Révolution numérique

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La Révolution numérique est un concept suivant lequel le développement d'internet entraînerait des ruptures technologiques qui modifieraient le fonctionnement de l’économie et bouleverseraient les modes de vie, de manière aussi profonde que, autrefois, la machine à vapeur ou l'électricité.

Suivant les tenants de cette thèse, la révolution numérique constituerait une quatrième révolution industrielle. La première révolution industrielle – début du XIXe siècle– s’organisait autour de la machine à vapeur, la deuxième (fin du XIXe) autour de l’électricité, la troisième autour de l’informatique (milieu XXe). La quatrième révolution (début XXIe), issue des deux dernières, l’électrique et l’électronique, concernerait la généralisation d’Internet et des connections universelles numériques par le web. Le concept de « 4e révolution industrielle » est né après la foire de Hanovre en 2011, où l’on a célébré la naissance de l’ ”usine connectée” ; cette dernière, entièrement ”webisée” et branchée directement sur les clients, est robotisée et emploie de moins en moins de salariés. Cette révolution technologique pourrait « rendre les hommes inutiles », notamment les moins qualifiés et provoquer des inégalités ingérables.

Le mythe de la quatrième révolution industrielle

Le néo–scientisme et l’écologisme

Les prophéties sur la révolution de l’économie numérique, avec ses mots fétiches, cloud, big data, transhumanisme, etc., appartiennent à une idéologie néo–scientiste qui risque de déboucher sur des désillusions terribles. Or, ce néo-scientisme sans prise de recul, comme celui de la fin du XIXe siècle, cohabite curieusement, chez les mêmes, avec un anti–progressisme écologiste. Il est aussi stupide que les théories de la décroissance : il relève du même extrémisme.

Ce romantisme néo-scientiste est l’exact pendant de celui de la fin du XIXe siècle – on peut relire à ce sujet Jules Vernes et Victor Hugo – où l’on s’imaginait l’avenir en rose sous l’influence du concept magique et au fond peu rationnel de Progrès. À la fin de son poème La légende des siècles, Victor Hugo brossait une vision idyllique du XXe siècle.

Les erreurs des pronostics technologiques sont une habitude. Jules Vernes prévoyait qu’en 1960, les habitants des villes se déplaceraient en engins volants individuels. Mais il n’avait pas prévu l’automobile. Et, dans les années 60, on pronostiquait des bases humaines nombreuses sur la Lune et sur Mars, astronomiques et d’extraction minière, la généralisation des transports aériens supersoniques et hypersoniques stratosphériques ainsi que la diffusion de l’énergie de fusion nucléaire. Bien des pronostics sur le futur de la ”révolution numérique” relèvent probablement des mêmes erreurs utopiques de jugement.

L’utilité marginale déclinante de l’économie numérique

Le téléphone, l’électrification, le chemin de fer et l’automobile, l’aviation comme la radio et la télévision, la pénicilline, l’anesthésie, etc. ont été des bonds technologiques énormes, de par leurs conséquences, bien plus qu’Internet ou l’économie numérique. Le binôme numérique/ informatique offre moins de facilités qu’on ne croit ; parce qu’il complique les processus autant qu’il ne les simplifie. Les innovations technologiques de la ”révolution numérique” ne répondent pas dans la pratique quotidienne, à leurs promesses. Elles sont inférieures en terme d’avantages marginaux aux innovations des précédentes mutations techno–industrielles.

Les systèmes de communication, d’écriture et de transmission de tous types de données par Internet et les techniques numériques amènent des avantages inférieurs à ce qu’on croit. Et pas seulement pour une raisons d’obsolescence des matériels, à remplacer sans cesse, ou de course à des ”innovations.

La fréquence des ”bugs” des pannes, la fragilité des transmissions, rendent les nouveaux modes de communication moins fiables que les anciens. Certes, ils sont plus rapides et instantanés mais a-t-on réellement besoin d’une telle rapidité ? 90% des messages entre les humains ne sont pas urgents.

La thèse avancée ici est celle de l’ utilité marginale déclinante des avancées de l’économie numérique. Autrement dit, le ”progrès”, en termes d’avantages économiques et pratiques, a été beaucoup plus important au cours des trois précédentes révolutions industrielles, surtout les deux premières, que depuis l’arrivée de l’informatique puis du numérique. On observe un ralentissement des avantages procurés, voire une stagnation ou un recul.

