Solidarisme

De Metapedia
Aller à : navigation, rechercher

Le terme de solidarisme renvoie à plusieurs doctrines politiques, qui ont en commun de placer le concept de solidarité sociale à la base de sa vision-du-monde.

Pour le militant français Georges Feltin-Tracol, le solidarisme constitue une véritable alternative au capitalisme et au communisme, plus que jamais d'actualité (ici : son ouvrage Pour la troisième voie solidariste. Un autre regard sur la question sociale, paru en 2018).

Le solidarisme de Léon Bourgeois

Le premier auteur à théoriser une doctrine qu'il nomme solidarisme est le politicien radical français Léon Bourgeois (1851-1925). Bien qu’il ait son origine historique chez le socialiste français Pierre Leroux (1797-1871), ce solidarisme se rattache aux courants de pensée du XIXe siècle en marge du socialisme. L’influence de Leroux fut très grande vers 1840, celui-ci voulant “ remplacer la charité du christianisme par la solidarité humaine ”. À la fin du XIXe siècle, le solidarisme rencontre l’adhésion de ceux des radicaux qui jugent néfaste ou dépassé l’individualisme libéral, mais rejettent les socialismes inspirés du marxisme. Les deux courants, le radicalisme solidariste et le radicalisme traditionnel des programmes de Gambetta (Belleville, 1969) et de Clemenceau (Montmartre, 1881) se fondent en 1901, sous la présidence de Bourgeois, en un parti dont la double appellation (Parti républicain-radical et radical-socialiste) s’explique ainsi.

Théoricien du radicalisme, Bourgeois est l’auteur d’un Essai d’une philosophie de la solidarité (1902) ; il expose également ses vues dans L’Idée de solidarité et ses conséquences sociales (1902) et dans La Politique de la prévoyance sociale (1914). Il fonde sa doctrine solidariste sur le “quasi-contrat ”, c’est-à-dire “ le contrat rétroactivement consenti ” par les hommes entre eux “ là où la nécessité des choses [les] met en rapport sans que leur volonté préalable ait pu discuter des conditions de l’arrangement à intervenir ”. La société crédite chaque homme, dès sa naissance, d’un certain nombre d’avantages prélevés sur un patrimoine que chacun se doit d’enrichir tout au long de son existence. Tous les hommes sont donc solidaires ; cette solidarité est fondée sur l’association. Le rôle de l’État est ainsi réduit à une tâche limitée, qui consiste à garantir l’application des contrats passés dans le cadre de l’association : “ L’État est une création des hommes ; il ne doit intervenir que pour rétablir l’égalité entre tous les participants au contrat. ”

Les applications pratiques du solidarisme sont multiples : on peut citer, entre autres, les coopératives de production ou de consommation, ou encore les sociétés mutualistes. On doit y ajouter certaines réalisations des gouvernements radicaux attachés à l’idéal solidariste (Bourgeois a été le premier président du Conseil d’un gouvernement radical homogène) : assistance aux infirmes et aux vieillards, loi sur les accidents du travail, retraites ouvrières. “ La nation ne jouira de la paix que lorsqu’elle aura créé un ensemble complet d’assurances qui garantissent tout individu contre les risques de la maladie, des accidents, du chômage, de l’invalidité, de la vieillesse ”, disait Bourgeois.

On doit aussi citer, au titre des réalisations du solidarisme, la Société des Nations, dont Bourgeois a été un des promoteurs ; c’est l’aspect international d’une doctrine dont l’influence est restée pour l’essentiel limitée à la France. Bien que le solidarisme n’ait jamais été explicitement la doctrine officielle du Parti radical, Bourgeois clôturait le congrès de fondation de ce parti en le définissant comme le “ parti de la solidarité républicaine et sociale ”.

Le solidarisme de Durkheim

Il existe une doctrine rattachée au courant solidariste et distincte de celle de Bourgeois et des radicaux, en ce sens qu’elle est fondée sur la division du travail. Pour son principal théoricien, Émile Durkheim (1858-1917), cette division supprime la rivalité entre individus en les rendant étroitement solidaires les uns des autres et également étroitement solidaires de la société ; l’individu est d’autant plus moral que sa solidarité avec la société est étroite.

Le solidarisme russe

Le terme de solidarisme est adopté quelques années plus tard par une organisation nationaliste et anticommuniste fondée en 1930 par de jeunes Russes blancs émigrés exilés à Belgrade, l'Union nationale des travailleurs et des solidaristes russes , en russe : Народно-Трудовой Союз российских солидаристов (НТС) ou Narodno Trudovoï Soyouz (NTS). Fondée en juin 1930 à Belgrade, la NTS fut au départ un mouvement qui fait penser aux « Non-conformistes des années 30 » en France, donc à ces groupes qui cherchaient une Troisième Voie entre capitalisme et communisme, mais qui ne se reconnaissaient pas pour autant dans le fascisme italien ou le national-socialisme allemand, qu’ils avaient tendance à ranger, avec le communisme, dans le totalitarisme. La NTS se réclamait aussi du « solidarisme »[1].

