Alain de Benoist

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Alain de Benoist, journaliste, écrivain et philosophe, est le principal penseur du courant connu sous le nom de Nouvelle Droite.

Alain de Benoist

Il est notamment l'un des principaux fondateurs, en 1968, d'un cercle de réflexion métapolitique qui va marquer l'histoire des idées, le Groupement de recherches et d'études pour la civilisation européenne (GRECE). Il est aussi l'initiateur de la création des revues Éléments (1968), Nouvelle École (1968), Panorama des idées actuelles (parue de 1985 à 1986) et Krisis (1988).

Biographie

Alain de Benoist naît à Saint-Symphorien-lès-Tours (Indre-et-Loire) le 11 décembre 1943. Son père Alain (1902-1971), issu d’une famille d’origine belge de la bonne bourgeoisie (et anoblie), est inspecteur général des ventes. Sa mère, Germaine, née Langouët (1908-1981), en revanche, appartient à une famille de modestes paysans et d’ouvriers, d’origine normande. Sa grand-mère paternelle, Yvonne de Benoist, fut la secrétaire du sociologue Gustave Le Bon.

Après des études secondaires aux lycées Montaigne puis Louis-le-Grand, Alain de Benoist entreprend des études de droit à la faculté de droit de Paris, de philosophie, d’histoire (en particulier d’histoire des religions) et de sociologie à la Sorbonne, et de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de la rue Saint-Guillaume. Il est un jeune homme doté d’une intelligence supérieure et d’une vive et inlassable curiosité intellectuelle. Il dévore les livres les plus divers et se passionne pour les sujets les plus variés. La philosophie, l’histoire, les études religieuses, les sciences humaines sont ses domaines de prédilection. La politique également.

Mais, entre tous ses domaines qui suscitent également son intérêt et accaparent son activité, il se montre incapable de choisir l’un d’eux au détriment des autres et ne peut se résoudre à se spécialiser. Aussi, ce brillantissime sujet, apparemment destiné à devenir un universitaire éminent, titulaire d’une agrégation et d’un doctorat d’État, pourvu d’un chaire à la Sorbonne ou au Collège de France, directeur de recherche au CNRS, figurant obligatoirement dans les bibliographies d’étudiants de sa discipline de spécialité, fut un intellectuel autodidacte mais de très haut niveau, et dont l’envergure et l’intérêt de sa pensée et de son œuvre devait être reconnue de tous, y compris de l’Alma mater, pourtant généralement réticente à faire grand cas de ceux qui ne sont pas ses enfants, et d’intellectuels aux idées politiques tout à fait oppo- sées aux siennes. Étudiant des plus doués, il ne fut cependant pas, et ce de sa propre initiative, adoubé par le système universitaire et intégré parmi ses clercs.

Premier engagement : pour l'Algérie française

La dispersion intellectuelle tous azimuts, l’incapacité à se consacrer exclusivement à une seule discipline, le refus de la spécialisation étroite, n’expliquent pas seuls la prise de distance du jeune Alain de Benoist vis-à-vis de l’Université. L’engagement politique y a sa part, importante. En effet, durant les années de lycée puis de faculté d’Alain de Benoist, la France connaît une période de convulsions et de mutations politiques qui ne laisse pas la jeunesse indifférente, loin de là. Depuis 1954, elle est confrontée à une lutte armée interminable contre le FLN qui combat pour l’indépendance de l’Algérie. La question algérienne divise l’opinion et la classe politique, provoque, en mai 1958, la chute de la IVe République et l’avènement de la Ve, instaurée par le général de Gaulle, lequel travaille à l’indépendance de l’Algérie, proclamée le 5 juillet 1962. Les jeunes Français s’opposent mutuellement entre partisans et adversaires de cette indépendance.

Alain de Benoist, alors qu’il est encore lycéen, se range parmi les seconds. Il refuse le résultat du référendum du 8 janvier 1961 par lequel 75 % des Français se prononcent en faveur du droit à l’autodétermination de l’Algérie, donc à l’indépendance. Il approuve le putsch des généraux (22-26 avril 1961), et il soutient l’OAS. Son choix du maintien de l’Algérie française l’amène à se joindre aux mouvements nationalistes, alors très actifs. Il adhère à la Fédération des Étudiants nationalistes (FEN). Cette dernière lutte contre la marxisation de l’Université. Alain de Benoist devient, à partir de 1962, l’un des animateurs de la revue théorique de la FEN, Les Cahiers universitaires, dirigée par François d’Orcival. Avec ce dernier et d’autres, il participe à la fondation du Mouvement nationaliste du Progrès (MNP) qui disparaîtra dès 1968. Alors qu’il est encore lycéen, il écrit dans Lectures françaises, d’Henry Coston, et Défense de l’Occident, de Maurice Bardèche. Il publie alors ses premiers livres, sous le pseudonyme de Fabrice Laroche : Salan devant l’opinion (1963), Le courage est leur patrie (en collaboration avec François d’Orcival, 1965), et Vérité pour l’Afrique du Sud (en collaboration avec Gilles Fournier, 1965). Il prend alors le parti de l’Algérie française et de l’OAS, et défend l’apartheid sud-africain. Il devient également l’ami de Dominique Venner, autre figure intellectuelle de la droite radicale, qui vient de fonder le groupe Europe-Action.

