Albert de Mun

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Albert de Mun
Albert de Mun (1841-1914) fut un disciple de René de La Tour du Pin. Il fut un homme politique catholique contre-révolutionnaire et corporatiste, un tribun, "le meilleur orateur du parlement" disait Viviani, son adversaire.

Le comte Albert de Mun a retracé son itinéraire intellectuel et les phases de son action politique et sociale ainsi que l'histoire de l'école du catholicisme social dans un livre intitulé Ma vocation sociale. Ce livre nous apprend que ses principaux maîtres à penser furent des auteurs contre-révolutionnaires : Joseph de Maistre et Louis de Bonald, le publiciste Louis Veuillot, qu'il connut et fréquenta, et, bien entendu, Frédéric Le Play et son ami, le marquis René de La Tour du Pin.

Toutefois, les deux hommes qui décidèrent finalement de son engagement social n'étaient pas de purs intellectuels mais des hommes d'action, par ailleurs hommes de Dieu. Le premier est Maurice Maignen, membre de la Congrégation des frères de Saint-Vincent de Paul et directeur du cercle des jeunes ouvriers du boulevard Montparnasse. L'impression que Maurice Maignen exerça sur le jeune Albert de Mun, lors de leur première entrevue, fut absolument inoubliable : "Du premier regard, il prit possession de mon âme" (Ma vocation sociale, ch. III). Les paroles qu'il prononça à cette occasion restèrent gravées, elles aussi, dans sa mémoire et lui donnèrent l'impulsion décisive : "Il ne demandait plus l'aumône, il enseignait l'amour, et il ordonnait le dévouement" . Le conseil qu'il lui donna en guise de conclusion à ses propos, servit de guide à l'ensemble de son action : "Allez au peuple" ! Le second de ces hommes de Dieu est Sa Sainteté le pape Léon XIII. Lors d'une audience qu'il lui avait accordée au Vatican, Léon XIII adressa à Albert de Mun cette demande solennelle et pressante, demande qui devait avoir à son tour une importance considérable dans sa vie pratique : "Promettez d'être toujours un fidèle défenseur de l'Église !" Ce que fit, d'un seul élan, notre futur tribun : "Je prononçai ce serment du fond du cœur".

Fort de ses connaissances doctrinales et de l'appui de ces deux hommes à l'ascendant extraordinaire, Albert de Mun put faire entendre sa voix dans les assemblées de la république. On relira, à cet égard, le chapitre VIII de Ma vocation sociale dans lequel le grand orateur donne de larges extraits de ses premiers discours prononcés soit à la Chambre des députés, soit devant des auditoires amis. Comme ils devaient être médusés, le 16 novembre 1878, les députés républicains, en écoutant ce qu'Albert de Mun a appelé sa "déclaration de guerre à la Révolution" ! "La Révolution n'est ni un acte, ni un fait, elle est une doctrine sociale, une doctrine politique, qui prétend fonder la société sur la volonté de l'homme au lieu de la fonder sur la volonté de Dieu... La Contre-Révolution, c'est le principe contraire, c'est la doctrine qui fait reposer la société sur la loi chrétienne" (Ma vocation sociale, chap.III, "La Contre-Révolution").

Peu après cette intervention énergique, Albert de Mun eut l'honneur et la joie de recevoir, du Comte de Chambord, une lettre écrite de Frohsdorf, le 20 novembre 1878, dans laquelle le grand exilé lui assurait que l'avenir appartenait désormais aux "héros de foi et de courage" qui comme lui ne craindraient pas de "dire en face à la Révolution triomphante ce qu'elle est dans son essence et dans son esprit et à la Contre-Révolution ce qu'elle doit être dans son œuvre de réparation et d'apaisement".

Cette profession de foi de contre-révolution politique était complémentaire dans son esprit d'une profession de foi de contre-révolution sociale. Ce fut dans un grand discours prononcé à Chartres, au soir d'un pèlerinage à Notre-Dame, qu'il exposa les grandes lignes de la doctrine et du programme du corporatisme chrétien, non sans avoir développé auparavant une réfutation en règle du socialisme et du libéralisme : "Non, non, nous ne sommes pas, et nous ne serons jamais des socialistes. Le socialisme, c'est la Révolution logique, et nous sommes la Contre-Révolution irréconciliable. Il n'y a rien de commun entre nous, mais entre ces deux termes, il n'y a pas de place pour le libéralisme".

Ce discours n'eut pas l'heur de plaire aux catholiques des droites libérale et conservatrice mais il entraîna l'adhésion de tous ceux qui avaient soif de la vraie justice sociale. Et leur choix ne fut pas vain car Albert de Mun n'était pas seulement un très grand orateur, c'était un juriste consommé et un avocat fort habile des justes revendications ouvrières. A la tête de l'équipe des catholiques sociaux, c'est lui qui est à l'origine de la législation du travail en France.

C'est lui qui a déposé le premier projet de loi sur les syndicats (il s'agissait de créer des syndicats mixtes où auraient coopéré ouvriers et patrons) ; c'est à lui, et non aux députés républicains, trop souvent partisans du statu quo, que nous devons aussi des lois voire des premières propositions de loi sur le repos dominical (1883), sur le salaire minimum légal (1888-1909), sur la réglementation de la durée du travail (1889) et sur la suppression du travail de nuit des enfants et des femmes (1891), sur les retraites (1886), les assurances sociales (1892), les accidents du travail (1893), le patrimoine syndical (1895), etc...

Outre cette magnifique œuvre parlementaire, Albert de Mun s'est attaché à propager, à l'exemple de Maurice Maignen, la doctrine du corporatisme catholique dans les milieux ouvriers grâce à une association, "L'œuvre des cercles catholiques d'ouvriers" , qu'il fonda avec son maître le marquis de La Tour du Pin et dont il fut longtemps le président.

Il fut aussi le fondateur de l'Association catholique de la jeunesse française (ACJF). Le comte Albert de Mun a rendu de trop éminents services aux ouvriers et à la société tout entière pour que l'on puisse mettre en doute son appartenance à la Contre-Révolution, malgré son adhésion à la République, en mai 1892. S'il se rallia à la République, ce fut, comme il s'en explique dans Ma vocation sociale, pour conformer son attitude aux recommandations que Léon XIII venait de formuler le 20 février 1892 dans son Encyclique aux Français, plus connue aujourd'hui sous le nom d' "encyclique du ralliement".

Quoi que ce ralliement puisse inspirer, il faut se rappeler l'influence de Léon XIII sur l'engagement d'Albert de Mun et son rôle auprès des hommes de l'école des catholiques sociaux pour qui il fut, lit-on dans Ma vocation sociale, "le père le plus encourageant, le protecteur le plus généreux". Il faut songer aussi que l'influence fut réciproque. L'école du catholicisme social a aidé l'Église dans son travail de réflexion sur la question sociale au XIXe siècle et sur les solutions à y apporter. Albert de Mun nous apprend lui-même que le pape Léon XIII lui demanda de lui fournir un "mémoire spécial" pour l'aider à la mise au point de Rerum novarum (encyclique du 15 mai 1891).

Avec Albert de Mun, celui qu'on a si justement appelé "le chevalier du Syllabus", la Contre-Révolution réussit une bienfaisante percée dans la législation de la République.