Paul Chack

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Louis Paul André Chack, dit Paul Chack, né le 12 février 1876 à Paris et fusillé le 9 janvier 1945 au fort de Montrouge, à Arcueil, était un officier de marine, un écrivain et et un militant politique français.

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Biographie

De singulières origines familiales

La naissance (le 12 février 1876 à Paris) et l’appartenance familiale de Paul Chack sont assez singulières. Paul est le deuxième enfant d’une cantatrice, Marie Chack (devenue, pour la scène, Marie Scalini[1], elle-même fille d’un parfumeur parisien, et d’un aristocrate irlandais d’origine anglaise, lord Fingall. Ce dernier n’épousa pas Marie, se refusant à une mésalliance que sa famille et son milieu eussent réprouvée. Mais il lui assura une coquette rente, qui lui permît de vivre luxueusement et de donner le meilleur avenir à ses enfants. Après son retrait de la scène (1884), Marie se consacra à des œuvres caritatives, et créa un Orphelinat des Arts, destiné à recueillir les enfants orphelins d’artistes, qu’elle dirigea jusqu’à son décès, en 1931[2]. À ses parents, Paul Chack dut une existence des plus aisées et un patrimoine considérable[3].

Marin de vocation mais élève officier peu enthousiaste

Très vite, Paul Chack sent l’appel de la mer. Il s’agit là d’une vocation toute personnelle. Son père ni aucun de ses ascendants mâles n’étaient marins. Comme il devait l’expliquer plus tard, ce sont ses lectures de Jules Verne et d’autres auteurs ayant écrit sur la mer, les bateaux et les marins qui décidèrent de son choix. Et donc, en octobre 1893, il entre à l’École navale, à un rang de classement relativement modeste (50e sur 75), optant pour une carrière d’officier. Il est alors élève officier sur deux navires-écoles successifs : le Borda et l’Iphigénie. Trois ans plus tard, en octobre 1893, il devient aspirant de 1ere classe. À l’École navale, Paul Chack ne se sent pas submergé d’enthousiasme par sa condition d’élève officier. Sans doute rêvait-il plus d’une vie de marin pur (marin solitaire, éventuellement aventurier, ou membre de la marine marchande) que d’une carrière militaire, avec ce que cela comporte de contrainte et d’esprit de corps. Il déplore également le caractère par trop intellectuel, mathématicien et théorique de la formation des élèves. Mais il se fait une raison et s’efforce de devenir un jeune officier conforme aux attentes de ses supérieurs.

La brillante carrière d'un jeune officier

Affecté sur le cuirassé Hoche, puis sur le Masséna, il est promu enseigne de vaisseau en 1899. Il exerce alors la fonction de second à bord de l’aviso Mouette, et est envoyé dans une station navale à Constantinople. Cette affectation dans l’Empire ottoman va lui donner une première occasion de se distinguer. En 1901, un incendie éclate à Constantinople et ravage une partie de la ville. La station navale, où mouille la Mouette, est appelée à la rescousse. L’enseigne de vaisseau Chack se distingue, et lutte avec courage, dans des conditions dangereuses, contre le sinistre, qui sera finalement jugulé. Cet acte de bravoure lui vaut une médaille d’or, remise par le sultan Abdulhamid II.

Breveté en 1902, après un long stage sur letorpilleur Algésiras, il se voit affecté en 1905 à bord du sous-marin Grondin. Professeur à l’école des marins torpilleurs de Toulon, il est affecté, en 1905, au service hydrographique de la Marine. La même année, il convole avec celle qui partagera sa vie, Marie Royer. De cette union naîtront deux enfants, Colette et Jean-Jacques. 1906 voit son élévation au grade de lieutenant de vaisseau. Paul Chack devient peu à peu un officier en vue, tant de par ses mérites qu’en raison de son ascendance prestigieuse : fils (de naissance irrégulière, il est vrai) d’un lord britannique et d’une ancienne cantatrice connue, elle-même issue de la haute bourgeoisie. Il fréquente le monde, est invité à maintes réceptions, et fait la connaissance de hauts fonctionnaires et d’hommes politiques. Cela explique qu’en 1908, il devienne officier d’ordonnance du gouverneur général de l’Indochine[4]. Il s’agit là d’une fonction honorifique, gratifiante et utile pour son titulaire, mais qui éloigne tout de même ce dernier du service armé et des occasions de s’y distinguer.