Ces deux jeunes hommes (Dominique Venner est né en 1935) ont en commun la conviction de la nécessité d’une rénovation profonde du nationalisme par son élargissement à la cause de la défense de la civilisation européenne, et un regard extrêmement critique sur le christianisme dont ils reconnaissent certes l’importance incontournable tout en en critiquant très fortement les dérives humanitaristes et égalitaristes, mais que, selon eux, cette religion porte en germes dans sa conception de l’homme et sa morale, tout spécialement au moment de son apparition dans l’Antiquité.

Cet examen critique du nationalisme de l’époque, et de ses assises spirituelles et idéologiques (tout spécialement religieuses), amène Alain de Benoist à prendre graduellement ses distances à l’égard de la droite nationale au sein de laquelle il militait, et à entreprendre un travail de reconstruction théorique. Les idées classiques du nationalisme français lui paraissent obsolètes, et, par là même, condam- nées à une absence totale d’influence sur les esprits. Quant au combat en faveur de l’Algérie française, il considère qu’il s’agit d’une cause perdue. La rébellion de l’OAS lui semble vouée à l’échec ; il se convainc vite que, même si ces militaires révoltés parvenaient à assassiner De Gaulle et à accéder au pouvoir, ils ne pourraient remettre en question l’indépendance de l’Algérie, ni instaurer en France un régime nationaliste étayé sur des valeurs désormais en déphasage avec l’évolution des mentalités. Précisément, il se convainc que tout combat politique reste vain aussi longtemps que l’on n’a pas préalablement entrepris un grand travail de réforme des esprits. C’est à un tel travail qu’il va désormais s’atteler. Il choisit de se placer en deçà du champ politique, sur le plan métapolitique.

Le début d'un « gramscisme » de droite

Vu de droite

1968 est véritablement l’année fondatrice des entreprises d’Alain de Benoist. Il lance une revue d’analyses et d’idées, Nouvelle École, de périodicité annuelle, et dont le premier numéro sort en janvier-février 1968. Lui-même en est le directeur, cependant que Michel d’Urance exerce les fonctions de rédacteur en chef.

Alain de Benoist s’emploie à étayer la pensée de droite sur des fondamentaux différents de ceux du nationalisme classique. D’une manière générale, ce dernier se posait en défenseur de la civilisation européenne chrétienne. Avec le fascisme, il élargissait cette base doctrinale en lui ajoutant une forme de socialisme corporatiste et une prétention révolutionnaire propre à atténuer le caractère irrémédiable de la coupure de 1789-1794 par une volonté de diversifier le recrutement des élites, notamment par l’ancrage populaire de certaines d’entre elles (les plus récentes) et de faire la synthèse de la France d’Ancien Régime et de celle de la période contemporaine. Telle était la démarche de personnalités aussi différentes que Drumont, Guérin, Barrès, puis Valois, Bucard, Doriot, et enfin Pierre Sidos, Jean-Gilles Malliarakis, François Duprat et autres.

La construction théorique d’Alain de Benoist se veut différente. Elle se situe à la fois très en amont et très en aval des projets politiques nationalistes traditionnels et des projets préfascistes ou fascistes. Elle consiste à entreprendre une critique philosophique et historique de fond de la civilisation occidentale afin d’en redécouvrir les soubassements culturels, entreprise indispensable, selon Alain de Benoist, à l’édification d’une pensée politique bâtie sur des certitudes, et, par là, solide. Alain de Benoist commence ce travail dès le milieu des années 1960, avec son livre Les Indo-Européens (1966).

Le GRECE

S’il est politiquement assez isolé, il rencontre un certain succès intellectuel. Sa revue, Nouvelle École, attire des intellectuels de haut niveau ; et, dans son comité de parrainage, figurent des personnalités aussi prestigieuses que Paul Bastid, Pierre Gaxotte, Georges Dumézil, Thierry Maulnier, Jean Mistler, Louis Rougier, Julien Freund, Raymond Abellio et Armin Mohler. Il a 25 ans. Et il ne s’en tient pas là. En mai 1968, alors que la France entre en plaine ébullition gauchiste, il s’attelle à la fondation du Groupement de Recherches et d’Études pour la Civilisation européenne (GRECE), avec ses amis, au nombre desquels Dominique Venner, Jean-Jacques Mourreau, Pierre Vial, Yves Esquieu, Jean-Claude Rivière et Jacques Marlaud. Il dépose les statuts de cette association intellectuelle à la préfecture de Nice le 17 janvier 1969. Le GRECE se dotera d’une revue, Éléments pour la Civilisation européenne, en 1973.

