Édouard Drumont
Édouard Drumont, né à Paris le 3 mai 1844 et mort le 3 février 1917, est un journaliste, écrivain, polémiste et homme politique nationaliste français.
Adversaire résolu des oligarchies financières et de la corruption, il est partisan d’un socialisme national. Il est l'inventeur du slogan « La France aux Français ». Il devient ouvertement antisémite au cours de l'affaire Dreyfus. Il fonde le journal La Libre parole et cofonde la Ligue nationale antisémitique de France. Il a été député d'Alger de 1898 à 1902.
Sommaire
Biographie
Des Lettres au journalisme d'investigation
Édouard Drumont, né à Paris le 3 mai 1844. Très jeune il doit subvenir aux besoins des siens, en raison de la grave maladie dont souffre son père.
Il entre, à dix-sept ans, dès la mort de son père, à l’hôtel de ville où il travaille six mois. Son rêve est de devenir homme de lettres. Il se lance dans le journalisme et entre au Moniteur du bâtiment, puis il collabore au Diable à quatre, un journal d’Hippolyte de Villemessant. Il travaille parallèlement à L’Inflexible, où il dévoile les secrets de Villemessant, qui le congédie.
Il publie des articles dans divers journaux comme La Liberté (où il s’occupe à la fois des reportages, des chroniques littéraires, des études d’art et même la dernière heure au Corps législatif). Drumont reste chroniqueur d’art à La Liberté de 1874 à 1886.
Édouard Drumont entreprit d’abord des travaux d’historien, publiant notamment un très bel ouvrage, Les Fêtes nationales de France (1879), La mort de Louis XIV (1880, ouvrage conçu par les frères Anthoine) et une étude incontournable sur Le Vol des diamants de la couronne au garde-meuble (1885).
Drumont est converti par le jésuite Stanislas du Lac, qui l’encourage à écrire La France juive et lui fournira des fonds pour créer La Libre Parole.
Appelé à la direction du Monde en 1886, il publie, en avril de la même année, La France juive, qui est un succès éditorial avec 62 000 exemplaires vendus dès la première année et atteint vite la 150e édition. L’ouvrage vaut à son auteur, en même temps que la notoriété, une condamnation à une forte amende et deux duels, notamment avec Arthur Meyer, directeur du Gaulois. Drumont publie ensuite, La France Juive devant l’opinion (1886), La Fin d’un monde (1889), La Dernière Bataille (1890), Le Testament d’un antisémite (1891), Le Secret de Fourmies (1892). Homme de lettres, il publia aussi un roman Le Dernier des Trémolin (Palme, 1879) et un très joli livre d’un amoureux de la capitale, Mon vieux Paris (Charpentier, 1896), Tréteaux du succès (Flammarion, 1900), Figures de bronze ou statues de neige et Les Héros et les pitres.
La Ligue nationale antisémitique de France et La Libre Parole
En 1890, Drumont fonde la Ligue nationale antisémitique de France. Drumont critique le cosmopolitisme de la race juive, ce qui s’oppose pour lui au nationalisme fort qu’il défend. Pour donner plus d’ampleur à sa campagne, il lance le 20 avril 1892 La Libre Parole, avec comme sous-titre : « La France aux Français ».
Dans un article, il accuse le député Auguste Burdeau, rapporteur de la commission parlementaire chargée de se prononcer sur le renouvellement des avantages accordés au conseil de régence de la Banque de France, d’avoir reçu des fonds de la part d’un des membres du conseil de régence, le banquier Alphonse de Rothschild, pour conclure au renouvellement des privilèges. Très vite, il est emprisonné à la prison de Sainte-Pélagie du 3 novembre 1892 au 3 février 1893, purgeant une peine de trois mois infligée par la Cour d’assises de la Seine pour avoir diffamé le député Burdeau.
Notons qu’à l’époque les délits de presse relèvent de la Cour d’Assises, juridiction composée majoritairement de jurés, plutôt que des Tribunaux correctionnels, composés uniquement de juges professionnels (donc nommés par le gouvernement et qui en subissaient de ce fait l’influence politique ou du moins l’autorité morale), afin que les journalistes n’aient pas à comparaître, à cause de leur éventuelle opposition au gouvernement, devant des juges soumis aux ordres et aux directives de celui-ci.
