Alexandre Marc

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Alexandre Marc âgé
Alexandre Marc (1904-2000, de son vrai nom Alexandre Markovitch Lipiansky), fit partie et fut à l'origine de plusieurs groupes intellectuels communément appelés « les non-conformistes des années 30 ». Il participa aux débuts dEsprit et surtout à L'Ordre nouveau.

Biographie

Alexandre Marc naît en 1904 dans le port d'Odessa. Les événements révolutionnaires le chassent de Russie et l'amènent à se réfugier en Europe occidentale. Il émigre avec ses parents russes juifs (son père est banquier) de Moscou à Paris où il termine ses études secondaires. A partir de 1923 il étudie la philosophie en Allemagne, à Iéna et Freiburg (Breisgau). Diplômé en 1927 de l'École Libre des Sciences Politiques à Paris, il obtient un poste aux éditions Hachette, tout en fondant une agence de presse, Pax-Presse.

En 1930, il participe à la création du Club du Moulin vert qui suscita le mouvement et la revue L'Ordre nouveau dont il écrira le manifeste en 1931. Le Club du Moulin vert se voulait œcuménique (orthodoxes, catholiques, protestants et agnostiques participaient aux réunions).

En 1932, il participe à la fondation de la revue Esprit dans laquelle il publie plusieurs articles exposant les thèses de L'Ordre nouveau.

En 1933, Alexandre Marc se convertit, demande le baptême dans l'Église catholique romaine, et épouse peu de temps après Suzanne Jean.

Le 15 novembre de la même année, L'Ordre nouveau publie une « Lettre à Hitler » rédigée en grande partie par Daniel Rops et Alexandre Marc. Son anticonformisme provoquera la rupture avec Esprit et Emmanuel Mounier. Cependant, les idées de ce groupe atteignirent de nombreuses personnalités d'alors, dont Joachim Von Ribbentrop, Albert Ier de Belgique, José Antonio Primo de Rivera qui écrivit maintes fois à Alexandre Marc [1].

La revue L'Ordre nouveau fut publiée de 1933 à 1938. Parmi ses correspondants à l'étranger on compte en Allemagne Harro Schulze-Boysen et Otto Strasser en Allemagne, Ramiro Ledesma Ramos en Espagne. Notons aussi au passage, parmi les abonnés de L'Ordre Nouveau, le nom de Charles de Gaulle qui fréquente le groupe de 1934 à 1935.

En 1934, Alexandre Marc s'installa à Aix-en-Provence où, en 1941, il publie Péguy présent. Pendant la guerre, les cadres de L'Ordre nouveau se retrouvèrent aussi bien à des postes importants du régime de Vichy que parmi les grandes figures de la Résistance française.

Durant les années 1930, il écrit dans la revue dominicaine La Vie intellectuelle puis devient, en 1935, le secrétaire de rédaction de l'hebdomadaire catholique Sept, dont il rédige notamment la revue de presse sous le pseudonyme de Scrutator, comme il collabore régulièrement, un peu plus tard, de 1937 à la guerre, à l'hebdomadaire qui lui succède, Temps présent. De même, il fait partie de l'équipe qui fait reparaitre cette publication, d'août 1940 à août 1941, sous le titre Temps Nouveaux, tandis qu'il participe par ailleurs à la création clandestine des Cahiers du Témoignage chrétien.

À la "libération", après avoir été interné en Suisse comme réfugié politique de 1943 à 1944, il collabore pendant quelques mois à Témoignage chrétien, puis se consacre entièrement à son engagement au service du fédéralisme européen. Il participe à la création du groupe La Fédération, et devient, en 1946, secrétaire général de l'Union européenne des fédéralistes, puis, en 1953, l'animateur du Mouvement fédéraliste européen et le conseiller de la revue L'Europe en formation. En 1954, avec Guglielmo Usellini, secrétaire de l'UEF, Alexandre Marc fonde le Centre international de formation européenne (CIFE) à Nice qui aujourd'hui encore continue son enseignement .

