Maurice Bardèche

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Maurice Bardèche, né le 1er octobre 1907 à Dun-sur-Auron et décédé le 30 juillet 1998, était un journaliste, écrivain et militant du courant national-européen.

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Biographie

Les années de formation

Maurice Bardèche est né le 1er octobre 1907 à Dun-sur-Auron. Rien ne le prédispose à la carrière qu’il connut. Issu d'un milieu modeste (son père exerce la profession d'agent de la voirie), son intelligence et son travail lui permettent d’obtenir une bourse grâce à laquelle il poursuit de brillantes études. Il est admis en hypokhâgne au lycée Louis le Grand où il rencontre celui qui deviendra son meilleur ami : Robert Brasillach.

Ils intègrent tous deux, en 1928, le célèbre établissement de la rue d’Ulm, l’Ecole normale supérieure, dans une promotion qui regroupe notamment Jacques Soustelle, Thierry Maulnier et Roger Vaillant. Ses études se terminent avec l’agrégation de lettres qu’il obtient en 1932. Il est désormais professeur. Il assurera des cours à la Sorbonne avant d’être titularisé à l’Université de Lille en 1942.

Il travaille à l’achèvement de sa thèse, sur Balzac, qu’il soutiendra avec brio en 1940 et dont il tirera un Balzac romancier qui paraîtra durant la guerre. Avec Robert Brasillach, dont il a épousé la sœur, Suzanne, il publie deux ouvrages qui feront date : L’Histoire du cinéma en 1933 aux éditions Denoël, et L’Histoire de la Guerre d’Espagne en 1939.

Durant leur « avant-guerre », il parcourt avec ses amis la France et l’Europe à vélo, s’adonne au camping.

La guerre et l’entrée en politique

Tandis que Robert Brasillach s’engage à corps perdu dans la politique, Maurice Bardèche poursuit ses travaux littéraires et universitaires. Mais les horreurs de l’épuration et notamment l’exécution de son beau-frère et ami, au matin du 6 février 1945, le décident à entrer en politique comme d’autres entrent en religion. Il affirmera dans Jeune nation, en 1959: « C’est la mort de Brasillach et l’épuration qui ont fait de moi un animal politique. La politique ne m’intéressait absolument pas avant cette date; à partir de ce moment-là, j’ai foncé dans la politique. » Lui-même est incarcéré durant six mois et révoqué pour avoir écrit trois articles littéraires dans des revues durant l’Occupation.

Il ne cessera plus dès lors de combattre pour la France et notre Europe, pour la mémoire des épurés et pour la vérité historique. Il entame alors une carrière de pamphlétaire remarquée : en 1947 paraît Lettre à François Mauriac. C’est un succès : 80 000 exemplaires sont publiés. Ce livre éclate comme une bombe dans la société française colonisée de l’après-guerre : il y dénonce l’épuration, la « morale » des vainqueurs et tous les ferments de dilution de la France et de l’Europe importés aussi bien par de Gaulle que par les communistes. Avec une acuité exceptionnelle, il entrevoit tous les dangers de la domination du matérialisme et de ses deux visages : communiste à l’est et capitaliste à l’ouest. L’année suivante, c’est Nuremberg ou la terre promise qui obtient un succès… judiciaire immédiat : le livre est saisi et Maurice Bardèche sera condamné à un an de prison ferme pour apologie de crimes de guerre. En fait il déniait aux « démocraties » le droit, légal et moral, de juger les dirigeants du IIIe Reich, car les crimes staliniens, gaullistes ou anglo-américains (depuis Mers el-Kébir jusqu’à Hiroshima et Nagasaki, en passant par Katyn, Brest et Dresde) n’avaient rien à envier à ceux des puissances de l’axe. Il sera d’ailleurs par la suite gracié par le président de la République René Coty. Il traverse alors de dures années : il doit travailler dans l’enseignement privé pour assurer la vie de ses cinq jeunes enfants.

Maurice Bardèche et Karel Dillen

Défense de l’Occident et Les Sept Couleurs

Couverture de Défense de l'Occident

Maurice Bardèche va doter le nationalisme français d’après-guerre en France de deux fers de lance, deux instruments fondamentaux : une maison d’édition, Les Sept Couleurs (éponyme du titre d’un des meilleurs (et des plus originaux) ouvrages de Robert Brasillach), en 1948 et, en 1951, – la même année que Rivarol –, une revue mensuelle, Défense de l’Occident.

Les Sept Couleurs permettront à de très nombreux auteurs nationalistes, politiquement incorrects ou simplement non-conformistes, de publier leurs œuvres. Des Campagnes de la Waffen SS à L’Ascension du MSI de François Duprat, L’Aventure du pétrole français de Pierre Fontaine en passant par L’Inquiétante évolution américaine de Pierre Hofstetter, La Bataille de l’OAS d’Axel Nicol, Le Véritable procès Eichmann ou Les Vainqueurs incorrigibles de Paul Rassinier, La “liberté” des communistes - Polices, prisons et camps soviétiques de M. Sylvestre et Z. Pierre ou encore La Droite buissonnière de Pol Vandromme.

Défense de l’Occident sera le support des nationalistes français et européens durant plus de trente ans. Maurice Bardèche, secondé par des équipes brillantes, y gardera la flamme d’un nationalisme intransigeant. Tous les courants du nationalisme s’y exprimeront, de Tixier-Vignancour aux plus radicaux nationalistes européens. Cette revue reste un modèle de droiture doctrinale, d’ardeur devant les nombreux ennemis qu’elle comptait, pour la valeur de ses informations et de la formation qu’elle a contribué à assurer aux militants nationalistes de ces années.