Drumont révèle depuis sa cellule un à un les noms des politiciens et journalistes corrompus et les mécanismes de l’escroquerie du scandale de Panamá. L’écrivain Maurice Barrès y fait référence dans son livre Leurs Figures. Dans ses colonnes, Drumont qualifie le système politico-financier de « presque tout entier tenu par des mains juives ». Les articles, écrits à cette occasion, sont ensuite réunis en un volume : De l’or, de la boue, du sang, en 1896.
À la suite des émeutes antisémites d’Alger en 1898, l’agitateur Max Régis convainc Drumont de se présenter dans cette ville aux élections législatives : élu député d’Alger en mai, l’écrivain devient à la Chambre dirigeant du « groupe antisémite », composé de 28 députés. Il s’oppose vivement à la révision du procès de Dreyfus (1897-1898), réclame des poursuites contre Zola et l’abrogation du décret Crémieux (1899), soutenu par les quatre députés d’Algérie. Il est exclu de la Chambre en 1901 pour avoir qualifié un député républicain « d’homme taré ».
En 1902, Drumont lance le Comité national anti-juif, qui vise à « substituer une République vraiment française à la République juive que nous subissons aujourd’hui », avec les députés Charles Bernard et Firmin Faure, ce qui ne l’empêche pas d’être battu aux élections générales du 27 avril 1902, remportées par le Bloc des gauches. Il reprend alors son métier de journaliste et d’écrivain. Le 22 février 1915, il prend la direction du journal Le Peuple français.
Il passe une partie de la fin sa vie dans l’Yonne, dans le village de Vallery près de sens.
Presque aveugle, Drumont meurt le 3 février 1917, dans sa demeure de Moret sur Loing. Ses obsèques se déroulent à Saint-Ferdinand des Ternes.
Édouard Drumont est provisoirement inhumé au cimetière parisien de Saint-Ouen. Sa dépouille est transférée le 11 novembre 1917 dans sa sépulture définitive au cimetière du Père-Lachaise. Le buste qui figure sur sa tombe est inauguré le 9 juin 1937. Ironie du sort, sa tombe se trouve dos-à-dos avec celle de l’escroc juif Alexandre Stavisky.
Contre la finance et l'oligarchie
Essayiste politique, Drumont n’a pas cessé de dénoncer la corruption de l’oligarchie républicaine, avec une pertinence et une acuité qui font de La Fin d’un monde (Savine, 1889) un livre qu’il faut lire et relire, tant les vices de la IIIe République subsistent au sein de la Ve . « Le républicain bourgeois est convaincu que la nation doit lui faire des rentes à perpétuité, le nourrir sur un chapitre quelconque du budget. »
Drumont, décrivait « l’autre partie de la bourgeoisie, la plus méritante, la plus française, celle qui travaillait elle-même, est en train de retourner au prolétariat ». C’est également Drumont qui révèle la plus grande affaire de corruption de son temps, celle des « chéquards », restée dans l’histoire de la République sous le non de « scandale de Panama ». Mais surtout, lui qui avait connu la tragédie de la Commune, aventure à laquelle il avait été hostile, il se fit le défenseur du peuple, à commencer par celui des communards, se montrant notamment admirateur de Louise Michel. Drumont s’est révélé comme une sorte de tribun du peuple, par la plume mais aussi subséquemment par l’épée du duelliste. Partisan d’un socialisme national, inventeur du slogan « La France aux Français », il vilipendait l’oligarchie républicaine, née de la répression féroce de 1871.
« Ce qui rendit… la répression de la Commune ignoble, c’est qu’elle fut faite par les courtisans, les corrupteurs de ceux mêmes dont on versait le sang à flots, c’est que les plus impitoyables égorgeurs du Peuple furent ceux qui le flattaient le plus bassement la veille… ». Il fut le premier à défendre les grévistes de Fourmies (1er mai 1891), contre lesquels la République expérimenta le nouveau fusil Lebel, tuant neuf ouvriers, femmes et enfants (Le Secret de Fourmies, Savine, 1892). L’ordre de tirer avait été donné par le sous-préfet Isaac, couvert par le ministre de l’Intérieur, le franc-maçon Ernest Constans.