Il faut se fonder sur la notion, centrale en économie, d’utilité marginale croissante – ou décroissante. Quel avantage objectif (et non pas subjectif ou spectaculaire) amène une innovation ? À la fois en termes de coûts, de bien–être et de commodités : c’est-à-dire de percées concrètes, de facilitations réelles. À cet égard, l’économie numérique et connectée peut-être soupçonnée de ne pas être à la hauteur.

On est fasciné par la technologie numérique, sans comparer rationnellement ses avantages et ses inconvénients. Une innovation technologique n’a de sens – depuis la révolution néolithique – que si elle fait baisser les coûts et les efforts de production des biens et services et augmente leur nombre et leurs qualités.

Une révolution technologique non maîtrisée

Ni l’informatique, ni Internet ni le smartphone, ni le GPS, etc. n’ont créé de bouleversements ni d’améliorations comparables aux innovations de la période 1840–1960. C’est le phénomène de l’utilité marginale décroissante. La révolution numérique crée des mutations comportementales, sociales et économiques mais au fond assez peu d’améliorations concrètes en termes de performances et de commodités ou même d’emplois créés : les innovations technologiques de l’informatique de seconde génération, n’ont pas généré le moindre emploi supplémentaire. Elles n’ont pas accéléré non plus la transmission des informations. Et parfois elles l’ont ralentie du fait de la complexité et de la fragilité des nouvelles machines. Quand j’envoie un SMS à un correspondant, mon message ne va pas plus vite que jadis un appel téléphonique sur un poste fixe avec fil ; en revanche, le système est moins fiable et…plus cher – contrairement à ce que croit le consommateur abusé.

Les précédentes révolutions industrielles ont connu un développement linéaire ; la révolution numérique connaît un développement géométrique, exponentiel. Loi de Moore : la puissance des ordinateurs double tous les dix-huit mois. En réalité, c’est, selon moi, inexact : ce n’est pas la puissance électro-physique des ordinateurs qui double à cette allure, mais ce sont leurs champs d’applications, leurs connections.

La révolution numérique n’épargne aucune activité ; mais cette largeur d’éventail n’est pas synonyme d’amélioration. Contrairement aux premières révolutions industrielles, les sociétés n’ont pas le temps de s’adapter au processus galopant de la révolution numérique. Cette dernière, comme toutes les mutations techno-économiques de l’histoire – mais bien plus encore – s’apparente à un phénomène subi dont on n’a pas prévu les conséquences ; ou plus exactement, dont les conséquences surprenantes ne sont pas exactement celles recherchées : c’est l’ « hétérotélie » décrite par Jules Monnerot. Heidegger parlait à propos de la progression de l’économie technologique de « processus sans sujet ».

Une révolution technologique en trompe l’œil

Les nanotechnologies et les biotechnologies, dont les prix baissent continuellement, n’amèneront probablement pas la même valeur ajoutée globale que les innovations des précédentes révolutions industrielles. Elles sont frappées par le redoutable effet marginal déclinant, c’est-à-dire la dégradation mathématique du rapport entre le coût des innovations et le bénéfice de leurs résultats.

Les voitures électriques autoguidées, les bio-organes de remplacement, les objets connectés qui obéissent à la voix, les puces implantées dans le cerveau et autres ”innovations” n’auront certainement pas les mêmes effets révolutionnaires que le moteur à explosion, le téléphone, le macadam, la radio, la pénicilline ou l’avion.

Les deux premières révolutions industrielles (vapeur et électricité + moteur à explosion) ont été précédées par d’importantes innovations techniques. D’où le bouleversement des systèmes de production, de distribution et de consommation et, en conséquence, transformation des sociétés. En effet, depuis le néolithique (invention de l’agriculture et de l’élevage), les innovations technologiques sont les racines causales des mutations des civilisations, y compris dans le domaine artistique. Avec la biologie (démographie et caractéristiques héréditaires des populations), la technologie est le second pilier de l’infrastructure des civilisations.