Maurice Bardèche et Henri Coston

Les plus grandes plumes y ont apporté leur contribution. Nous pouvons, de façon non exhaustive, citer : Lucien Rebatet, Robert Poulet, Jean Varenne, Thomas Molnar, Pascal Gauchon, Michel Marmin, Jean Madiran, Jacques Mayenne, Jean-Marie Aimot, Michel Déon, Pierre Gripari, Micheline Peyrebonne, le colonel Trinquier, Éric Vatré, Giorgio Almirante, Henry Coston, Alain Renault, Pierre Pauty, Alain Robert, Jean Picollec, Georges Gondinet, François Duprat, Jean Mabire, Jean Anouilh, Marcel Aymé, Jacques Benoist-Méchin, Georges Blond, Antoine Blondin, Bernard de Fallois, André Fraigneau, Jacques Isorni, Marcel Jouhandeau, Roland Laudenbach, Jacques Laurent, Henri Massis, Thierry Maulnier, Roger Nimier, Jacques Perret, Louis Rougier, Michel de Saint-Pierre, Paul Sérant, Bernard Vorgé, Charles Dreiser, Georges Ollivier, Daniel Cologne, Bernard Alapetite, F.-H. Lem, Guillaume De Ferette, Jean-Paul Roudeau, Hans-Joachim Rich, Heinz Roth, J.-P. Hamblenne, Mary Meissner, Alain de Benoist, Robert Faurisson, Faust Bradesco, Christian Baudinot, Philippe Darlange, Jean Perré, Jérôme Berthier, Luc Tirenne, René Pellegrin, Michel Peltier, Pierre Fontaine, Pierre Hofstetter, Robert Bonafon, Thierry Becker, etc. …

Le Mouvement social européen

Des différentes expériences nationalistes du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, Maurice Bardèche retient qu’il faut un nationalisme authentique, pur et dur. Il croit trouver son incarnation dans le Mouvement socialiste d’unité française, fondé en 1948, qu’il parraine. Mais la « démocratie » l’interdit un an plus tard. Convaincu que la France ne sera sauvée que si l’Europe est sauvée, il participe en mars 1950, à Rome, à une réunion de divers dirigeants nationalistes européens, puis à une autre à Malmö (Suède), en mai 1951. Plus de cent personnes s’y retrouvent dont Maurice Bardèche, l’Italien Ernesto Massi et le Britannique Oswald Mosley, ancien dirigeant de la British Union of Fascists, ou le dirigeant du Mouvement de la nouvelle Suède Per Engdahl. Le Mouvement social européen est alors fondé mais il ne connaîtra pas le succès.

Après l’échec du MSE, Maurice Bardèche va se consacrer à sa revue et sa maison d’édition et laissera à d’autres le soin d’organiser des mouvements politiques.

Maurice Bardèche restera un implacable historien du fascisme et n’hésitera pas à en dénoncer les déviations. Il le fera notamment dans l’un de ses ouvrages politiques fondamentaux : Qu’est-ce que le fascisme ?

Il s'est distingué par ses références fréquentes au jacobinisme]] et à la Révolution française [1], et se rendait chaque année au Mur des Fédérés pour déposer une gerbe en souvenir de la Commune de Paris[2].

Il faut se souvenir aussi des 194 numéros de Défense de l’Occident, qui cesse de paraître en novembre 1982, laissant un vide encore perceptible aujourd’hui. La postérité gardera la mémoire d’un brillant universitaire, d’un fin connaisseur de Balzac comme de Flaubert et de Proust. Les nationalistes l’admirent comme l’un des plus courageux militants de l’après-guerre, comme un doctrinaire droit et inflexible. Maurice Bardèche est un modèle. Jean-Marie Le Pen, dans Français d'abord, saluera en ces termes sa disparition : "En humaniste accompli, nourri au lait de la pensée hellénique, il sut comprendre la mutation qu'imposait l'irruption de la technique toute-puissante dans notre monde moderne et réfléchir avec perspicacité sur le devenir de notre identité européenne", ajoutant qu'il "fut le prophète d'une renaissance européenne qu'il espéra longtemps".

Une figure centrale de l'« autre tiers-mondisme»

« Nous sommes convaincus aussi que la conception du monde qui sera celle de l’Europe nous permettra de trouver un terrain d’entente avec les nationalistes arabes. En leur présentant des conceptions absolument neuves sur la présence simultanée des Européens et des Arabes dans les territoires communs, nous pensons que nous pourrons résoudre la plupart des difficultés devant lesquelles échouent l’hypocrisie démocratique et les survivances colonialistes. Au moins, aborderons-nous ces discussions, nous Européens, avec une mentalité généreuse et loyale à l’égard du peuple arabe dont nous reconnaissons la valeur et l’antiquité comme race et comme culture. »

Si Bardèche se réclame d'emblée de l'« aile gauche » du fascisme, il va surtout se faire remarquer par ses positions favorables aux mouvements et aux gouvernements révolutionnaires du monde arabe. Si ces positions de solidarité « anti-impérialiste » avec les peuples du tiers-monde sont déjà courantes dans les années 1920-1930 dans les milieux nationalistes en Allemagne ou en Italie, il n'en va pas de même en France, alors puissance coloniale de tout premier plan. C'est en cela que Bardèche peut être considéré comme un précurseur, en France et dans l'espace francophone, du « tiers-mondisme de droite » ou de « l'autre tiers-mondisme ».