Puis Paul Chack est nommé, en 1911, officier instructeur à l’école des canonniers de Toulon, ce grand port miliaire. À cette occasion, il confirme son aptitude pédagogique. L’année suivante, il devient officier canonnier à bord du cuirassé Jauréguiberry. Ses supérieurs font de lui les éloges les plus enthousiastes et demandent qu’il fasse l’objet d’une promotion des plus rapides. Ils sont entendus, et Paul Chack prend le commandement du cuirassé Courbet en 1914.

La Grande Guerre commence alors. Elle va lui permettre de se distinguer au combat. Commandant du contre-torpilleur Massue, il prend part aux opérations navales en Méditerranée, dans l’Adriatique, dans le détroit des Dardanelles, prend part à l’évacuation par la mer de l’armée serbe en déroute, participe au blocus des côtes de l’Anatolie, ainsi qu’à l’escorte de convois pour notre armée d’Orient. Le 27 novembre 1916, il attaque avec une vélocité toute particulière un sous-marin allemand et, à force d’acharnement et d’offensives répétées, parvient à le faire fuir. Ce fait d’armes lui vaut une citation à l’ordre de l’Armée. Promu capitaine de corvette en juillet 1917, il se voit affecté à l’armement des navires de commerce, dans le port du Havre, puis commande le front de mer en Gironde. En 1918, il est fait officier de la Légion d’Honneur. Élevé au grade de capitaine de frégate en juin 1920, il prend le commandement du cuirassé Provence. Il deviendra capitaine de vaisseau, son grade le plus élevé, en juillet 1929.

La révélation d'une vocation d'écrivain, induisant un changement d'orientation

Lorsque prend fin la Grande Guerre, Paul Chack apparaît comme un officier de marine promis au plus brillant avenir. Eût-il poursuivi sa carrière dans le service armé, il aurait sans aucun doute accédé au grade d’amiral et fût devenu un des dirigeants, voire le commandant en chef de la Marine nationale. Pourtant, il ne suivra pas cette voie toute tracée. Pourquoi ? Il y a, à ce changement de direction plusieurs raisons, d’ailleurs complémentaires. Certes, Paul Chack ne manquait pas d’ambition. Et c’est dans le service armé de la Marine nationale qu’il avait les plus grandes chances de s’illustrer, et d’accéder à de hautes responsabilités et, peut-être, à la gloire. Mais, depuis toujours, il a une vocation rentrée d’écrivain. Son amour de la mer et de la vie de marin l’a mené, en fait, dans deux directions nullement incompatibles : la carrière d’officier, et celle d’écrivain désireux de traduire littérairement cet amour, les émotions qu’il fait naître en lui, et de narrer les grands moments de l’histoire de la marine française, de retracer son développement et de faire revivre les aventures diverses et les faits d’armes de ses serviteurs à travers les temps.

Paul Chack appartient à la catégorie particulière des marins-écrivains, comme Pierre Loti et Claude Farrère.

L'influence de Claude Farrère

Celui-ci est devenu très tôt le grand ami de Paul Chack. Tous deux ont le même âge, sont nés la même année, à seulement deux mois et demi d’intervalle[5]. S’étant connus dès 1893, en tant qu’élèves de l’École navale, à bord du navire-école Borda, ils se sont immédiatement découverts des affinités morales et intellectuelles extrêmement profondes et un commun besoin d’écrire en même temps que de servir sous le pavillon français. Chez Claude Farrère, toutefois, la vocation d’écrivain est plus nettement affirmée que chez Paul Chack. Le premier s’affirmera comme un romancier abondant et riche de talent, alors que le second n’écrira jamais d’œuvres de fiction et s’en tiendra à ses récits des grands moments de la marine française. Les deux hommes se sont retrouvés ensemble à Constantinople, à bord de La Mouette en 1901, puis à l’école des canonniers de Toulon en 1911. Comme Paul Chack, Claude Farrère a brillamment servi durant la Première Guerre mondiale ; il est devenu capitaine de corvette en 1918. Claude Farrère s’est choisi Pierre Loti comme modèle. Comme lui, il s’est donné un pseudonyme pour sa carrière littéraire : son nom véritable — et celui sous lequel il servit comme officier — est Frédéric-Charles Bargonne[6]. Comme lui, il est essentiellement romancier, et un romancier poétique. Et il l’a bien connu, a servi sous ses ordres, sur le contre-torpilleur Vautour, commandé par Viaud-Loti en 1903.

