’il se félicitait de l’intervention italienne en Éthiopie. Il avait aussi signé un vibrant « Vive l’idée fasciste ».

Une brève expérience

Le 25 juillet 1934, des putschistes nationaux-socialistes assassinent Dollfuss. Leur intention était de susciter un Anschluss. Le complot échoue face à la détermination réactive des « frontistes » et de Benito Mussolini qui masse au col du Brenner à la frontière austro-italienne des troupes prêtes à en découdre avec les unités allemandes. Le successeur de Dollfuss s’appelle Kurt Schuschnigg. La priorité allant à la politique étrangère, le nouveau chancelier se détourne du cadre corporatiste. À partir de juillet 1936, le tuteur italien se rapproche de Berlin et délaisse Vienne. Le chancelier autrichien suggère alors une timide « voie allemande ». Hitler reconnaît l’indépendance de l’Autriche et obtient en échange l’amnistie des militants nationaux-socialistes ainsi que l’entrée prochaine dans le gouvernement de certains d’entre eux. Kurt Schuschnigg souhaiterait faire de l’Autriche un État germanique exemplaire par rapport à l’Allemagne. Dans le même temps, l’Entente se moque de l’indépendance autrichienne, prévient Kurt Schuschnigg qu’elle n’agira pas en cas d’intervention allemande et refuse que l’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine soit élu à la présidence de l’État. Le 12 mars 1938, Kurt Schuschnigg capitule devant Hitler et accepte l’Anschluss. L’Autriche devient une simple région du Reich, l’Ostmark.

Que reste-t-il de l’austrofascisme? Une conception certaine des relations sociales bâtit sur la « concertation camérale ». L’État, même après 1945, a favorisé l’existence des chambres professionnelles dont l’adhésion fut longtemps obligatoire. Les chambres des ouvriers et des employés, de commerce et d’agriculteurs représentent les intérêts économiques de leurs membres et assistent dans leur domaine de compétence l’administration. Elles participent en outre au partenariat social : le gouvernement les consulte régulièrement et prend en compte leurs avis sans qu’elles n’empiètent l’action syndicale. Plus que l’Italie mussolinienne, l’Autriche de Dollfuss-Schuschnigg se compare plutôt au lointain Portugal du Docteur Salazar. Avec la difficulté initiale de fonder une nation autrichienne de langue allemande dans un contexte de défaite majeure, cette tentative s’évertua à créer auprès d’une population nostalgique des fastes impériaux d’antan un sentiment d’appartenance nationale. L’austro-fascisme est en réalité surtout un austro-conservatisme.

Voir aussi

Postérité

  • Une place située à Mank en Basse-Autriche porte le nom d'Engelbert Dollfuss.

Bibliographie

Articles

Cité dans

  • Brigitte Hamann, La Vienne d'Hitler. Les années d'apprentissage d'un dictateur, préface de Jean Sévillia, Coll. Histoire et document, Éditions des Syrtes, 2014, 512 p.

Notes et références

  1. A la fin du XIXe siècle, les luttes politiques en Autriche se structurent autour de trois courants : le courant social-démocrate, influencé par le marxisme et incarné par le Parti ouvrier social-démocrate (Sozialdemokratische Arbeiterpartei, SDAP), fondé en 1889, qui n'est implanté quasiment qu'à Vienne. L'autre grand courant est représenté par le Parti social-chrétien (Christlichsoziale Partei), de tendance catholique-conservatrice et corporatiste, méfiant à l'égard d'une Allemagne majoritairement protestante, fondé en 1893 par le très populaire Karl Lueger, qui sera maire de Vienne de 1897 à 1910. Le troisième courant, alors nettement minoritaire est le courant libéral ou national-libéral, laïc et anticlérical, fortement tenté par le pangermanisme. Les trois grands partis actuels, le SPÖ, l'ÖVP et le FPÖ, sont les héritiers de ces courants.
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