Dans ses écrits, il exalte le nationalisme arabe, notamment le Baas et même le FLN algérien. Il est d'ailleurs attesté qu'il correspond régulièrement par la plume avec Johann von Leers (1902-1965), un ancien membre de la NSDAP converti à l'islam qui travaille au Caire pour le gouvernement égyptien depuis 1956. Dans son petit ouvrage Qu'est-ce que le fascisme? (1961), il se livre à un véritable panégyrique du président baasiste égyptien Gamal Abdel Nasser, affirmant découvrir chez lui une authentique « mystique fasciste », alliant nationalisme et islam. Bardèche semble oublier ou méconnaître certains faits, tels le rôle des chrétiens arabes dans le mouvement panarabiste, comme celui du Syrien Michel Aflak (1910-1989) ou du Libanais Antoun Saadé (1904-1949). De même, ses éloges d'un Nasser, vu comme l'incarnation d'une « virilité spirituelle islamique », sont peu compatible avec la réalité de la politique du Raïs, qui, à la même époque, réprime durement les organisations islamiques radicales comme celle des Frères musulmans[3].

Citations

« Nos adversaires savent discerner ce qui les menace et ce qui est inoffensif. Aussi distinguent-ils entre ces prétendus "dissidents": aux uns, ils permettent de jouer avec la politique, comme on permet aux enfants de toucher le fusil de chasse de papa après l'avoir prudemment désamorcé. Aux seconds, ils offrent le pardon et la réintégration, à condition qu'ils acceptent de ne plus se souvenir et de participer au mensonge commun. Les troisièmes, au contraire, sont exclus, marqués d'un signe indélébile, irrécupérables. Ils sont des exilés dans leur propre patrie. Ce sont des métèques dans leur propre patrie ».

« Les fascistes ne croient pas que l’homme soit naturellement bon, ils ne croient pas au progrès ni au sens irréversible de l’histoire. Ils ont cette idée ambitieuse que les hommes ont le pouvoir de faire, en partie du moins, leur destin ».

Maurice Bardèche et le credo de l’homme blanc

« Je crois en l’homme blanc, non parce qu’il a crée les machines et les banques, mais parce qu’il a proclamé que le courage et la loyauté étaient les plus grandes qualités de l’homme. Tout ce qui favorise et exalte les qualités viriles et chevaleresques de l’homme s’appelle civilisation : tout ce qui les dégrade et les ravale s’appelle décadence. Tout homme, tout événement, toute situation qui aide l’homme d’Occident à être le juge entre les hommes est bon, tout homme, tout événement, toute situation qui diminuent le pouvoir de l’homme d’Occident sur les forces obscures est un malheur.

De ces principes, les esprits logiques ont pu tirer les conséquences humaines.

La défaite de l’Allemagne en 1945 est la plus grande catastrophe des temps modernes.

L’abandon volontaire de la moitié de l’Europe à un pharaonisme asiatique fondé sur l’esclavage et la terreur est un crime politique.

L’institution de la dissidence et de la rébellion comme principes de la légitimité politique ne peuvent amener dans l’avenir que d’autres dissidences et d’autres rébellions.

La campagne systématique de calomnies et de haine menée contre l’énergie, la discipline, le désintéressement est un attentat contre les valeurs les plus précieuses de la civilisation d’Occident.

L’exaltation systématique des races étrangères à l’esprit de la civilisation occidentale et la prétention de leur confier un rôle important dans la politique mondiale est un danger grave pour l’Occident et en même temps pour ces races mêmes qui sont incapables d’assumer le rôle qu’on leur destin. »

Extrait de Défense de l’Occident, N°35, septembre 1963

Bibliographie de Maurice Bardèche

Ouvrages de Maurice Bardèche

  • Balzac Romancier, Paris, Plon, 1941, Slatkine, 1967.
  • Stendhal Romancier, Paris, La Table ronde, 1947, 1983.
  • Lettre à François Mauriac (Texte numérisé), Paris, La Pensée Libre, 1947, 200 pages, Dualpha, 2004 .
  • Nuremberg ou La Terre promise, Paris, Les Sept Couleurs, 1948.
  • Nuremberg II ou Les Faux-monnayeurs, Paris, Les Sept Couleurs, 1950.
  • L’Œuf de Christophe Colomb. Lettre à un sénateur d’Amérique, Paris, Les Sept Couleurs, 1951.
  • Les Temps modernes, Paris, Les Sept Couleurs, 1956.
  • Suzanne et le taudis, Paris, Les Sept Couleurs, 1957, Présent, 1990, 188 pages.
  • Qu’est-ce que le fascisme ?, Paris, Les Sept Couleurs, 1962, Pythéas, 1996.
  • Une lecture de Balzac, Paris, Les Sept Couleurs, 1964.
  • Histoire des femmes, Stock, 1967.
  • Sparte et les Sudistes, Paris, Les Sept Couleurs, 1969, Pythéas, 1994.
  • Marcel Proust romancier, Paris, Les Sept Couleurs, 1971. (Prix de la Critique littéraire 1971).
  • L’Œuvre de Flaubert, Paris, Les Sept Couleurs, 1974.
  • Balzac, Julliard, 1980.
  • Louis-Ferdinand Céline, Paris, La Table Ronde, 1986.
  • Flaubert, Paris, La Table Ronde, 1988.
  • Léon Bloy, Paris, La Table Ronde, 1989.
  • Socialisme-fasciste, Waterloo, Editions du Javelot, 1991.
  • Souvenirs, Buchet-Chastel, 1993.

Collaboration et contributions de Maurice Bardèche

  • Avec Robert Brasillach, Histoire du cinéma, Paris, Denoël, 1933, 1945, André Martel, 1948, 1984. Publié pour Les Sept Couleurs en Livre de poche en 1964 en 2 volumes : t. I : Le muet, 520 p. avec index, t. II, Le cinéma parlant, 543 p.
  • Avec Robert Brasillach, Histoire de la guerre d’Espagne, Paris, Plon, 1939, VI-443 p., 1969, Godefroy de Bouillon, 1996.
  • Préface à Trois contes de Gustave Flaubert, L.G.F, 1983, le livre de poche, 182 p.
  • L'Épuration (sous la direction de Maurice Bardèche), Les Sept Couleurs, numéro spécial 39-40 de Défense de l’Occident, janvier-février 1957, Confrérie Castille, 1997 (fac-similé), 164 pages, 2001, 158 p. (Textes de Edmond Ruby, Pierre Le Baude, Bernard Borge, Catherine Alexandre, Louis Rougier, Jean Pleyber, Xavier Vallat, Jacques Isorni).