Sa notoriété grandit. À telle enseigne qu’en 1973, Yvan Blot, Jean-Yves Le Gallou et Bernard Mazin, trois jeunes hauts fonctionnaires membres du Club Pareto et eux aussi désireux de fonder un nouveau corpus doctrinal de la droite, le sollicitent pour se joindre à eux et l’inciter à tenter une carrière politique. Décidé à se tenir à son choix métapolitique, Alain de Benoist décline leur proposition. Toutefois, en 1979, il acceptera de figurer sur la liste de l’Eurodroite, conduite par le nouveau Parti des Forces nouvelles (PFN). En 1974, Yvan Blot et Jean-Yves Le Gallou fonderont le Club de l’Horloge, société de pensée faisant le lien entre la droite nationaliste et la droite républicaine. Se présentant comme la base arrière doctrinale de la droite, résolument engagé dans le combat politique, libéral en économie, socialement conservateur, le Club de l’Horloge se démarquera nettement du GRECE, et surtout d’Alain de Benoist, critiquant son option métapolitique, son refus de l’engagement politique, son équidistance vis-à-vis de la gauche et de la droite, sa critique du libéralisme économique, et sa sympathie à l’égard de la recherche d’une troisième voie entre capitalisme et socialisme.

Au cours des années 1970, Alain de Benoist s’emploie à élargir le registre des références idéologiques de la pensée de droite, tant à travers ses articles, publiés sous divers pseudonymes[1] que dans ses livres. Dans Avec ou sans Dieu : l’avenir des valeurs chrétiennes (en collaboration avec Jean-Luc Marion), il dresse à sa manière un état des lieux du christianisme dans le monde moderne. Il montre l’importance idéologique de Nietzsche dans Nietzsche : Morale et « Grande Politique » (1973), et de Konrad Lorenz et l’Éthologie moderne (1975). Dans Vu de droite. Anthologie critique des idées contemporaines (1977)[2], il passe en revue et donne un point de vue critique des idées philosophiques, morales et politiques alors répandues. Avec Les Idées à l’endroit (1978), il s’affaire à dégager les grandes idées contemporaines de l’orientation partisane, politiquement correcte et moralement conformiste qui leur est donnée dans notre société contemporaine.

Sa notoriété, l’intérêt qu’il suscite lui permettent de diversifier ses activités et de travailler en dehors du GRECE et de ses revues. Il travaille alors à Spectacle du Monde de 1970 à 1982 et à France Culture, où il anime l’émission Panorama, de 1980 à 1992.

Controverses et polémiques

Sa réputation ne va pas sans susciter bien des heurts, voire des scandales et des controverses. Son option métapolitique n’est pas comprise. Plus exactement, elle est réellement ignorée de certains, délibérément mécomprise et mésinterprétée de la part de beaucoup d’autres, qui ne veulent y voir que le masque d’une vision du monde et d’une idéologie réactionnaire et fascisante. Les intellectuels de gauche considèrent l’œuvre d’Alain de Benoist comme une tentative de reconstitution d’une pensée politique fondamentalement anti-égalitaire, élitiste, d’inspiration nietzschéenne, tournée à la fois contre la morale chrétienne (tout particulièrement celle du christianisme primitif), l’humanisme de la Renaissance, celui des “Lumières” du XVIIIe siècle, de la Révolution française, du libéralisme (anglo-saxon et autre) et du socia- lisme sous ses formes les plus diverses. Alain de Bénost, à les en croire, s’attache à l’édification d’une vision de l’homme néo-païenne, digne de celle qui prévalait dans le Haut-Empire romain, et d’une conception de l’ordre politique et social aristocratique et anti-démocratique. L’une et l’autre, selon eux, prennent appui sur une morale fondée sur la volonté de puissance, la loi du plus fort et le caractère héréditaire des aptitudes naturelles, qu’elles soient intellectuelles ou physiques.

