Biennio rosso

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Le terme de Biennio rosso (les Deux années rouges) désigne une période de l'histoire italienne située entre 1919 et 1920, où les organisations communistes ont lancé un processus insurrectionnel avec pour objectif l'instauration d'un régime inspiré de la Russie soviétique.

« Gardes rouges » italiens occupant une usine.

Une certaine historiographie marxiste a longtemps décrit le phénomène comme un mouvement spontané, ce qui est contredit de manière évidente par les faits, qui montrent au contraire un haut degré de préparation et de planification.

Une guerre civile italienne?

Les nombreux problèmes qui ont suivi la Première Guerre mondiale, tels que les difficultés économiques, le chômage, l'inflation, la reconversion industrielle du militaire au civil, la pauvreté, le retour des anciens combattants, bouleversent le pays tout autant que les années de guerre.

L'exemple de la révolution bolchévique en Russie est alors le modèle à suivre pour les organisations de gauche, qui pensent que les conditions sont réunies pour une révolution de type communiste. Depuis 1917, les militants communistes ont répandu chez les ouvriers italiens l'idée que leurs homologues russes avaient commencé à construire un « paradis des travailleurs ». Pour mobiliser les « masses populaires », les communistes diffusent dans tout le pays les slogans tels que « les usines aux ouvriers » et « la terre aux paysans ».

Dans un deuxième temps, les communistes, alors organisés au sein du Parti socialiste italien[1], lancent des mots d'ordre de grève générale, avec occupation des usines, dans l'idée de poursuivre sur une insurrection au niveau nationale conduisant à la prise du pouvoir.

Les villes

Le 11 juin 1919, à La Spezia, la gauche lance la première grève générale, à laquelle participent plus de dix mille personnes. La foule des grévistes affronte la police, qui ouvre le feu, tuant deux manifestants et en blessant vingt-cinq. La réaction des manifestants se transforme en un mouvement insurrectionnel, au point que les meneurs communistes parviennent à prendre le contrôle de la ville. Les magasins sont attaqués et pillés, et le conflit s'étend également à Gênes, Pise, Bologne, Forlì, Faenza, Ancône, Imola et Torre Annunziata. Dans toutes ces villes, les cadres communistes proclament que « la révolution est en marche ».

À Gênes, le 7 juillet, des milliers d'émeutiers pillent des magasins et des entrepôts, affrontant la police qui tire, tuant un émeutier, blessant et arrêtant de nombreux autres. En juillet, des incidents similaires, comme des pillages de magasins et des affrontements avec la police, ont lieu dans toute la région.

Le 3 juillet, à Florence, une foule occupe la rue. Des éléments armés, cette fois, attaquent les magasins et réquisitionnant par la force des denrées alimentaires, des chaussures et des tissus. L'intervention de la force publique se solde par deux morts et huit blessés.

Des incidents du même genre ont lieu à Prato et à Pistoia.

Dans d'autres villes de Toscane, d'Émilie-Romagne et des Marches, des « comités révolutionnaires » proclament qu'ils constituent désormais la seule autorité légitime dans la ville. Ils se font appeler, sur le modèle russe, les « soviet annonari ». Ils réquisitionnent les denrées alimentaires et les autres marchandises.

À Brescia, des bandes armées organisées affrontent la police militairement et la font quitter la ville.

A Livourne, les « comités révolutionnaires » imposent une réduction de 50% sur les denrées alimentaires et une de 70% sur les textiles.

A Piombino est créée la première « Garde rouge » italienne. Le groupe, armé, est chargé de la réquisition et de la distribution des denrées alimentaires.

Une autre structure de « Garde rouge » est formée à Savona. Les prix sont réduits de 50%.

Dans ces villes, les « comités » font élire une « Chambre du Travail », sensée représenter la volonté des travailleurs.

Dans des villes telles que Bari, Messine, Tarente, Spoleto, Civitavecchia et Barletta, les manifestants vident les magasins et entrepôts et livrent les marchandises à la « Chambre du Travail ».

La ville de Barletta fait l'expérience d'une dictature de type bolchévique, menée par des « Conseils du Travail » et encadrée par des groupes communistes armés. Au bout de quatre jours, l'armée et la police parviennent à rétablir l'ordre légal, donnant lieu à de violents affrontement et à des arrestations massives.

Les socialistes organisent une grève générale internationale (20-21 juillet 1919) en solidarité avec le mouvement communiste en Russie et en Hongrie.

Le Parti socialiste italien est alors passé de 50 000 à 200 000 membres.

