L'Idiot International
L'Idiot international était un journal français fondé en octobre 1969 et dirigé par Jean-Edern Hallier. Volontairement provocateur et anti-conformiste, il a paru, avec des interruptions, jusq'en février 1994.
En avril 2014, Frédéric Hallier tente de relancer le journal mais seuls trois numéros paraissent.
Sommaire
Histoire
L'histoire de L'idiot commence en fait avec un seul homme: le merveilleusement excentrique Jean Edern Hallier (1936-1997)[1]. Fils du général André Hallier, il se convertira très jeune à la littérature. Il a rencontré Jean Cocteau à l'âge de 15 ans et a fondé en 1960, avec Philippe Sollers, la revue littéraire d'avant-garde Tel Quel. À peine trois ans plus tard, il est viré de la rédaction par le même Sollers et fait ses débuts avec Les Aventures d'une jeune fille. Un début, d'ailleurs, qui a été salué par Pierre Klossowski et Michel Foucault. Outre son statut d'auteur, Jean Edern Hallier fonde la première radio libre de France (Radio Verte) et sa propre maison d'édition, les éditions Hallier, qui sera reprise en 1978 par Albin Michel. Un an plus tard, cette maison d'édition publiera également Les idées à l'endroit d'Alain de Benoist.
L'Idiot International : la première tentative
La première tentative de L'Idiot International se produit dans les derniers jours de Mai 68. Jean Edern a fondé la revue avec Bernard Thomas et elle a été initialement soutenue par Simone de Beauvoir et largement financée par Sylvina Boissonnas, la marraine des maoïstes en France. La ligne est alors clairement gauchiste et des traductions issues du mouvement italien Lotta Continua apparaissent occasionnellement. A partir du 22 mai 1973, cependant, un nouveau quotidien de gauche est vendu dans les kiosques : Libération, soutenu par Jean-Paul Sartre. L'Idiot s'est arrêté[2].
Le deuxième essai
Jean-Edern Hallier a ensuite publié des livres, rassemblé des pamphlets jusqu'à l'épisode tristement célèbre de son propre "enlèvement" en 1982, prétendument commis par les "Brigades révolutionnaires françaises". Malgré ses efforts frénétiques pour s'attirer les faveurs du candidat à la présidence François Mitterrand, Hallier ne se voit pas offrir de poste lors de son élection en 1981. Le nouveau président de la République est alors devenu son plus proche ennemi. Hallier a fait tout son possible pour publier son livre L'Honneur perdu de François Mitterrand, mais n'a pas trouvé d'éditeur.
Mais c'est un excellent prétexte pour lui de réactiver L'Idiot en 1984 avec l'aide de Philippe Sollers, Jean Baudrillard, Roland Topor... Mais les problèmes de censure ont pris le dessus. Hallier a attendu un nouveau coup médiatique pour lancer L'Idiot une troisième fois. Cette opportunité s'est présentée le 26 avril 1989 par l'intermédiaire de Salman Rushdie. Christian Bourgeois, l'éditeur actuel de Rushdie, qui détenait les droits des Versets sataniques, a refusé - sous la pression - de publier le livre. Hallier a alors publié une traduction sauvage du livre, ce qui a donné lieu à un procès et à beaucoup de publicité. Pendant ce temps, Hallier est plus disposé que jamais à attaquer la réputation de Mitterrand, et en 1990, il accepte l'inacceptable : un livre et un film présentant Fidel Castro comme "celui qui s'oppose aux Américains". Il en a tiré beaucoup d'argent, généreusement offert par le département "propagande" du Parti communiste français (PCF), qui était au bord de l'implosion après la chute du mur de Berlin. Avec Hallier, le PCF a voulu reprendre contact avec la jeunesse et le monde intellectuel. Pour Edern Hallier, cela signifiait qu'il aurait la force financière nécessaire pour donner un nouveau souffle à L'Idiot.
Troisième fois, c'est alors le bon moment...
Quoi qu'il en soit, cela permet à Hallier de relancer réellement L'Idiot avec une nouvelle équipe, et quelle équipe ! Les critères de recrutement sont clairs : être capable de manier une plume polémique et d'exprimer une opinion claire. Progressivement, le magazine se transforme également en un incubateur de nouveaux talents. Les éléments suivants passent en revue à une vitesse folle : Frédéric Beigbeder, Alain de Benoist, Frédéric Berthet, Patrick Besson, l'architecte Gilbert Castro, Jean Cau, Patrick Chassé, Marc Cohen, Jean-Paul Cruse, Laurent Dandrieu, Michel Déon, Jean-Paul Dollé, Jean Dutourd, François-Bernard Huyghe, Jacques Laurent, Philippe Lecardonnel, Bertrand Leclair, le flamboyant Édouard Limonov, Gabriel Matzneff, Philippe Muray, Philippe de Saint-Robert, Alain Sanders, le chanteur Renaud (Séchan), Thierry Séchan (frère de), Philippe Sollers, Alain Soral (alors PCF), l'humoriste Morgan Sportès, le dessinateur Konk, Frédéric Taddeï, l'avocat Jacques Vergès...