Il est alors au centre de bien des polémiques. L’intelligentsia et la classe médiatique le présentent comme le maître à penser de la « Nouvelle Droite », cette mouvance intellectuelle et politique composée de jeunes essayistes et journalistes soucieux de refonder la pensée de droite sur des concepts, des valeurs, des références et des principes d’action différents de ceux des courants réactionnaires ou conservateurs traditionnels, et prenant distance d’avec les discours nationalistes autoritaires et anti-démocratiques, et avec la doctrine et la morale catholique traditionnelles. Cette appellation de « Nouvelle Droite » apparaît à la suite du lancement du Figaro Magazine (7 octobre 1978), puis après le passage à Apostrophes, émission littéraire de très grande écoute, d’Alain de Benoist, devenu un auteur en vogue et l’étoile du GRECE, et d’Henry de Lesquen, représentant le Club de l’Horloge, le 28 septembre 1979. Le public découvre alors l’existence d’une droite nouvelle, présentée comme hautement intellectuelle en même temps qu’anti-démocratique. Composée de messieurs érudits et grands bourgeois, capables sur le papier d’unir la droite de gouvernement et les mouvances nationalistes, et donc d’assurer la venue au pouvoir de leurs idées conservatrices voire réactionnaires. L’émoi gagne les milieux intellectuels, la classe médiatique et le grand public, tous de gauche et fort inquiets de constater que cette nouvelle mouvance, constituée d’esprits brillants, fait vaciller sur ses bases tout l’édifice du conformisme intellectuel, moral et politique qui était leur vivier naturel[3].

Les évolutions et les tournants de GRECE

Contre le libéralisme

Mais le GRECE comme le Club de l’Horloge ne pèseront pas fortement sur la vie politique. Cette dernière ne sortira pas de son habituelle médiocrité. Par ailleurs, les effets de mode retomberont, et on s’intéressera moins à la « nouvelle droite » à partir de la fin des années 1980. Alain de Benoist n’en sera que plus libre pour poursuivre sereinement son cheminement. Et, démentant ceux qui voyaient en lui le promoteur d’une droite rénovée, il affirme son indépendance. Indépendance vis-à-vis de la droite intellectuelle, en laquelle il entend ne pas se laisser murer, et de la politique, restant fidèle, en cela à son option métapolitique. Par là, il se démarque d’Henry de Lesquen et du Club de l’Horloge, qui, eux, entendent bien jeter les bases intellectuelles d’une droite unissant conservateurs libéraux et mouvances nationalistes, et susceptible d’accéder au pouvoir. Eux feront de la politique, se rapprocheront du Front national ou l’intégreront, comme Bruno Mégret, Yvan Blot et Jean-Yves Le Gallou, chercheront à infléchir la ligne de ce parti en un sens conservateur classique, et s’attacheront à nouer des liens discrets avec la droite républicaine.

Alain de Benoist, lui, va suivre une direction inverse. Persévérant dans sa volonté de construire une représentation du monde exempte de tout engagement idéologique, et, pour cela, prenant le contrepied de certaines de ses positions intellectuelles et politiques antérieures, il poursuit sa quête de la mise en évidence de l’irréductibles spécificité des identités ethniques et culturelles, récusant ainsi à la fois l’idée d’une hiérarchie des peuples (propre au colonialisme) et celle, complémentaire, d’une mission civilisatrice et d’une vocation dominatrice des nations occidentales, fortes de leur supériorité spirituelle, économique, scientifique et militaire. De ce point de vue, son livre Europe-Tiers Monde, même combat (1986) fait l’effet d’une bombe dans les milieux intellectuels, tant de gauche que de droite. Son auteur s’efforce de démontrer l’égalité de dignité identitaire des peuples et d’établir l’existence de fait d’une communauté d’intérêts entre les peuples du Tiers Monde, naguère colonisés, et encore dominés par l’Oc- cident, et les Européens, menacés d’extinction culturelle par l’impérialisme américain, qui exerce son emprise sur le monde entier. Le bandeau entourant le livre lors de sa parution porte cette inscription significative : « Décoloniser jusqu’au bout ! ». L’auteur explique en effet deux choses importantes: en premier lieu, la décolonisation des peuples naguère soumis à la tutelle des Européens ne doit pas avoir été opérée en faveur d’une colonisation plus subtile, celle de l’impérialisme américain, qui asservit économiquement les pays libérés (et le monde entier) et détruit leurs identités culturelles propres ; en second lieu, les Européens doivent réagir contre cette domination à la fois mercantile et culturelle qui les menace et a déjà largement commencé de les corrompre.