Articles de Maurice Bardèche

Maurice Bardèche est l’auteur de très nombreux articles dont il nous a été impossible de dresser la liste; ils sont particulièrement nombreux dans la revue dont il était le directeur-fondateur, Défense de l’Occident. Il participait également aux numéros exceptionnels, comme celui consacré à l’épuration – qui a été édité en livre par la maison d’édition Confrérie Castille –, à L’Agression Israélienne et ses conséquences, Le fascisme dans le monde, etc.

Littérature secondaire

  • Francis Bergeron, Maurice Bardèche, col. « Qui suis-je ? », Pardès, Puiseaux, 2012, 128 p.
  • Patrick Canet, « Maurice Bardèche - Un flambeau dans la nuit », in: Réfléchir et agir, no 28, 2008, p. 51-54.
  • « Maurice Bardèche », Lectures Françaises, n° 497, p. 27-28.
  • « Un demi-siècle d'écrivains », in Rivarol, spécial 50 ans, 26/01/2001.
  • Barnes Ian, « A fascist Trojan horse: Maurice Bardèche, fascism and authoritarian socialism », Patterns of Prejudice, Vol. 37, No. 2, 2003.
  • Desbuissons Ghislaine, Itinéraire d'un intellectuel fasciste : Maurice Bardèche, Paris, thèse pour le doctorat de l'IEP de Paris, 1990, dactyl.
  • Dualpha, n° 2-3, juillet-août 1998. Philippe Randa, « Maurice Bardèche, le père de nombreux rebelles ; Maurice Bardèche : « Pour le centenaire de Charles Maurras : le “défi américain” ».
  • Lagrave Christian, « Pour saluer Maurice Bardèche », Lectures Françaises, n° 498, pages 5 à 10.
  • Pons Frédéric, Esthétique et politique. Les intellectuels fascistes français et le cinéma : Rebatet, Brasillach, Bardèche, 1930-1945, mémoire de maîtrise, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne|Université Paris-I, Paris, 1977.
  • Serres Hervé, La Résistance avait raison - Lettre à Maurice Bardèche, Réalité, 1948.
  • Pol Vandromme, La Droite buissonnière. Alfred Fabre Luce, Pierre Boutang, Maurice Bardèche, Paul Sérant, Louis Pauwels, Marcel Aymé, Jacques Perret, Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent, Kléber Haedens, Michel Déon, Félicien Marceau, Roger Vailland, Paris, Les Sept Couleurs, 1960, 254 pages.
  • Venner Dominique, « Maurice Bardèche, un témoin essentiel », Enquête sur l’Histoire, n°28, p 64-65.
  • Paul-André Delorme, « Maurice Bardèche, avocat inlassable du fascisme », Rivarol, n°3585, 25.10.2023, p. 14-15.

Textes à l'appui

Un flambeau nationaliste qui éclaire notre temps

Hommage par Jérôme Bourbon, publié dans l’hebdomadaire Rivarol, n° 2869, 1er août 2008, et republié dans Les Études nationalistes de décembre 2008.

Si l’on doit juger de la qualité d’un écrivain, d’un penseur, d’un philosophe à sa capacité à analyser le présent, à débusquer les mensonges et à décrypter l’avenir, assurément Maurice Bardèche qui nous a quittés le 30 juillet 1998, dans sa quatre-vingt-neuvième année, est grand. Très grand.

Marcel Signac, dans le remarquable article qu’il lui a consacré dans RIVAROL au moment de sa disparition (numéro du 4/9/98), a pu écrire qu’il était « notre Sartre ». Rien n’est plus juste en effet. Mais un Sartre qui, lui, a été lucide, n’a pas cédé aux modes et a donc vécu dans la gêne (voir son récit Suzanne et le taudis, où il sourit de son impécuniosité) et une quasi-obscurité.

Cinquante ans de combats politiques

De fait, lorsque l’on relit la plume à la main tous ses essais politiques, on est frappé non seulement par la rigueur de sa pensée, la fermeté de sa doctrine, la clarté de son style mais aussi par son implacable lucidité. A n’en pas douter, Bardèche fut un visionnaire. Et c’est d’autant plus extraordinaire que rien ne destinait ce brillant normalien, agrégé de lettres, titulaire d’une chaire à la Sorbonne puis à l’université de Lille pendant l’Occupation, spécialiste de Balzac auquel il consacra sa thèse puis de nombreux autres travaux, à s’engager totalement dans le combat politique et journalistique. On le sait, c’est l’odieux assassinat de son beau-frère Robert Brasillach victime le 6 février 1945 de l’épuration gaulliste qui le conduisit à devenir un militant politique. Par l’action mais surtout par la plume.

Le Mouvement social européen qu’il a fondé à Malmö en 1951 n’a pas eu de lendemains car les circonstances politiques ne permettaient pas la création de mouvements d’opposition radicaux reposant sur des principes différents de ceux qui avaient été instaurés en 1945 par les vainqueurs et qui ont servi de fondement à la rééducation démocratique entreprise en Europe.

En revanche Bardèche, ayant été chassé de l’Université, s’assura une toute indépendance et écrivit librement, ce qui n’était déjà pas simple au lendemain de la guerre, fonda une petite maison d’édition, les Sept Couleurs (1948-1978), puis un mensuel, Défense de l’Occident (1951-1982) qu’il dirigea trente ans durant.