Les deux premières révolutions industrielles ont considérablement accru le niveau et l’espérance de vie, comme le confort matériel (et provoqué dans le monde entier une explosion démographique par recul de la mortalité) parce qu’à l’offre économique technique répondait, comme cause/effet, la demande d’une classe moyenne aisée en constante expansion. Mon soupçon est que les deux révolutions techno–industrielles suivantes à partir de la fin du XXe siècle (informatique puis numérique) ne produiront pas les mêmes effets.

Artefacts et gadgets

La sécurité bancaire a été dégradée par le numérique, et les achats ou paiements en ligne ne sont pas fiables. Aucun site n’est réellement sécurisé. Pourquoi ? Parce que derrière les machines, il y a les hommes et donc leur proportion constante d’escrocs.

En matière de rapidité et de fiabilité dans la transmission des informations, les techniques électroniques et numériques n’ont pas montré une supériorité écrasante. Le ” facteur d’incertitude” est une cause : on s’en remet aux machines, aux process artificiels, toujours menacés par une panne ou un piratage, ce qui est créateur d’angoisse, donc de baisse de la qualité du travail et de hausse des coûts de protection.

Cette ”révolution numérique” produit beaucoup de spectacles, de simulacres et d’artefacts, bouleversements apparents plus que concrets, qui ne simplifient pas forcément le quotidien. Festivisme et spectacularisme. En tant que journaliste, quand j’écrivais et envoyais mes articles par les procédés traditionnels (machine à écrire et offset) la rapidité et la fiabilité étaient plutôt supérieures aux procédés numériques actuels. Où est donc le ”progrès ” ?

Ce phénomène est connu des historiens des sciences et des techniques : la baroquisation et la complexification de certaines technologies qui finissent par les rendre plus chères et moins efficaces, sous prétexte d’innovation à tout prix. De fait, la multiplication d’artefacts, d’applications et d’objets virtuels et non pas réels, rend l’environnement technique plus lourd, plus encombré. Ces béquilles informatiques et numériques de plus en plus nombreuses (voir les applications des smartphones) ne procurent pas une véritable valeur ajoutée mais s’imposent comme des gadgets. Ces artefacts–gadgets sont souvent des illusions pour les consommateurs fascinés mais une source de profit importante pour les sociétés qui les créent. Charlatanisme ?

Les six inconvénients majeurs de l’économie numérique et d’Internet

Ils n’abolissent évidemment tous leurs indéniables avantages. Mais il faut les recenser pour mieux les combattre.

1) Une cybercriminalité non maîtrisée

L’explosion des escroqueries et des arnaques dans les transactions, ainsi que la piraterie et le cyber–terrorisme ont généré une cybercriminalité (entreprises, États, institutions, particuliers) qui est plus forte que toutes les contre mesures. Sans oublier la radicalisation djihadiste, les réseaux de prostitution ou de pédophilie favorisés par le Web. D’où le risque global de fragilisation du nouveau système et, à terme, sa rétraction, si les choses s’aggravent trop.

2) Une complexification des processus

La promesse de facilitation des tâches par l’économie numérique et Internet n’est pas toujours au rendez-vous, bien au contraire. Les bugs incessants, les logiciels mal conçus (plus de 50%) et la mauvaise formation des utilisateurs contribuent à dégrader le nouveau système ”miraculeux”.

La complexité remplace souvent la commodité promise. Le slogan est connu : ” d’un simple clic, tout est facile”. Hélas, tout est souvent rendu beaucoup plus difficile, plus lent et plus cher ; pour les particuliers comme pour les entreprises. Mentionnons les ”e-billets” d’avion ou de train, les démarches ou renseignements administratifs par Internet ou robots répondeurs téléphoniques, etc. J’y reviendrai.

3) Une dépendance paralysante envers la machine

Des tâches qui, jadis, semblaient simplissimes requièrent aujourd’hui un environnement informatique très couteux et pas toujours très fiable, avec souvent une dégradation des prestations par rapport à l’ancien système. De plus, à l’échelle macroéconomique, l’énorme consommation énergétique des ordinateurs sur la planète et des centres de stockage des données (big data) n‘est pas vraiment écologique…

4) Une fragilisation des échanges financiers

L’instantanéité par algorithmes des transactions financières (Bourse, emprunts, etc.) est préoccupante. L’ordinateur quasi-autonome a remplacé la Corbeille et les réflexions ou calculs humains. Ce qui favorise une volatilité des échanges, source de spéculations hors contrôle et de dérapages : effets de panique ou d’enthousiasme artificiels. La sphère financière mondiale, robotisée et non plus maîtrisée, est devenue une source de crises brutales et imprévisibles. : les bulles de savon, qui crèvent aussi vite qu’elles ont grossi.