Par là, Alain de Benoist se rapproche des ennemis (très politiques, quant à eux) de l’impérialisme américain et, au-delà, du grand capitalisme contemporain, matérialiste, mercantile, destructeur des identités ethnoculturelles et asservisseur des peuples. Ces ennemis, ce sont à la fois, en France, les mouvements nationalistes-révolutionnaires, comme celui de François Duprat, celui, également, très européiste, de Dominique Venner et du GRECE, dont Alain de Benoist reste le maître à penser, bien qu’il ait pris quelque distance avec lui (il en est toujours l’ami et continue de diriger la revue Nouvelle École), celui, enfin, des solidaristes de Jean-Gilles Malliarakis et de son groupe Troisième Voie. Et ce sont également les multiples mouvements tiers-mondistes (français et étrangers), ouvertement révolutionnaires, marxistes, et ancrés à l’extrême gauche. Ce sont, pour terminer, et en France tout particulièrement, les tenants d’une gauche socialiste jacobine, économiquement dirigiste, patriote (au sens que ce mot avait, en 1793-1794, lorsque la France, devenue république, se battait contre l’Europe coalisée des rois pour défendre les acquis de la Révolution), réticente à la construction d’une Union européenne fédérale ou confédérale, et refusant de se convertir au libéralisme économique, celle de Jean-Pierre Chevènement et de son mouvement (alors interne au parti socialiste) Socialisme et République, fondé en 1986, précisément (le 20 avril)[4].

L’image d’Alain de Benoist devient ainsi plus complexe et plus ambiguë, même s’il reste tout de même, de l’avis général, le maître à penser du GRECE et de la Nouvelle Droite, l’un et l’autre réputés néo-païens, hostiles à la morale de type chrétien, à l’universalisme humaniste et à la démocratie égalitaire. À l’esprit des hommes du Club de l’Horloge et des fractions les plus anti-marxistes et conservatrices de la droite nationaliste (notamment celle du Front national), Alain de Benoist devient le représentant d’une « droite radicale » de type tercériste, qui refuse tout autant le libéralisme économique planétaire que le marxisme. Les relations entre eux et lui, déjà distantes, deviendront plus polémiques à partir de 1986. Le Club de l’Horloge ayant adopté en grande partie le libéralisme économique et la morale néo-conservatrice de F.A. Hayek, Alain de Benoist se livre, dans Éléments, au début des années 1990, à une critique sévère des idées politiques de l’illustre économiste austro-britannique, ce qui lui vaut une volée de bois vert de la part d’Henry de Lesquen, lequel lui reproche de chercher « une illusoire troisième voie » (entre capitalisme et communisme), alors que le réalisme impose l’acceptation du libéralisme économique, d’un certain conservatisme social, non incompatible, selon lui, avec la défense de l’identité ethnique et culturelle. Alain de Benoist répliquera tout aussi vertement en rappelant la multiplicité des droites et des gauches, les unes et les autres mutuellement opposées, et qu’il préfère « certaines des secondes à quelques-unes des premières », laissant entendre qu’il se sent plus proche des gauches jacobines à la Chevènement, voire des extrêmes gauches anti-impérialistes et tiers-mondistes que des droites conservatrices classiques et économiquement libérales, lors même qu’elles se prétendent nationales.

Il reste que les positions d’Alain de Benoist se heurteront à la défaveur tant de la droite républicaine que des diverses mouvances de la droite nationaliste (y compris les courants européistes), ne seront finalement acceptées que par ce qui restera des courants nationalistes-révolutionnaires et tercéristes (Michel Schneider et sa revue Nationalisme et République, Nouvelle Résistance, Unité radicale)[5], et ne feront d’ailleurs pas l’unanimité au GRECE. Elles seront largement à l’origine, dès 1987, du départ du GRECE de Guillaume Faye, qui reprochera à Alain de Benoist d’avoir totalement brouillé l’image de ce dernier et d’avoir, dans le but d’être adoubé par le Système, abandonné le combat identitaire européen pour une contestation anti-capitaliste, anti-américaine et tiers-mondiste de type gauchiste. On ne peut pourtant pas dire que la radicalité de sa défense des identités ethnoculturelles contre le grand capitalisme international marque un profond infléchissement de la pensée d’Alain de Benoist. En fait, cet auteur ne fait que préciser certains points de sa critique du monde moderne et en tirer les conséquences politiques, qui contredisent les positions de la droite républicaine comme celle de la droite néo-conservatrice, nationale et identitaire du Club de l’Horloge ou d’une bonne partie de la droite, à commencer par le Front national, en plein ascension à partir de 1984. Les ouvrages qu’il publie au cours des années 1980 et 1990 révèlent, au contraire, une certaine continuité de pensée. Comment peut-on être païen (1981) confirme son orientation néo-païenne. Dans Démocratie : le problème (1985), il analyse le concept de démocratie, ses avatars au cours des âges, et ses extrêmes variations d’un parti politique à l’autre. Son point de vue est celui d’un philosophe, et non d’un acteur (encore moins d’un militant) de la politique. Il en va de même de Nationalisme : Phénoménologie et Critique (1994) et de Démocratie représentative et Démocratie participative (1994). Il s’emploie à approfondir les fondements de sa pensée sans égard aux étiquettes idéologiques et politiques. Tel est le cas avec son Nietzsche et la Révolution conservatrice (1994), L’Empire intérieur (1995), Famille et Société. Origines, Histoire, Actualité (1996), Céline et l’Allemagne, 1933-1945. Une mise au point (1996). Il pose un regard neuf sur divers auteurs : Ernst Jünger. Une bio-bibliographie (1997), Louis Rougier. Sa vie, son œuvre (2002), Charles Maurras et l’Action française. Une bibliographie (2002). Il analyse le phénomène totalitaire au XXe siècle dans Communisme et Nazisme. 25 réflexions sur le totalitarisme au XXe siècle (1998). Le néopaïen qu’il est écrit deux ouvrages consacrés respectivement à La Légende de Clovis (1996) et à Jésus sous l’œil critique des historiens (2000). Ce qui ne l’empêche pas de relier ses méditations et ses travaux de recherche aux préoccupations politiques du temps (Horizon 2000. Trois entretiens avec Alain de Benoist, 1996, L’Écume et les Galets, 1991-1999 : dix ans d’actualité vue d’ailleurs, 2000). S’il a approfondi ses analyses et sa réflexion, et affiné ses idées et ses convictions, il n’a rien renié de ces dernières, et, au fond, n’a pas sensiblement évolué, comme le montre la lecture de Indo-Européens : à la recherche du foyer d’origine (1997), et de son livre intitulé Manifeste pour une Renaissance européenne : à la découverte du GRECE : son histoire, ses idées, son organisation (2000), en collaboration avec Charles Champetier[6].