Il se fit connaître en 1947 par un livre qui eut aussitôt un très grand succès : la Lettre à François Mauriac qui, pour la première fois depuis la Libération, attaquait avec une extrême virulence la législation de l’épuration au nom du devoir, de la discipline et de l’unité nationale en temps de guerre. Dans le tome 1 de son Dictionnaire de la politique française (1967), Henry Coston écrit :

« 80.000 exemplaires de l’ouvrage furent vendus en quelques semaines et ce livre fut le point de départ de la littérature d’opposition à la Résistance ».

Le monde démocratique à perpétuité

L’année suivante, en 1948, Bardèche applique les mêmes principes au tribunal militaire internationale de Nuremberg. Ce livre, Nuremberg ou la terre promise, qu’on peut à bon droit considérer comme l’ancêtre des ouvrages révisionnistes, n’a rien perdu de sa pertinence ni de son actualité soixante ans après.

Alors qu’une législation d’exception, la loi Gayssot, qui a aujourd’hui son équivalent dans presque tous les autres pays d’Europe et d’Occident, se réclame explicitement du jugement de Nuremberg pour traquer tous ceux qui refusent de faire leur la version officielle et obligatoire de la Seconde Guerre mondiale et que l’on ne compte plus les historiens révisionnistes aujourd’hui embastillés ou en clandestinité, on ne peut qu’être émerveillé de voir à quel point, dès 1948, Bardèche avait tout compris, analysant parfaitement les conséquences politiques et morales de Nuremberg :

« La condamnation du parti national-socialiste va beaucoup plus loin qu’elle n’en a l’air. Elle atteint, en réalité, toutes les formes solides, toutes les formes géologiques de la vie politique. Toute nation, tout parti qui se souviennent du sol, de la tradition, du métier sont suspects. Quiconque se réclame du droit du premier occupant et atteste des choses aussi évidentes que la propriété de la cité offense une morale universelle qui nie le droit des peuples à rédiger leurs lois. Ce n’est pas seulement les Allemands seulement, c’est nous tous qui sommes dépossédés. Nul n’a plus le droit de s’asseoir dans son champ et de dire: « Cette terre est à moi ». Nul n’a plus le droit de se lever dans la cité et de dire: « Nous sommes les anciens, nous avons bâti les maisons de cette ville, que celui qui ne veut pas obéir aux lois sorte de chez moi ». Il est écrit maintenant qu’un concile d’êtres impalpables a le pouvoir de connaître ce qui se passe dans nos maisons et dans nos villes. Crimes contre l’humanité: cette loi est bonne, celle-ci n’est pas bonne. La civilisation a un droit de veto. »

Bardèche va jusqu’à prévoir, toujours dans Nuremberg ou la terre promise, la perte de nos défenses immunitaires, la suppression des frontières, la caducité de la distinction entre le national et l’étranger, l’explosion de la cellule familiale et prédit même, plus d’un demi-siècle avant l’euro, la mise en circulation d’une monnaie unique sur le continent européen :

« Nous vivions jusqu’ici dans un univers solide dont les générations avaient déposé l’une après l’autre les stratifications. Tout était clair: le père était le père, la loi était la loi, l’étranger était l’étranger. On avait le droit de dire que la loi était dure, mais elle était la loi. Aujourd’hui ces bases certaines de la vie politique sont frappées d’anathème. Car ces vérités constituent le programme d’un parti raciste condamné au tribunal de l’humanité. En échange, l’étranger nous recommande un univers selon ses rêves. Il n’y a plus de frontières, il n’y a plus de cités. D’un bout à l’autre du continent, les lois sont les mêmes, et aussi les passeports, et aussi les monnaies. »

Et lorsque l’on a en tête la diabolisation dont a été victime pendant 25 ans le Front national et qui a culminé entre les deux tours de la présidentielle de 2002, et que l’on a vu également à l’œuvre en Autriche contre Haider en 2000, on en comprend les ressorts, la logique et les mécanismes terrifiants en (re)lisant Nuremberg ou la Terre promise :

« Le monde est désormais démocratique à perpétuité. Il est démocratique par décision de justice. Désormais un précédent judiciaire pèse sur toute espèce de renaissance nationale. (…) La décision de Nuremberg consiste à faire une sélection préalable entre les partis. Les uns sont légitimes et les autres suspects. Les uns sont dans la ligne de l’esprit démocratique et ils ont le droit en conséquence de prendre le pouvoir et d’avoir un plan concerté, car on est sûr que ce plan concerté ne menacera jamais la démocratie et la paix. Les autres, au contraire, n’ont pas le droit au pouvoir et par conséquent, il est inutile qu’ils existent: il est entendu qu’ils contiennent en germe toutes sortes de crimes contre la paix et l’humanité. (…) »

Le détestable principe d’ingérence

Avant même que Kouchner n’évoque ad nauseam le droit d’ingérence pour violer l’indépendance et la souveraineté des États, comme ce fut le cas en Irak et en Serbie, Bardèche voit à l’œuvre dans le jugement de Nuremberg un redoutable principe d’ingérence :

« Il y a dans ce simple énoncé (de sélection préalable entre les partis démocratiques et ceux qui sont suspects de ne pas l’être) un principe d’ingérence. Or, cette ingérence a ceci de particulier qu’elle ne traduit pas, ou du moins ne semble pas traduire une volonté identifiable. Ce n’est pas telle grande puissance en particulier ou tel groupe de grandes puissances qui s’oppose à la reconstitution des mouvements nationalistes, c’est une entité beaucoup plus vague, c’est une entéléchie sans pouvoir ni bureaux, c’est la conscience de l’Humanité. « Nous ne voulons pas revoir cela » dit la conscience de l’Humanité. Cela, personne ne sait exactement ce que c’est. Mais cette voix de l’humanité est bien commode. Cette puissance anonyme n’est qu’un principe d’impuissance. Elle n’impose rien, elle ne prétend rien imposer. Qu’un mouvement analogue au national-socialisme se reconstitue demain (…), la conscience universelle approuvera tout gouvernement qui prononcerait l’interdiction d’un tel parti, ou, pour sa commodité, de tout parti qu’il accuserait de ressembler au national-socialisme. Toute résurrection nationale, toute politique de l’énergie ou simplement de la propreté, est ainsi frappée de suspicion… Qui a fait cela? C’est Personne comme criait le Cyclope. Le super-État n’existe pas, mais les vetos du super-État existent: ils sont dans le verdict de Nuremberg. Le super-État fait le mal qu’il peut faire avant d’être capable de rendre des services. Le mal qu’il peut faire, c’est de nous désarmer contre tout, contre ses ennemis aussi bien que contre les nôtres. »

