D. Venner, contempteur du nationalisme par Pierre Sidos
Ce texte, datant du début de l'année 2009, et diffusé alors de manière confidentielle, a été rédigé et publié par Pierre Sidos, en réaction à un éditorial de Dominique Venner, paru dans la Nouvelle revue d'histoire (n° 39, de novembre-décembre 2008). Venner, dans son article, opérait une critique sévère du concept de nationalisme.
Le conflit entre Pierre Sidos et Dominique Venner ne relève en aucun cas d'une inimitié personnelle, mais de l'affrontement entre deux conceptions opposées du « nationalisme » : d'un côté la défense d'une France catholique et conservatrice, nostalgique d'un empire colonial, de l'autre une vision-du-monde grand-européenne, nietzschéenne, païenne, racialiste, positiviste, puis ethno-identitaire. En 1964 déjà, Pierre Sidos avait rompu bruyamment avec le mouvement structuré autour de la revue Europe-Action que dirigeait alors Dominique Venner, affirmant n'avoir rien de commun avec lui.
Sommaire
Texte de Pierre Sidos
D. Venner, contempteur du nationalisme, par Pierre Sidos
Sous le prétexte de dénoncer « les équivoques du nationalisme », nous avons maintenant la description achevée de la maladie vennerienne du nationalisme, désigné ainsi du nom de la personne à l’origine de la chose.
Rappels utiles
L’apparition du mal se situe dans le début des années soixante avec la publication mensuelle Europe-Action (titre calqué sur celui de la revue tunisienne Afrique Action) et du groupe éponyme. L’ensemble exprimant une dérive néo-paganiste anti-chrétienne sur le plan spirituel et une déviation transnationale européiste américanophile, dans le domaine politique.
De même inspiration vennerienne il faut signaler la création des Éditions Saint-Just (dénomination donnée en référence à Saint-Just, membre du club des Jacobins, ami de Robespierre, théoricien du gouvernement révolutionnaire et de la Terreur), ainsi que la fondation du Mouvement nationaliste du progrès, puis de son successeur aussi éphémère le Rassemblement européen de la liberté.
C’est de la sorte qu’à l’aide de ces instruments, une évolution progressive s’est faite qui, partant d’un nationalisme (ni jacobin, ni maurrassien), dont Maurice Barrès fut le philosophe et le poète, nationalisme s’intégrant dans une défense de la civilisation blanche et chrétienne – celui-là même de Jeune nation, mouvement auquel avait adhéré sans réserve D.Venner – s’est développée pour aboutir, par le biais de l’utilisation du vocabulaire nationaliste détourné de son sens véritable, à la diffusion d’une idéologie supranationale et anti-religieuse, internationaliste continentale en même temps que séparatiste régionale. Enfin, débarrassée de son étiquette nationaliste, ses adeptes ou des sympathisants purent s’attribuer des appellations neuves telles que « nouvelle droite », « ethno-racialistes » , «euro-sibériens », « radicaux », « identitaires ».
Cependant, il ne suffisait sans doute pas à D. Venner de renier ses opinions et de trahir son passé, car il se proclame désormais, en tant qu’« intellectuel indépendant » et « historien libre », être un contempteur public du nationalisme.
Observations nécessaires
Cela est effectif avec la parution, dans la publication bimestrielle qu’il dirige, la Nouvelle revue d'histoire (n° 39, de novembre-décembre 2008), d’un éditorial titré : « Les équivoques du nationalisme », comportant une cinquantaine de lignes, et tout autant d’erreurs historiques ou politiques.
Le texte est signé triplement : 1. – par sa photographie, 2. – par sa signature imprimée, 3. – par sa signature manuscrite reproduite. Ce qui relève d'une certaine suffisance de l’auteur.
Les premières lignes sont consacrées à une évocation de la personnalité de Louis Lyautey, qualifié de « vieux soldat qui n’était pas un pacifiste ni un internationaliste ». Ce dont on se doutait un peu. Mais on ignorait qu’il méritait d’être promu vennerien, à titre posthume. Jugez-en. Il lui est attribué au moins trois loyalismes identitaires : celui de Lorrain pro-autrichien, celui de Français tout de même, celui d’Européen surtout. Il est écrit que : « Pour avoir servi durant toute sa carrière en Afrique, en Asie ou à Madagascar, il avait une perception forte de l’identité européenne qu’il voyait menacée de mort par le conflit naissant. » Il s’agit de celui de 1914-1918.
On voit là l’intention du mythographe Venner, qui est celle de vouloir faire avaliser, par l’autorité invoquée d’un ancien maréchal de France, la thèse chimérique qu’il professe lui-même aujourd’hui : celle dite « des guerres civiles européennes ». Comme si une situation de guerre extérieure, impliquant des puissances étrangères reconnues, pouvait être assimilée à un conflit armé intérieur, mettant en confrontation deux partis au sein d’un même État. Ainsi, s’écartant volontairement du sens commun donné au terme de guerre civile, Venner tend à imposer la notion d’un État « européen » inexistant, inconnu de toute l’Histoire. Le procédé traduit l’aveu d’un désir imaginatif de nier le rôle évident joué par des structures étatiques, s’appuyant sur des identités nationales, afin de satisfaire une vue idéologique cosmopolite.