5) Une baisse de fiabilité des informations

Le raz-de-marée de communication et d’informations charriés par Internet autorise toutes les impostures, les désinformations, les erreurs à répétition, les rumeurs infondées. Il n’y a plus de hiérarchie des informations, plus de recul. Trop d’impôt tue l’impôt ; trop de communication et d’informations tue la communication et l’information.

6) Une menace pour les libertés individuelles

Pour l’instant, l’accessibilité de toutes les données et profils individuels se limite au ciblage publicitaire par les algorithmes. Mais demain, un État ou une organisation pourront faire pression sur un individu par ce moyen, en espionnant tout son contenu Internet et numérique. Néanmoins, cela pose un problème, concernant la surveillance des réseaux terroristes, et il est loin d’être résolu, comme le montre le conflit entre Google et le gouvernement américain.

La possibilité d’un déclin d’Internet

Bien entendu, ces constats n’annulent pas les avantages d’Internet et de la révolution numérique, par la création d’une Toile en réseau qui joue le rôle d’un super cerveau planétaire. Simplement, il faut toujours comparer les avantages et les inconvénients d’un nouveau système, sans oublier ces derniers : ils sont une menace pour Internet, à cause de sa fragilité et de sa faible fiabilité en matière de protection des échanges.

Déjà des entreprises, des organisations, des individus ont délaissé les communications numériques pour des raisons de sécurité. Puisque même les procédés de cryptage sont cassables. Ils en sont revenus aux vieux systèmes, comme le courrier écrit, un peu plus lent mais nettement plus fiable et plus discret. Il faut savoir, par exemple, que la majorité des sociétés américaines travaillant pour la Défense ou des secteurs nationaux sensibles interdisent à leurs cadres de communiquer par Internet ou réseaux sociaux Tout doit passer par le courrier écrit traditionnel, pratiquement impossible à intercepter.

Complexification et baisse de performances des processus

Dans la presse, l’édition, et l’audiovisuel, la transition informatique (1980) puis la transition numérique/Internet (2000) n’ont pas provoqué d’améliorations de ”rupture” dans les résultats : la vitesse d’exécution, la fiabilité, la facilitation du travail ne sont, concrètement, pas évidentes. Ni la baisse des coûts. En revanche, les ”bugs” posent des problèmes inconnus auparavant, de même que la complexité des manipulations informatiques. La performance des processus n’a pas été améliorée mais plutôt ralentie par la révolution numérique. Personne n’ose l’avouer.

A titre d'exemple, les innombrables ”applications” qui encombrent les smartphones sont plus des gadgets, des jouets festifs, que des services concrets améliorant l’existence réelle de la majorité des gens. Dans les années 80, il fallait 3 minutes par téléphone ou dans une agence pour réserver un billet d’avion ”papier” ; aujourd’hui , le temps passé est multiplié par dix, aussi bien à la réservation qu’au desk de l’aéroport.

Internet et les processus numériques ont compliqué la vie quotidienne, n’ont pas franchement fait baisser les coûts, ni facilité les démarches administratives, bien au contraire. ” D’un clic, tout est possible ” dit la publicité. C’est faux.

Innovations ou nouveautés commerciales coûteuses ?

Le coût individuel n’a pas baissé, mais le coût collectif a augmenté.

L’intérêt du smartphone relié à Internet n’est pas de faciliter la vie mais de vendre des produits et services en général inutiles. Il en est ainsi de la plupart des nouveautés (et non pas ”innovations”) des technologies numériques, notamment les objets connectés.