Un régime de désarmement moral

C’est que, pour Bardèche, la démocratie est par essence un régime de désarmement moral qui favorise les invasions externes et les subversions internes et qui est inséparable du règne de la médiocrité et de toutes les bassesses. C’est ainsi que, dans un autre de ses essais, Qu’est-ce que le fascisme ? (1962), il dénonce magistralement la fausse conception de la liberté des régimes démocratiques et les conséquences désastreuses qu’elle induit :

« La liberté anarchique des démocraties n’a pas seulement permis le détournement de la volonté populaire et son exploitation au profit d’intérêts privés (…). Elle nous fait une vie ouverte de toutes parts à toutes les inondations, à tous les miasmes, à tous les vents fétides, sans digue contre la décadence, l’exportation et surtout la médiocrité. Elle nous fait vivre dans une steppe que tout peut envahir. (…) Les monstres font leur nid dans cette steppe, les rats, les crapauds, les serpents la transforment en cloaque. Ce pullulement a le droit de croître, comme toutes autres orties et chiendents. La liberté, c’est l’importation de n’importe quoi… L’apparition d’une race adultère dans une nation est le véritable génocide moderne et les démocraties le favorisent systématiquement. »

On le voit, bien avant même le développement d’une immigration planétaire, Bardèche avait décrit, dès 1962, ce phénomène de submersion migratoire qui trouve son principe dans l’amoralisme, la mollesse, l’égalitarisme et la licence des régimes démocratiques. Lesquels favorisent le règne des bas instincts, assurent le triomphe de l’hédonisme, de l’individualisme, du subjectivisme, de l’égocentrisme au détriment du bien commun. Ce qu’en dit Bardèche est lumineux et revêt une force incroyable surtout en ce quarantième anniversaire de Mai-68 qui accéléra le processus de décadence et de subversion, promut toutes les déviances, déboucha sur un océan de scepticisme et de nihilisme :

« La médiocrité monte comme un empoisonnement insidieux dans ces peuples qu’on gave d’instruction sans jamais leur donner un but et un idéal. Elle est la lèpre des âmes de notre temps. Personne ne croit à rien, tout le monde a peur d’être dupe ».

La démocratie ne se maintient en effet que par d’incessantes manipulations, le règne du mensonge et des apparences et ne prospère que sur le vice, la paresse, l’envie :

« L’Etat démocratique ne distribue de tâche à personne, il ne donne qu’une voix creuse, une liberté sans contenu, sans visage, qu’on dilapide en jouissances miteuses. Chacun est enfermé dans son égoïsme. Et chacun voit avec dégoût chez son voisin sa propre image et l’image de son triste bonheur. Et ils regardent avec haine ces miroirs de leurs misères ».

II n’y a rien à changer à ce diagnostic cinquante ans plus tard. Notre monde est profondément laid et repoussant: médiocrité des modes alimentaires et vestimentaires, pauvreté du langage, vulgarité des comportements, désinvolture vis-à-vis de la vérité, ruine du savoir et de la vertu, absence de vie intérieure. Le mal analysé par Bardèche n’a fait qu’empirer en un demi-siècle. C’est qu’au fond « la démocratie ne connaît que les diplômes. (Et en croire ceux-ci sont-ils aujourd’hui bien dévalués !) La démocratie distribue des prix d’excellence, elle met ses bons élèves au Panthéon : mais, en cent ans, elle n’a pas produit un seul héros ». Qui en effet donnerait sa vie pour les Grands Ancêtres ou la Déclaration des droits de l’homme ? Qui se sacrifierait pour le triomphe de la démocratie ?

Discipline et énergie nationales

Que faut-il alors proposer aux hommes de notre temps pour qu’ils tournent le dos aux chimères démocratiques et qu’ils s’arrachent à la pesanteur du système matérialiste, hédoniste et individualiste qui nous étouffe et nous pollue ? Bardèche voit dans le nationalisme, et plus précisément dans le fascisme, mais un fascisme adapté à notre temps et revisité, réactualisé, débarrassé des erreurs et des fautes qu’il a pu commettre naguère, le moyen de redonner un idéal à des hommes dont les convictions sont évanescentes, les principes faussés, les idéaux absents :

« Le destin des hommes peut encore être une raison de vivre. Si nos vies sont condamnées à la nuit, la joie de construire, la joie de se dévouer, la joie d’aimer, et aussi le sentiment d’avoir fait loyalement notre métier d’homme, sont encore l’ancre à laquelle nous pouvons nous attacher. Ces avenues qu’on se trace pour soi, c’est elles qui ont sauvé les hommes de notre temps qui ne se résignaient pas à la médiocrité et au dégoût… Le fascisme véritable consiste précisément à associer toute la nation à cette œuvre, à la mobiliser tout entière pour elle, à faire de chacun de ceux qui travaillent un pionnier et un soldat de cette tâche et à lui donner ainsi cette fierté d’avoir combattu à son rang… C’est un signe d’abâtardissement lorsque le culte d’un homme est substitué à la tâche à accomplir et lorsque la nation n’est plus nourrie que de paroles, d’autorité sans programme, de portraits en guise de principes : elle n’est plus alors qu’un âne qu’un gendarme traîne derrière lui ».

