La Garde de fer : méthodes de mobilisation et d'encadrement

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La Garde de fer : méthodes de mobilisation et d’encadrement est un article de Traian Sandu, paru dans « Temps, espaces, langages, la Hongrie à la croisée des disciplines », Les Cahiers d’Études hongroises, L’Harmattan, 2008, 2 volumes, vol.2, pp395-415.

La Garde de Fer : méthodes de mobilisation et d’encadrement

La Légion de l’Archange Michel a été créée en 1927 par scission de la branche « jeune » de la Ligue de défense nationale chrétienne – en roumain LANC. Le principal reproche que Corneliu Zelea Codreanu adressait alors à son vieux parrain Alexandru Cuza était de ne pas avoir su profiter de la mobilisation de l’opinion en leur faveur lors de son procès pour l’assassinat du préfet de police de Iaşi en 1924. De grandes foules avaient applaudi l’acquittement en signe de protestation contre l’autoritarisme du régime imposé par le Parti national libéral (PNL) au pouvoir. Or la LANC restait dans les années vingt une association de notables régionaux antisémites, souvent recrutés dans les milieux universitaires moldaves.

Le choc de la guerre, de l’agrandissement territorial de la Roumanie et de l’adoption du suffrage universel élargirent brutalement le champ d’action politique et bouleversèrent le vieux bipartisme du système censitaire – entre bourgeoisie affairiste du PNL et grands propriétaires du Parti conservateur – par l’irruption de formations nouvelles, catégorielles, régionalistes ou nationalistes. Toutes se disputèrent ceux qui représentaient à l’époque la masse des électeurs, les paysans. La légitimité sembla revenir au Parti national paysan (PNŢ en roumain) lorsque, lors d’une des rares élections organisées sans brutalités ni pressions administratives à l’encontre du corps électoral et des adversaires politiques, il remporta 78% des suffrages en décembre 1928. Mais la crise larvée des prix agricoles, brutalement aggravée par le krach d’octobre 1929, brisa les leviers dont comptait jouer le PNŢ pour le décollage économique et le bien-être du pays – les exportations agricoles et l’afflux de capitaux étrangers, respectivement dépréciées et taris. Les solutions de la droite nationale libérale, du centre-gauche agrarien, mais aussi d’un militaire autoritaire, le général Averescu, qui avait dirigé un gouvernement composé des membres de son Parti du peuple, semblèrent disqualifiées. La voie fut ouverte à une critique de leurs méthodes consistant à obtenir tous les quatre ans, par des méthodes plus ou moins légales, une majorité aussi écrasante qu’éphémère au Parlement, pour se détourner ensuite de l’électorat et l’ignorer jusqu’aux élections suivantes, systématiquement remportées par le parti nouvellement appelé au pouvoir par le roi. Ces dysfonctionnements de la monarchie constitutionnelle et de la démocratie roumaines, qui donnaient une valeur surdimensionnées au roi, avaient pour conséquence une assez faible mobilisation et un encadrement modeste de l’électorat entre les scrutins. Ni la dispersion rurale, ni la tendance à voter pour le parti qui détenait les moyens de la coercition administrative et des prébendes futures, ne favorisaient un investissement durable et profond au sein de la population.

La situation du parti fasciste était très différente. Représentant sur la scène électorale la Légion de l’archange Michel fondée par Codreanu en 1927, la Garde de fer – et ses succédanés consécutifs à ses multiples dissolutions – n’avait aucune chance d’être appelée au pouvoir par le roi. Elle recrutait, lors de sa création, au sein d’une génération trop jeune et parmi des catégories trop modestes pour en imposer la légitimité ; elle possédait aussi des méthodes trop brutales et directes pour s’intégrer au jeu politique, aussi obéré fût-il ; enfin, son idéologie d’extrême droite aurait pu passer inaperçue parmi les nombreux autres mouvements situés dans le sillage de A.C.Cuza et du nationalisme anti-communiste ambiant si son ambition de sensibiliser, de fidéliser puis d’encadrer fortement le corps politique – et social, puisque les femmes et les adolescents étaient concernés – dans une structure politique exclusive de toute autre forme sociale n’avait attiré l’attention sur sa formation. Si le régime censitaire roumain d’avant 1914 avait connu les ruptures générationnelles et idéologiques dans le champ politique, celles-ci se limitaient à un personnel de quelques centaines de familles qui se connaissaient.

La spécificité de la Légion résidait donc avant tout dans les différences d’approche du vivier social et dans le but qu’elle assignait à cette mobilisation politique. Quatre mots peuvent les caractériser : l’intimité, l’intensité, la durée et la totalité. Le charisme des leaders fascistes, leur unicité sur le spectre politique de leurs pays respectifs (1) dépendent de la plasticité de leurs méthodes, infiniment adaptables aux particularités des identités dont elles phagocytent la substance. Leur but, avoué, est de prendre totalement en charge la disponibilité politique d’une population méprisée par des dirigeants qui sont souvent les élites du monde politique censitaire d’hier et qui doivent désormais rendre des comptes à une population qu’ils se contentaient d’administrer précédemment. Les frustrations sociales consécutives à la guerre et les désordres apparents du jeu politique démocratique qui en est rendu responsable assignent trois buts paradoxaux à la mobilisation fasciste. D’une part, il faut secouer la chape que font peser les élites anciennes sur le corps politique, donc soulever ce dernier par des méthodes « révolutionnaires » de rupture. D’autre part, il s’agit de pérenniser cette mobilisation au-delà du soulèvement paysan archaïque, aussitôt retombé. Enfin, les dirigeants légionnaires doivent la structurer de façon à éviter la déstabilisation du régime fasciste une fois celui-ci mis en place – hantise de tout régime révolutionnaire. Les méthodes et les cadres de la régulation viennent par ailleurs buter contre la dispersion du corps politique dans l’espace rural assez cloisonné et contre le traditionalisme de la culture politique de révérence très ancrée chez les paysans.

La mise en équation de ces diverses contraintes conduit Codreanu à adopter dès la rupture avec Cuza des méthodes spécifiques de combat politique. Leurs formes les plus élaborées sont composites, combinant fonctions de mobilisation, d’encadrement et de régulation, d’autres le sont moins. On peut ainsi les distinguer selon leur degré de complexité, qui détermine aussi l’importance de leur fonction. Remarquons immédiatement qu’il n’y a pas eu de distinction chronologique entre fonctions, l’accueil dans des cadres structurants accompagnant intimement la mobilisation. Il y eut néanmoins une évolution selon le public visé : l’élargissement du groupuscule sectaire au parti de masse appelait d’autres structures de socialisation politique.

L’indispensable appui sur les cadres sociaux traditionnels, une leçon des origines (1919-1927)

Enterrement de Mota et Marin

Avant même la création de la Légion en juin 1927, Codreanu a été confronté à une double expérience. Il a goûté d’abord au fruit assez amer de la popularité éphémère qui l’a entouré lors des violences anti-socialistes de 1919, du mouvement estudiantin antisémite de 1922 et du procès consécutif à l’assassinat du préfet Manciu en 1924. Il a regretté de ne pas avoir structuré suffisamment cet élan d’enthousiasme, qui risquait de subir le sort des feux de paille des révoltes brutales et passagères des milieux agraires, dont les étudiants étaient souvent issus. Pourtant, dès mars 1923, Codreanu avait transigé en faveur de la création d’une structure pré-fasciste, la LANC, qui incluait les vieilles notabilités légalistes puisque Cuza en était président et Codreanu seulement responsable de l’organisation. Ce qu’elle perdait en dynamisme, elle le gagnait en surface à échelle nationale, puisqu’elle regroupait l’ensemble des enseignants et étudiants nationalistes des quatre universités du pays (2). Théoriquement, Cuza cédait à Codreanu en acceptant un filtrage des membres durant une période probatoire dans des « fratries » de quinze à cinquante personnes, puis l’embrigadement des plus jeunes dans le détachement des jeunes de Codreanu formé sur le modèle des légions romaines – avec décuries, centuries, cohortes et légions. Mais en réalité, Cuza refusa d’appliquer la procédure (3).

