Thomas Molnar

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Thomas Molnar (en hongrois Molnár Tamás István), né le 26 juin 1921 à Budapest, décédé à Richmond (Virginie), le 20 juillet 2010, est un philosophe, historien et politologue américain d'origine hongroise, et d'expression française et anglaise.

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Biographie

Thomas Molnar fait ses études à l'université catholique de Louvain où il s'installe à partir de 1940. Après la Seconde Guerre mondiale et la prise du pouvoir par les communistes en Hongrie, il décide de s'exiler aux États-Unis. En 1957, il obtient un doctorat à l'université de Columbia.

Il devient professeur de philosophie à l'Université de New York.

Il est l'auteur d'une cinquantaine de livres. Il s'est exprimé très tôt de manière critique envers le « modèle américain » qu'il analyse dans plusieurs ouvrages. Il lui reproche « la négation quasi ontologique de l'autre », due, selon lui, à l'esprit du puritanisme et à la conviction profondément ancrée parmi ses habitants de réaliser une société idéale.

Les travaux de Molnar s'inscrivent dans la tradition de la contre-révolution. S'inspirant notamment d'Edmund Burke, de Joseph de Maistre et de Charles Maurras, il est hostile au progressisme issu de la philosophie des Lumières et du marxisme. Il oppose à l'idée de révolution et aux utopies modernes une pensée résolument conservatrice qui s'appuie sur la Tradition.

Malgré ses convictions chrétiennes, il s'est intéressé aux travaux du GRECE et de la Nouvelle Droite. De 1972 à 1975, il appartient au comité de patronage de Nouvelle École.

Il était membre du Conseil scientifique de la revue Catholica et a contribué de manière régulière à la principale publication « paléo-conservatrice » américaine, le mensuel Chronicles.

Thèses

L'Europe dépolitisée a perdu la maîtrise de son destin

Selon Molnar, à l'issue de la Deuxième Guerre mondiale, deux modèles de sociétés se sont imposés sur le continent européen : le modèle soviéto-marxiste à l'Est, le libéralisme "made in USA" à l'ouest. L'Europe dépolitisée a perdu la maîtrise de son destin. Les Européens n'ont pas d'idéologie qui leur permette d'exprimer leur identité : les Américains ont le capitalisme, les Soviétiques ont (faudra-t-il bientôt dire "avaient") le marxisme. Pendant des décennies, Moscou a intimidé l'Europe de l'Ouest pour en extorquer des avantages et Washington a entretenu un climat de panique qui lui permettait d'imposer dans cette même Europe de l'Ouest ses systèmes d'armement et de s'attacher ses vassaux. Les deux super-puissances se sont entendues à merveille pour maintenir le statu quo et perpétuer la servitude européenne.

Avec pertinence, Molnar relève qu'à l'Ouest le modèle américain, en soi, n'alimente pas les débats et n'est pas évoqué dans les manuels de sciences politiques mais qu'il n'en est pas moins la référence tacite. « Lorsque son côté "capitaliste" s'accentue, écrit-il, (not. sous la présidence de Reagan), même les gouvernements socialistes de l'Europe — la France, l'Espagne, l'Italie — infléchissent leur ligne de conduite dans le sens de la privatisation des industries et des services ; lorsque le vent "démocrate" souffle de Washington, un autre son de cloche se fait entendre en Europe ».

Le gauchisme, avant-garde du capitalisme triomphant

À partir d'analyses semblables, peu de temps avant de mourir, le philosophe catholique, Augusto Del Noce, concluait que le marxisme est mort à l'Est parce que, d'une certaine façon, il s'est réalisé à l'Ouest. Et en effet, l'athéisme radical, le matérialisme, la non-appartenance universelle, le primat de la praxis et la mort de la philosophie, la domination de la production, la manipulation universelle de la nature, le faustisme technologique, l'égalitarisme et la réduction de l'homme au rang de moyen sont autant de similitudes qui font du néo-libéralisme le rejeton adultérin du libéralisme capitaliste et du socialisme marxiste.