« La discipline d’une nation est une arme qui se forge comme la discipline d’une armée, c’est entendu, c’est un trésor qu’on doit protéger, mais c ‘est aussi et c’est surtout la récompense des hommes qui se donnent tout entiers à leur tâche et qui sont eux-mêmes l’exemple du courage, du désintéressement et de l’honnêteté. »

Pour arriver à leurs fins encore faut-il que les nationalistes ne composent pas avec le régime, ne se laissent pas séduire ou posséder par lui.

Le refus des concessions et des pièges

Dans Les Temps modernes (1952), le beau-frère de Brasillach sait viser juste en dénonçant le piège de l’union sacrée :

« Il y a trop longtemps que tout ce qui est nationaliste en France tombe toujours dans le même piège que lui tendent la fidélité et la tendresse. Quand les nationalistes ont multiplié pendant des années les avertissements et les admonestations, quand ils ont dénoncé les fautes du régime et qu’ils ont montré que la nation devait se séparer coûte que coûte des hommes qui la conduisent à sa perte, quand le drame qu’ils ont prévu, annoncé, éclate : alors, à ce moment, les hommes du régime cherchent invariablement à se sauver en proclamant que la défense de la nation s’identifie avec la défense du régime et que frapper le régime c’est frapper la patrie. A ce moment, les hommes de la nation devraient refuser implacablement cette identité menteuse par laquelle ils s’associent en réalité à l’assassinat de la patrie.

Ils ne peuvent sauver l’avenir de la nation elle-même qu’en exigeant une abdication préalable et en fondant le redressement national non sur les causes qui ont provoqué la défaite et qui ne pourront qu’en provoquer d’autres, mais sur les leçons de la défaite elle-même qui exigent qu ‘on suive des routes nouvelles avec des hommes différents.

« Ce n’est pas ce qu’ils font, hélas, ce n’est jamais ce qu’ils font. Ils n’écoutent que leur cœur, ils ne voient que la patrie sanglante : et ils donnent, tête baissée, dans le panneau de l’union sacrée, offrant à des adversaires qui n’ont pas changé la caution de leur présence et l’appui précieux de leur sacrifice. (…) Les républicains ont souhaité Sedan et ils ont applaudi Sedan, les bolcheviks ont provoqué l’écroulement du front russe et ils ont signé la paix de Brest-Litovsk, les résistants ont salué le bombardement de nos villes et ils ont voulu la guerre civile : et nous, nous ne souhaiterons jamais Sedan et nous n’accepterons pas Brest-Litovsk et nous n ‘appellerons pas la guerre civile : aussi les républicains, les bolcheviks et les résistants se sont-ils finalement installés au pouvoir sur ces ruines que nous repoussons. (…)

« Si la France doit pouvoir compter sur nous, parce que nous sommes des nationalistes (…), chaque fois que ses intérêts essentiels et en particulier l’intégrité de son territoire sont en jeu, ne perdons jamais de vue cependant que l’essentiel, dans l’intérêt de la patrie elle- même, c’est que le régime actuel disparaisse : notre devoir de nationaliste est, par conséquent, de saisir chaque occasion, chaque revers, chaque tournant de l’histoire, pour le frapper. C’est en portant constamment cette pensée avec nous que nous saisirons un jour l’instant offert par l’histoire, la brève trouée par laquelle pourra passer notre renaissance. Il n’est pas vrai qu’une fatalité historique emporte les peuples comme un fleuve vers leur perte. Ce sont les peuples qui font leur destin. Ils le font comme les hommes par la volonté et le courage. Regagnons la disposition de notre volonté et nous regagnerons aussi un avenir. »

La nécessité d’une foi et d’un idéal

Mais quel est donc pour Bardèche l’État à construire ? « Le meilleur des États serait celui dont Sparte fournirait l’armure et les Sudistes la pensée » note Bardèche dans son dernier essai Sparte et les Sudistes (1967) où il donne également de précieux conseils pour constituer un groupement politique nationaliste dans le monde d’aujourd’hui.

« Pour former des hommes, un groupe politique doit porter une idée, combattre, exiger. Des partis croient assurément être conformes à ce programme : c’est parce qu’ils ne donnent pas aux mots le sens que je leur donne. Porter une idée, c’est posséder une certaine idée de l’homme, de la société, de la morale, qui inspire à la fois la conduite qu’on adopte et les jugements qu’on porte sur les hommes et les événements. Tous les partis croient effectivement porter une idée. Mais comme l’idée qu’ils portent, c’est-à-dire leur notion de l’homme, de la société, de la morale, ne gêne nullement le fonctionnement de la société de consommation, mais au contraire l’accepte et le favorise, et, par conséquent, accepte et favorise du même coup notre conditionnement et notre dénaturation, il faut ajouter quelque chose à notre définition. Un groupe politique n’est un instrument d’éducation que s’il rejette par un refus radical la société dans laquelle il vit, le faux humanisme et la fausse morale qui sont ceux du siècle ».

