Maître Eckhart

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Eckhart von Hochheim, dit Maître Eckhart – aussi Eckehart –, né vers 1260 dans les environs de la ville de Gotha (on ne sait pas avec certitude s'il s'agit du village de Hochheim, de celui de Tambach ou de Wangenheim) et mort le 28 janvier 1328 en Avignon, est un théologien et philosophe allemand.

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Il étudia la théologie à Erfurt, puis Cologne et Paris. Il enseigna à Paris, prêcha à Cologne et Strasbourg. Maître et théologien de la vie spirituelle, il administra également la province dominicaine de Teutonie depuis Erfurt.

Premier représentant des « mystiques rhénans », il aura une grande influence sur le développement de la philosophie allemande. Georg Wilhelm Friedrich Hegel l'a considéré comme étant le créateur de cette dernière.

Biographie

La vie de Maître Eckhart est relativement mal connue. Né en Thuringe, vers 1260, il entre tôt dans l'ordre des dominicains à Erfurt. Il a probablement été l'élève d'Albert le Grand. Après des études à Paris (1293-1294), il devient prieur à Erfurt vers 1295, puis vicaire pour la Thuringe.

En 1302, il est à l'université de la Sorbonne, où il étudie en particulier les œuvres d'Aristote et des platoniciens. Il y obtient le grade de maître ès arts. Il commence alors à enseigner la théologie à la Sorbonne. Déjà fort d'une réputation d'érudit, il est appelé à Rome en 1302 pour assister le pape Boniface VIII dans sa lutte contre Philippe le Bel.

En 1303, il devient provincial de son ordre pour la Saxe et, en 1307, vicaire général pour la Bohème. En 1313-1314, il enseigne à nouveau à Paris. Il est ensuite à Strasbourg pour y enseigner la théologie.

En 1326, l'archevêque de Cologne, Heinrich von Virneburg, ouvre une procédure inquisitoriale contre Eckhart, qui en appelle au Saint-Siège. Maître Eckhart entreprend pour cette raison de se rendre en Avignon pour s'y défendre. Il y décède, un mois ou deux avant la publication de la bulle condamnatoire, In agro dominico de 1329, où le pape Jean XXII recense vingt-huit articles tirés des œuvres allemandes et latines d'Eckhart, dont dix-sept sont jugés hérétiques.

Influence

Les disciples les plus connus de Maître Eckhart sont Henri Suso, Jean Tauler et Nicolas de Cuse.

Maître Eckhart a influencé :

La mystique rhénane

Syncrétisme ou retour à une métaphysique originelle ?

Selon certains auteurs, comme Julius Evola et Adriano Romualdi, la mystique rhénane représente une forme d'évasion du christianisme, qui renoue avec la métaphysique et le fond de l'âme européennes et indo-européennes. Ils attirent l'attention sur la similitude entre les formulations de Maître Eckhart et de ses disciples, comme Jean Tauler, Suso ou Van Ruusbroec, et celles de Proclus, de Plotin et des Upanishads.

Romualdi fait ainsi remarquer que « Eckhart exalte l'Abgeschiedenheit, le détachement de l'âme, au-dessus de toute pitié et de tout amour chrétiens. Il y a chez lui une conscience claire du caractère intemporel de la création et de la révélation. Il y a, enfon, affirmé avec force, le thème de l'identité absolue de l'âme avec Dieu. Dans la solitude, la pureté, la concentration, Eckhart arrive en vue de ce fond très reculé : domus Dei, additum animae, anuma nuda. Il parle également , dans une autre partie de son œuvre, d'un "château de l'âme" (bürgelin der sêle), d'un "fond de l'âme" (grunt der sêle), d'un "rocher de l'esprit" (huote des geistes), qi ne sont autres que le plotinien "centre de l'âme" et de cette "fleur de l'intellect" dont parlait Proclus. L'"homme noble" est celui qui s'aventure dans cette région intérieure où il devient identique à Dieu »[1].

« Notre-Seigneur dit dans l'Evangile : "Un homme noble partit dans un pays lointain afin d'y obtenir un royaume et il revint ensuite". Notre-Seigneur nous enseigne par ces paroles à quel point l'homme est créé noble en sa nature , à quel poj t est duvin ce à quoi il peut parvenir par grâce et aussi comment il doit y arriver. [...] L'autre homme qui est en nous est l'homme intérieur; l'Ecriture le nomme un homme nouveau, un homme céleste, un homme jeune, un ami et un homme noble. Et c'est à lui que pense Notre-Seigneur quand il dit qu' "un homme noble partit pour un pays lointain afin d'y obtenir un royaume, et revint ensuite »[2].

Il n'est donc pas étonnant que l'Eglise ait fini par condamner plusieurs propositions eckhartiennes. Plus précisément, la bulle In agro dominico condamna vingt-huit propositions d'Eckhart[3]. Parmi celles-ci, on peut mentionner :

« 27 (=I) Il y a dans l'ame quelque chose qui et incréée et incréable; si l'âme entière était telle, elle serait incréée et incréable; et c'est cela l'intellect.

