Johann Chapoutot

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Johann Chapoutot, né le 30 juillet 1978, est un historien spécialisé dans l'histoire culturelle du national-socialisme.

Biographie

Johann Chapoutot grandit à Martigues. Étudiant en classe de Première littéraire, son professeur d'histoire l'inscrit au concours général d'histoire (1995), dont il est lauréat. Le sujet est « Un ou des fascismes dans l'Europe de l'entre-deux-guerres ? ».

Il est admis au lycée Henri-IV, puis à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud (promotion 1998, classé premier au concours d'entrée dans la série « Langues vivantes »). Il obtient l'agrégation d’histoire en 2001. Il est diplômé de l’Institut d'études politiques de Paris (promotion 2002).

Il est docteur en histoire en 2006, puis habilité à diriger des recherches en 2013.

Il devient professeur d'histoire contemporaine à Sorbonne Université (ancienne université Paris-Sorbonne ou université Paris-IV) en 2016. Il a auparavant été successivement maître de conférences à l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble (2008-2014), puis professeur à l'université Sorbonne-Nouvelle (Paris-III, 2014-2016). Il a également été membre de l'Institut universitaire de France (2011-2016). Lauréat de la fondation Humboldt, il a été chercheur invité à la Freie Universität de Berlin (2015-2016).

En 2015, il remet en question la pertinence de rééditer Mein Kampf d'Adolf Hitler, car elle encouragerait une lecture « hitléro-centriste » du national-socialisme , depuis longtemps dépassée.

Il enseigne l'histoire de l'Allemagne, en particulier son histoire contemporaine depuis 1806, les sociétés européennes au xixe siècle (1815-1914), ainsi que l'histoire mise en regard avec le cinéma.

Thèses et travaux

Histoire culturelle du national-socialisme

Johann Chapoutot pratique une histoire culturelle du national-socialisme : pour comprendre celui-ci, il faut « prendre au sérieux » les idées et les représentations des nationaux-socialistes. Il s'attache à montrer combien elles s'inscrivent dans une tradition culturelle européenne et occidentale (ainsi a-t-il préfacé l'ouvrage de James Q. Whitman sur Le Modèle américain d'Hitler). Ces thématiques ont été l'objet de sa thèse de doctorat (Le National-socialisme et l'Antiquité, 2006) et de son mémoire d'habilitation (La loi du sang, 2014).

La « Révolution culturelle » nationale-socialiste

Avec la parution de son ouvrage La Révolution culturelle nazie (2017), Chapoutot approfondit sa thèse en s'appuyant sur une abondante bibliographie, aussi bien allemande qu'européenne. Son but est le même : exposer la cohérence intellectuelle et culturelle du projet national-socialiste développé par Adolf Hitler.

La thèse exposée par Chapoutot est en effet que le national-socialisme n'est absolument pas « un accident de l'histoire », mais que, bien au contraire, il a construit un système de pensée « distinct de la tradition chrétienne et européenne », un raisonnement « purifié de ses scories humanistes et universalistes ». Ce système n’en est pas moins rationnel et cohérent, pourvu d’une logique que l’esprit peut décortiquer et appréhender. Il s’agit d’un monde en soi, dont les adeptes ont intégré les règles une fois qu’ils avaient opérés sur eux-mêmes cette « révolution culturelle ». La « révolution culturelle » est d’abord une révolution conservatrice : elle vise à « revenir à l’origine, à ce qu’était l’homme germanique, son mode de vie et son attitude instinctuelle à l’égard des êtres et des choses ». Elle définit aussi le corps social comme la communauté populaire (Volksgemeinschaft), suivant une vision organiciste de la société. L’individu n’existe qu’en tant que membre du groupe et son existence ne se justifie que si son action est bénéfique pour celui-ci.

La « révolution culturelle » s'appuie aussi sur une conception racialiste de l’histoire, qui entraîne la nécessité d'une lutte pour la préservation de la race, menacée par un péril biologique. Mais la menace n’est pas seulement biologique, elle est aussi intellectuelle, morale. Il s’agit de désaliéner la race germanique du Christianisme, de la philosophie des Lumières, du matérialisme, en lui rendant son authenticité, et de restituer sa Virilité originelle à la race nordique que les influences extérieures ont dévirilisée. Cette révolution ou ce « retour aux sources » doit se faire à la fois collectivement et individuellement, par un travail de chacun sur lui-même.