Drumont, homme de droite, traditionaliste et même réactionnaire, a su venir à la rescousse des anarchistes, véritables héritiers inavouables de la Révolution que revendiquait le pouvoir « républicain ». De Vaillant, qui a jeté, le 9 décembre 1893, dans l’enceinte de la chambre des députés une bombe qui n’a fait que des blessés, il écrivait le lendemain dans La Libre Parole: « Que répondront les anarchistes aux protestations de ceux qui leur reprochent de frapper des innocents? Ils répondront purement et simplement: il n’y a pas d’innocent parmi les bourgeois (…) Il y a cent ans, la bourgeoisie tenait absolument vis-à-vis des aristocrates le langage que l’anarchie tient aujourd’hui vis-à-vis des bourgeois. » « Il n’y a pas d’innocents parmi les bourgeois » est la reproduction textuelle d’une phrase prononcée en 1793 : « Il n’y a pas d’innocents parmi les aristocrates » par le terroriste Carnot, grand-père du président de la République d’alors, Sadi-Carnot… Lequel fut assassiné l’année suivante, par l’anarchiste Caserio, à Lyon, ville rebelle[1] que le grand-père voulait détruire.
Édouard Drumont et « la France juive »
C’est en 1886, avec l’appui d’Alphonse Daudet sans qui il n’aurait pas trouvé d’éditeur, que Drumont publia La France juive, en deux gros volumes qui vont être un énorme succès de librairie, grâce à une critique du Figaro d’alors. La France juive est une grande fresque historique et sociale des rapports de la France avec les Juifs. Dans La France juive, on trouve « non seulement des pages de polémiste, mais des pages de très grand historien, d’autres d’autant plus émouvantes qu’elles sont animées par une conviction profondément sincère » écrit dans sa biographie Emmanuel Beau de Loménie[2].
La publication du livre valut à son auteur un duel avec Arthur Meyer, journaliste juif et directeur du Gaulois (!). Dans ce duel Drumont reçut une blessure, due à un geste déloyal de la main de Meyer, lequel fut alors appelé par Rochefort, en référence à Alexandre Dumas et ses mousquetaires, « le vicomte de Mainfélonne »… Toutefois Meyer écrivit plus tard: « En prêchant sa croisade contre les juifs, M. Drumont a entendu montrer au monde que certains juifs mettaient en péril l’ordre social universel. Et malheureusement, sur ce point, M. Drumont a complètement raison. » Arthur Meyer donna encore raison, implicitement et paradoxalement, à l’essayiste… en se convertissant au catholicisme pour redorer la dot d’une demoiselle de Turenne! Mais, chez les écrivains juifs, il n’y a pas que Meyer pour donner raison à Drumont, indirectement en tout cas… Voici ce qu’écrivit Bernard Lazare, dans L’Antisémitisme, son histoire et ses causes (Chailley, 1894): « Si cette hostilité, cette répugnance même, ne s’était exercée, vis-à-vis des Juifs qu’en un temps et en un pays, il serait facile de démêler les causes restreintes de ces colères; mais cette race a été, au contraire, en butte à la haine de tous les peuples au milieu desquels elle s’est établie (…) Il faut donc considérer que les causes générales de l’antisémitisme aient toujours résidé en Israël même et non chez ceux qui le combattirent. » Le lecteur qui n’a pas encore lu Drumont pensera peut-être ici que tout cela remonte au XIXe siècle et que tout a bien changé de nos jours. L’auteur de La France juive a dénoncé, tout particulièrement dans cet ouvrage, le rapport supposé obsessionnel et malsain des juifs avec l’argent. Or, un avocat et écrivain israélite contemporain, Édouard Valdman, a publié un essai, Les Juifs et l’argent (Galilée, 1994), où il écrit benoîtement: « D’un côté donc les valeureux, les hommes qui possèdent la terre, et de l’autre les hommes de l’indétermination. Seul ce qui n’est pas noble leur est autorisé, l’argent (…) Le grand Shakespeare lui-même l’a souligné. Le Juif pose un voile sordide sur toute cette gratuité, sur toute cette fraternité (…) L’argent et le Juif sont en fait la même chose. Tous deux errent. » Jacques Attali reprendra cette thèse dans Les Juifs, le monde et l’argent (Fayard, 2002), au point d’être accusé de plagiat par Valdman. Avec ces lectures, on comprendra mieux le mot de Bernanos, dans le livre qu’il a consacré à la gloire de Drumont, La Grande Peur des bien-pensants (Grasset, 1931), quant à l’apport de La France juive, grâce à laquelle « l’antisémitisme apparaîtra ce qu’il est réellement: non pas une marotte, une vue de l’esprit, mais une grande pensée politique »[3].
Postérité
L’Institut des Questions Juives rend hommage à Edouard Drumont en 1941 en présence de Mme Drumont.