Paul Chack, lui, ne va pas voir en Claude Farrère un modèle à imiter, mais ce dernier va néanmoins jouer un rôle déterminant dans l’infléchissement de sa carrière vers la littérature maritime. Claude Farrère quitte la Marine nationale en octobre 1919, un an après son accession au grade de capitaine de corvette, pour se consacrer exclusivement à son œuvre d’écrivain. Son exemple incite Paul Chack non pas à abréger lui aussi sa carrière militaire, mais à se trouver, grâce à son affectation au service historique de la Marine, une situation professionnelle plus compatible avec son activité littéraire que celle d’officier en service commandé. Aussi, il demande, en 1921, à être muté au service historique de la Marine nationale, ce qui lui est accordé, mais à regret, ses supérieurs et le ministère de la Marine acceptant mal la mise au rancart d’un officier aussi méritant. Paul Chack prend d’abord la direction de la vieille Revue maritime, avant de se voir nommé, en 1923, chef du service historique. En 1921, l’œuvre écrite de Paul Chack n’a pas encore dépassé le stade du projet. Pour tout dire, elle se limite à la publication confidentielle d’un opuscule à caractère professionnel intitulé Instructions nautiques. Mer de Chine, édité par l’Imprimerie nationale en 1907. Cela fait une différence notable avec Claude Farrère qui, lorsqu’il quitte la Marine nationale en 1919, est déjà un écrivain célèbre, auteur de quatorze romans, dont l’un, Les Civilisés, a été récompensé par le prix Goncourt en 1905. Écrivain à part entière, et reconnu comme tel[7], Claude Farrère verra s’ouvrir devant lui les portes de l’Académie française, le 28 juin 1935[8], soit le même jour que Jacques Bainville et André Bellessort. Paul Chack, lui, restera un marin-écrivain, un écrivain maritime, et il ne pourra être admis à siéger qu’au sein de l’Académie maritime, à partir de 1927. Cela ne l’empêchera pas, son succès et l’amitié de Claude Farrère aidant, de briller dans le monde des lettres, et d’être élu vice-président de la Société des Gens de Lettres en 1932. En 1936, il succède à Claude Farrère comme président de l’Association des Écrivains-Combattants.

Une œuvre littéraire et historique abondante et couronnée de succès

À partir de 1921, Paul Chack va publier un grand nombre d’ouvrages relatant les grands moments de la Marine nationale, notamment durant la période contemporaine. Ils enchanteront de nombreux lecteurs. Et ils seront à l’origine de bien des vocations de marins, aussi bien de marins militaires que de marins marchands ou de marins aventuriers, solitaires ou non. Paul Chack deviendra très vite un auteur à la mode, engrangeant les succès de librairie, livre après livre. Il publie successivement, durant l’entre-deux-guerres : La guerre des croiseurs. Du 4 août 1914 à la bataille des Falklands (1922), Combats et batailles sur mer (en coll. avec Claude Farrère, 1925), On se bat sur mer (1926), Sur les bancs de Flandre (1927), Ceux du Blocus (1928), Les belles croisières françaises (1929), Pavillon haut (1929), L’homme d’Ouessant ; Du Chaffault (1931), Branlebas de combat (1932), Deux combats navals, 1914 (1932), HoangTham, pirate (1933), Deux batailles navales (1935), Croisières merveilleuses (1937), Traversées épiques (1938), Petits navires, grandes luttes (1938), La bataille de Lépante (1938), Tu seras marin (1938), Luttes sans merci au nord et au sud (1938), Les frégates du roi (1939), Du Maroc à l’Océan indien (1939). Et la liste pourrait encore comporter quelques titres.