Il est marié et père de deux enfants.

Chronologie succinte

  • 1962-66 secrétaire de rédaction des Cahiers universitaires.
  • 1964-68 rédacteur en chef de la lettre d'information hebdomadaire L'Observateur européen.
  • 1967-68 directeur des publications du Centre des hautes études internationales (HEI).
  • 1968-69 rédacteur en chef adjoint de L'Écho de la presse et de la publicité.
  • Depuis 1969 directeur de la revue Nouvelle École.
  • 1969-76 collaborateur du Courrier de Paul Dehème.
  • 1970-71 rédacteur en chef du magazine Midi-France.
  • 1970-82 critique à Valeurs actuelles et au Spectacle du monde.
  • Depuis 1973 éditorialiste de la revue Eléments.
  • 1977-92 collaborateur du Figaro Magazine.
  • 1980-92 collaborateur du « Panorama » de France-Culture.
  • Depuis 1988 directeur de la revue Krisis.
  • 1991-99 éditorialiste de La Lettre de Magazine-Hebdo.

Il est directeur de collections aux Editions Copernic (1977-81), aux Editions du Labyrinthe (depuis 1982), aux Editions Pardès (1989-93), aux éditions de L'Âge d'homme (depuis 2003).

Métapolitique

Depuis plus de trente ans, Alain de Benoist poursuit méthodiquement un travail d'analyse et de réflexion dans le domaine des idées. Écrivain, journaliste, essayiste, conférencier, philosophe, il a publié plus de 50 livres et plus de 3.000 articles, aujourd'hui traduits dans une quinzaine de langues.

Ses domaines de prédilection sont la philosophie politique et l'histoire des idées, mais il est aussi l'auteur de nombreux travaux portant notamment sur l'archéologie, les traditions populaires, l'histoire des religions ou les sciences de la vie.

Indifférent aux modes idéologiques, récusant toute forme d'intolérance et d'extrémisme, Alain de Benoist ne cultive pas non plus une quelconque nostalgie « restaurationniste ». Lorsqu'il critique la modernité, ce n'est pas au nom d'un passé idéalisé, mais en se préoccupant avant tout des problématiques postmodernes. Les axes principaux de sa pensée sont au nombre de quatre :

  1. la critique conjointe de l'individuo-universalisme et du nationalisme (ou de l'ethnocentrisme) en tant que catégories relevant l'une et l'autre de la métaphysique de la subjectivité ;
  2. la déconstruction systématique de la raison marchande, de l'axiomatique de l'intérêt et des multiples emprises de la Forme-Capital, dont le déploiement planétaire constitue à ses yeux la menace principale qui pèse aujourd'hui sur le monde ;
  3. la lutte en faveur des autonomies locales, liée à la défense des différences et des identités collectives ;
  4. une nette prise de position en faveur d'un fédéralisme intégral, fondé sur le principe de subsidiarité et la généralisation à partir de la base des pratiques de la démocratie participative.

Alors que son œuvre est connue et reconnue dans un nombre grandissant de pays, Alain de Benoist reste largement ostracisé en France, où l'on se borne trop souvent à associer son nom à celui d'une Nouvelle droite dans laquelle il ne s'est jamais véritablement reconnu.