À l'inverse des autres mouvements blancs, il ne défend pas le retour à la monarchie, refusant de se prononcer sur la forme de régime politique, bien que préférant l'idée d'un régime plébiscitaire.

Résistance

Le mouvement est créé par des vétérans des Armées blanches. Il est rejoint rapidement par des ressortissants d'autres nationalités (Polonais, Baltes, Géorgiens, etc.). Il adopté comme emblème le trident identique à celui des armoiries de l'Ukraine, ayant pour double signification les liens historiques unissant Ukrainiens et Russes, ainsi qu'une image révolutionnaire, celle d'une « fourche des peuples en colère ». Le siège du mouvement est établi à Francfort, en Allemagne.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, après le début de l'attaque de l'URSS par l'Allemagne, le mouvement est interdit dans les territoires russes occupés par l'Axe. Cependant, de nombreux membres s’infiltrent dans les camps de formation de Zittenhorst et Wustrau, où des officiers russes prisonniers sont formés pour administrer les territoires russes occupés. En mars 1943, le général Andreï Vlassov invite des cadres du NTS au centre de formation de l'Armée de libération Russe, basé à Dabendorf, près de Zossen. À l'été 1944, la Gestapo, se méfiant de leur influence, mène des vagues d'arrestations de suspects (massives après l'attentat raté de juillet), dont le dirigeant du NTS, Victor Baïdalakov, déporté au camp de concentration de Sachsenhausen ; il n'est libéré qu'en avril 1945 par demande de Vlassov. Après la guerre, Baïdalakov s'exile aux États-Unis pour devenir professeur de russe à l'Université de Georgetown.

Période de la Guerre froide

À l'inverse des autres mouvements émigrés blancs, largement infiltrés par des agents soviétiques, le NTS adopte une stratégie de recrutement dite de la « théorie moléculaire », empêchant l'adhésion d'une personne n'ayant aucune connaissance parmi les membres du mouvement, de même que les actions sont menées par des cellules de trois personnes, pour rendre plus difficile une éventuelle infiltration. Quant aux solidaristes russes qui viennent à être arrêtés par le KGB, ils risquent interrogatoires, tortures, et déportation au Goulag. En 1954, l'une des personnalités les plus importantes du mouvement solidariste russe, Alexandre Trouchnovitch, est enlevé à Berlin-Ouest par la Stasi, et décède pendant son transfert dans une voiture diplomatique.

Sa principale activité était alors la diffusion au sein des populations russes ou à l'étranger de tracts, brochures, disques 33 tours petit format et ouvrages anticommunistes, notamment ceux de Soljenitsyne pendant la guerre froide. Au début, le NTS possédait des émetteurs clandestins embarqués sur des camions qui déployaient leur antenne dans les forêts, au risque et péril des équipes. Il y eut plus tard un poste de radio plus élaboré, appelé « Russie Libre », émettant depuis l'Allemagne de l'Ouest en direction de l'URSS, et bénéficiant du soutien de la CIA. Sous pression des Soviétiques, la station fut fermée par le gouvernement de la RFA. Les disques reproduisent les émissions de l'intérieur de la Russie (notamment les émetteurs d'extrême-Orient entre 309 et 420m cachés dans les forêts sibériennes); rarissimes de nos jours, ils témoignent d'une activité clandestine organisée et audacieuse. Literatournaïa Gazeta (Gazette Littéraire) du 9 mars 1957 affirme que « le NTS, en mars 1955, imprima 14 millions de tracts qui furent envoyés par ballon en direction de l'Est(...) » Dans les années 1970, des activités communes furent menées en Union soviétique avec des mouvements nationaux-solidaristes français, notamment le Groupe action jeunesse (GAJ).

Les activistes de NTS diffusaient un certain nombre de samizdat et de revues clandestines, la plus connue d'entre elles étant Possev (Посев, ce qui signifie en russe « semences »), qui accueillit la plume d'écrivains dissidents, tels qu'Alexandre Galitch, Boulat Okoudjava, Gueorgui Vladimov, responsable de la section clandestine moscovite d'Amnesty International, ou encore Alexandre Soljenitsyne.

Malgré l’implacable répression des organes soviétiques de sécurité, la NTS s’attelle à un patient travail de démantèlement du système marxiste-léniniste. Elle est relayée dans cette tâche de longue haleine par d’autres mouvements d’inspiration sociale-chrétienne, dès 1964, ensuite à l’approche de la Perestroïka (groupes fondés par le protestant Victor Roth en 1987 et le dissident Ossipov en 1988)[2].

Période post-soviétique

Après la chute du bloc communiste, le NTS a cessé d'exister en tant que mouvement clandestin. Il devient un mouvement politique nationaliste et conservateur, mais marginal sur la scène politique. Possev existe encore, toujours sous forme de journal littéraire et en tant que maison d'édition.