On le voit, ces ouvrages ressortissent à des genres très divers : récit des grands combats navals de la Grande Guerre, histoire de la marine, et pas seulement militaire, biographies, exhortations aux futurs marins, etc. On aurait tort de penser que Paul Chack se contente d’écrire en faisant appel à ses souvenirs, à ses lectures, et en laissant courir son imagination. Ses récits historiques se signalent par une grande rigueur et un souci majeur d’exactitude : ainsi, son premier ouvrage majeur, La guerre des croiseurs (1922), en deux volumes, comporte deux atlas de son cru ; et Ceux du Blocus (1928) est riche de 11 cartes dessinées par l’auteur lui-même. Il collectionne les récompenses, les louanges et les amitiés littéraires : outre Claude Farrère, il est l’ami de Pierre Benoît, qui exercera sur lui un influence considérable et fera de ce militaire ancien combattant et hostile à l’Allemagne, un germanophile convaincu. Il fréquente également Alphonse de Châteaubriant et Jacques Chardonne, autres admirateurs de l’Allemagne, Henry Bordeaux, Jean Cocteau, le jeune Henri Troyat, et des écrivains connus pour leur aversion à l’égard des Allemands, tels Roland Dorgelès, ancien “Poilu” et auteur des Croix de bois (1919), et François Mauriac. Se fût-il contenté de sa gloire littéraire (et ce n’était pas négligeable), Paul Chack serait resté ce qu’il était alors, un grand écrivain maritime, à la fois historien, biographe et narrateur aux évocations enchanteresses, et serait encore lu et admiré de nos jours, malgré les changements de goûts, de sensibilité et de modes.

L'engagement nationaliste

Mais, pour son malheur et celui de sa postérité, il fut saisi, tardivement (à plus de cinquante ans) par le démon de la politique. Hors du service armé, il éprouva la tentation de l’engagement, au sens strict du mot.

Issu de la haute bourgeoisie, fils d’un aristocrate et d’une artiste lyrique connue, officier supérieur formé par l’École navale, Paul Chack ne pouvait s’engager qu’au sein de la droite, et plus précisément de la droite nationale. Il n’avait pas la fibre républicaine et démocratique et, comme beaucoup d’autres, il critiquait les carences et l’incurie de la IIIe République, régime parlementaire impuissant, incapable de se réformer pour s’adapter aux exigences du monde nouveau surgi de la Grande Guerre, et sacrifiant l’intérêt national aux luttes et tractations de partis et autres coteries. Cependant, s’il souhaitait une réforme constitutionnelle propre à l’instauration d’un État fort délivré des abus et entraves parlementaires, il ne préconisait pas un coup d’État et l’instauration d’une dictature. De ce fait, il se sent plus proche des Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger ou des Croix de Feu de François de La Rocque que de l’Action française, qui ne va cesser de se radicaliser durant toute l’entre-deux-guerres. Et il n’est pas antisémite ; à tel point que, lors d’une grande réunion publique contre l’antisémitisme nazi, tenue le 10 mai 1933 sur la place du Trocadéro, il comptera parmi les personnalités invitées par la Ligue contre l’antisémitisme (LICA). Il subit l’influence de Charles Trochu[9], personnalité de droite influente, proche des Croix de Feu et futur conseiller municipal de Paris. Il est aussi actif au sein de l’Association nationale des Officiers Combattants et du Club de l’Effort. Ces deux associations deviennent des composantes du Front national[10] qui s’efforce de fédérer les différentes formations de la droite nationale.

Le souhait d'un régime autoritaire

L’inanité des mouvements nationalistes classiques va l’amener graduellement à des positions extrêmes. Il se rapproche tout d’abord de l’Action française, dont il ne sentait pourtant pas initialement proche, malgré son estime pour l’œuvre de Charles Maurras. Il écrit dans Gringoire, hebdomadaire nationaliste qui mène des attaques véhémentes contre le régime et la gauche. Il se rallie progressivement à l’idée d’un régime autoritaire et antidémocratique, abandonnant ses anciennes réserves à ce sujet. Mais il ne se rallie pas à une formation politique déterminée. Il ne croit pas à l’idéal de restauration monarchique de Charles Maurras. Les Jeunesses patriotes et les Croix de Feu lui paraissent dépassées. Il admire le régime fasciste de Mussolini, mais se révèle beaucoup plus réservé à l’égard du régime national-socialiste, car le patriote qu’il est et l’ancien combattant de 14-18 qu’il fut perçoit toujours l’Allemagne comme l’ennemie héréditaire de la France et il pense qu’Hitler cherche l’occasion de prendre une revanche sur notre pays et nourrit des projets belliqueux et annexionnistes au nom de la théorie de l’espace vital dont le Reich, selon lui, a besoin. De plus, nous l’avons dit, il réprouve l’antisémitisme nazi. Il va même jusqu’à exhorter publiquement les autorités françaises à accueillir les Juifs persécutés outre-Rhin. Cette attitude lui est dictée par le patriotisme plus que par un souci humanitaire : féru d’histoire, il se rappelle que l’expatriation de nombreux protestants à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV (1685) avait enrichi les divers royaumes et principautés du Saint-Empire de toute une élite économique et intellectuelle d’origine française ; il escompte, au bénéfice de notre pays, un résultat analogue de l’accueil des Juifs persécutés en Allemagne, beaucoup d’entre eux étant instruits, diplômés et aisés, et exerçant de brillantes activités financières, commerciales, industrielles et universitaires. Il reste qu’il incline de plus en plus vers l’émergence d’un fascisme français qui soit non pas une copie servile de celui de l’Italie et inclinant à l’alignement sur lui, mais pénétré de notre identité nationale et du sens de l’intérêt supérieur de notre pays. Paul Chack veut bien une manière de fascisme français, mais qui ne soit pas à la remorque de celui de Mussolini et qui sache préserver les intérêts de la France vis-à-vis de l’Italie, et, plus encore, de l’Allemagne, qu’il redoute toujours.