Paradoxalement, la contestation de 1968 aura scellé l'alliance de l'esprit révolutionnaire et du néo-libéralisme bourgeois. Elle aura brisé, non pas les soutiens et les alliances du capitalisme, comme les gauchistes le souhaitaient, mais les dernières digues contre lui, leur ennemi le plus implacable : les valeurs traditionnelles. Comme l'ont fort bien montré Paul Gottfried dans The Conservative Movement (1988) et Marcello Veneziani dans Processo all' Occidente (1990), d'une part, le socialisme n'aura été qu'une étape, une phase de transition du libéralisme au néo-libéralisme, d'autre part, le libéralisme ne sera parvenu à se rendre maître du jeu qu'après s'être transformé en néo-libéralisme, c'est-à-dire après avoir renversé son propre fondement illuministe et ce qui était sa plus haute expression : la morale kantienne.

L'objectif : une planète entièrement américanisée

L'intérêt des oligarchies néo-libérales, ploutocratiques, au pouvoir, ne peut donc être de construire l'Europe sur les nations, mais, comme le souligne Molnar, de la réduire à un immense marché transnational de l'Oural à la West Coast des États-Unis : l'Europe marchande absorbée par une planète américanisée. Telle est l'idée technocratique que caressent les "eurocrates" qui se nourrissent de l'illusion selon laquelle les vrais problèmes ne sont pas d'ordre politique mais technique. La dépendance et l'aveuglement ne semblent plus avoir de limites : la classe politique se persuade et prétend convaincre les gouvernés que l'étape des "souverainetés nationales" touche à sa fin, cédant le pas au mondialisme, à la coopération planétaire. Mais cela n'empêche pas les super-puissances de poursuivre leurs propres fins, de défendre leurs intérêts, de gérer leurs dominations en toute indépendance.

À l'Ouest, les États-Unis ne sont aucunement disposés à voir leur hégémonie commerciale contestée par les Européens. Molnar a donc raison d'annoncer que tôt ou tard l'Europe économique devra se politiser, que le modèle américain "États-Unis d'Europe" finira par céder le pas à une Europe réarticulée selon des intérêts et des volontés nationaux, régionaux, ethniques, géopolitiques, militaires et autres dont nous ne connaissons pas encore l'identité, ni le poids[1].