En novembre 1919 ont lieu des élections à la proportionnelle, à la demande des partis socialiste et populaire (démocrate-chrétien). L'élection est un scrutin de listes, et non de candidats individuels. Deux partis remportent les élections : le parti socialiste, qui devient le premier parti avec 32% des voix et le parti populaire, qui obtient pour sa première élection 20% des voix. Ces résultats ne garantissent pas, toutefois, la stabilité du pays et le PSI rejète toute alliance avec d'autres formations politiques.

Après la vague de grèves et d'occupations de terres, en 1920, les manifestations s'amplifient avec l'occupation des usines.

Au printemps 1920, les métallurgistes de Turin forment des « comités d’usine », sur le modèle des soviets, et lancent une nouvelle grève, mais sans résultat.

La FIOM (syndicat de la métallurgie) demande le renouvellement de l'accord sur les augmentations de salaires et d'autres exigences que les industriels n'acceptent qu'en partie. Le syndicat lance alors le mot d'ordre de grève générale. Les industriels décrètent la fermeture des usines (lock out).

En août, l'occupation des usines débute, dirigée par les syndicats rouges, et en peu de temps, 300 usines de Turin, Milan et Gênes sont occupées par plus de 400 000 travailleurs. Des milices armées de « gardes rouges » sont organisées.

Dans les zones rurales

Dans les campagnes, les marxistes lancent les mouvements d'occupation des terres. Ils structurent des organisations paravents, les Leghe dei lavoratori, pour s'implanter en utilisant des mots d'ordre susceptibles de mobiliser les travailleurs agricoles. Leur idée est d'organiser des occupations des terres généralisées pour parvenir à une prise du pouvoir dans les zones agricoles.

Une vaste vague d'occupations a lieu dans les campagnes du Latium, puis dans les Pouilles et en Sicile, et se poursuit dans le nord de l'Italie, où des télégraphes, des chemins de fer et des fermes sont occupés, et où des violences éclatent contre les propriétaires terriens, entraînant la destruction des récoltes.

Vers une résistance

C'est à la fin de 1919 que vont se dérouler les premiers affrontements entre les activistes socialistes et les arditi, les anciens combattants, influencés par le futurisme et par l'expérience de Fiume.

Peu à peu, des groupes se forment pour résister à ce déchaînement de violences et éviter un bain de sang. Ces volontaires vont rejoindre les faisceaux organisés autour de Benito Mussolini.

L'échec du bolchévisme italien

En avril 1920, les « Conseils » de Turin organisent une grève générale de dix jours. Cette grève reste limitée à Turin, car la direction nationale du PSI refuse de la soutenir. Lorsque de nouvelles occupations d'usines ont lieu en septembre 1920, le mouvement s'est nettement affaibli et est peu suivi en dehors de Turin. Le parti socialiste est tiraillé entre ses différentes tendances, les modérés et les « maximalistes » d'un côté, les communistes de l'autre. La direction divisée finit par charger les syndicats de négocier avec les employeurs des usines encore occupées. En novembre, il n'y a plus une seule usine occupée. Le bilan humain est, pour l'année 1920, de 227 morts et de 1072 blessés.


Ce qui est considéré comme un échec par les marxistes conduit à l'éclatement du Parti socialiste italien. Lors du congrès d'Imola, en novembre 1920, les « maximalistes » quittent le parti. Le 21 janvier 1921, le groupe mené par Antonio Gramsci fonde le Parti communiste d'Italie. En octobre 1922, la tendance dirigée par Matteotti et Turati fait sécession à son tour.

Notes et références

  1. Le Parti socialiste italien (PSI, Partito Socialista Italiano) a été fondé en 1892 par Filippo Turati et Guido Albertelli. A l'été 1920, l'Internationale communiste décide de définir les 21 conditions d'adhésion. L'Internationale demande en particulier l'exclusion du courant réformiste de Turati. Le parti se divise alors en deux camps. D'une part, Turati et ses partisans, appuyés par la majorité « maximaliste » ; de l'autre, les partisans de l'Internationale, comme Antonio Gramsci, Amadeo Bordiga ou Palmiro Togliatti, regroupés autour du quotidien L'Ordine Nuovo. Finalement, au Congrès de Livourne en janvier 1921, 59 000 militants quittent le PSI pour former un nouveau parti, le Parti communiste d'Italie (PCd'I). Aux élections de la même année, le parti chute à 24,7% des voix et 123 sièges, contre 4,6% et 15 députés pour les communistes. Le PSI est dissous par décret le 5 novembre 1926. Il se reconstitue alors en France et va développer ses activités de manière clandestine en Italie.