D’ailleurs, contrairement à ce que fait valoir Venner pour conforter la proposition qu’il soutient, il est certain que la présence active réelle de Lyautey sous les drapeaux, par la réalité de douze affectations recensées sur le sol national, est supérieure en durée à celle de ses séjours outre-mer.
Plus avant, Venner écrit qu’il serait préférable de célébrer « ce qui rapproche, par exemple ces reines de France, mères de nos rois, venues d’Italie, de Castille, d’Aragon, d’Angleterre, du Saint Empire germanique (qui pour lui cesse d’être romain, remarquons-le) et même de Russie kiévienne ? Y a-t-il meilleur exemple de la grande famille héréditaire et spirituelle que constitue l’Europe ? » Fin de citation.
Voilà bien l’exposé d’un sophisme anti-national. Car en mille ans, sur la cinquantaine de reines capétiennes, il apparaît d’abord que la moitié d’entre elles tire son origine d’une parenté familiale liée aux limites actuelles de la France, donc à regarder comme autochtone. Ensuite il convient de constater, pour celles à considérer comme étrangères, la faculté de s’assortir avec l’ensemble des précédentes citées, en raison d’une similitude d’extraction, d’éducation, de formation, de religion. Cela est très important. En effet, rappelons-le, la France dans le monde d’alors, que l’on nomme la Chrétienté, est considérée comme la fille aînée de l’Église ; elle est dite la patrie des armes, des arts et des lettres ; le parler de France est reconnu comme la langue universelle, il est la langue diplomatique. Et comment ne pas voir une marque immédiate de francisation, de la part de chacune d’entre elles, dans l’acte symbolique qu’elle accomplissait, au moment de son arrivée sur le territoire du royaume de France, en se dépouillant de la totalité des vêtements de son pays de provenance, pour dans l’instant se vêtir à la française.
Quant à la liste de ces pays, celle établie par Venner, elle est incomplète : il manque la Hollande, le Danemark, l’Écosse et la Pologne. Et de plus, il n’est pas indiqué le dosage qui s’y rapporte, qu’il est pourtant utile de connaître, pour avoir une meilleure appréciation de l’influence exercée. En ce cas, on apprendrait que l’unique venue de Moscovie est Anne de Kiev, au 11e siècle, et que la seule originaire d’Outre-Manche se nomme Marie d’Angleterre, au 16e siècle, épouse du roi Louis XII, pendant trois mois seulement.
En conclusion, de ce qui concerne les alliances matrimoniales en question, il est clair qu’elles étaient contractées avant tout pour répondre à des nécessités politiques ; il est indubitable qu’elles étaient recherchées pour fortifier le fait d’une nationalité française bien réelle et non nourrir l’idée d’une européanité supranationale conceptuelle qu’affectionne D. Venner.
Dans tout ce qui suit, des propositions de l’éditorial-programme publié dans La Nouvelle revue d’Histoire, il ressort une détermination de s’en tenir à la même thèse, pouvant se traduire par la formule : le nationalisme, voilà l’ennemi !
L’ennemi de qui ? La réponse est donnée : « de la grande famille héréditaire et spirituelle que constitue l’Europe ». Reste à bien comprendre qu’il s’agit là d’une hérédité excluant les sentiments nationaux, et d’une spiritualité ignorante des vertus chrétiennes.
Venner affirme d’une manière péremptoire que le nationalisme est une « nouvelle passion », survenue en France lors des événements qui se sont déroulés au cours des années 1789 à 1793. Qu’il s’agit bien d’un « nationalisme de détestation », donnant vie au 19e siècle à un « nationalisme haineux »; et il ajoute: « Après 1870, partout en Europe, un nationalisme d’origine révolutionnaire a contaminé les esprits, même ceux qui, à l’exemple de Charles Maurras, étaient des adversaires déclarés des principes de 1789. »
De cette façon Venner, possédé par une vision thématique euro-centrée assortie d’une fixation antinationaliste, évite de mettre en cause le contrat infernal passé, justement au 19e siècle, entre la science et la finance, entre le machinisme et le capitalisme, mettant en place le système matérialiste et mercantile que nous connaissons, lequel repose sut une déshumanisation, une déspiritualisation des êtres humains et engendre d’une façon cyclique des crises économiques et aussi des guerres nécessaires à sa pérennité.
Le refus de Venner de penser global et d’agir national au 21e siècle, lui fait conclure son article-éditorial par la citation d’une réflexion pseudo-européenne émise par Voltaire, en 1751.
Pierre Sidos, Fondateur de l’Œuvre française.