Mais la droite nationale peine à accoucher d’un fascisme spécifiquement français qui tienne la route. Le Faisceau de Georges Valois a tourné court et a disparu au terme de deux ans d’une existence chaotique (1926-1928) ; le Francisme de Marcel Bucard, apparu à l’automne de 1933, ne parvient pas vraiment à percer, tout comme la Solidarité française (née en 1937) de Jean Renaud.

Proche de Jacques Doriot

Ce n’est qu’en 1937 que Paul Chack va trouver un parti politique répondant à ses espérances, dans le Parti populaire français (PPF), fondé le 28 juin 1936 par Jacques Doriot, un ancien dirigeant communiste taillé en force, intelligent, doué d’un grand sens politique et brillant tant par ses talents oratoires que par ses qualités d’organisateur. Paul Chack va faire partie de ces nombreux intellectuels, tels Abel Bonnard, Alfred Fabre-Luce, Paul Marion, Bertrand de Jouvenel, Pierre Drieu La Rochelle, Ramon Fernandez et autres à se rallier à Doriot comme à un homme providentiel. S’il n’adhère pas directement au PPF, il se mêle aux Cercles populaires français, qui en sont une organisation satellite. En décembre 1938, il présidera un meeting de la fédération parisienne du PPF aux côtés de Doriot lui-même, Paul Marion et Ramon Fernandez, grand animateur des Cercles populaires français.

Paul Chack ne borne d’ailleurs pas ses interventions publiques aux seules manifestations du PPF. En juillet 1937, il prend la parole devant les quelque 30 000 personnes venues saluer la libération de Charles Maurras, qui vient de passer près de neuf mois à la prison de la Santé. En mars 1938, il prend position en faveur des nationalistes pendant la guerre civile espagnole. En mars 1939, il saluera la victoire du général Franco. Il acquiert ainsi, graduellement, une image politique certaine. En novembre 1934, Paul Chack quitte définitivement la Marine en prenant sa retraite, en même temps qu’il est élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur. Les raisons de son départ ne sont pas tout à fait claires. Certes, Paul Chack, en tant que responsable du service historique de la Marine nationale, ne disposait pas de tout le temps nécessaire à son activité d’auteur, d’autant plus qu’il écrivait beaucoup de livres. La retraite lui offrait, à cet égard, tout le loisir souhaitable. Elle le libérait par ailleurs, au plan de son engagement politique. Les militaires, on le sait, sont tenus à une stricte obligation de réserve[11]. Or, Paul Chack restait un officier en activité, même s’il ne servait plus dans les unités combattantes et ne passait pas son temps à bord d’un navire de guerre. S’exprimant sur des sujets politiques dans des meetings et des articles de journaux, militant dans des mouvements, eux aussi politiques, il manquait à cette obligation, ce qui le mettait dans une position délicate vis-à-vis de ses supérieurs, et lui posait un problème de conscience. Seule la retraite le rendait irréprochable à cet égard. Enfin, il est possible que le gouvernement (alors de droite, mais d’une droite républicaine, et associée tout de même aux radicaux) ait plus ou moins cherché à écarter cet officier affilié à des formations politiques hostiles au régime. Cela expliquerait le pincement au cœur et le sentiment de contrariété que montra Paul Chack lorsqu’il regagna la vie civile, à la fin de l’année 1934.