C’est pour cela que dès cette époque, Codreanu songeait à une organisation de jeunesse propre, nommée déjà Archange Michel. Significativement, il distinguait entre ruraux, lycéens et étudiants, les premiers paraissant plus difficiles à entraîner, mais plus intéressants si le parti cherchait un impact auprès des masses ; les seconds, plus faciles à enthousiasmer, plus frondeurs et hostiles à la concurrence juive dans les métiers urbains, devaient fournir les cadres et recevoir une préparation adaptée. Mais en réalité, avant la création de la Légion, seuls les lycéens s’organisèrent dans les « Fraternités de la Croix », sorte d’organisations amicales traditionalistes fondées sur le baptême en commun ou sur des rites de mélange du sang. Codreanu étoffa ces pratiques passablement païennes de références militaires correspondant à sa propre formation secondaire au lycée militaire du Monastère Dealu et de rappels historiques aux formations militaires anti-turques – haïdouks et pandours –, ainsi que de lectures « fraîches et joyeuses » comme Les Trois mousquetaires. Les frères de croix devaient aussi parcourir deux périodes de trois mois de mise à l’épreuve, au sortir desquelles ils vivaient dans une camaraderie mêlant vies militaire et estudiantine, avec la pratique des sports de combat et des duels. Finalement, quelque cinq cents « frères » furent sélectionnés et Ion Mota, avocat et futur beau-frère de Codreanu, se mit à leur tête (4).

Le culte de la personnalité, surtout de la personnalité de Codreanu, commença très tôt. A vrai dire, cette méthode recoupe l'organisation hiérarchique du parti et le principe d'autorité qui se trouvent au croisement des méthodes et de l’idéologie. Dans la Roumanie rurale, la fête du mariage de Codreanu en juin 1925, immédiatement après son acquittement, prit des proportions hors du commun grâce à l'hommage que voulait lui rendre la ville de Focşani, initialement désignée pour accueillir son procès. Selon le protagoniste lui-même, 2300 véhicules et plus de 80000 invités avaient fait le déplacement ; deux manifestations particulières, une traditionnelle et l'autre moderne, accompagnèrent cette inhabituelle démonstration en l'honneur d'un jeune homme de vingt-six ans : "La cérémonie entière avec son magnifique déploiement de chars de mariage et de costumes nationaux, avec les danses et les manifestations de joie et de l'enthousiasme des invités, fut filmée. […] Le 10 août, à Ciorăşti, à côté de Focşani, j'ai tenu sur les fonts baptismaux plus de 100 enfants, nés les derniers mois, dans le département de Putna et des environs." (5)

Le style du fascisme « à la roumaine », mêlant tradition – ici teintée de la dimension rurale et religieuse propre aux sociétés retardataires – et modernité – avec cet épisode du film du mariage, proprement incroyable dans la Roumanie de l’époque – s’associe ici intimement au culte du chef avant l’heure, puisque Codreanu n’est même pas le chef nominal de la LANC.

Les organisations estudiantines étaient depuis longtemps des foyers de recrutement légionnaire, et les Congrès d’étudiants pouvaient être assimilés à des réunions de légionnaires pour la simple raison qu’ils avaient peu à peu éliminé leurs concurrents par la violence ou par l’assimilation. En construisant des foyers d’étudiants, la Légion ne faisait au fond que de se rendre service à elle-même (6), puisque tous les lieux de rassemblement de la jeunesse pauvre, instruite, donc frustrée, devenaient autant de nids légionnaires potentiels.

Les camps de travail tels que la briqueterie d'Ungheni en Moldavie et le potager attenant destinés à la construction du foyer étudiant de Iaşi connurent un certain succès, surtout après la publicité de l'acquittement de Codreanu. Plusieurs raisons se combinaient dans cet engouement. Les élites paternalistes des grandes familles y trouvaient une activité sociale "saine", qui occupait la jeunesse et promouvait le milieu étudiant nationaliste au détriment des étudiants de gauche. La paysannerie aidait ainsi une oeuvre dont pourrait bénéficier les enfants qu'elle envoyait, avec de grandes difficultés, étudier en ville. Quant aux fonctionnaires, outre toutes ces raisons, ils contribuaient à pallier la carence des investissements publics. Enfin, comme le rappelle Codreanu, ces camps mobilisaient la bonne volonté gratuite de chacun dans un but de propagande en faveur de la fusion des Roumains de toutes les catégories sociales et de toutes les provinces, notamment celles nouvellement annexées : « Ces dons étaient autant de témoignages de la sympathie que notre mouvement suscitait dans toutes les classes sociales. De nombreuses photographies représentaient des scènes de nos camps de travail, montrant comment les étudiants et les étudiantes construisaient leur maison. … Ce camp de travail fut une occasion de rencontre pour les étudiants de Bucarest, de Bucovine, de Bessarabie et de Transylvanie. » (7)

Ce mélange de propagande moderne - avec les photographies - et de travaux traditionnels dans un but national, avait évidemment pour but la création d'une structure d'embrigadement au bénéfice des organisations de jeunesse cuzistes dirigées par Codreanu : « … Les jeunes gens des fraternités [de la Croix, regroupant les garçons jusqu'à dix-neuf ans] venaient, à tour de rôle, travailler dans notre camp pour retourner ensuite chez eux organisés et éduqués dans notre esprit. » (8)

Le chant est à la fois un moyen de souder le groupe, d'éviter le débat rationnel et de signifier à un public parfois fruste cette cohésion et la mission dont le groupe est investi : « N'ayant pas suivi la voie de la raison, avec ses programmes, ses débats contradictoires, ses argumentations philosophiques et ses conférences, le chant nous offrait le seul moyen de manifester la profondeur de notre état d'âme. Nos coeurs s'épanouissaient joyeux en chantant les vieilles chansons chères à notre peuple. […] Si vous ne pouvez pas chanter, c'est qu'une maladie vous mine au plus profond de votre être, ou bien que la vie a noirci de péchés votre âme innocente. Et si vous ne pouvez guérir, effacez-vous et laissez la place à ceux qui sont capables de chanter. » (9)

Parfois, la répression et les limites que les pouvoirs publics apportaient aux discours et aux réunions des légionnaires obligeaient ceux-ci de se limiter à des marches rythmées par les chants. Mais au fond, ils avaient eux-mêmes fait le choix de ce dynamisme simpliste, et les interdictions leur permettaient d’accentuer le statut romantique de victimes sur lequel ils jouaient pour anathématiser l’ordre existant.

Intimement mêlées au chant, les marches combinaient manifestation politique et entraînement paramilitaire. Effectuées en rang, au pas cadencé, elles ressemblaient à de véritables défilés militaires : « Par des instructions en commun, je voulais ensuite développer leur esprit de corps, leur donner le sens de l'union. J'avais observé qu'une éducation en commun exerce une grande influence sur les idées et les sentiments d'un homme, qu'elle met de l'ordre et de l'équilibre dans un esprit désordonné et dans une sensibilité anarchique. » (10)

Une des variantes des marches était la chevauchée dans les villages, justifiée par l'interdiction de tenir des meetings, mais aussi par l'absence de programme à exposer. Les discours recevaient alors la portion congrue au bénéfice de la chevauchée elle-même une croix à la main, éventuellement ponctuée de courtes allocutions très générales et de réunions de prière collective. Toutefois, cette méthode relève moins de l’entraînement des adeptes que de leur conquête par la propagande. Elle relève donc plutôt de la période postérieure à 1929 et à la « marche vers le peuple ».

Finalement, la matrice des structures et pratiques légionnaires se met en place très tôt et apparaît comme fondamentale dans la définition du mouvement fasciste. Peu de choses séparent Cuza et Codreanu sur le plan idéologique, si ce n’est précisément l’« idéologie du fait (accompli) » (11) et la radicalité dont se réclame ce dernier. Cet activisme agressif au nom de valeurs idéologiques qui s’étaient jusque-là accommodées de manifestations plus modérées est propre au fascisme, qui investit de préférence les champs organisationnel et démonstratif (12). L’organisation devient le réceptacle ordonné et hiérarchisé de l’agitation subversive de l’ordre ancien. Elle peut ainsi théoriquement réguler avec précision la violence et la diriger selon les circonstances. Outre l’incertitude d’une parfaite maîtrise de la violence, qui possède sa dynamique propre, intervient aussi dans le cas roumain le facteur de la difficile mobilisation de la campagne. D’ailleurs les débuts pré-fascistes du mouvement ne concernent que peu cette majorité de Roumains, mais seulement les catégories urbaines.