En 1942, l’inscription « À l’auteur de l’immortel chef d’œuvre, La France juive » est ajoutée en épitaphe sur sa tombe. Mais en 2000, un arrêté municipal du Conseil de Paris, présidé par Jean Tiberi, profane la tombe en faisant buriner l’épitaphe, considérée comme constituant « un trouble à l’ordre public ».
Il existait d’autre part, une plaque fixée au 3 bis passage Landrieu sur la maison où a habité Édouard Drumont. Il y était écrit « Ici a vécu Édouard DRUMONT, l’immortel auteur de La France juive, qui avait, dès 1886, prévu le mal dont la France a failli mourir. En reconnaissance et en réparation ».
En 1944, le centenaire d’Edouard Drumont est célébré.
En 2017, Jeune Nation commémorait le centenaire de la mort d’Edouard Drumont par une Journée de la Libre Parole à Toulouse et son nom était donné à la promotion de l’année lors du camp d’été.
Une association française Les amis d’Édouard Drumont, a été fondée en 1963 par Maurice Bardèche en collaboration avec Xavier Vallat, Jacques Ploncard d'Assac, Abel Manouvriez, Hubert Biucchi et Henry Coston. L’association regroupait des écrivains et des journalistes, comme Emmanuel Beau de Loménie, Robert Coiplet, P. E. Cadelhoc, Pierre Dominique, Jean-André Faucher, Georges Gaudy, Philippe Roussel, Saint-Paulien. L’association avait pour but de perpétuer la mémoire et l’œuvre d’Édouard Drumont.
Afin de rééditer ses ouvrages et, en particulier, ses analyses sur les Protocoles des Sages de Sion, l’association avait fondé une « Société des amis d’Édouard Drumont » chargée de ce travail éditorial. L’association devait aussi décerner un prix annuel pour récompenser l’auteur de la meilleure publication sur Drumont et son œuvre.
Le décès, durant les années 1990, de la plupart des membres actifs de l’association, laisse celle-ci en sommeil aujourd’hui.
Publications
- Mon vieux Paris, Paris, Éditions Flammarion (1re éd. 1878) — Prix de Jouy de l’Académie française 1879
- Les Fêtes nationales à Paris, Paris, L. Baschet (1re éd. 1878)
- Le dernier des Trémolin, Paris, Palmé (1re éd. 1879), 328 p.
- Louis de Rouvroy de Saint-Simon (préf. Édouard Drumont), Papiers inédits du duc de Saint-Simon : Lettres et dépêches sur l'ambassade d'Espagne, Paris, A. Quantin, 1880, 411 p.
- Les frères Anthoine (préf. Édouard Drumont), La Mort de Louis XIV : Journal des Anthoine, Paris, A. Quantin, 1880, 156 p.
- La France juive : essai d'histoire contemporaine, Paris, C. Marpon & E. Flammarion, 1880.
- La France Juive devant l'opinion, 1886
- La Fin d'un monde : Étude psychologique et sociale, 1889
- La Dernière Bataille, 1890
- Le Testament d'un antisémite, 1891
- Le Secret de Fourmies, 1892
- De l'or, de la boue, du sang : Du Panama à l'anarchie, 1896
- Mon vieux Paris. Deuxième série, 1897
- La Tyrannie maçonnique, 1899
- Les Juifs contre la France, 1899
- Les Tréteaux du succès. Figures de bronze ou statues de neige, 1900
- Les Tréteaux du succès. Les héros et les pitres, 1900
- Le Peuple juif, 1900
- Vieux portraits, vieux cadres, 1903
- Sur le chemin de la vie (souvenirs) 1914
Bibliographie
- Éric Delcroix, « Qui fut Édouard Drumont ? », in: Réfléchir et agir, HS no 1, 2014, p. 4-7.
- Georges Bernanos, La Grande Peur des bien-pensants : Édouard Drumont, [Grasset, 1931], Le Livre de poche, 1998, 448 p.
- Emmanuel Beau de Loménie, Édouard Drumont ou l'anticapitalisme national, Pauvert, 1968
Cité dans :
- Robert Steuckers, « De Theodor Herzl au sionisme contemporain », in Magazine des amis de Jean Mabire n°62/63, p. 46 à 54.
Notes et références
- ↑ À défaut de raser Lyon, la République l’humiliera, comme en témoigne son « boulevard de la République »!
- ↑ Emmanuel Beau de Loménie, Édouard Drumont (Pauvert, 1968).
- ↑ * Éric Delcroix, « Qui fut Édouard Drumont ? », in: Réfléchir et agir, HS no 1, 2014, p. 4-7.