Adversaire farouche du libéralisme, du marxisme et du nationalisme, Alexandre Marc est le théoricien du “ fédéralisme intégral ”. La création de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), puis de la CEE, du Marché unique, de l’Europe de Maastricht et de l’euro aurait dû le ravir. Il n’en est rien. Il récuse l’européisme officiel. L’Europe qu’il appelle de ses vœux ne doit pas être une simple addition d’États (ou leur fusion) dans un ensemble supranational, mais la reconstitution et la revitalisation de toutes les communautés culturelles, politiques, économiques et sociales, de la cellule familiale au continent en passant par l’entreprise, la commune, la région, etc, dans un cadre européen, respectueux des personnes et des peuples. Pour Alexandre Marc, l’indispensable unification ne passe pas par l’économique, mais plutôt par les domaines culturel et politique. L’Europe fédérale doit être vivante et humaine.

Thèses

Personnalisme

Philosophiquement et spirituellement, Alexandre Marc fut à l'origine du courant personnaliste dont l'approche forme désormais « une partie intégrante et pérenne de la mentalité catholique » [2]. Marc pensait « Spirituel d'abord, économique ensuite, politique à leur service », ordre qu'il opposait au « politique d'abord » de Maurras et des dérives dictatoriales, et à l' « économique d'abord » des dérives matérialistes socialistes et libérales. Il affirmait que « Le christianisme n'est pas une révolution mais la source de toute révolution » (Esprit, mars 1933). Selon J. Lacroix (Le personnalisme, une anti-idéologie), le personnalisme peut se définir comme « la volonté de défendre la personne contre tous les systèmes qui la défigurent ou l'oppriment ». Le corolaire de cette proposition est, par conséquent, que les institutions (politiques, économiques, sociales, culturelles) doivent tendre à favoriser son épanouissement et non à l'asservir. Le personnalisme est un humanisme intégral. C'est pourquoi le fédéralisme insiste sur la nécessité de protéger toutes les communautés légitimes dans lesquelles la personne s'enracine et qui lui permettent de s'édifier.

Fédéralisme ou massification

Mais qu'est-ce que le fédéralisme d'Alexandre Marc ? Son fondement philosophique, le personnalisme, s'est construit contre l'individualisme réducteur « engendrant une société faite d'atomes juxtaposés ». Il propose une conception dialectique proudhonienne opposée au synthétisme hegelien dans laquelle « l'antinomie ne se résout pas, mais crée un mouvement de balancier entre les termes qui la composent ». Il s'en suit que la personne ne peut se confondre avec des états (un homme ne se réduit pas à une fonction de travailleur, ou de consommateur ou de citoyen, etc.).

Une confusion peut-être volontaire existe, remarquait Marc. En effet, en parlant du fédéralisme, certains pensent à un fédéralisme hamiltonien parce qu'ils veulent un grand État européen, parce qu'ils pensent que substituer aux pouvoirs nationaux défaillants un pouvoir supérieur serait plus efficace. D'autres considèrent que les progrès techniques requièrent un grand marché. Les uns et les autres s'enfuient vers le gigantisme spatial. Mais cette vision d'un prétendu fédéralisme n'a pas grand-chose à voir avec le fédéralisme, remarque-t-il. Cette usurpation fut maintenue notamment, soulignait-il, parce que « nos amis suisses ont oublié de changer au XIXe siècle Confédération en Fédération helvétique, ce qui a contribué à aggraver les confusions et les phantasmes dont sont hantés nos jacobins hexagonaux ». En fait, parler de fédéralisme, c'est parler de la survie d'une civilisation, la nôtre en l'occurrence « condamnée parce que son prodigieux effort vers l'optimum du bien-être matériel, a engendré et déchaîné le phénomène des masses ». Les masses ne sont que des sous-produits de civilisation malades ou mourantes. Or, dans une civilisation saine, les êtres humains ne s'additionnent pas, ils s'incorporent : ils s'incorporent et s'accomplissent dans des « ensembles » diversifiés. C'est à cette profondeur-là, et non au niveau de la politique électoraliste, que le combat fédéraliste doit pour Alexandre Marc se mener. Il s'agit donc « d'accomplir une révolution » dans le sens étymologique du terme, impliquant de nouvelles perspectives.

Aspects du fédéralisme d'Alexandre Marc

Pour Alexandre Marc, le fédéralisme suppose l'application des principes d'autonomie, de coopération conflictuelle (ou résolution des antinomies), d'exacte adéquation (ou principe de subsidiarité) et de participation.