Toutefois, si les grands traits de l’organisation légionnaire sont établis précocement, Codreanu avait prévu la capacité d’évolution du mouvement, qu’il ne souhaitait pas corseter : « Imaginer un mouvement tel qu’il devrait être à sa dernière étape de développement et lui tailler , dès le début, le vêtement qu’il ne sera à même de porter qu’une fois arrivé à ce stade, est imprudent. C’est tout aussi défectueux de confectionner dès le début un moule trop ajusté, sans tenir compte des progrès du mouvement : rapidement, il étouffera dans des formes trop étroites qui ne le contiennent plus. » (13)

La Légion des débuts : l’élitisme forcé d’un groupuscule sectaire (1927-1929)

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Lors de la séparation avec Cuza, Codreanu avait espéré entraîner la plupart de ses jeunes membres (14). Son divorce en douceur visait aussi cela. Mais le but ultime relevait bien dès le début de la révolution fasciste et de sa propagation parmi les masses, du moins dans l’écrit principal de Codreanu de 1936 : « Aussi la Légion de l’Archange Michel sera-t-elle une école et une armée plutôt qu’un parti politique. … De l’école légionnaire un nouvel homme devra naître, avec les qualités du héros ; un géant de notre histoire, qui combattra et vaincra tous les ennemis de la Patrie. … Il convaincra les autres Roumains ; sinon, il saura vaincre, en vrai héros. » (15)

Codreanu distingue bien entre légionnaires d’élite des premiers temps et « autres Roumains » destinés à recevoir la propagande à un moment ou à un autre, lorsque les cadres seront embrigadés.

Et comme le cadre de cette lutte compte moins que son dynamisme, voici comment Codreanu définit la méthode toute militaire de la mobilisation des énergies : « Nous employâmes deux stratégies : 1. Concentrer toutes nos forces sur un même objectif, en un même temps. 2. Stimuler les combattants durant la bataille, par des citations et des distinctions. » (16)

Ces manifestations typiquement militaristes de la Légion étaient destinées à la fois à renforcer la cohésion du groupe et à propager la valeur de cette activité et de ceux qui la pratiquaient au public, dans un but de prosélytisme. Toutes les formes de propagande recensées visaient le même effet, mais si elles rencontrèrent un succès certain lorsque Cordeanu était proche de Cuza, elles ne fonctionnèrent plus immédiatement lorsqu’il s’isola pour radicaliser le mouvement. De manière plutôt forcée, ce fut cette dernière dimension d’approfondissement qui l’emporta sur l’extension. Dans la section consacrée au "serment des premiers légionnaires", Codreanu rappelle la remise solennelle des sachets de terre roumaine des diverses provinces que les légionnaires devaient porter sur leur coeur (17). Aux côtés des sachets, qui étaient distribués à tous les légionnaires qui avaient fini une période probatoire, s’ajoutèrent la décoration plus « moderne », moins archaïque, de la Croix blanche (18).

Pendant au moins deux ans, avant donc l’élan fourni par la crise économique après octobre 1929, les cadres et les méthodes dessinés par Codreanu sont avant tout destinés à une expansion future et font partie du travail de propagande : ils donnent l’impression d’un mouvement fortement organisé davantage pour attirer que parce que ces cadres seraient remplis de quelconques militants. L’ensemble était dirigé par les chefs du mouvement étudiant (19), mais Codreanu distinguait dès ce moment-là entre « I-section de jeunesse au caractère fasciste prononcé ; II-section des vieux conseillers… ; III-Section de la propagande par la parole et le geste. » (20) Si la première section détient le rôle principal, dynamique, Codreanu prévoit en effet de doter la Légion d’un Sénat, consultatif, organisé en janvier 1928, et dont le recrutement parmi les légionnaires de plus de cinquante ans devait assurer le concours de « sages ayant derrière eux une vie exemplaire » ; Codreanu les désigna lui-même au début, puis ils cooptèrent leurs pairs : « le titre de sénateur sera la plus haute dignité à laquelle peut aspirer un légionnaire. » (21) Le recrutement des premiers sénateurs devait se faire parmi les élites, surtout militaires, de la Légion. Trois sénateurs sur six étaient des officiers supérieurs, dont deux généraux (22). Mais la première réunion eut lieu en décembre 1930 (23), alors que le mouvement profitait déjà largement des retombées de la crise et de la massification consécutive : le besoin de respectabilité auquel répondait le Sénat de personnalités élues commençait donc seulement à remplir son rôle de propagande électoraliste. Néanmoins, derrière cette image de collégialité, Ion Mota avait prévenu dès le premier numéro de l’officieux légionnaire que « la grande personnalité de la direction a été ressentie par ceux qui par une force mystérieuse ont formé les premières cellules ordonnées et disciplinées de l’organisation. Lui, notre chef, est Corneliu Zelea Codreanu. » (24) Cette définition du charisme du chef fasciste est un préalable indiscutable (25).

Pour ce qui relevait du recrutement militant, Codreanu affirma prudemment vouloir limiter dans un premier temps le nombre total des légionnaires à trois mille, afin de s’assurer de la qualité de ses cadres. En réalité, il ne pouvait pas recruter davantage, car la popularité du mouvement était faible (26). Ainsi, la première structure décrite dans Pământul strămoşesc (La Terre des ancêtres), le 15 août 1927 comprenait quatre sous-groupes clairement dominés par la catégorie des hommes jeunes, à l’appui de laquelle venaient les trois autres – hommes de tous âges, femmes, et Roumains de l’étranger avec un siège à Paris. Les hommes de tous âges qui n'étaient pas des membres actifs et combatifs devaient se réunir dans des cercles de trois à treize personnes, mais ils étaient si peu nombreux que cette structure ne se mit jamais réellement en place. Les groupes féminins reçurent par la suite le nom de cetăţui (citadelles), du nom du monastère moldave Cetăţuia, qui avait accueilli un congrès des étudiants antisémites en 1923 (27). Il faut y ajouter les jeunes des Frères de croix, dont la structure se cristallisait autour de petits groupes entre huit et trente-cinq adolescents, isolés chacun dans un quartier urbain (28). Les Frères de croix reprenaient un rituel traditionnel selon lequel des jeunes gens se juraient amitié éternelle sur la croix. Les Petits frères de croix regroupaient les jeunes garçons jusqu'à quatorze ans, les Frères de croix prenaient le relais jusqu'à dix-neuf.

La presse légionnaire naquit presque en même temps que le mouvement « pour y formuler les normes de notre vie, pour donner les directives de notre mouvement, pour élargir notre champ d'influence. » (29) Bref, pour la coordination et la propagande, le premier numéro du bimensuel Pământul strămoşesc parut le premier août, avec des moyens fort réduits. Mais comme les autres moyens de propagande, celui-ci eut aussi, au début surtout, une fonction de sélection et de cohésion interne. Codreanu évoque « une véritable bataille ». (30) L’indigence des moyens se reflète finalement aussi dans la forte proportion des abonnés insolvables – 1750 des 2586 – qui obligea la rédaction à suspendre la parution (31).

Apparition du « nid » et massification rurale : de la secte au mouvement et à la façade politique, la Garde de Fer (1929-1932)

Insigne de la Garde de fer

Faisant le point en 1932 sur cette phase nouvelle de la marche vers le peuple et de l’abandon des méthodes violentes de propagande entamée officiellement le 8 novembre 192932, Codreanu en livre l’esprit devant des militants qualifiés d’« intellectuels », donc capables de comprendre le sens de cette action : « Dans la phase actuelle, l’opinion roumaine connaît suffisamment le mouvement comme organisation disciplinée et d’ordre. (...) On a quitté les vieilles méthodes qui ne correspondent plus à l’actualité, en suivant une voie civilisée, car c’est seulement selon ce système que la population saura qu’il existe un programme plus sain. » (33)

A/ Le nid, cellule de la propagation de la Légion

Certaines méthodes de propagande comme les camps de travail peuvent s'apparenter à des structures éphémères d'embrigadement. Toutefois, très tôt, Codreanu imagina une hiérarchie et un cadre durables destinés à recevoir et à entretenir ses troupes dans la foi. Cette organisation était le « nid » et la Cărticica şefului de cuib (34) (Le Bréviaire d’un chef de nid) était la règle de vie commune du nouvel ordre semi-religieux légionnaire. Le fascisme roumain relevait en effet, comme tous les fascismes, d’une religion civile avec sa doctrine (35), ses rites, sa hiérarchie d’officiants, ses fidèles et ses lieux de culte, l’ensemble tendant à phagocyter la religion traditionnelle et la religion civile de l’État (36). Cette prise en charge totale de la personne humaine dans le nid correspond à l’ambition légionnaire d’encadrement de la société roumaine jusque dans les dimensions les plus intimes de la vie. Mais le nid était aussi une structure adaptée à un pays rural, à la population dispersée, au paysage cloisonné et aux nouvelles régions mal reliées par un système de communication retardataire et segmenté selon les polarités des empires dont elles avaient été désannexées.