Le retour à la vie civile, en tout cas, le libérait de toute contrainte et de tout problème de conscience.

Le ralliement au régime de Vichy

La guerre éclate le 3 septembre 1939 entre la France et la Grande-Bretagne, d’une part, l’Allemagne de l’autre. Au début de 1940, Paul Chack demande à servir. Curieusement, le gouvernement l’affecte au ministère de l’Information. Le printemps 1940 voit la déroute complète de l’armée française, tragédie qui mène à la conclusion de l’armistice du 22 juin, à l’occupation des deux tiers du territoire français, et à la substitution à la République, du régime de l’État Français, dont le gouvernement, présidé par le maréchal Pétain, s’installe à Vichy, en zone libre. Paul Chack se rallie d’emblée au nouveau régime. Celui-ci, d’ailleurs encore fort imprécis lors de son instauration au début de juillet 1940, lui semble coïncider à peu près avec ses convictions politiques propres. Et, comme l’immense majorité des Français de ce temps, il pense que Pétain est le seul recours possible du pays.

L'influence d'une anglophobie de marin français amplifiée par la tragédie de Mers-El-Kébir

Sans doute se serait-il tenu, comme Maurras, à une ligne de stricte neutralité entre les Alliés et le vainqueur allemand si n’était survenue, les 3 et 4 juillet 1940, la tragédie de Mers-el-Kébir, soit la destruction par canonnades, bombardements et torpillages de notre flotte, actes dont la conséquence fut l’envoi par le fond ou la mise hors d’usage de plusieurs vaisseaux, dont quelques-unes de nos plus belles unités, et la mort de 1297 marins de tous grades. Comme nos amiraux, Darlan, de Laborde, Platon et Esteva, comme tous nos marins, comme des millions de nos compatriotes, Paul Chack ressentit cette sauvage opération britannique comme une trahison ignoble et une criminelle agression, et en conçut une haine mortelle pour le Royaume-Uni, son souverain, son Premier Ministre, Churchill, et tous ses habitants, un sentiment qu’il n’éprouvait pas vis-à-vis de notre vainqueur d’outre-Rhin.

L’anglophobie était de tradition depuis fort longtemps dans la marine nationale française, depuis le XVIIIe siècle. Les marines de guerre britanniques et françaises s’étaient affrontées à maintes reprises en de rudes et mémorables batailles. Incontestablement, les Britanniques étaient les maîtres des mers tant sur le plan des échanges commerciaux que du point de vue militaire, mais les Français s’étaient distingués eux aussi, et s’étaient dotés d’une flotte magnifique, alors la deuxième du monde. Mers-el-Kébir pouvait donc apparaître comme une tentative de la détruire en partie. Toutefois, chez Paul Chack, l’anglophobie traditionnelle de la marine française aurait pu être atténuée par sa naissance : n’était-il pas le fils d’un lord britannique ? Il n’en fut rien. Paul Chack avait peu connu ce père qui ne l’avait pas reconnu et n’avait pas épousé sa mère ; et on a pu supposer qu’il lui en avait voulu de cet abandon (malgré la rente coquette qu’il versait à sa mère, notamment pour pourvoir à sa subsistance et à son éducation). Aussi le sentiment anglophobe de nos marins n’eut-il aucune peine à l’enrober, puis à se dilater à la suite de Mers-el-Kébir. Paul Chack en vint donc, comme les amiraux de Laborde et Platon, à considérer le Royaume-Uni comme l’ennemi naturel de la France, plus que l’Allemagne.

Progressivement, Paul Chack va se rallier à cette vision du conflit mondial comme une guerre opposant la civilisation européenne, moralement supérieure, à un monde anglo-saxon libéral, maçonnique, matérialiste et mercantile, lié à une Russie bolchevique vouée à l’asservissement du monde.