Dans le domaine politique, il s'agit de démonopoliser l'État-Nation, vers le bas avec une véritable régionalisation et une redéfinition de la commune en vue de démanteler les centres urbains devenus invivables, vers le haut par la construction d'une Europe fédérale et la transformation de l'ONU en une fédération mondiale. « Antimarxiste depuis l'âge de dix ans », Alexandre Marc n'appréciait guère les institutions parlementaires démocratiques, mais fidèle à Nietzsche, croyait au rôle des élites. C'est sans doute pour cela qu'il proposa une tripartition de la représentation politique. Il s'agit d'une réforme du suffrage universel qui permettrait à la société de sortir de sa massification. La conception fédéraliste du suffrage s'inspire de la méthode systémique qui tend en l'occurrence à corréler élection et sélection, suffrage direct et suffrage indirect. Elle organise et diversifie le suffrage en mêlant l'élection (à partir de la base) à la désignation (à partir du sommet) et à la cooptation (à tous les niveaux) [3].

Dans le domaine économique et social, le personnalisme-fédéralisme n'accepte pas la séparation libérale du politique et de l'économique mais suggère une appréciation différenciée de l'activité économique autour d'une planification dichotomique identifiant deux pôles de productions et de revenus. Il propose alors la mise en place de deux circuits monétaires permettant de servir un minimum social garanti (MSG) équivalent à un revenu social, d'existence, dividende familial ou universel, un crédit social individualisé (CSI), crédit dont chaque personne pourrait bénéficier une ou deux fois, et un bonus social (BS) consistant en une redistribution de rentes.

Dans le domaine culturel, le fédéralisme passe par le respect des diversités linguistiques et culturelles.

Enfin, le fédéralisme d'Alexandre Marc s'inscrit dans un projet européen qui entend fédéraliser la diversité, c'est-à-dire « ne centraliser que ce qui est nécessaire et décentraliser radicalement - en descendant jusqu'à la base - tout ce qui est régi par « la dialectique du prochain ».

La construction européenne n'était cependant pas pour Alexandre Marc une fin en soi. Il écrivait récemment : « C'est dire l'erreur commise par ceux qui nous identifient aux « européanistes », à ceux qui ne rêveraient que d'un monstrueux « melting pot » européen. Il convient donc de les rassurer tout de suite : nous nous plaçons d'emblée aux antipodes de la prétendue mystique du métissage généralisé. Nous sommes partisans résolus de l'Europe des régions, des patries et des nations, dont nos adversaires ne se réclament, le plus souvent, que pour brouiller les cartes. Notre Europe sera polyphonique et polychrome, ou elle ne sera pas » [4].


Notes :

  1. Après la guerre, des dissidents espagnols demandèrent à Marc de publier ces lettres pour démontrer la trahison du régime autoritaire de Franco aux idéaux de la Phalange espagnole des JONS. Hélas, ces lettres ne furent jamais retrouvées.
  2. Jean-Paul II eut notamment recours à une approche personnaliste face au marxisme et au matérialisme occidental.
  3. Cf. J. Dutrieux, La subsidiarité, un grand dessein pour la France et l'Europe, éd. de Paris, 2005.
  4. A. Marc, Fondements du fédéralisme, L'Harmattan, 1997.



Bibliographie

Études

  • E. Lipianski, B. Rettenbach, Ordre et démocratie. Deux sociétés de pensée : de L'Ordre Nouveau au Club Jean Moulin, PUF, 1967
  • Jean-Louis Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années 30. Une trentative de renouvellement de la pensée politique française, Seuil, 1969 (nlle ed. Points, Seuil, 2001)
  • Christian Roy, Alexandre Marc et la Jeune Europe (1904-1934). L'Ordre Nouveau aux origines du personnalisme, Presses d'Europe, 1999.
  • Le Fédéralisme et Alexandre Marc, Centre de recherches Européennes, 1974.

Oeuvres

  • Péguy présent, 1941.
  • Proudhon, 1945.
  • Principe du fédéralisme, 1948.
  • A hauteur d'homme, la révolution fédéraliste, 1948
  • La souveraineté à l'aube du IIIe millénaire, 1990.
  • Péguy et le socialisme, 1973.
  • Réflexions sur la Révolution américaine et la Révolution européenne, 1977.
  • Le Fédéralisme face au futur, 1990.
  • Fondements du fédéralisme, destin de l'homme à venir, 1997.