Publications

  • « Qu’est ce qu’un militant ? », Europe-Action, 8, août 1963; rééd. Ars Magna
  • Salan devant l'opinion (sous le pseudonyme de Fabrice Laroche), Saint-Just, 1963
  • Le courage est leur patrie (sous le pseudonyme de Fabrice Laroche, avec François d'Orcival), Saint-Just, 1965
  • Vérité pour l'Afrique du Sud (sous le pseudonyme de Fabrice Laroche, avec Gilles Fournier), Saint-Just, 1965
  • Les Indo-Européens, G.E.D., 1966
  • Rhodésie, pays des lions fidèles (avec François d'Orcival), La Table Ronde, 1966
  • Qu'est-ce que le nationalisme ? (groupe de travail réuni autour de « Fabrice Laroche »), 1966
  • Avec ou sans Dieu : l'avenir des valeurs chrétiennes (avec Jean-Luc Marion), Beauchesne, 1970
  • Nietzsche : Morale et « Grande Politique », GRECE, 1973
  • Konrad Lorenz et l'Éthologie moderne, Nouvelle École, 1975
  • Il était une fois l'Amérique (sous le pseudonyme de Robert de Herte, avec Giorgio Locchi, Nouvelle École, 1976
  • Vu de droite. Anthologie critique des idées contemporaines, Copernic, 1977.
  • Maiastra. Renaissance de l'Occident ? (en collab.), Plon, 1979.
  • Le Guide pratique des prénoms, Publications Groupe-Média, 1979.
  • L'Europe païenne (en collab.), Seghers, 1980.
  • Les idées à l'endroit, Libres-Hallier, 1979.
  • Comment peut-on être païen ?, Albin Michel, 1981.
  • Ernest Renan, "La Réforme intellectuelle et morale" et autres extraits choisis et commentés, Albatros, 1982.
  • Orientations pour les années décisives, Labyrinthe, 1982.
  • Les Traditions d'Europe, Labyrinthe, 1982.
  • Fêter Noël. Légendes et traditions, Atlas, 1982.
  • La Mort. Traditions populaires, histoire et actualité, (en collab.), Labyrinthe, 1983.
  • Démocratie : le problème, Labyrinthe, 1985.
  • Europe, Tiers-Monde, même combat, Robert Laffont, 1986.
  • Racismes, antiracismes, (en collab.), Méridiens-Klincksieck, 1986.
  • avec Thomas Molnar, L'éclipse du sacré. Discours et réponses, Table Ronde, 1986.
  • Quelle religion pour l'Europe ? (en collab.), Georg, Genève, 1990.
  • Critique du nationalisme et crise de la représentation, GRECE, 1994.
  • Le Grain de sable. Jalons pour une fin de siècle, Labyrinthe, 1994.
  • La Ligne de mire. Discours aux citoyens européens. 1 : 1972-1987, Labyrinthe, 1995.
  • L'Empire intérieur, Fata-Morgana, 1995.
  • Famile et société. Origines - Histoire - actualité, Labyrinthe, 1996.
  • La ligne de mire. Discours aux citoyens européens. 2 : 1988-1995, Labyrinthe, 1996.
  • Céline et l'Allemagne, 1933-1945. Une mise au point, Le Bulletin célinien, Bruxelles, 1996.
  • Ernst Jünger. Une bio-bibliographie, Guy Trédaniel, 1997.
  • Communisme et nazisme, 25 réflexions sur le totalitarisme au XXe siècle, Labyrinthe, 1998.
  • Dieu est-il mort en Occident ?, (en collab.), Guy Trédaniel, 1998.
  • Manifeste pour une renaissance européenne, (en collab.), GRECE, 1999.
  • L'Écume et les galets. 1991-1999 : dix ans d'actualité vue d'ailleurs, 2000.
  • Dernière année, notes pour conclure le siècle, L'Âge d'homme, 2001.
  • Critiques - Théoriques, L'Âge d'homme, 2003.
  • Au-delà des droits de l'homme. Pour défendre les libertés, Krisis, 2004
  • Bibliographie générale des droites françaises, 4 vol., Dualpha, 2004-2005.
  • Jésus et ses frères, et autres écrits sur le christianisme, le paganisme et la religion, Les Amis d'Alain de Benoist, 2006.
  • C'est-à-dire. Entretiens-Témoignages-Explications, 2 vol., Les Amis d'Alain de Benoist, 2006.
  • Nous et les autres - Problématique de l'identité, Krisis, 2006.
  • Carl Schmitt actuel, Krisis, 2007.
  • Demain, la décroissance ! Penser l'écologie jusqu'au bout, Edite, 2007
  • Dictionnaire des prénoms : d'hier et d'aujourd'hui, d'ici et d'ailleurs [archive], Jean Picollec, 2009.
  • Au bord du gouffre. La faillite annoncée du système de l'argent, Éditions Krisis [archive], 2011.
