Longue marche à travers les institutions

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La Longue marche à travers les institutions est une expression politique développée par le militant et sociologue allemand Rudi Dutschke (1940-1979).

Une stratégie métapolitique

Ce terme désigne une stratégie de conquête des institutions de production de savoir, de culture et d'opinions, c'est-à-dire que les véhicules qui auraient permis au « capitalisme » d'étouffer l'émergence d'une « conscience de classe révolutionnaire ». L'idée est que l'établissement d'une société « socialement juste » passe par une altération de son logiciel culturel permettant de rééduquer la population et de transformer la manière dont celle-ci interprète le monde[1].

A l'origine: la la guerre culturelle de Gramsci

Devant l'échec des tentatives de prise du pouvoir par la violence des organisations communistes en Italie (Biennio rosso), en Allemagne, en Hongrie et dans d'autres pays d'Europe, Antonio Gramsci (1891-1937), l'un des fondateurs et principaux idéologues du Parti communiste italien, juge le « modèle de la Révolution d'Octobre » « prématuré » en Europe occidentale. Il développe alors la théorie de la guerre culturelle : la prise du pouvoir politique doit être précédée par une patiente prise du pouvoir culturel, la conquête de l'hégémonie culturelle. Cette stratégie, qui dévie quelque peu du marxisme orthodoxe, converge avec les thèses développées par les intellectuels freudo-marxistes de l'École de Francfort, d'abord en Allemagne, puis aux États-Unis. Elle est également reprise, après la Seconde guerre mondiale, par les Partis communistes, surtout français et italien, une fois leur espoir de prendre le pouvoir par la force évanoui[2].

Un gramscisme post-moderne

En Allemagne de l'Ouest, dans les années 1960 se développe dans les milieux étudiants une nouvelle gauche radicale, notamment au sein du Sozialistischer Deutscher Studentenbund (SDS), une structure estudiantine précédemment liée au SPD sociale-démocrate mais exclue par celui-ci pour ses tendances gauchistes.

L'agitation fébrile de 1968 laisse croire à ces groupes que la « révolution » est en bonne voie. Leurs slogans font alors référence à Mao Zedong et à Ho Chi Min. Toutefois, l'évolution sociale et politique de l'Allemagne post-1968 semble s'éloigner bien vite des rêves d'une prise du pouvoir par une « révolution prolétarienne ».

Ainsi, au sein de ce que l'on appelle désormais l'« Opposition extra-parlementaire », plusieurs tendances se distinguent peu à peu. L'une se replie sur une vie en communauté en marge de la société, à la manière des hippies. Une autre tendance se lance dans une « lutte armée », comme la Fraction armée rouge (RAF) ou les Rote Zellen (RZ), qui commettront nombre d'actes de nature terroriste dans toute l'Allemagne.

Une partie des militants de l'« Opposition extra-parlementaire » rejettent la violence politique (du moins la violence armée, même si beaucoup lui apportent un soutien discret). Beaucoup d'autres prennent acte de l'absurdité d'une « guerre de guérilla » en Allemagne de l'Ouest. C'est ainsi que se forme une assez large mouvance à la recherche d'une voie praticable pour imposer les utopies de « justice sociale ». Le premier à formuler l'expression de « Longue marche à travers les institutions » est Rudi Dutschke (1940-1979), l'une des figures de proue de la « contestation » des années 67-68 et devenu sociologue[3]. Il jouit d'une grande influence sur ces milieux, notamment en raison de l'attentat qu'il a subi en avril 1968. L'expression choisi fait référence à la « Longue Marche » (1934-1935) de Mao Zedong, période au cours de laquelle celui-ci avait mis à profit un repli stratégique pour refondre les structures du Parti communiste chinois et pour en redéfinir les options stratégiques.

L'adoption de cette stratégie, cette métapolitique à long terme, faite de persévérance et de refus des compromis, portera des fruits. Ces résultats sont certes différents de ce qu'un Gramsci avait imaginé[4], mais il n'y a aucun doute sur son succès. D'une part elle a fédéré de nombreux groupes dans tous le pays, donnant naissance au parti politique des Grüne (Verts) en 1980. D'autre part elle a donné lieu à une véritable mainmise sur les médias, les institutions culturelles, les universités et les systèmes éducatifs, c'est-à-dire sur les piliers de la société qui forment précisément les pensées et les opinions des gens[5]. Elle a permis l'imposition d'une censure morale, le politiquement correct, encore plus inquisitoriale que dans les autres pays occidentaux. En outre, elle inspire peu à peu les autres gauches radicales occidentales.

Notes et références

  1. Olivier Moos, Le Guide du Réac: Comment perdre ses amis et mourir seul, Publishroom Factory, 2024, 170 p., p. 10.
  2. voir « Présentation » à : Adriano Romualdi, La Droite et la crise du nationalisme, trad. par Philippe Baillet, Fribourg, éd. Sentiers perdus, 2022, p. 13-14.
  3. Daniel Friberg, Le retour de la vraie Droite - Un manuel pour la véritable opposition, Arktos, 2017, 120 p., p. 3-4.
  4. voir: Paul Gottfried, The Strange Death of Marxism - The European Left in the New Millenium, University of Missouri Press, Columbia, 2005.
  5. Friberg, Op. cit., p. 5.