28 (=II) Dieu n'est ni bon, ni meilleur, ni le meilleur; quand j'appelle Dieu bon, je parle aussi mal que si j'appelais noir ce qui est blanc. »[4]

Une conception aristocratique de l'ascèse

Maître Eckhart développe une conception de l'ascèse contemplative assez proche de celle du bouddhisme des origines. Comme le Bouddha, Eckhart s'adresse à l'homme noble et à l' « âme noble  », dont la dignité métaphysique est attestée par la présence, en elle, d'une « forteresse  », d'une « lumière  » et d'un « feu » — de quelque chose qui fait que la divinité même, conçue en mode théiste comme une « personne », devient extérieure. La méthode, c'est essentiellement le détachement — l'Abschiedenheit; une vertu qui, aux yeux d'Eckhart, est plus haute que l'amour, la charité, l'humilité ou la compassion. Le principe de la « centralité spirituelle » est affirmé : le vrai Moi est Dieu, Dieu est notre vrai centre et nous sommes seulement extérieurs à nous-mêmes. Ni espoir, ni peur, ni angoisse, ni joie, ni douleur, « aucune chose qui puisse nous tirer hors de nous-mêmes  », né doit pénétrer en nous. L'action déterminée par le désir, quand même son objet serait le royaume des cieux, la béatitude et la vie éternelle — cette action est rejetée. La voie procède de l'extérieur vers l'intérieur, au-delà de tout ce qui est « image », au-delà des choses et de ce qui a la nature de la chose (Dingheit), au-delà des formes et de la qualité formelle (Förmlichkeit), au-delà des essences et de l'essentialité. De l'extinction graduelle de toute image et de toute forme, puis de la pensée, du vouloir et du savoir propres, découle une connaissance transformée, portée au-delà de la forme (überformt), et surnaturelle. Ainsi parvient-on à un sommet, depuis lequel « Dieu » même (toujours selon la conception théiste de Dieu) apparaît comme quelque chose de transitoire, à la racine transcendante et « incréée » du Soi qui ne saurait être niée, car elle une fois niée, « Dieu » lui-même n'existerait plus. Toutes les images propres à la conscience religieuse sont englouties par une réalité qui est en possession pure et absolue, et dont la simplicité est nécessairement effrayante pour tout être fini. De nouveau revient le symbole solaire : face à cette essence dépouillée et absolument simple, Dieu apparaît comme la lune face au soleil; le rayonnement de cette essence fait pâlir la lumière divine, de même que celui du soleil éclipse la lumière lunaire[5].

Sources

Cité dans

  • Giovanni Monastra et Philippe Baillet, Piété pour le cosmos : Les précurseurs antimodernes de l'écologie profonde, Akribeia, Saint-Genis-Laval, 2017, 170 p. (ISBN 978-2-913612-66-2)

Œuvres

traductions françaises

  • Les Traités, traduction et introduction de Jeanne Ancelet-Hustache, Le Seuil, Paris, 1971.
  • Traités et sermons, traduction, introduction, notes et index par Alain de Libera, Garnier-Flammarion, Paris, 1995.
  • Poésies mystiques et prière de Maître Eckhart, traduction et présentation de Wolfgang Wackernagel, Genève, Ad Solem 1998, 124 p.
  • L’étincelle de l’âme. Sermons I à XXX, trad. Gwendoline Jarczyk, Paris, 1998.
  • Dieu au delà de Dieu. Sermons XXXI à LX, trad. Gwendoline Jarczyk, Paris, 1999.
  • Et ce néant était Dieu. Sermons LXI à XC, trad. Gwendoline Jarczyk, Paris, 2000.

Liens externes

  • Une éthique du détachement (Maître Eckhart), Ego Non, mars 2024 : [1]

Notes et références

  1. Adriano Romualdi, La question d'une tradition européenne (trad. Philippe Baillet), Saint-Genis-Laval, éd. Akribeia, 2014, 104 p., p. 81-85.
  2. Maître Eckhart, « De l'homme noble », in Id., Les Traités, traduction et introduction de Jeanne Ancelet-Hustache, Le Seuil, Paris, 1971, p. 144.
  3. Adriano Romualdi, ibidem.
  4. « Bulle de Jean XXII : In agro dominico du 27 mars 1329, où sont condamnés 28 articles de Maître Eckhart », in Maître Eckhart, Traités et sermons, traduction, introduction, notes et index par Alain de Libera, Garnier-Flammarion, Paris, 1995 (p. 407-415), p. 408, 415.
  5. Julius Evola, Révolte contre le monde moderne, trad. et préf. Philippe Baillet, L'Âge d'Homme 1991 (rééd. 2009), 460 p. , p. 159-160.