De manière apparemment paradoxale, le nid était ainsi une organisation décentralisée et dont l'initiative provenait "d'en bas", s'effectuant par une sorte de sélection naturelle selon les aptitudes à diriger le nid informel de fidèles : "Ce n'est pas moi qui nommais les chefs de "nid", parce que je le voulais moi ; celui qui, par ses propres mérites pouvait réunir, convaincre et conduire un groupe, s'élevait seul au rang de chef. (…) Le chef de nid est le pilier de l'organisation légionnaire. (…) Moi, je les consacrais chefs dans les situations auxquelles ils s'élevaient eux-mêmes, par leurs qualités et leurs aptitudes. Et c'est progressivement, en partant du chef de nid et en passant par des chefs du village, de l'arrondissement, de la ville et du département, que je suis arrivé à reconnaître le grade de chef de région, à peine en 1934, c'est-à-dire après 7 ans." (37)

L'initiative et l'émulation, voire la compétition, sont à la base de l'organisation et maintiennent les militants sous tension. Selon Codreanu, l'intérêt est de faire travailler tous les membres, et pas seulement les chefs, de résoudre les problèmes locaux en restant proche de la population, enfin d'être polyvalent et de se transformer en unité de combat au besoin (38). Sans ignorer ces qualités de cadre mobilisateur, voire son aptitude discutable de mobilisation militaire, cette structure permettait aussi de créer la concurrence qui assurait non seulement l'expansion du mouvement, mais l'obéissance envers le chef suprême qui arbitrait et délivrait la consécration au chef local. On imagine mal, en effet, qu'un membres de nid ne souhaite pas devenir chef lui-même s'il se sent l'aura locale nécessaire et à condition d'en référer au chef suprême. Ce sont ces qualités que suggère Codreanu lorsqu'il se félicite que le système "crée un grand nombre de cadres" et que "l'effet d'une défection ou d'une trahison reste circonscrit"(39) : chacun est responsable, mais seul le grand chef centralise la capacité de décision et avalise les décisions locales. Codreanu réunit au début de janvier 1929 la cinquantaine de chefs de nid et nota à cette occasion le succès de ce système lâchement coordonné par la presse légionnaire : "Mais il m'avait suffi de constater qu'au bout d'un an, avec les seuls appels et les directives contenus dans la revue, il s'était créé des nids qui fonctionnaient, dans toutes les régions et dans toutes les classes sociales (…) J'ai constaté en cette même occasion que le mouvement prenait tout spécialement parmi les jeunes. Et aussi que le système d'éducation dynamique, - éducation et action parallèles - est de beaucoup supérieur au système statique."(40) On l'a compris, le nid tend à suppléer les éventuelles carences ou rejets familiaux envers ses membres, ou la famille tout court, même si elle est simplement indifférente sans être hostile à la Légion. Comme tout légionnaire est aussi un prosélyte par son action "exemplaire", il se doit d'entraîner sa famille : son choix politique est aussi un choix global qui ne peut laisser indifférent son entourage, obligé de réagir. Il s'agit d'un compele intrare plus subtil que la force, car il s'insinue dans l'intimité du légionnaire par une prise en charge chaleureuse de l'ensemble de son être social et affectif au sein de la secte, ainsi que nous l'avons déjà relevé : "Faites de votre nid un refuge de consolation et de communion dans la joie. Une séance est réussie, lorsque chacun rentre chez soi débarrassé du poids de ses peines et plein d'une nouvelle confiance en son pays." (41)

L'aspect cathartique de l'expérience renvoie au recrutement de franges sociales mécontentes et/ou marginalisées, comme nous le verrons dans les chapitres correspondants, mais aussi à un type d'organisation où l'individu et son quant-à-soi n'avaient plus leur place. La prière commune, tenue à une heure fixe "dans le pays entier tous les samedis soir", doit "attirer les forces spirituelles" pour assurer la victoire (42). Elle unifie aussi un mouvement aux cellules éclatées et qui ne put compter, au début du moins, que sur l'homogénéisation par la discipline et le culte du chef pour tenir.

Cette forme définitive et cette dynamique "de bas en haut", le nid ne l’a acquis qu’avec le temps et avec la précision de son rôle d’encadrement des masses légionnaires. En réalité, à l’origine, dans le n°2 de Pământul strămoşesc du 15 août 1927, le nid s’appelait noyau (nucleu), il comptait déjà entre trois et treize personnes (43), mais en raison de la faiblesse des effectifs de la Légion, c’était une simple unité d’organisation dont Codreanu connaissait sans doute la plupart des membres. Ce fut son habileté, plus ou moins volontaire, d’avoir laissé se développer assez anarchiquement, notamment en milieu rural, ces structures souples, avant de les reprendre en main. Cette opération intervint plus tard, Arnim Heinen la situe vers l’automne de 1932 (44), lorsque le nombre de ses membres gonfla avec la crise économique. Elle ne fut d’ailleurs jamais parfaite car, plus que les dictateurs occidentaux, Codreanu payait le prix de la massification sous forme de perte de contrôle de certaines initiatives locales, y compris d’actions graves comme les attentats, et de la flamme du radicalisme, désormais tempérée par la transaction qu’exigeait le nombre. Mais l’ordre de décembre 1932 demandant aux membres de s’organiser en nids (45) permettait de diviser le nombre de contacts par dix, nettement plus faciles à contrôler, à utiliser comme relais et à instrumenter comme animateurs d’une dynamique de groupe que l’ensemble des membres isolés.

Pour inspirer l’adhésion de la population, Codreanu a poursuivi les marches et les chevauchées de propagande. Il lie explicitement l’élan électoral et la marche "vers les masses populaires" (46) – qui ouvre, au sens figuré mais aussi au sens propre, le chapitre de la nidification légionnaire dans le milieu rural. Par exemple, prenant prétexte de l'interdiction de sa réunion de Bereşti, village de Moldavie, il profita pour organiser une chevauchée à travers les villages du Prut au moment où le bruit se répandait d'une incursion soviétique en Bessarabie (47). Le bref discours anti-intellectualiste correspondait à la fois aux attentes du public et aux préjugés du mouvement : "Dans ce nouveau monde-là, la place de chacun ne sera plus fixée d'après son instruction, d'après son intelligence, d'après sa science, mais tout d'abord d'après sa foi et son caractère." (48) Évidemment, ces propos entraînaient surtout les plus jeunes, moins formés et fortunés que leurs aînés, même si Codreanu estime à trois mille le nombre des personnes rassemblées à Bereşti pour accueillir la cinquantaine de cavaliers défilant dans le bourg (49).

Le symbole de la chemise verte représentant la tendance agrarienne ne pouvait fonctionner que pour un public urbain, sensible à ce genre de mise en scène. D'Ormesson l'avait bien compris (50), lorsqu'il caractérisa les moyens simplistes employés par les légionnaires pour s'attirer les grâces des paysans : "Le chef, Zelea Codreanu, n'abandonne jamais, pour sa part, le costume du paysan roumain, qu'il porte même au Parlement. S'adressant à une population presque exclusivement composée de paysans simples et naïfs, les dirigeants de la Légion ont su trouver les moyens de frapper l'imagination. Ils se prétendent les envoyés de l'Archange Saint-Michel pour extirper le démon de l'âme roumaine ; afin de correspondre le plus possible à l'image que le peuple se fait des anges, ils circulent à travers les villages montés sur des chevaux blancs, souvent ils ne parlent même pas à la foule et se bornent à traverser muets et extatiques les agglomérations après avoir fait prévenir de leur venue et avoir gagné à leur cause les prêtres qui les présentent comme les missionnaires du ciel. (...) D'autres fois, descendus du train à une gare voisine, ils arrivent couverts de poussière dans un village, assurant qu'ils sont venus à pied de Bucarest pour semer la bonne parole. Puis, après avoir vilipendé les juifs, le gouvernement, le fisc et les voleurs de Bucarest, ils demandent aux paysans ce qu'ils veulent et inscrivent chacun d'eux, qui pour une vache, qui pour deux chevaux, qui pour un boeuf, pour le jour où la Garde de fer sera au pouvoir. (...) Mysticisme, démagogie, antisémitisme, telles sont les trois cordes que fait principalement vibrer avec un succès incontestable dans les campagnes roumaines la propagande des légionnaires." (51)

Toutefois, pour que cette population rurale souvent inculte politiquement accepte de s’engager durablement dans une structure politique – à plus forte raison si elle était anti-gouvernementale – il fallait qu’elle fût entraînée par les petites élites locales villageoises. En effet, les prêtres et les instituteurs étaient les meilleurs vecteurs du légionnarisme au village en raison des frustrations sociales et idéologiques qui leur étaient propres au vu de l’évolution de la civilisation urbaine et de leur statut déprimé.

D’autres moyens de recrutement furent la propagande individuelle. Elle était obligatoire pour les membres de la Légion, chacun devant en théorie gagner à la Légion un membre de sa catégorie sociale (52) – pour éviter sans doute une mixité dommageable à l’union des classes, donc à la sérénité des nids. Mais on imagine mal une exclusion systématique des légionnaires les moins actifs, le but visé étant de dynamiser la structure. Par la suite, cela prit la forme d’un classement des nids selon le recrutement et les versements.

