Nouvelle Action royaliste
La Nouvelle Action royaliste (NAR), est un mouvement politique français, fondé en 1971, initialement nommé Nouvelle Action française.
Issue d'une scission de la Restauration nationale qui entendait au départ « moderniser » la doctrine maurrasienne, elle représente un royalisme de gauche.
Histoire
A la fin des années 1960, l'Action française, représentée officiellement par la Restauration nationale, a encore une forte présence dans certaines universités. Face à l'agitation gauchiste, ses militants sont au premier rang, menés par des leaders étudiants particulièrement dynamiques, comme Patrice de Plunkett, Bernard Lugan et Alain Potier (ultérieurement connu sous le nom d'Alain Sanders), aussi bien à Paris qu'en province[1]. Durant la deuxième semaine de mai 1968, les jeunes monarchistes investissent en force sur les manifestations anti-gauchistes organisées au départ de l’Etoile. Ces actions entraînent un sensible gonflement de leur base militante. Ils prennent même le pas sur le très activiste mouvement Occident, paralysé par ses contradictions internes, entre partisans de la lutte sans concession face au gauchisme et partisans d'un refus total de faire cause commune avec le régime. Les militants d'AF, eux, ne s'embarrassent pas de ce débat. Ils n'hésitent pas à scander des « La police avec nous ! », insupportables pour les radicaux d'Occident. Pourtant, les militants d'AF participent à certaines actions unitaires organisées par d'autres mouvements nationalistes, comme lorsque Roger Holeindre mène un rassemblement à l'Étoile en réparation de l'outrage fait au Soldat inconnu, dont la tombe a été profanée par des centaines de gauchistes[2].
Toutefois, par la suite, certains militants d'AF remettent en question cette opposition radicale au gauchisme. Peu à peu, un groupe, mené par Bertrand Renouvin, Georges-Paul Wagner, Gérard Leclerc et Yvan Aumont, se structure autour des publications L'AF Université et Dossiers d'Action française. Ils souhaitent « moderniser » l'AF, concilier l'héritage de Maurras avec une partie des idées ou des slogans portés par la vague gauchiste : « ouvriérisme », rhétorique révolutionnaire de « lutte des classes », socialisme autogestionnaire, anticapitalisme, antifascisme, antiracisme, tiers-mondisme, antimilitarisme, etc. Pour eux, il faut chercher l'alliance avec les mouvements gauchistes contre le régime, et non le contraire.
Deux tendances se dessinent donc au sein des jeunes d'Action française, et elles divergent de plus en plus. Ainsi, en février 1971, L'AF Université publie dans ses colonnes une « Lettre ouverte à Richard Deshayes », militant maoïste grièvement blessé lors d'un affrontement avec la police lors d'une émeute le 9 février 1971[3]. Ce soutien provoque un fort mécontentement de la direction de la Restauration nationale qui estime que le journal des étudiants doit être sérieusement repris en main. De l'autre côté, la tendance majoritaire est loin de chercher l'alliance avec les maoïstes, et préfèrent de loin celle avec le tout récent mouvement Ordre nouveau, à la pointe de la lutte contre le gauchisme, justement. Lorsqu'ON annonce un grand meeting au Palais des sports pour le 9 mars 1971, et que les mouvements gauchistes annoncent une contre-manifestation, des groupes d'AF, menés par les principaux leaders de jeunes maurrassiens que sont Patrice de Plunkett, Bernard Lugan et Alain Sanders, viennent apporter leur soutien actif à ON[4].
En avril 1971, la rupture est consommée. Ceux que l'on surnomme parfois les « mao-maurrassiens » quittent la RN et fondent la Nouvelle Action française (NAF).
Le 4 mars 1972, la NAF participe même au cortège de l'enterrement de Pierre Overney, militant de l'organisation maoïste Gauche prolétarienne, tué par un vigile lors d'un affrontement aux portes de l'usine Renault de Billancourt. Les jeunes royalistes défilent ainsi dans ce qui se veut en réalité une manifestation de force de la gauche radicale, aux côtés des maoïstes, des trotskistes et du PSU : 200'000 participants[5].
Ayant décidé de s'ancrer définitivement et radicalement à gauche, la NAF ne montre aucun intérêt pour les travaux du GRECE qui se développent à la même période. Bien plus, elle attaque violemment le nouveau laboratoire de pensée, et en particulier la revue la revue Nouvelle École, accusée de vouloir réduire l’homme « au biologique pur, à l’animalité, nié dans sa raison qui le définit et fonde sa dignité ». Pour la NAF, les tentatives du GRECE de renouveler le corpus doctrinal des Droites ne peuvent aboutir qu'à « l’homme qu’on sépare en races antagonistes, au mépris de l’identité qui existe entre tous les hommes. L’homme qu’on voudrait voir manipulé par les techniciens de la génétique, sélectionné en vertu de leurs critères, éliminé lorsqu’il ne convient pas, ou plus ». Selon les royalistes de gauche, « c’est Sparte qui renaît. Et les camps d’extermination qui se profilent. Il faut le savoir et le dénoncer. D’autant plus qu’un vertige semblable saisit ce qu’on considère habituellement comme l’autre extrême de la politique : il y a des subversions de droite, il y a des subversions de gauche qui convergent aujourd’hui pour engendrer le même totalitarisme, la même barbarie ».[6].
En 1978, la NAF prend sa dénomination actuelle de Nouvelle Action royaliste : la rupture avec la doctrine maurrassienne est désormais bien actée. Dès 1980, elle prend position pour le droit de vote des étrangers au niveau local. Aux élections présidentielles, la NAR appelle même à voter François Mitterrand, qui semble ne pas avoir été insensible au geste. En effet, il nommera Bertrand Renouvin au Conseil économique et social.
Notes et références
- ↑ Sur l'activisme d'AF de ces années, voir : Bernard Lugan, Mai 68 vu d'en face, Éditions Balland, 2018, 132 p.
- ↑ Jack Marchal, Frédéric Chatillon et Thomas Lagane, Les Rats maudits. Histoire des étudiants nationalistes 1965-1995, Paris, Les Éditions des Monts d'Arrée, 1995, 147 p., p. 25.
- ↑ Sur Richard Deshayes, voir : Christophe Bourseiller, Les maoïstes. La folle histoire des gardes rouges français, Éditions du Seuil, collection « Points », 2008, 369 p., p. 184-186.
- ↑ Jack Marchal et alii, Op. cit., p. 50.
- ↑ Christophe Bourseiller, Op. cit., p. 210-211.
- ↑ Bertrand Renouvin, « "Nouvelle École", ou la subversion de droite », in : Le Désordre établi, Paris, Stock, 1975, 221 p., p. 65-70.