Un collaborationniste convaincu

Gravitant toujours dans l’orbite du PPF, il suit à fond Doriot dans son option en faveur d’une collaboration sans réserve avec l’Allemagne. Le 18 juillet 1941, il participe au grand meeting de lancement de la Légion des Volontaires français (LVF) contre le bolchevisme, au Vélodrome d’Hiver. Il participe activement à la formation du Comité d’Action anti-bolchévique (CAA), officiellement créé à Paris le 8 août 1941, dont il devient le président, et dans le cadre duquel il multiplie les expositions et les conférences (à Paris, Lille, Lyon et autres grandes villes) hostiles à l’URSS et au communisme. Il dote le CAA d’un journal, Notre Combat. Il est le maître d’œuvre d’un ouvrage collectif du CAA intitulé Le bolchevisme contre l’Europe (1942). Le 1er mars 1942, il co-organise l’exposition « Le bolchevisme contre l’Europe ». Le 11 septembre, s’éloignant de Doriot, il participe à la création du Front révolutionnaire national (FNR), coalition des partis collaborationnistes rivaux du PPF, et dont le noyau dur est le RNP de Marcel Déat. Il intègre alors le bureau politique du FNR.

Il fait alors partie des principales personnalités intellectuelles favorables à la politique de Collaboration, tels Alphonse de Châteaubriant, Paul Marion, Pierre Drieu la Rochelle, Abel Bonnard, Pierre Benoît, Jacques Chardonne, Robert Brasillach et le chimiste Georges Claude. Il devient l’un des principaux rédacteurs de l’hebdomadaire Aujourd’hui, pro-allemand, de Georges Suarez. Il donne libre cours à son anglophobie, comme en témoigne son livre Face aux Anglais (1941), en lequel il exprime à Somerset Maugham[12] l’aversion profonde que lui inspire la Grande-Bretagne. Même Face aux Anglais (1942), pourtant d’un caractère plus historique, sera empreint de cette rancœur envers le Royaume-Uni.

Mais l’anglophobie et le sentiment de la nécessité d’une entente avec l’Occupant ne sont pas les seuls ressorts de l’option de notre héros en faveur d’une collaboration totale avec le Reich. En réalité, Paul Chack connaît, depuis la toute fin des années 1930, une profonde évolution politique qui va le mener d’un nationalisme certes fascisant mais encore assez classique et sourcilleux quant à la stricte indépendance de notre pays, à l’idéal d’une Europe unie, décidée à défendre sa civilisation contre les forces matérialistes et libérales anglo-saxonnes alliées au bolchevisme soviétique, et dont l’Allemagne serait le bras armé, les hommes de la Wehrmacht se présentant comme les nouveaux croisés de l’Occident. Et il se persuade, dans cette optique, du devoir pour la France, de contribuer à cette lutte, aux côtés du Reich, grâce au concours apporté à la Wehrmacht par la LVF. Il croit également, dans la logique de ce point de vue, que l’instauration d’un véritable régime fasciste en France amènera tôt ou tard l’Allemagne à considérer notre pays comme un allié et non pas un vaincu vassalisé. Par là, il campe sur le même ligne idéologique et politique que Mgr Mayol de Lupé, Philippe Henriot, Alphonse de Châteaubriant, Jacques Chardonne, Marcel Déat, et intègre la mouvance des ultras de la Collaboration, convaincus jusqu’au tréfonds de l’âme du bien-fondé de leur choix en faveur du Reich, et que rien ne fera changer d’avis, même les défaites allemandes successives, et même lorsque la prévision de l’écroulement de l’Allemagne nazie deviendra une certitude absolue. Et, de fait, rien ne fera dévier Paul Chack de sa ligne ultra-collaborationniste : ni le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, ni le ralliement de toutes nos colonies à la France Libre, ni Stalingrad, ni la chute de Mussolini en 1943, ni la “libération” des territoires russe et ukrainien et des pays d’Europe orientale par les troupes soviétiques, ni les débarquements alliés en Normandie puis en Provence, ni, au sein de la population française, la détestation croissante du régime de Vichy et l’espoir d’une libération prochaine. Conformément à sa vision d’une Europe en lutte contre un monde anglo-saxon judéo-maçonnique, Paul Chack devient antisémite et adhère en 1943 au Cercle aryen, fondé par Henry Coston et Jacques Ploncard d'Assac.