B/ La Garde de Fer, façade politique moderniste et redondance des structures

La création de la Garde de Fer le 13 avril 1930 répond au besoin de se doter d’une organisation plus « présentable » que la Légion aux yeux des autorités. Codreanu lui-même avoue vouloir créer « une nouvelle organisation nationale, destinée à combattre le communisme juif, dans laquelle entrerait la Légion de l’Archange Michel et divers autres groupements de jeunes, sans distinction de parti. » (53) Sans doute songeait-il à l’image de la Légion, ancrée à la fois dans un traditionalisme religieux et folklorique – avec l’archange et le costume populaire – et dans la violence des attentats et des tentatives d’attentats des années 1923-1924. Avec la Garde, il avait pour ambition une fédération des mouvements nationalistes radicaux plus synchrone avec les dénominations – du type paramilitaire des « casques d’acier » et autres phalanges, qui florissaient en Europe – et l’image – uniformes monochromes couleur camouflage et symbole idéologique à la fois. Mais il s’agissait sans doute aussi de doter le chef d’une organisation « par en haut », à la hiérarchie stricte et aboutissant à sa personne. Cette tentative de centralisation des adhésions spontanées, notamment en milieu rural dispersé, il l’avait déjà esquissée dans la période précédente en inaugurant la pratique des circulaires régulières le 4 novembre 1928, lors de la « crise de régime » marquant la chute des Nationaux-libéraux au profit des Nationaux-paysans (54). Peut-être voulait-il aussi recruter un personnel nouveau, qui ne connût que lui, alors que certaines recrues légionnaires étaient passées par l’expérience cuziste avec un Codreanu subordonné. La volonté de prise en main est évidente avec une circulaire venant clore l’année 1929 et qui prévoit la création par en–haut de nids (55). Codreanu introduit aussi une distinction socio-culturelle, en distinguant le costume national réservé aux zones les plus arriérées – les montagnes – de l’uniforme militaire plutôt destiné aux villes (56). De même, la phraséologie naturaliste et autochtoniste du « nid » associée à la dynamique de bas en haut se combine au vocabulaire latin et occidental des armées modernes – légions, des bataillons et des compagnies. Une « directive générale d’organisation » datée de 1930, sans plus de précisions, ordonne également la création de nids, cette fois à l’échelle nationale, et stipule la demande d’approbation du centre, ainsi que la période et les épreuves probatoires avant l’adoubement ; tous les traits caractéristiques du nid tel qu’il fut théorisé par la suite dans le bréviaire de 1933 s’y trouvent résumés, y compris la distinction entre nids A de combattants actifs – les vautours blancs – et nids B de partisans secrets et influents (57), qui correspond en fait aux cercles concentriques définis durant les phases précédentes de développement ou à l’Association (future) des Amis de la Légion.

Heinen, s’appuyant sur la presse et les mémoires légionnaires, y voit aussi à juste titre l’organisation paramilitaire des nids des 18-30 ans sous l’influence des modèles italien et allemand (58). Toutefois, lorsqu’il conclut à l’assimilation totale entre les deux organisation – Légion et Garde – au-delà d’un certain temps, les écrits des légionnaires la contestent. Ils conservent, en bonne partie par souci d’auto-justification de pureté idéologique, la différence entre mouvement/« école » des masses qu’était la Légion et parti gardiste, phalange active et mobilisable pour la lutte politique. D’ailleurs, peut-être pour pêcher en eau trouble et diviser pour régner, Codreanu avait établi une double hiérarchie avec des passerelles entre les deux organisations, en donnant la prééminence à la Légion. Mais certains documents de la Sûreté générale n’hésitent pas non plus à faire l’amalgame entre Légion et Garde (59), même si d’autres distinguent, mais sans grande conviction, la Garde comme « organisation politique d’extrême droite » de la Légion, « organisation de propagande nationaliste » (60).

C/ Une première rationalisation du commandement

Il intervint en décembre 1930, comme annexe au programme électoral (61). Outre le sommet dirigeant composé du commandant Codreanu, du Sénat et du Conseil suprême, d’inspectorats régionaux, de directions départementales et communales. L’évolution avait été assez rapide depuis l’époque où Codreanu se fondait sur le nid pour générer des élites inexistantes et incapables d’encadrer le mouvement avec une hiérarchie homogène à échelle nationale. De même, les trois niveaux comportaient trois fonctions – politique, financière et de police, Heinen assimilant cette dernière à la Garde de Fer.

Enfin, la Légion s'était arrogé sur ses membres des droits de police et de justice qui avaient fini par générer de véritables institutions internes.

Le parti complexe de la maturité (1933-1938)

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Durant la période de maturation, qui correspond à l’intérêt suscité auprès des hautes sphères de l’État, les méthodes changèrent peu, mais prirent de l’ampleur, touchèrent le centre bucarestois et les élites politiques, intellectuelles et artistiques. Le groupe de jeunes intellectuels de la revue Axa – Victor Vojen, Mihail Polihroniade ou Vasile Marin – rejoignit en bloc la Légion en 1932. La pratique des camps de travail se transporta à la périphérie de Bucarest, où les légionnaires commencèrent à construire un asile pour leurs blessés en août 1933 : ils y reçurent de nombreuses personnalités – comme le général Averescu, Nae Ionescu ou le représentant des CAUR Eugenio Coselschi –, le journal Calendarul du théologien fondamentaliste Nichifor Crainic lui ayant consacré de nombreux reportages. Avant, les marches s’effectuaient à pied ou à cheval ; désormais, les faveurs de quelques grands industriels proches du roi et d’autres personnalités hostiles à la démocratie parlementaire ou aux courants de gauche leur permirent d’emprunter les transports en commun ou même de posséder des véhicules qu’ils empruntaient jusqu’aux abords des localités, avant de revêtir l’uniforme pour procéder aux habituelles marches en chantant (62).

L’année 1933 semble donc correspondre à un saut quantitatif qui finit, comme souvent, par acquérir une dimension qualitative dans le radicalisme organisationnel. Les notes de la Police évoquèrent avec davantage d’inquiétude « un nouveau programme d’organisation de la Garde de Fer [et ] une discipline aveugle et une mécanisation complète des cadres » ; par ailleurs, malgré l’indépendance affichée et réelle de la Légion à l’égard de l’étranger, Codreanu aurait aussi profité de l’accession de Adolf Hitler au pouvoir pour intimider la classe politique et se donner de nouveaux arguments de propagande triomphaliste dans l’opinion (63). Dans sa lutte contre le pouvoir royal et l’extrême droite traditionnelle, il appela en cas de dissolution du mouvement avant les élections de décembre 1933 à voter avec les démocrates de droite du Parti National Paysan – leur chef Iuliu Maniu étant hostile à Carol II – et surtout contre Alexandru Cuza.

Une rupture dans cette conquête des élites au sein des mêmes structures adaptables intervint avec l’interdiction, cette fois accompagnée d’une dure répression, par le gouvernement Duca. L’assassinat du Premier ministre en décembre 1933 entraîna une crise liée au procès et au maintien hors-la-loi des anciennes organisations. Mais à dire vrai, Légion et Garde avaient l’habitude de fonctionner dans la clandestinité et leur organisation résista au choc. Celui-ci ne fut d’ailleurs pas trop rude, en raison notamment de la relative complaisance à leur égard du roi Carol II, satisfait de se voir débarrassé d’un ancien ennemi politique et d’un homme capable de résister à la mise en place d’un régime monarchique autoritaire. Les camps de travail et diverses organisations culturelles et sportives, ainsi que l’Union nationale des étudiants chrétiens de Roumanie (UNSCR en roumain) servirent de couverture.

A/ La fondation du Parti Tout pour le pays

Dès que l’interdiction d’entrer dans un nouveau parti fut levée au bout d’un an après la dissolution de décembre 1933, Codreanu chargea le général Gheorghe Cantacuzino-Grănicerul de fonder un nouveau parti, Tout pour le pays (TPŢ en roumain). Appartenant à une des grandes familles aristocratiques roumaines, le général était un homme querelleur, disposé aux solutions politiques violentes, mais dont la protection parvint à soustraire longtemps les chefs légionnaires aux poursuites. Ici, la distinction au moins fonctionnelle entre parti et mouvement sert, puisque Cantacuzino se chargea de TPŢ et Codreanu resta le chef incontesté de la Légion, même officiellement dissoute, et à laquelle le parti servait de couverture légale (64). Se confirme alors la prééminence de la hiérarchie du Mouvement légionnaire sur la Garde de Fer (65).