L'un des contributeurs les plus remarquables du tout début est Marc-Édouard Nabe. Depuis la publication de son premier livre, Au régal des vermines, qui a donné lieu à des accusations d'antisémitisme, il est le personnage controversé par excellence. En plus de Marc Edouard Nabe, un autre auteur fait ses débuts à travers L'Idiot : un certain Michel Houellebecq ! Entre octobre 1991 et juin 1992, il a publié cinq articles dans L'Idiot international, principalement sur l'évolution de la presse féminine. Son amitié avec Nabe n'y était probablement pas étrangère. Au début des années 1990, les deux hommes vivaient à la même adresse (103 rue de la Convention dans le 15ème arrondissement de Paris), presque comme des serre-livres l'un pour l'autre. Tous deux appartenaient à la même génération, venaient d'une classe moyenne inférieure similaire et avaient des mères corses dominantes contre lesquelles ils se rebellaient. Tous deux ont également établi leur réputation en recherchant la controverse. Nabe était le partenaire principal dans cette relation, jusqu'à ce que Houellebecq soit catapulté à la célébrité en 1998 avec le magistral Les Particules élémentaires.
Il n'y avait pas de véritable ligne idéologique ou éditoriale dans le magazine. Il y avait cependant les points communs de la lutte contre le régime de François Mitterrand, contre le (néo)libéralisme et le traité de Maastricht, l'opposition à la première guerre du Golfe, l'engagement pour le tiers monde et la cause palestinienne. Cependant, les charges s'accumulent sur le bureau de Hallier, les amendes et les confiscations se succèdent. Il y a eu les inculpations de Jack Lang et de Bernard Tapie. Les controverses ont continué jusqu'à ce que les huissiers mettent fin à l'aventure du journal satirique. C'est à cette époque qu'Edwy Plenel du Monde (aujourd'hui Mediapart) a apporté sa contribution. Il y a d'abord eu Limonov qui a écrit à la fois dans L'Idiot et dans le journal de droite Le Choc du Mois. Puis, le 10 janvier 1992, Arnaud Spire, l'un des rédacteurs en chef de L'Humanité, a invité Alain de Benoist pour une interview radio. Le 12 mai, Alain de Benoist est invité par les mêmes Arnaud Spire et Francette Lazard, sous les auspices de l'Institut de recherche marxiste. Le 19 mai, le secrétaire de rédaction de L'Idiot, Marc Cohen, a participé avec Jean-Marie Domenach à un débat sur le "nouveau paysage intellectuel" organisé par le magazine Éléments. Lorsque Jean-Paul Cruse a publié le texte provocateur "Vers un Front National" dans L'Idiot le 5 mai 1993, avec la grande phrase d'ouverture "La gauche, en France, c'est fini". Pour toujours. Et c'est bien", et tout est fini.
Pour Edwy Plenel et l'écrivain de troisième ordre Didier Daeninckx, il n'en fallait pas plus pour parler d'une "conspiration rouge-brune" qui allait menacer la paix mondiale - encore une fois ! En réalité, cependant, il se passait quelque chose de très différent. A cette époque, dans le contexte de la succession de Georges Marchais, une bataille entre tendances se déroulait au sein du PCF. Un groupe minoritaire, dirigé par Pierre Zarka, voulait apparemment transformer le PCF en un parti plus radical avec un fort penchant populiste, qui entendait transcender la dichotomie droite-gauche à certains égards. En fin de compte, le groupe autour de Robert Hue a remporté la mise. Quant à Jean-Edern, il a pris ses distances avec son ami Cohen d'une manière peu élégante. Jean-Paul Cruse a été victime d'une chasse aux sorcières au sein de Libération, où il était employé comme journaliste. Peu de temps après, L'Idiot a disparu de la scène pour refaire surface une dernière fois en avril 2014. Cependant, cette version, éditée par son fils Frédéric Hallier, ne durera que trois numéros et disparaîtra ensuite en silence. Pourtant, entre 1989 et 1994, le magazine allait devenir une oasis de liberté d'expression[3].
Bibliographie
- Fréderic Haller & Denis Gombert (ed.), L'Idiot international. Une Anthologie, Albin Michel, Paris, 2005, 229 p.
Notes et références
- ↑ Jean-Claude Lamy, Jean-Edern Hallier. L'idiot insaisissable, Albin Michel, Paris, 2017, 594 p.
- ↑ Christophe Bourseiller, Les Maoïstes. La folle histoire des gardes rouges français, Éditions du Seuil, collection « Points – essais », 2008, p. 287.
- ↑ Bernard Lindekens, « L'Idiot International. Sur l'utilité du non-conformisme », Knooppunt Delta Vzw - Nieuwsbrief Nr 171 - Augustus 2022.