Les ”applications” en logiciels qui encombrent de plus en plus les smartphones se révèlent, dans beaucoup de cas, être des interfaces rendant de faibles services et s’apparentant plutôt à des jeux. Pouvoir, à partir d’un smartphone, commander à distance son lave–linge, acheter un écran souple tactile sur un bracelet-montre, visionner en 3D et à 360° des vidéos à partir d’énormes lunettes, se guider grâce à un GPS – la liste des nouveaux services numériques est interminable – tout cela procède d’une stratégie purement commerciale et n’amène pas de services réels. On est dans le domaine du ludisme consumériste mais pas de la révolution ”sociétale”. Il s’agit de gadgets commerciaux qui n’ont rien de révolutionnaires et n’améliorent pas l’existence concrète.

Quant à la voiture à pilotage automatique, super objet massif connecté promis pour bientôt, on ne voit pas très bien quel avantage cette pseudo–innovation (ou plutôt ce pseudo–concept) procurera en termes de facilitation des transports. Sauf des accidents provoqués par des piratages informatiques ou des bugs inévitables, et des investissements coûteux en reconfiguration numériques des signalisations routières. L’argument de la baisse des accidents routiers ne tient pas ; au contraire, cela pourrait les augmenter. De plus, la philosophie de ce projet est inquiétante : neutraliser et déresponsabiliser le conducteur humain qui confie sa vie à un robot automobile.

Dans le budget des ménages modestes, surtout ceux qui ont plusieurs enfants, le suréquipement en terminaux numériques (PC, tablettes, smartphones polyvalents, etc.) souvent inutiles et redondants – sans compter les abonnements ou forfaits régis par la pratique de la publicité mensongère de la gratuité – obère les achats, au détriment de dépenses d’équipements utiles, de loisir, de santé, de culture, d’alimentation de qualité, etc.

Le problème des courriers électroniques saturants

Au départ, l’e-mail, ou message électronique, était destiné aux communications militaires. L’étendre aux communications sociales procure un avantage de facilité immédiate (avec une trompeuse apparence de coût moindre) mais avec un risque de baisse d’efficacité par effet de saturation.

Dans les entreprises, l ‘e–mail représente 70 % des échanges, y compris en interne. Cette évolution nuit aux contacts directs et, d’après plusieurs études, ralentit les communications au lieu de les accélérer. Conséquences : dépersonnalisation, virtualité, timidité, rigidité.

L’inconvénient de l’e-mail et du SMS (sur tous supports) est l’encombrement, dû à la facilité d’envoi. Quant on reçoit 50 messages électroniques par jour, dont 90% sont sans intérêt, –accompagnés d’un flux d’images et de vidéos–, ce mode de communication se neutralise lui-même. On est noyé. Et pour se faire remarquer, on est obligé d’en revenir au courrier traditionnel : la bonne vieille lettre matérielle. L’hypercommunication numérique, par inflation des flux et des contenus, détériore la communication elle même. C’est le problème du ”trop plein” : trop d’informations désinforme, trop de communications noie les messages. La logorrhée et le bavardage remplacent l’échange. Il n’y a plus de sélection des discours, le contenant (la machine à parler) dévorant le contenu (la parole).

L’addiction aux réseaux numériques, un abêtissement

87% de la population française est connectée à Internet et 77% inscrite sur un réseau social. En 2015, les tablettes et les smartphones ont dépassé les PC. Plus de 20 millions de Français se connectent par deux écrans et plus de 17 millions par trois écrans, selon Médiamétrie. Chez les jeunes générations, on passe, en un an, plus de temps en connexions virtuelles sur écran qu’en classe ou qu’en études. Or l’immense majorité des contenus et des échanges sur les sites et les réseaux sociaux sont superficiels, factices, trompeurs, abêtissants voire dangereux : les jeunes s’y imprègnent d’une sous-culture régressive ou sont victimes de lavages de cerveau. C’est le règne du chaos total, du magma désordonné, avec son cortège de désinformations, de débilités, de fanatisations, du porno banalisé, de perversités, etc.

Bien entendu, la Toile est un outil formidable pour ceux qui savent la maîtriser, mais, démocratisée à outrance, elle peut s’avérer être un facteur d’abêtissement. C’est-à-dire de démolition des savoirs et de perversion du jugement, surtout chez les adolescents.

Cette addiction à la consultation numérique possède deux inconvénients : l’enfermement de l’individu dans une bulle virtuelle et sa désocialisation ; la destruction des repères culturels et des hiérarchies intellectuelles.