Le parti fut donc créé le 10 décembre 1934 – jour anniversaire des arrestations de l’année précédente et proclamé « jour des souffrances légionnaires » (66) – et inscrit sur la liste électorale le 20 mars suivant. Il reprenait donc l’organisation de la feu-Légion : pour rétablir le lien hiérarchique entre nids, départements et direction centrale, l’échelon des 13 régions fut rétabli le 5 juin (67). Les statistiques reprises par Arnim Heinen dans les sources publiées donnent 3495 nids en décembre 1933, 4200 en mai 1935, 12000 en janvier 1937 et 34000 en décembre 1937. Les effectifs semblent avoir explosé, même si certaines statistiques trouvées dans les archives par les auteurs des recueils de documents sur les droites roumaines ne donnent que 1724 nids en 1934 (68). Les chiffres que j’ai trouvées dans les Archives nationales incitent également à revoir à la baisse les effectifs militants du PTŢ, même pour une période de pleine expansion (69). Ainsi, un document du 26 février 1937 intitulé « les organisations politiques » et consistant en une liste par départements établie par l’Inspectorat général de la Gendarmerie et dénombrant les militants des partis spécialement surveillés – TPŢ, Parti national chrétien d'Alexandru Cuza, communistes et socialistes – avec le détail du profil social – intellectuels, prêtres, instituteurs et ouvriers (70). Le parti TPŢ comptait 2440 intellectuels, 195 prêtres, 343 instituteurs et 13521 travailleurs, soit un total de 16499, ce qui semble, pour diverses raisons, outrageusement sous-estimé. Outre les hypothèses que j’émets – notamment l’absence de la capitale dans cette statistique, ou éventuellement la prise en compte des seuls membres ruraux –, on peut ajouter l’éventuelle distinction entre militants du parti officiel et membres de la Légion théoriquement illégale, beaucoup plus nombreux.

Mais la publicité représentée par l’acquittement des chefs légionnaires portait enfin ses fruits là où le procès s’était déroulé et où la population était capable de mobilisation idéologique, c’est-à-dire Bucarest. Les vieilles structures du nid explosèrent devant l’afflux des nouveaux candidats, tous entassés dans le nid des « divers » (răzleţi). Les jeunes intellectuels notamment y trouvaient un cadre moins formel et contraignant que le nid classique, étroit et étouffant, et firent des răzleţi une unité d’élite et de débat idéologique. Pour garder au mouvement sa pureté idéologique et son radicalisme virulent, Codreanu étendit son ancienne recette consistant à entourer le coeur de la Légion de toute une épaisseur horizontale de sympathisants, novices, membres, puis légionnaires, ainsi que d’une hiérarchie étoffée qui allait de l’instructeur légionnaire au commandant de l’Annonciation en passant par aide-commandant. Plus sérieuse, sa décision en 1937 de créer un corps d’élite paramilitaire de dix mille hommes, le corps Moţa-Marin, confié à Alexandrin Cantacuzino, ne vit jamais le jour. Les fonctions paramilitaires furent remplies par divers corps, la Garde de la Mort (71) ou « les équipes d’honneur », petits groupes institutionnalisés au Congrès étudiant de Târgu Mureş, vraisemblablement pas toujours contrôlés par la direction du mouvement, mais dont l’orientation correspondait néanmoins à la ligne de rupture du lien avec le roi Carol et son entourage en vue d’amorcer l’épreuve de force à moyen terme (72). Enfin, l’association des Amis de la Légion permettait d’inscrire secrètement de généreux donateurs socialement importants et qui souhaitaient ne révéler leur identité qu’une fois la Légion arrivée au pouvoir (73). La dynamique du mouvement et en même temps sa soumission au « Capitaine » Codreanu fut assurée par une épuration massive le premier janvier 1937 : Codreanu remplaça tous les cadres, qui passèrent dans le corps des inspecteurs (74). Sans doute avait-il profité de l’absence de certains dirigeants parmi les plus importants, engagés en Espagne.

B/ Les méthodes de recrutement

Elles aussi restèrent identiques dans leur nature et leur esprit, mais changèrent d’échelle et de recrutement. Avec le succès enregistré auprès des élites bucarestoises et provinciales, le slogan de l’unification inter-classes et inter-générationnel dans le creuset légionnaire prenait corps. Une série de circulaires de Codreanu durant l’année 1935 précisèrent l’organisation et réglementèrent l’activité. C’était notamment le cas des camps de travail (75), dont le nombre passa de 4 en 1934 à 50 en 1936 – sans compter les 500 chantiers plus modestes – et dont certains prirent une allure de permanence comme le camp de Carmen Sylva sur les bords de la Mer Noire. Les camps combinaient travaux d’utilité publique et endoctrinement légionnaire le soir, afin de créer effectivement l’unité nationale et l’homme nouveau par l’effort physique et la formation idéologique. Toujours dans une logique d’adaptation maximale au public visé, ces constructions prenaient des formes variées. Ainsi, les troiţe, ces modestes monuments religieux en bois symbolisant aux carrefours la Trinité par trois montants en croix et dont l’érection était un des objets favoris des chantiers légionnaires, pouvaient se transformer dans la ville touristique d’Azuga, fréquentée par la jeunesse dorée de Bucarest, en une construction monumentale stylisée en ciment, aux formes mussoliniennes rectilignes et gardée par deux sentinelles en armes. Mais après le Congrès estudiantin de Târgu-Mureş d’avril 1936, le gouvernement interdit ces camps à l’automne.

La Légion a donc dû trouver d’autres moyens de propagande. Elle les a trouvés en ouvrant un commerce légionnaire de détail – présenté bruyamment comme le début de la reconquête sur le négoce juif (76) –, une cantine à prix fixe et à nourriture théoriquement saine, ainsi que des entreprises artisanales. Leur faible rentabilité provenait du travail volontaire des légionnaires.

Tout ce travail de mise en place d’une société civile parallèle et en même temps d’une élite légionnaire intégrée culmina avec la circulaire du 17 octobre 1935 sur « la famille légionnaire », qui prévoyait des avantages en nature sous forme de prestations gratuites de la part des coopératives et services légionnaires, qui devaient facturer ces mêmes produits et services aux simples légionnaires du rang (77). La massification du parti servait ainsi à créer une sorte de nomenklatura restreinte et qui était entretenue en raison du travail à plein temps et des services apportés à la cause. Plus encore, les légionnaires détenant des fonctions publiques ou au sein d’entreprises privées, étaient soumis au « contrôle légionnaire » réglementé par une circulaire du même nom du 11 novembre 1935 (78) : il s’agissait en réalité de l’ambition du mouvement fasciste totalitaire à contrôler le fonctionnement de l’État. Une note de synthèse très perspicace pour l’année 1935 résume ces aspirations à la toute-puissance du mouvement grâce à l’organisation et à la mobilisation efficace des masses (79).

Mais le principal moyen de propagande ont été les congrès d’étudiants et les enterrements de personnalités légionnaires.

L’enterrement des deux cadres morts dans la guerre d’Espagne, Ion Mota et Vasile Marin, a suscité une grande émotion avec des prolongements diplomatiques, l’ensemble étant savamment orchestré par Codreanu. Alors qu’ils n’avaient rencontré qu’indifférence à leur départ, leurs dépouilles reçurent les honneurs militaires en Allemagne (80) et lors de la cérémonie bucarestoise, les ministres allemand, italien et franquiste y assistèrent, ce qui créa un incident diplomatique pour cause d’ingérence dans les affaires intérieures. Le danger politique était réel pour Carol II : la popularité incontestable de la Légion – dont les martyrs avaient été transportés par train spécial dans toutes les régions du pays selon un itinéraire préétabli et avaient reçu des honneurs religieux et officiels de haut niveau – pouvait porter ombrage au roi si le mouvement ne se soumettait pas. Mais ce fut là la dernière « fleur » que fit Carol à une formation qui avait atteint sa maturité et qui lui échappait désormais.

La presse légionnaire et d’extrême droite témoigne également d’un grand dynamisme. Outre de très nombreux périodiques provinciaux, Porunca Vremii (L’Exigence de l’époque) devint quotidien à partir de mai 1935, avant de laisser la place à Bună Vestire (Annonciation) en février 1937, qui devint à partir de l’été exclusivement légionnaire.

L’Union nationale des étudiants chrétiens de Roumanie (UNSCR) avait été progressivement conquise par la Légion pour des raisons sociales connues et inutiles de rappeler ici comme la définition de l’intelligentsia en Europe orientale, le risque particulier de chômage intellectuel et le statut d’une des rares concentrations de population politisée dans un pays rural et agraire. Depuis les troubles de 1922, les Congrès étudiants étaient particulièrement surveillés par les organes de sécurité et faisaient l’objet de longs débats au Parlement81. Le prestige des étudiants s’était naturellement étendu à l’enseignement secondaire qui devint également, après l’assassinat de Duca, un vivier pour les fraternités de croix : à l’été 1936, il existait plus de 200 organisations dans 67 départements (sur 71).