Un procès bâclé suivi d'une exécution sommaire

À la Libération, il refuse de fuir car il entend courageusement assumer ses responsabilités et estime sa cause politique juste. Arrêté le 23 août 1944, il est jugé en une seule journée, le 18 décembre, par la Cour de Justice de la Seine. Le procureur Vassart, résistant et communiste, débite contre lui un réquisitoire implacable, refusant de tenir compte de son passé d’ancien combattant, de ses qualités d’auteur et de son âge (68 ans[13]), et le qualifiant d’« officier félon ». Les juges se rangent à son avis et condamnent à mort l’accusé. Paul Chack sera fusillé au fort de Montrouge dans la matinée du 9 janvier 1945, devenant ainsi, après Georges Suarez (exécuté le 9 novembre 1944) le deuxième écrivain collaborationniste de renom à être passé par les armes. Brasillach suivra le 6 février, en attendant d’autres. Avant de tomber sous les balles, il dira, en manière de réponse tardive au procureur Vassart, qui l’avait tant flétri :

« Je meurs. Un homme qui meurt pour ses idées est toujours estimable. ».

Ouvrages

  • Au large d’Ouessant
  • Du Maroc à l’Océan Indien
  • Les Explorateurs
  • Face aux Anglais
  • La Fin d’un Pirate
  • Courbet. Le vainqueur de Fou-Tchéou, Amiot-Dumont
  • (ouvrage pour la reliure duquel Jean Goulden réalisa des émaux) Les Grandes Croisières françaises
  • Des Dardanelles aux brumes du Nord
  • Patrouilles tragiques dans la nuit
  • Combats de mer au grand soleil
  • La Route des Indes sauvée par la France
  • Héros de l’Adriatique
  • Survivants prodigieux
  • Sur mer… Et dessous
  • Luttes sans merci au sud et au nord
  • (illustrations de Léon Haffner) Avions, torpilleurs et voiliers au feu illustrations de Léon Haffner
  • Petits navires, grandes luttes
  • La Bataille de Lépante
  • Trafalgar
  • Hasards de guerre
  • Les Frégates du Roi
  • La Guerre des croiseurs, du 4 août 1914 à la bataille des Falkland (deux volumes et deux atlas)
  • (avec 2 cartes dessinées par Paul Chack) Sur les bancs de Flandre, 1927
  • (avec 11 cartes dessinées par Paul Chack) Ceux du blocus, 1928
  • (dessins de Léon Haffner) Tu seras marin, 1939
  • (avec Jean-Jacques Antier) Histoire maritime de la Première guerre mondiale, France-Empire, 3 volumes.
  • Hoang-Tham, pirate, 1933

Bibliographie

Notes et références

  1. Comme le remarque Francis Bergeron dans sa biographie de Paul Chack (éditions PARDES, 2013), Scalini est une forme italianisée de Chack, peut-être choisie par Marie en raison du prestige de l’Italie dans les domaines de l’opéra et de l’art lyrique en général.
  2. Elle était née en 1852.
  3. Il hérita de sa mère une belle villa (La villa irlandaise) au Vésinet.
  4. Alfred Bonhours jusqu’en septembre, puis Alexandre Klobukowski, un gendre de feu Paul Bert.
  5. Rappelons que Paul Chack est né à Paris le 12 février 1876. Claude Farrère, lui, est né à Lyon le 27 avril de la même année. Il s’éteindra à Paris le 21 juin 1957
  6. Rappelons ici que le véritable nom de Pierre Loti était Julien Viaud.
  7. De son vivant, Claude Farrère, aujourd’hui oublié, était considéré comme un des très grands écrivains français du XXe siècle, et traduit et diffusé dans de nombreux pays étrangers.
  8. Il fut élu, avec une majorité de cinq voix, contre Paul Claudel, lequel devra attendre 1946 pour siéger sous la Coupole.
  9. Petit-neveu du général Louis Trochu, gouverneur militaire de Paris sous Napoléon III et président du Gouvernement de la Défense nationale en 1870.
  10. Ce Front national n'a évidemment aucun lien avec le Front national fondé en 1972.
  11. Du vivant de notre personnage, cette obligation s’appliquait avec une rigueur toute particulière aux militaires, lesquels, depuis le décret du 5 mars 1848, se trouvaient privés du droit de vote durant toute leur période d’activité. Ce décret fut abrogé par un autre, du général de Gaulle, du 17 août 1945.
  12. Pourtant celui-ci, né à Paris et ayant appris notre langue en même temps que la sienne, parfait connaisseur de notre pays et de notre culture, était le plus francophile, voire le plus français des Anglais.
  13. Ce qui, à l’époque, est un plus grand âge que de nos jours
  14. La section Biographie de cette entrée est en grande partie reprise de cette article.