« Un tel groupe politique doit avoir quelque chose d’une religion … II souhaite la disparition ou la soumission des autres croyances. A ce prix seulement, il apporte une idée claire de la vie et du devoir, un instrument intellectuel qui permet de juger à tout instant les événements. Il est l’école de formation intellectuelle la plus complète parce qu’il enseigne une doctrine. Et il a des chances de s’imposer si, à un moment donné, les religions concurrentes vacillent et doutent, ce qu ‘on voit à leur empressement, généralement vain, à s’adapter et à « se mettre à jour. » »

Ce n’est pas faire injure aux différents partis nationaux, tant en France qu’à l’étranger, que de constater qu’ils sont généralement bien loin de cette définition du groupement politique nationaliste. Trop souvent, le souci de rectitude doctrinale, de probité morale, d’opposition sans concession au régime, d’exemplarité des chefs ne sont pas mis au premier plan des préoccupations de ces mouvements, quels que soient par ailleurs leurs mérites. Et même plus gravement encore l’on remarque ici ou là une fâcheuse volonté de recentrage, d’attiédissement des positions, l’absence de ligne directrice, les fluctuations dans le discours, la contamination par l’adversaire ou le souci de ne pas lui déplaire, ce qui n’empêche d’ailleurs pas la défaite d’être toujours au rendez-vous. On justifie l’amollissement du discours par la volonté d’efficacité, et à l’arrivée il y a à la fois l’échec et le reniement. Trop souvent aussi l’on emploie le vocabulaire de l’adversaire, parlant de valeurs vagues et abstraites. Or, tout le monde a des valeurs ou prétend en avoir. Nos politiciens ne portent-ils pas en bandoulière leurs fameuses valeurs républicaines ? Ce ne sont pas des valeurs qu’il faut défendre, ce sont des vertus qu’il convient de pratiquer et d’enseigner. Ce qui est autrement exigeant. Telle est la leçon politique de Bardèche qui resta d’ailleurs à l’écart des groupements électoraux tout au long de sa vie car ce n’était pas là sa mission.

Reste bien sûr qu’être nationaliste, antirégimiste aujourd’hui a un prix. Bardèche, qui n’a pas hésité à aborder quoi qu’il en coûte la question taboue du révisionnisme historique, le savait mieux que quiconque :

« L’indépendance de la pensée se paie. Elle se paie presque toujours très cher. Et nul ne peut dire si tant de sacrifices seront recueillis, ou seulement retenus, par l’insondable avenir. Il y a un pari à se faire le champion de la vérité et de la justice, et ce pari ne se gagne pas souvent. »

L’indépendance de la pensée à un prix

« Ceux que le train de ce monde ne satisfait pas, s’ils sont sincères et s’ils refusent de se taire, s’ils refusent aussi de s’affilier à quelque jésuitière tutélaire, il ne leur reste qu’à s’engager dans ces légions maudites qui furent de tout temps le dernier refuge de la liberté. Qu’ils sachent alors qu’ils parleront pour la justice et la vérité, mais qu’ils parleront devant des portes closes, comme des mendiants auxquels on n’ouvre pas. (…) Qu’ils sachent qu’ils n’auront droit ni à la publicité polie qui récompense les carrières décentes, ni à cet avancement qu’on reçoit à l’ancienneté à force de modestie et de soumission. Qu’ils sachent qu’ils seront pauvres. Qu’ils sachent qu’ils seront seuls. (…) Qu’ils sachent tout cela, et qu’ils se lèvent : car tout ce qui a été fait en ce monde a été fait partout par eux », écrit-il en février 1954 dans Défense de l’Occident alors qu’après six ans de procédure, il vient d’être condamné à un an de prison ferme pour la publication de Nuremberg ou la Terre promise au nom des lois réprimant la propagande anarchiste, lui qui fut toute sa vie un partisan de la discipline, de la hiérarchie et de l’ordre ! Il échappera à l’exécution de sa peine grâce au président René Coty. Comme quoi la IVe République était finalement moins haïssable que la Ve !

On a coutume de dire que les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, Il est vrai que l’homme est bien peu de choses et qu’il est vite oublié de ses semblables, y compris de ses proches. A relire Bardèche, on s’aperçoit pourtant qu’il n’a pas été remplacé. Et que des intellectuels de cette trempe, de cette lucidité, de ce courage et de ce talent manquent terriblement dans le désert où il nous est donné de vivre.

Notes et références

  1. « Ce n'est pas à Dun-le-Roi que se passa mon enfance, mais à Dun-sur-Auron qui n'était plus un bourg du roi, mais une municipalité modèle, laïque, républicaine, un des plus solides bastions du parti radical-socialiste. Et je tiens à commencer par ces mots les souvenirs de ma vie: je n'ai pas toujours été un fils ingrat de la République, j'ai été, au contraire, un bon petit soldat de la République (...) J'avais cru aux images de mon livre d'histoire. Le petit Lavisse du certificat d'études, bien qu'on eût cherché par tous les moyens à en effacer l'empreinte de mon cœur, il avait modelé mon inconscient beaucoup plus profondément que je ne croyais. Je croyais à Hoche, à Jemmapes, à Fleurus, aux soldats de l'An II (...) Le régime fasciste, par ce qu'il contenait de solidarité, à cause de cette belle image de tout le peuple uni comme un faisceau, comme une gerbe, comme une botte bien serrée d'adhésions et de volontés, ne représentait pas un régime nouveau, comme on le croyait, comme on le disait, mais une transcription du mot de « République » dans le vocabulaire de notre temps. Dans cette union de tous, je retrouvais ce que j'avais admiré jadis dans la Convention, chez ces héroïques Montagnards qu'on m'avait, en effet, appris à admirer, bien qu'ils aient fini par s'égorger entre eux, mais sans cesser néanmoins d'être des « frères », unis dans le même violent amour de cette Révolution qu'ils incarnaient. » (Souvenirs, éd. Buchet-Chastel, 1993, p. 106-107, 118).
  2. Paul Durand et Philippe Randa, « Maurice Bardèche, présent ! », Résistance, n°6, mai-juin 1998, p. 6-7.
  3. Philippe Baillet, L'autre tiers-mondisme : des origines à l'islamisme radical : fascistes, nationaux-socialistes, nationalistes-révolutionnaires entre défense de la race et solidarité anti-impérialiste, Saint-Genis-Laval, Akribeia, 2016, 475 p., p. 145-156