Solitude et perte de convivialité

Chez les moins de 16 ans, Internet supplante la télévision. Selon l’agence Childwise, les jeunes britanniques passent trois heures par jour sur le Web et la moyenne atteint cinq heures chez les 15–16 ans. Réseaux sociaux, films, musique, sont ce qui attire le plus. Mais ils sont consommés dans la solitude, sans même le partage que permettaient la télé familiale ou la chaîne stéréo écoutée en groupe.

Internet, les smartphones et les tablettes font baisser la pratique des appels téléphoniques. Le coup de fil n’a plus la cote. Au profit des SMS et courriels, et de plus en plus dans les nouvelles générations. Aux États-Unis, les appels ne représentent plus que 21% des communications et 11% en Grande Bretagne. En France, pour la première fois dans l’histoire de la téléphonie, –soit depuis 1895, il y a 111 ans– le volume des appels chute. Le phénomène est massif chez les moins de 25 ans. On ne se parle plus, on ne se voit plus, on se contacte par l’interface numérique. Et n’oublions pas la chute des courriers postaux écrits.

Les rapports humains se dématérialisent, se virtualisent. On a peur de se parler directement. La conséquence est évidemment une désocialisation, une prise de distance : chacun dans sa bulle, face à son écran. Les réseaux sociaux appauvrissent les échanges sociaux alors qu’ils prétendent les enrichir.

Fin des bals et des bars, des surprise–parties, des discothèques, des pubs. Tout le monde seul devant son écran, dans l’espoir d’une rencontre réelle qui est, la plupart du temps, illusoire. La promesse de convivialité se mue en son contraire, l’isolement de l’individu dans la dépendance de son robot.

Les réseaux sociaux contre les liens sociaux

Les réseaux sociaux sont anti-sociaux parce qu’ils détruisent la socialité réelle au profit de la virtuelle. Branchés sur les smartphones, les zombis ne se parlent plus, ils communiquent. Enfin, les machines communiquent pour eux. Et le contenu des messages échangés est envahi par l’insignifiance.

Les procédés de connexions affectives, sexuelles, conjugales etc. par les innombrables sites spécialisés s’avèrent illusoires et moins efficaces – 90% d’escroquerie commerciale – que les traditionnels lieux de rassemblements conviviaux qui disparaissent peu à peu.

Les ”réseaux sociaux” numériques appauvrissent les liens sociaux, physiques et réels. Les ”rencontres”, comme les ”amis” deviennent virtuels et abstraits, mensongers, éphémères, superficiels, fantasmés. On dialogue avec la machine, son algorithme, son interface d’écran plat. On ne parle pas à des êtres humains, on dialogue avec un robot informatique. La ”rencontre numérique” est très décevante. C’est la rencontre avec le robot (donc avec soi-même, en projection virtuelle) et non pas avec autrui.

Les défunts Guy Debord, avec son concept de « société du spectacle », Jean Baudrillard avec celui de « simulacre », Arnold Gehlen avec sa notion d’ « expérience de seconde main » avaient anticipé le mouvement. Marshal Mac Luhan, lui aussi, sociologue canadien, dès 1965, avait génialement prédit : « the medium is the message » (le moyen de diffusion est le message diffusé, je ne regarde pas ce que montre la télé, je regarde la télé pour elle-même). Il fut à l’origine de la création du terme ”médias”, ce qu’on ignore généralement. Mac Luhan anticipait par là l’évaporation du message réel au profit du medium, c’est-à-dire de la machine. Et, de fait, aujourd’hui, on se branche sur le Web et le big data, machineries anonymes, plus par fascination pour ces outils numériques que pour des contenus.

Mais on ne peut plus se passer d’Internet – un outil exceptionnel – et du numérique informatique ; car qui les refuse est marginalisé. Le problème est qu’ils ont pris trop de place, et n’ont pas été maîtrisés, mais mis à toutes les sauces, intégrés à des secteurs qui n’en avaient nul besoin. Internet et les technologies numériques et de communication informatique sont certes incontournables ; il ne s’agit pas de les condamner mais de les relativiser et de les améliorer. Et surtout de ne pas les idolâtrer.

Bibliographie

Sources

Cet texte est basé sur un article de Guillaume Faye, en quatre parties, Révolution numérique : miracle ou imposture, publié en février et mars 2016.

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