Le solidarisme de l'Entre-deux-guerres

Le solidarisme de Léon Bourgeois n'a eu en réalité qu'une notoriété très restreinte.

Le terme est redécouvert dans les années 1930 en Belgique avec le Flamand Joris von Severen qio anmie un mouvement « national-solidariste ». A la même époque, en Allemagne, en Autriche et en Italie, des militants formés par le catholicisme social et la démocratie chrétienne se disent également « solidaristes »[3].

Le solidarisme en France

De Jeune révolution à la quête d'une troisième voie

Les années 1960 sont propices à une renaissance du terme en France quand des membres de l'OAS-Métro-Jeunes, animés par Pierre Sergent, lancent le Mouvement Jeune Révolution. Ils rejettent la tutelle des États-Unis et de l'URSS, récusent les systèmes capitaliste et communiste, et prônent une troisième voie.

En octobre 1971 le MJR se transforme en Mouvement solidariste français. Dans cette organisation, on trouve Jean-Pierre Stirbois, Bernard Anthony, Alain Boinet ou Gérard Bouchet. L'influence du succès des livres de Soljenitsyne joue un rôle important, faisant découvrir au Français le solidarisme russe. En même temps, les éditions L’Âge d’Homme traduisent en français Nicolas Berdiaev. On voit naître des publications comme Jeune Garde Solidariste, fondée en avril 1975, Jeune Nation Solidariste, fondée en juin 1977, et les Cahiers du Solidarisme.

Mais très vite apparaissent des divergences personnelles et des scissions successives. Entre 1974 et 1975 s'opère une rupture entre les activistes du Groupe action jeunesse (Jean-Gilles Malliarakis, Patrice Janeau, Olivier Huyghe, Michel Bodin) et les solidaristes « historiques » (issus du Mouvement jeune révolution et du Mouvement solidariste français), : certains relancent le Mouvement solidariste français (Philippe Lemoult), d'autres fondent le Groupe action solidariste qui édite Les Cahiers du Solidarisme (Alain Boinet, Laurent Maréchaux).

FN ou nationalisme révolutionnaire?

En 1977, deux voies s'ouvrent devant les jeunes militants solidaristes français:

Une partie d'entre eux rejoint le Front national en septembre 1977 (Jean-Pierre Stirbois et Jean-Claude Nourry de l'Union solidariste, mais aussi d'anciens membres du Mouvement solidariste français, du Groupe action jeunesse, ou du Groupe d'action solidariste).

Une autre partie, menée par Jean-Gilles Malliarakis, se méfie de la ligne du Front national. La revue Jeune Garde Solidariste, qui existait depuis avril 1975, est renommée Jeune Nation Solidariste en juin 1977. L'intention de Malliarakis est d'opérer un rapprochement, puis une fusion, entre le solidarisme et le nationalisme révolutionnaire. Il explique clairement le sens qu'il entend donner à cette démarche :

« Nous sommes coincés entre le marxisme et le capitalisme. L'idéal serait de fusionner les termes, mais le mot national rapproché de socialisme évoque fâcheusement un certain régime d'outre-Rhin... De plus, dans socialisme, il y a une nuance massificatrice certaine. Il nous fallait définir une troisième voie : nous l'avons nommée "solidarisme", d'abord parce que ce terme n'avait jamais été utilisé, sinon par un auteur maçonnique du début du siècle, Léon Bourgeois, le père de la Société des nations, que les jeunes générations ont parfaitement eu raison d'oublier. Le principe du solidarisme est simple : rechercher la solidarité des hommes face à la dialectique des affrontements. Ce n'est pas du tout des "idées généreuses de gauche", mais une manière de voir ce qui unit les gens à l'intérieur d'une nation »[4].

La fusion se concrétise : Malliarakis appelle tous les solidaristes à rejoindre le Mouvement nationaliste révolutionnaire qu'il vient de créer. La revue Jeune Nation Solidariste devient la publication officielle du nouveau mouvement. Malliarakis lance en parallèle à la publication mensuelle une revue théorique, qui réaffirme elle aussi son lien avec le courant solidariste, Etudes solidaristes. Le MNR continuera de se réclamer du solidarisme jusqu'à sa transformation en 1985 en Troisième Voie.

Postérité

Bien plus tard, en 2010, Serge Ayoub fonde un mouvement qu'il nomme Troisième voie pour une avant-garde solidariste.

Notes et références

  1. Philippe Baillet, « Émigration russe blanche et services secrets : des liens étroits. solidarisme », in : Écrits à l'écart de toute meute, Sentiers perdus, Fribourg, 2024, 322 p., p. 215-231.
  2. Georges Feltin-Tracol, Pour la troisième voie solidariste. Un autre regard sur la question sociale, Éditions Les Bouquins de Synthèse nationale, coll. « Idées », 2018, 170 p., p. 129.
  3. ibidem, p. 137-138.
  4. cité in : Grégory Pons, Les rats noirs, Jean-Claude Simoën éd., 1977, p. 236-237.