La continuité contre-révolutionnaire

Comme Giorgio Locchi, Adriano Romualdi et plus récemment Philippe Baillet, Chapoutot place le national-socialisme dans une « continuité contre-révolutionnaire », qui se nourrit du romantisme exaltant le retour à la tradition mais dans le cadre du Peuple et de la Nation, de conserve avec une découverte, encore pré-scientifique, des concepts raciaux. Il souligne l'hostilité des nationaux-socialistes pour la Révolution française et ses principes. Chapoutot donne en exemple le discours du 1er avril 1933 de Goebbels, qui clame « nous avons effacé l'année 1789 de l'histoire allemande » ou la déclaration de Rosenberg en 1934, suivant laquelle « avec la révolution nationale-socialiste, la philosophie et la pensée juridique de la Révolution française prennent fin ». Chapoutot écrit donc que si le national-socialisme a été révolutionnaire, il l'a été au sens pré-révolutionnaire du terme, puisque, en fait, la réflexion normative nazie veut retrouver la « nature et la naissance de la race, enfouie sous les sédiments de siècles d'acculturation judéo-chrétienne ». De manière proprement contre-révolutionnaire, la « révolution », dans le lexique national-socialiste, signifie « retour circulaire à l'origine  », ce qui était bien le sens du mot avant que les révolutionnaires français ne s'en saisissent dans les années 1780-1790. Chapoutot insiste sur le fait que « l'archétype nazi, c'est bel et bien l'archaïque : cet homme ancien dont on va retrouver la beauté grâce à la statuaire grecque, dont on va refaire le corps grâce au sport et à la médecine, et dont on va retrouver l'instinct grâce à la science ».

« Anti-étatisme » et origines du management

Une autre thèse de Johann Chapoutot, déjà partiellement développée dans ses précédents ouvrages mais approfondie dans Libres d'obéir - Le management, du nazisme à aujourd'hui (2020), est que les nationaux-socialistes auraient été profondément hostiles à l'idée même d'État. Selon le fond de leur conception-du-monde, que Chapoutot qualifie de « sociale-darwiniste », ils auraient voulu faire disparaître progressivement l'État, entité statique qui freinerait l'élan vital, au profit d'une multiplicité d'agences. Celles-ci, constituées de manière provisoire en vue d'objectifs précis et dotées d'un budget défini, auraient été en continuelle compétition entre elles, et le Parti ou le Führer auraient dû arbitrer les conflits, ou sélectionner les meilleures.

A partir de cette thèse, Chapoutot développe l'idée d'une continuité entre ce « social-darwinisme » et le management actuel: on y retrouverait les mêmes notions de lutte pour la vie, de sélection des meilleurs, de compétition, de performance. Il s'appuie pour cela sur l'observation de la carrière de Reinhard Höhn (1904-2000), juriste, Oberführer de la SS, qui, après-guerre, en 1956, fonde une Akademie für Führungskräfte der Wirtschaft. Selon Chapoutot, les thèses enseignées dans cette école de cadres économiques auraient préparé le « néo-libéralisme » des années 1980-1990. Il y aurait ainsi de profondes similitudes entre les articles publiés entre 1941 et 1943 dans la revue Reich – Volksordnung – Lebensraum. Zeitschrift für völkische Verfassung und Verwaltung, publiée par Höhn, et les pratiques du management contemporain.

Ouvrages

  • Le National-socialisme et l'Antiquité, PUF, 2008 (rééd. coll. « Quadrige », 2012).
  • L'Âge des dictatures. Régimes autoritaires et totalitarismes en Europe (1919-1945), Presses universitaires de France, 2008
    • Réédition : Fascisme, nazisme et régimes autoritaires en Europe (1918-1945), PUF, coll. « Quadrige », 2013.
  • Le Meurtre de Weimar, PUF, 2010, coll. « Quadrige », 2015
  • Le Nazisme. Une idéologie en actes, La Documentation française, 2012.
  • Histoire de l'Allemagne (1806 à nos jours), PUF, coll. « Que-sais-je », 2014, rééd. 2017
  • La Loi du sang. Penser et agir en nazi, Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 2014, 567 p.
  • Avec Jean Vigreux, Des soldats noirs face au Reich : Les massacres racistes de 1940, PUF, 2015.
  • La Révolution culturelle nazie, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 2017, 288 p.
  • Comprendre le nazisme, Paris, Editions Tallandier, 2018, 426 p.
  • Avec Christian Ingrao, Hitler, Paris, PUF, 2018, 212 p.
  • Libres d'obéir - Le management, du nazisme à aujourd'hui, Paris, Gallimard, NRF Essais, 2020, 176 p.