Le monde ouvrier pouvait représenter un autre pôle de concentration et de politisation que le communisme, interdit, abandonnait à la propagande légionnaire. Codreanu ne s’y trompa pas lorsqu’il amorça le tournant ouvriériste de la Garde de Fer à l’automne 1936 par la création du Corps ouvrier légionnaire (82). L’idéologie archaïsante et agrarienne masquait le projet social citadin et parfois moderniste. Codreanu estimait à juste titre que la massification d'un mouvement comme le sien en vue de la prise du pouvoir ne nécessitait pas le soutien de la paysannerie mais l'enrôlement des ouvriers : "Quand je serai maître du monde ouvrier, alors grâce à ces deux forces -le monde étudiant, d'un côté, le monde ouvrier, de l'autre- j'obligerai, quel que soit le dirigeant du pays, de nous laisser la direction à nous, légionnaires. … Des paysans nous n'avons presque pas besoin, car ils peuvent être menés comme on veut, mais il est bon qu'ils connaissent, eux aussi, l'existence des légionnaires, qui ont l'intention de faire une Roumanie Nouvelle." (83)

Codreanu envisageait de créer au sein des grandes entreprises des nids élargis qui puissent combattre l’influence des syndicats. Pour offrir des avantages matériels à une population socialement déprimée, il employa la recette allemande des soupes populaires, ouvrant des cantines ouvrières et des magasins à bas prix dans les quartiers défavorisés. A Bucarest, la Légion réussit à pénétrer dans la Société des Tramways de Bucarest (STB) et parmi les ouvriers des ateliers ferroviaires de Griviţa, ainsi que chez certains grands industriels complaisants de la camarilla royale comme le métallurgiste Nicolae Malaxa. Codreanu envisageait en novembre 1937 de créer un Corps ecclésiastique légionnaire et en février 1938 il fonda un Corps légionnaire des forces militaires pour les militaires à la retraite.

Enfin, à la veille des élections de décembre 1937, Codreanu se livra à une tactique du détournement des militants des autres partis par le biais d’une « campagne de recrutement » ouverte pendant un mois par Codreanu auprès des adhérents du Parti national chrétien et du Parti national libéral de gouvernement par la circulaire n°117 du 30 novembre 1937 (pour les priver de leurs troupes) (84). Les autres partis n’étaient pas sollicités, car la possibilité de transfert ne leur avait pas été interdite, comme c’était le cas pour ces deux partis de droite et d’extrême droite, dont Codreanu voulait démarquer la Légion pour mieux la définir.

Finalement, le défi de l’organisation des masses rurales dispersées et politiquement incultes dans un parti n’a pas été relevé avec succès par la Garde de Fer. La structuration pérenne des simples « émotions » qui avaient abouti à la révolte agraire de 1907 pouvait pourtant se concevoir après l’effort d’embrigadement de la guerre. Mais on revient alors à la combinaison de la légitimité et de la conjoncture économique, la gravité de la seconde ne pouvant pas compenser la faiblesse de la première. Il est vrai toutefois que l’ébranlement des structures traditionnelles lors de la guerre et de la crise jouait en faveur des nouveaux partis de masse, et la Garde de Fer tenta de cumuler l’avantage récent accordé aux masses grâce au suffrage universel et l’idéologie traditionaliste, voire archaïsante, du sang et du sol, de l’histoire mythifiée des héros roumains. Héritier des deux courants, démocratique et traditionaliste, Codreanu aspirait à la subversion réciproque des deux au bénéfice de la nouvelle élite générationnelle et populaire des petites classes urbaines dont il était issu, mais au nom des incontournables valeurs qu’étaient encore la monarchie autoritaire et ses adjuvants plus ou moins soumis, l’Église, l’administration et l’armée. Ces dernières finirent par l’emporter sur le double front de la démocratie libérale et du populisme fasciste, même lorsque ces deux fronts se rejoignirent contre elle lors de l’éphémère pacte de novembre 1937.