Publications

  • Bernanos: his political thought and prophecy, 1960.
  • The decline of the intellectual, 1961.
    • Traduction hongroise : Az értelmiség alkonya, 1996.
  • The future of education, avant-propos de Russell Kirk, 1961.
  • The two faces of American foreign policy, 1962.
  • Africa; a political travelogue, 1965.
  • L'Afrique du Sud, 1966.
  • South West Africa; the last pioneer country, 1966.
  • Spotlight on South West Africa, 1966.
  • Utopia, the perennial heresy, 1967.
    • L'Utopie : Eternelle hérésie, Beauchesne, 1973.
    • Traduction hongroise : Utópia. Örök eretnekség, 1992.
  • Ecumenism or new reformation?, 1968.
  • Sartre: ideologue of our time, 1968.
  • The counter-revolution, 1969.
    • La Contre-révolution, traduit de l'anglais par Olivier Postal Vinay. Paris, Coll. « 10/18 », Union générale d'éditions, 1972.
  • La gauche vue d'en face, Paris, Seuil, 1970.
  • The American dilemma, a consideration of United States leadership in world, 1971.
  • Nationalism in the space age, cinq conférences données par Thomas Molnar, 1971.
  • God and the Knowledge of Reality, 1973.
    • Dieu et la connaissance du réel, Paris, P.U.F., 1976, 229 p.
    • God and the Knowledge of Reality, Transaction Publishers, 1993, 237 p.
    • Traduction hongroise : Filozófusok istene, 1996.
  • L'animal politique, Paris, Éditions de la Table ronde, 1973.
  • Authority and its enemies, 1976.
  • Le socialisme sans visage : l'avènement du tiers modèle, Paris, P.U.F., 1976.
  • Dialogues and ideologues, 1977.
  • Christian humanism : a critique of the secular city and its ideology, 1978.
  • Le modèle défiguré. L'Amérique de Tocqueville à Carter, Paris, P.U.F., 1978.
  • Politics and the state : the Catholic view, 1980.
  • Theists and atheists : a typology of non-belief, 1980.
    • Traduction hongroise : Teizmus és Ateizmus, 2002.
  • Le Dieu immanent : la grande tentation de la pensée allemande, Éd. du Cèdre, 1982.
    • Le Dieu immanent, Éd. du Cèdre, 2000, 111 p.
  • Le Tiers-Monde. Idéologie et réalité, Paris, P.U.F., 1982.
  • L'Éclipse du sacré : Discours et réponses, en collaboration avec Alain de Benoist, Paris, Éditions de la Table ronde, 1986.
  • The pagan temptation, 1987.
  • Twin powers : politics and the sacred, 1988.
    • Traduction hongroise : A hatalom két arca: politikum és szentség, 1992.
  • The Church, pilgrim of centuries, 1990.
    • Traduction hongroise : Az Egyház, évszázadok zarándoka, 1997.
  • L'Europe entre parenthèses, Paris, Éditions de la Table ronde, 1990.
  • Philosophical grounds, 1991.
  • L'Américanologie : Triomphe d'un modèle planétaire ?, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1991.
  • L'hégémonie libérale, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1992.
    • Traduction hongroise : A liberális hegemónia, 1992.
  • The emerging Atlantic culture, 1994.
  • Du mal moderne. Symptômes et antidotes, précédé de Cinq entretiens avec Jean Renaud, Québec, Éditions du Beffroi, 1996.
  • Archetypes of thought, 1996.
  • Return to philosophy, 1996.
  • A Magyar Szent Korona és a szentkorona-tan az ezredfordulón, publié par Tóth Zoltán József.
  • Századvégi mérleg : válogatott írások, 1999.
  • Moi, Symmaque suivi de L'Âme et la machine, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1999. Coll. « Mobiles philosophiques ».
    • Traduction hongroise : Én, Symmachus, 2000
  • A pogány kísértés, 2000.
  • Igazság és történelem, 2000.
  • Bennünk lakik-e az Isten?, 2002.
  • Válogatás a Magyar Nemzetnek és az asztalfióknak írt publicisztikákból, 2002.
  • A beszélő Isten, 2003.
  • A jobb és a bal : tanulmányok, 2004.

Citations

  • « Le terme de “société occidentale”, est [...] assez ambigu, et dans le temps et dans l’espace. Dans l’espace, parce que la société occidentale ne reconnaît pas de frontières ni de limites véritables, elle porte son impact, ses marchandises et ses techniques partout sur la planète ; elle plante, sinon son drapeau à la manière des anciens impérialismes, du moins son mode de vie et sa vision du monde. »

L’Américanologie : Triomphe d’un modèle planétaire ? (1991)

  • « le libéralisme […] est antinational par essence, morceau difficile à avaler pour ces hommes de droite qui se veulent des conservateurs à l’américaine, tels Giscard, Barre et Balladur. […] Il est significatif, continue-t-il, de constater que l’histoire de la droite est jalonnée de grandes illusions et, partant, de grandes déceptions. […] La droite n’a pas de politique, elle a une “ culture ”. La politique ne se trouve qu’à gauche depuis 1945; la droite ne fait que “ réagir ” de temps en temps avec un Pinochet au Chili, un Antall en Hongrie. C’est de courte durée. […] La droite n’a pas le choix : autoexilée de la politique, elle déplore cet exil qui promet d’être permanent, elle ferme les yeux et préfère s’illusionner ».

Notes et références

  1. Arnaud Imatz, « L'Europe entre parenthèses - à propos d'une étude du Prof. Thomas Molnar », in : Vouloir n°73/75, 1991