  • Mémoire vive / Entretiens avec François Bousquet, Éditions de Fallois, Collection « Littérature », 2 mai 2012.
  • Edouard Berth ou le socialisme héroïque. Sorel, Maurras, Lenine, Éditions Pardès, 2013.
  • Les Démons du Bien, Du nouvel ordre moral à l'idéologie du genre, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2013.
  • Non à la théorie du genre !, Éditions Mordicus, 2014.
  • Quatre figures de la Révolution Conservatrice allemande - Werner Sombart -Arthur Moeller van den Bruck -Ernst Niekisch - Oswald Spengler, Éditions Les Amis d'Alain de Benoist [archive], 2014.
  • Le traité transatlantique et autres menaces, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2015.
  • Bibliographie internationale de l'œuvre de Céline, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2015.
  • Survivre à la pensée unique, Éditions Krisis [archive], 2015.
  • Au fil du temps. Les Ephémérides d'"Eléments", Les amis d'Alain de Benoist [archive], 2015.
  • Au-delà des droits de l'Homme. Pour défendre les libertés, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016.
  • Droite-gauche, c'est fini ! : Le moment populiste, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2017.
  • Ce que penser veut dire. Penser avec Goethe, Heidegger, Rousseau, Schmitt, Péguy, Arendt..., Éditions du Rocher, Monaco, 2017.
  • L'écriture runique et les origines de l'écriture, 224 pages, Coll. H, Éditions Yoran Embanner, Fouesnant, 2017.
  • Contre le libéralisme, Éditions du Rocher, Monaco, 2019.
  • La Chape de plomb. Une déconstruction des nouvelles censures, La Nouvelle Librairie, Paris, 2020.
  • Ernst Jünger, entre les dieux et les titans, Editions Via Romana, Versailles, 2020.
  • La Puissance et la Foi : essais de théologie politique, Pierre-Guillaume de Roux, 2021. (ISBN 978-2-36371-347-6)
  • L'homme qui n'avait pas de père : le dossier Jésus, Éditions Krisis, 962 p., 2021. (ISBN 978-2-91691-615-6)
  • (Avec Nicolas Gauthier) Survivre à la désinformation. Préface de Gabrielle Cluzel, La Nouvelle Librairie, Paris, 2021. (ISBN 978-2-491446-52-9) [1]
  • (sous la direction de, avec Guillaume Travers) La Bibliothèque littéraire du jeune Européen : 400 œuvres de fiction essentielles, Éditions du Rocher, 728 p., 2021. (ISBN 978-2268106335)
  • Contre l'esprit du temps : Explications, coll. Dans l'Arène, La Nouvelle Librairie, Paris, 2022, 722 p. (ISBN 978-2-491446-72-7)
  • Qu’est-ce que l’idéologie du même ? suivi de Irremplaçables communautés, La Nouvelle Librairie et Institut Iliade, Paris, 2022.
  • (préface de François Bousquet) L'exil intérieur. Carnets intimes, Krisis, 2022.
  • Nous et les autres - L'identité sans phantasme, Éditions du Rocher, Monaco, 2023. [2]
  • Germanica, Éditions Dualpha, 2023.
  • (préface de Guillaume de Tanoüarn) Martin Buber théoricien de la réciprocité, Via Romana, 2023.

revues

Sources

  • Anaïs Voy-Gillis, L’Union européenne à l’épreuve des nationalismes, coll. Lignes de repères, Éditions du Rocher, Monaco, 2020, p. 180.

Liens externes

Notes et références

  1. Fabrice Laroche (uniquement dans ses premières années, Cédric de Gentissard, Robert de Herte, Jean-Louis Cartry, Éric Lecendreux, Julien Valserre, Éric Dumesnil, Fabrice Valclérieux, entre autres.
  2. Prix de l’Essai de l’Académie française en 1978.
  3. D’autant plus qu’on sait que le Figaro Magazine est un journal de Robert Hersant, puissant patron de presse et ancien collaborateur fasciste sous l’Occupation, que le Club de l’Horloge, économiquement libéral et socialement conservateur, se réclame d’Hayek et Friedman, économistes ultra-libéraux, et que le GRECE ne goûte guère le socialisme.
  4. À partir du Centre d’Études, de Recherches et d’Éducation socialistes, la tendance dirigiste et marxisante du PS.
  5. Encore ces courants ne se référeront-ils guère à lui.
  6. Paul-André Delorme, « Alain de Benoist, un brillant érudit à l’image complexe et ambiguë », Rivarol, no 3611, 24.4.2024.