Notes

1 - Pour une approche de ces notions appliquées à l’Europe centrale et au cas roumain, voir notre introduction générale, « La question fasciste en Europe centre-orientale : l’entre déchirement des droites », ainsi que notre article, « Le conflit entre fascisme et monarchisme en Roumanie : données structurelles et grandes étapes, 1933-1938 », dans Catherine Horel, Traian Sandu et Fritz Taubert, La Périphérie du fascisme, spécification d’un modèle fasciste au sein de sociétés agraires, le cas de l’Europe centrale entre les deux guerres, Paris, L’Harmattan, 2006, p.91-109. Voir la série documentaire Ideologie si formaţiuni de dreapta în România, (ideologie et formations de droite en Roumanie) sous la direction de Ioan Scurtu, Institutul naţional pentru studiul totalitarismului, vol. II, 25 juin 1927-2 janvier 1931, 304 p., 2000 ; vol. III, 5 janvier 1931-7 juin 1934, 368 p., 2002 ; vol. IV, 7 juillet 1934-30 mars 1938, 448 p., 2003.
2 Armin Heinen, Die Legion „Erzengel Michael» in Rumänien“ : soziale Bewegung und politische Organsation, ein Beitrag zum Problem des internationalen Faschismus, Munich, 1986, traduite en roumain en 1999 à Bucarest, chez Humanitas, 546pp, p.112.
3 Heinen, op. cit., p.114.
4 Ibid., p.114-115.
5 Ibid., p.235-236.
6 Voir, par exemple, le règlement du 26 septembre 1927 de Codreanu concernant le foyer de Iaşi, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.68-69, ainsi que la décision de justice autorisant les légionnaires, qui avaient construit ce foyer à l’époque où ils appartenaient au LANC, à en exclure les cuzistes (Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.182-186).
7 Codreanu, La Garde de Fer, titre original : Pentru legionari (Pour les légionnaires), Bucarest, 1936. Paru en français sous le titre La Garde de Fer, Paris, Ed.Prométhée, 1972, 470 p., ici p. 237.
8 Ibid..
9 Ibid., p.279.
10 Ibid., p.338.
11 Voir l’organe du mouvement, le bi-mensuel Pământul strămoşesc (La Terre des ancêtres), n°2 du 15 août 1927, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., p.57-58 : Codreanu y définit ainsi la Légion : « son idée de base est : des faits et non des paroles. »
12 Codreanu, La Garde de Fer, op. cit., p.275 : « Et pourtant, nous, c’était la même façon de croire qui nous avait rapproché et non pas un raisonnement commun ».
13 Ibid, p.313.
14 Ibid, p. 271 : « Je voulais me vouer à organiser le mouvement des jeunes selon ma conscience et mes principes et sous mon entière responsabilité. »
15 Ibid., p.283.
16 Ibid., p.300.
17 Ibid., pp.318-319.
18 Note de la Direction générale de la Police du 4 décembre 1932 sur « les organisations de la Garde de Fer. La propagande. Le résultat », dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.III, 368 p, ici p.136-137.
19 Heinen, op. cit., p.132-133.
20 Note du 16 juillet 1927 de la Sûreté générale publiée dans Ideologie si formaţiuni de dreapta, op. cit., p.47-48.
21 Codreanu, La Garde de Fer, op. cit., p.328-329.
22 Ibidem. Voir aussi l’analyse de d'Ormesson, le ministre de France, qui relève l'autonomie et la forte organisation du mouvement dans un pays où les partis ne s'étaient structurés que depuis peu : « Actuellement, le chef de la légion, Codreanu, est assisté d'un "sénat", composé de légionnaires de plus de cinquante ans, d'un conseil suprême choisi parmi les membres les plus actifs, d'un comité financier et d'inspecteurs. Chaque département a, en outre, son organisation propre. C'est donc, en réalité, un véritable petit état dans l'État roumain, disposant d'un pouvoir exécutif et d'une force de police ; ainsi que le disent les tracts de propagande eux-mêmes, "l'organisme politique est la tête et la Garde le bras." » (D. n°413 du 4 décembre 1933, Z Roumanie 171, f.87-89)
23 Heinen, op. cit., p.136.
24 Pământul strămoşesc du 1 août 1927, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.53-54.
25 Voir notre article à ce sujet, Sandu, « Le conflit entre fascisme et monarchisme en Roumanie : données structurelles et déroulement », dans La Périphérie du fascisme, op. cit., p.91-109.
26 Pământul strămoşesc du n°5 du 1er octobre 1927, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.70-72 ; voir aussi Heinen, op. cit., p. 133.
27 Pământul strămoşesc du 15 août 1927, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.57. Pământul strămoşesc du 15 septembre 1927, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.66-67 détaille les deux premières sections, Pământul strămoşesc du 1er octobre 1927, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.70-71, les deux dernières.
28 Heinen, op. cit., p.317.
29 Codreanu, op.cit., p.290.
30 Ibid., p.300.
31 Pământul strămoşesc, n°8 du 15 avril 1928.
32 Codreanu, op. cit., p.339 : « Mais l'action politique supposait un contact entre nous et les masses populaires. Bon ou mauvais, c'était le chemin que la loi mettait à notre disposition, et que, tôt ou tard, il nous faudrait prendre un jour. »
33 Bulletin d’informations de la légion de Gendarmes de Putna du 27 janvier 1933 concernant l’activité de la Garde de Fer entre le 27 décembre 1932 et le 27 janvier 1933, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.III, p.144-146.
34 Corneliu Zelea Codreanu, Cărticica sefului de cuib (bréviaire du chef de nid), Sibiu, 1937 (ed. originale juillet 1933). Aisément consultable sur le site néo-légionnaire miscarea.com. En fait, ce petit livre parut à partir de mai 1933 sous la forme de brochures et sous le nom de Fascicula legionarului, I – IV (le fascicule du légionnaire, I-IV) pour éviter la censure frappant les livres (Heinen, op. cit., p. 218). A l’origine, il s’agissait même d’une initiative de Doru Belimace, Călăuza legionarului (le guide du légionnaire), publié à l’automne sans l’autorisation de Codreanu. Celui-ci le lui reprocha, en raison des révélations qui pouvaient servir aux autorités, et il préféra reprendre lui-même le sujet (Heinen, loc. cit.).
35 Voir, pour les fondements doctrinaux, Sandu, loc. cit.. Codreanu définit la conscience nationale comme « cet état d’illumination, cette exaltation unanime, que l’on rencontre seulement dans les grands courants religieux. On pourrait à juste titre appeler ce phénomène : un élan d’oecuménisme national. » (op. cit., p.312).
36 Emilio Gentile La Religion fasciste, Paris, Perrin, 2002, 354 pages. Voir la longue note de synthèse du Service secret d’Informations de janvier 1930 (dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.204-219), portant sur l’activité de la Légion entre juillet 1927 et janvier 1930, avec quelques mentions à son organisation et à ses modes opératoires : outre quelques approximations, il est intéressant de relever l’assimilation, nullement flatteuse d’un point de vue idéologique, des pratiques légionnaires et des rites maçonniques.
37 Codreanu, La Garde de Fer, p.313-314.
38 Ibid., p.314.
39 Ibid., p.314-315.
40 Ibid., p.328.
41 Ibid., p.316.
42 Ibid., p.317.
43 Pământul strămoşesc du 15 août 1927, loc. cit. ; voir aussi Heinen, op. cit., p. 135. Plus tard, Codreanu donna le chiffre minimal de cinq personnes (La Garde de Fer, op. cit., p.313).
44 Ibid., p.217.
45 Ibid..
46 Codreanu, p.331.
47 Sandu, Le Système de sécurité…, op. cit., pp.341-350, et La Grande Roumanie…, op. cit., p.212-213.
48 Codreanu, La Garde de Fer, op. cit., p.341. Voir aussi la description émue de l’historien américain d’origine juive transylvaine Nicholas Nagy-Talavera d’une telle réunion en 1937, mais dont Armin Heinen relève à juste titre le caractère « atemporel » (op. cit., p.183) dans Green Shirts and others, A History of Fascism in Hungary and Romania, Stanford, Hoover Institution Press, 1970, à la page 247. Voir une critique de cette fascination dans Sandu, « La question fasciste en Europe centre-orientale », op. cit..
49 Ibid., p.342.
50 D. n°413 du 4 décembre 1933, Z Roumanie 171, f.87-89 : "Ils ont adopté le vert. Mais ici, sauf dans certains cercles des villes, ce n'est pas cette fantaisie vestimentaire qui peut leur gagner des adhérents."
51 Ibid..
52 Heinen, op. cit., p.198.
53 Codreanu, op. cit., p.353.
54 Circulaire n°1, dans Corneliu Zelea Codreanu, Circulari si manifeste 1927-1938 (Circulaires et manifestes 1927-1938) 5e éd., Munich, coll. Europa, 1981, 294 p., 5e éd., Munich, coll. Europa, 1981, p.1-2.
55 Codreanu, en contradiction avec la dynamique de bas en haut, décide l’organisation de six judeţe en particulier, avec l’exigence que « dans ce judeţ se créeront le plus rapidement possible des nids dans toutes les communes. Tous les nids rassemblés formeront un bataillon de légionnaires. Le bataillon, qui doit avoir un effectif de 1000 hommes, défilera dans les rues en colonne de marche par compagnies. » (annexe à la note de la Direction générale de la Police du 10 janvier 1930, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.197.
56 Ibid : « Tenue – le costume national dans les zones montagneuses. Ailleurs, la tenue de campagne, vert kaki, militaire. » Voir une analyse de ce type chez Heinen, op. cit., p.185.
57 Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.II, p.282-286.
58 Heinen, op. cit., p.186-187.
59 Rapport de la Direction générale de la Police et de la Sûreté d’avril 1932 sur la Garde de Fer, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.III, 368 p, ici p.92-97 : « La Légion de l’‘Archange Michel’, du point de vue de l’organisation, se compose de bataillons et de sections, dont la section d’exécution porte le nom de ‘Garde de Fer’ » (p.94).
60 Rapport de la Direction générale de la Police et de la Sûreté de décembre 1933 sur « la Garde de Fer », Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.III, p.262.
61 Ibid., p.198-199.
62 Heinen, op. cit., p.239.
63 Note de la Direction de la Police de Sûreté du 22 octobre 1933, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.III, p.220-222.
64 Voir à ce titre la note très explicite de la Direction générale de la Police du 17 septembre 1935, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.IV, p.128-129.
65 Ibid..
66 Circulaire de Codreanu du 1er décembre 1934, dans Codreanu, Circulări şi manifeste…, op. cit., p. 23-24.
67 Voir Horia Sima, cité dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.IV, p.91-92 : « avec l’organisation des régions, ‘l’organisation de base’ du Mouvement a reçu son caractère définitif. »
68 Note de la Direction générale de la Police de décembre 1934 sur « la situation organisationnelle de la Garde de Fer à la fin de l’année 1934, en chiffres et par judeţe. » dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.IV, p.75-76.
69 Sandu, Le conflit entre fascisme et monarchisme en Roumanie, op. cit., p.97 et suivantes.
70 Dossier 41/1937 des Archives Nationales historiques centrales (A.N.I.C. en roumain).
71 Rapport de la Direction générale de la Police et de la Sûreté d’avril 1932 sur la Garde de Fer, dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.III, p.92-97.
72 Sandu, Le conflit entre fascisme et monarchisme en Roumanie, op. cit., p. 100-101.
73 Voir la de la Direction générale de la Police de novembre 1936 sur « l’Association ‘les Amis de la Légion’ », dans Ideologie si formaţiuni de dreapta…, op. cit., vol.IV, p.230-231.
74 Circulaire de Codreanu du 23 décembre 1936, « ordre pour le 1er janvier à l’occasion du changement des cadres du parti », dans Codreanu, Circulări şi manifeste…, op. cit., p.113-116.
75 Voir la circulaire de Codreanu du 31 mai 1935 sur l’activité des étudiants et sur les camps de travail, dans Codreanu, Circulări şi manifeste…, op. cit., p.39-42.
76 Circulaire de Codreanu du 29 septembre 1935 sur le commerce légionnaire, dans Codreanu, Circulări şi manifeste…, op. cit., p.129-130.
77 Codreanu, Circulări şi manifeste…, op. cit., p.41-46.
78 Ibid., p.49-50.
79 « Garda de Fier (‘Totul pentru Ţară’) », Ideologie şi formaţiuni de dreapta, op. cit., vol.IV, p. 146-153.
80 Ion Dumitrescu-Borşa, op. cit., p.203-204.
81 Voir par exemple les documents 38 à 68, p.90 à 143 de Ideologie şi formaţiuni de dreapta, op. cit., vol.II, presque tous consacrés aux troubles antisémites du Congrès de Oradea de décembre 1927. La documentation devint encore plus abondante dans les années trente, à mesure que la Garde de Fer devenait l’« opérateur » exclusif des Congrès.
82 Circulaire de Codreanu du 25 octobre 1936, dans Codreanu, Circulări şi manifeste…, op. cit., p.95-96.
83 Zamfirescu, op. cit., p.231.
84 Codreanu, Circulări şi manifeste…, op. cit., p.224-225.