L'Esprit public
L'Esprit public était une revue mensuelle politique et culturelle française, qui a paru de 1960 à 1966.
Une revue nationaliste contre le gaullisme
Fondée en décembre 1960 à l'initiative de Philippe Héduy, elle rassemble rapidement un grand nombre d'intellectuels de la Droite française, dont les plumes les plus prestigieuses de l'époque. Son comité éditorial originel comprend, outre Philippe Héduy qui assume la fonction de rédacteur en chef, Jules Monnerot, Jacques Laurent, Jean Brune, Raoul Girardet, André Brissaud, Roland Laudenbach, Philippe Marçais et Étienne Malnoux[1]. D'autres personnalités viennent y apporter leur contribution, comme Michel Déon, Serge Groussard, Hélie Denoix de Saint Marc, Ahmed Djebbour, Jacques Soustelle, Jean-Marc Varaut, Roger Nimier, Antoine Blondin, Pascal Arrighi et Marcel Aymé. Jean Mabire, contacté par Héduy, est d'abord un simple contributeur mais devient ensuite le principal collaborateur du rédacteur en chef.
Héduy souhaitait en faire un hebdomadaire, mais les difficultés financières l'obligent à se contenter d'une formule mensuelle. Pourtant, le tirage atteint dès le départ un chiffre variant entre 20 et 30 000 exemplaires. La revue lance plusieurs initiatives, comme les Éditions de l'esprit nouveau, ou encore le Rassemblement de l'Esprit public, plus politique, dont le président d'honneur est le bachaga Saïd Boualam, fondateur du Front Algérie Française, secondé par Philippe Héduy et Hubert Bassot. Si ce mouvement n'est pas actif en région parisienne, il se fait plus connaitre en province, notamment par son équipe toulousaine, dont l'un des animateurs est Bernard Antony. À Marseille, le REP soutient la candidature de droite antigaulliste de Hubert Bassot aux élections municipales de mars 1965, qui rallie 22 000 électeurs.
Le ciment de l'équipe rédactionnelle est un attachement indéfectible à la cause de l’Algérie française, et son prolongement dans une hostilité à De Gaulle, qui, surtout à partir de son référendum sur l’autodétermination algérienne (8 janvier 1961), s’oriente vers l’abandon de la colonie. L'engagement sans faille de la revue pour l'Algérie française lui a valu d'être considérée comme le porte-parole officieux de l'Organisation armée secrète. La tendance qui domine dans la rédaction est celle d’un nationalisme français de type barrésien, déroulédien ou bonapartiste, mais la revue compte aussi des contributeurs maurrassiens ou fascisants. Jean Mabire va vite s’imposer et grossir la revue d’une tendance nouvelle, nationaliste certes, mais aussi et surtout européiste, partisane d’une union fédérale (ou confédérale) des pays d’Europe pour la défense de la civilisation par la collaboration des nations et la résolution, à l’échelle continentale, du problème social. Ainsi qu’il le dit à Héduy, il entend « faire évoluer notre public [celui de la revue] du nationalisme français au socialisme européen »[2]. Et, pour imposer ses vues, il fonde, en 1963, un groupe de pression composé de jeunes lecteurs, appelé « Les Jeunes de l’Esprit public »[3].
La tendance représentée par Mabire, malgré le soutien d'Héduy, entre vite en conflit avec les partisans d'un nationalisme français exclusif. Jacques Laurent, Jacques Perret, Raoul Girardet et autres, de sensibilité maurrassienne, quittent le journal.
À l'occasion de l'élection présidentielle de 1965, l'équipe de L'Esprit public s'accorde dans un premier temps pour soutenir la candidature de Jean-Louis Tixier-Vignancour. Il semble en effet capable de rassembler les forces de Droite : il a été, autrefois, Camelot du Roi, puis Croix-de-Feu, puis membre du PPF, a exercé brièvement des fonctions dans le gouvernement de Vichy, a milité activement en faveur de l’Algérie française, a brillamment défendu, comme avocat, Salan et divers responsables de l’OAS. Mabire, qui pourtant ne se reconnaît guère dans ce vieux briscard d'un nationalisme étriqué, antieuropéen et antisocialiste aux allures de notable, se voit chargé par Héduy d’écrire une biographie de Tixier. Celle-ci paraît la même année, sous le titre de Tixier-Vignancour. Histoire d’un Français[4].
Mais la candidature de Tixier va provoquer la fin de L’Esprit public, déjà affaibli par le départ de ses éléments maurrassiens, et miné par ses dissensions internes. Menée par Hubert Bassot, la majeure partie de l’équipe finit par se rallier à la candidature élyséenne de Jean Lecanuet, jugé plus dangereux pour De Gaulle que Tixier, d'autant plus qu'il a promis l'amnistie des partisans de l'Algérie française. Les partisans de Tixier quittent peu à peu la revue, tandis que Mabire est déjà parti à la fin de 1965 pour rejoindre Europe-Action.
L'Esprit public cesse sa parution en février 1966.
Bibliographie
- Anne-Marie Duranton-Crabol, Le Temps de l'OAS, éditions Complexe, 1995.
- Henry Coston, Dictionnaire de la politique française, La Librairie française, 1967.
- Francis Bergeron et Philippe Vilgier, De Le Pen à Le Pen. Une histoire des nationaux et des nationalistes sous la Ve République, éditions Dominique Martin Morin, 1986.
Notes et références
- ↑ Nom de plume de l'universitaire François Natter.
- ↑ Francis Bergeron, Entretien avec Jean Mabire, conteur des guerres et de la mer, Dualpha, 2014, p. 97.
- ↑ Paul-André Delorme, « Jean Mabire (1927-2006), compagnon de route de la Nouvelle Droite », Rivarol, no 3616, 29.5.2024.
- ↑ Paul-André Delorme, art. cit.