Gauchisme
Le terme de gauchisme désigne différents courants de la gauche radicale et de l'extrême gauche, se considérant comme étant en rupture avec les autres organisations de gauche, telles que les partis socialistes, sociaux-démocrates ou communistes.
Sommaire
Origines du terme
Lénine et la maladie infantile du communisme
Le terme apparaît pour la première fois en français avec la traduction d'une brochure de Lénine, La Maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), publiee en mai 1920[1]. Dans ce texte, rapidement traduit dans les principales langues européennes, Lénine critique sévèrement certains groupes communistes allemands, qui refusent les principes léninistes du parti (le « centralisme démocratique », la discipline et les structures rigides des bolcheviques russes, etc). En toile de fond, derrière le verbiage idéologique, se trouve des enjeux très concrets : pour Lénine et son parti, la révolution socialiste allemande est la prochaine étape de la révolution prolétarienne mondiale après la révolution russe. Cœur de l'Europe, puissance industrielle, une Allemagne devenue bolchevique entraînerait toute l'Europe. Avec la fondation de la Troisième Internationale, ou Internationale communiste, issue de la rupture avec les socialistes de la Deuxième Internationale, en 1919, Lénine s'efforce d'affirmer son hégémonie sur les partis et mouvements. On attend d'eux qu'ils soient aux ordres de Moscou. Mais il faut tenir ces communistes germaniques à l'œil, d'autant plus qu'en Allemagne, une grande partie des socialistes sont restés fidèles au Parti social-démocrate (SPD) et à la Deuxième Internationale. Il s'agit donc de mettre au pas tout ce qui se trouve à la gauche du SPD.
On doit encore noter que la traduction allemande de la brochure de Lénine désigne la « maladie infantile » sous le nom de « communisme de gauche » (Linkskommunismus) et non comme le « gauchisme » (Linksradikalismus).
La vague de la « contestation »
Le terme de gauchisme disparaît peu à peu à partir des années 1930. Les partis communistes et socialistes se partagent une hégémonie sur la gauche. Il y a peu de place pour les groupes trotskistes, réduits à la marginalité. Pour les intellectuels, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'« engagement » devient synonyme de soumission publique au parti communiste, en particulier en France et en Italie.
Les années 1960 constituent un tournant. L'écrasement sanglant des révoltes populaires à Berlin, à Budapest et à Prague ont porté de rudes coups aux bonnes consciences des intellectuels. Le retour sur scène de lÉcole de Francfort, le romantisme inspiré par les révolutions du Tiers-monde, la fascination pour le stalinisme exotique de la Chine maoïste, renforcée par la rupture sino-soviétique de 1963, motivent toute une génération de « marxistes dissidents » à sortir du bois. Ciblant les partis communistes pro-soviétiques, qu'ils qualifient ainsi de « révisionnistes, en suivant l'exemple de Pékin, ils représenteront eux le « vrai communisme ». Ce sont alors les partis communistes, craignant cette concurrence inopinée sur leur gauche, qui leur accolleront le surnom de « gauchistes ». Le Parti communiste français publie ainsi en première page de L'Humanité : « gauchistes = fascistes ».
Tendances
La plupart des groupes en question ne se définissent en général pas comme gauchistes. Il n'y a pas non plus d'unité entre eux. En revanche, on peut considérer leurs caractéristiques communes comme de se réclamer d'une conception du marxisme plus radicale que celle des partis communistes issus de la tendance autrefois pro-soviétique.
On peut distinguer toutefois :
- le luxemburgisme
- le conseillisme
- le bordiguisme (d'Amadeo Bordiga)
- l'opéraïsme (Mario Tronti, Asor Rosa, Toni Negri)
- le situationnisme (Guy Debord)
On y inclut souvent des tendance qui ne se considèrent pas comme « dissidentes » mais affirment être les représentants authentiques de l'orthodoxie marxiste :
- le trotskisme
- le maoïsme
On peut y ajouter encore des tendances qui ne se réclament pas forcément du marxisme, comme:
- l'anarchisme ou socialisme libertaire (Mikhaïl Bakounine)
- le communisme libertaire
- les « autonomes »
Nouvelles tendances
De nouvelles tendances ont pris l'ascendant au sein de la gauche radicale à partir de la fin du XXème siècle, reléguant le « gauchisme historique » aux marges du spectre politique de gauche.
Ces nouvelles tendances se basent sur un néo-marxisme, multiculturaliste, centré sur une vision du « capitalisme » conçu comme une forme civilisationnelle. Celle-ci serait construite sur un « patriarcal blanc » qui opprimerait le reste du monde. Ce marxisme culturel se caractérise par un prisme qui décrit tous les éléments sociaux en fonction d'une dichotomie dominants/dominés.
Alors que le « gauchisme historique » prétendait se baser sur des prémisses prétendument scientifiques, le gauchisme contemporain est essentiellement moraliste On parle alors souvent de « gauchisme arc-en-ciel »[2].
Ce gauchisme diffère encore des gauchismes précédents par le fait qu'il est largement institutionnalisé. Il s'agit d'une sorte d’idéologie d’Etat mondiale, imposée d'en haut, promue par la plupart des gouvernements en place en Occident, par les institutions internationales, par le système médiatique, les universités et les offices de « communication » des entreprises multinationales. Elle se présente comme non violente, mais elle écrase ses opposants par le développement d’un juridisme omniprésent.
Les factions de la gauche radicale qui sont restées attachées aux anciennes formes du gauchisme, communistes ou « antifascistes », elles, sont réduites à accomplir les basses besognes du bras séculier de cette Police de la Pensée, tout en présentant une façade de violence-spectacle, apte à séduire les plus naïfs des jeunes rebelles[3].
Articles connexes
Notes et références
- ↑ Éd. courante: Éditions du Progrès, Moscou, 1979, 184 p.
- ↑ Sur le concept de l'« arc-en-ciel », voir: Martin Peltier, La Révolution arc-en-ciel en marche, Jessains, Diffusion international édition, 2019, 284 p., et L'Empire arc-en-ciel, Jessains, Diffusion international édition, 2020, 255 p.
- ↑ voir : « Présentation » à : Adriano Romualdi, La Droite et la crise du nationalisme, trad. par Philippe Baillet, Fribourg, éd. Sentiers perdus, 2022, 94 p., p. 34-35.