Syndicalisme jaune

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Le « syndicalisme jaune » (connu aussi sous les appellations de mouvement jaune, syndicats jaunes, « les jaunes » ou « droite prolétarienne ») est un mouvement syndicaliste français, connu également sous cette dénomination dans d'autres pays, tant francophones qu'anglophones (« yellow unions ») et aussi en Italie (« i gialli »).

Cette forme de syndicalisme (constitué en opposition aux syndicats « rouges », c'est-à-dire marxistes) refuse certains modes d'action comme la grève et l'affrontement avec le patronat. Pour les grévistes, les jaunes sont les non-grévistes. Ce qualificatif, en se généralisant, a pris un sens péjoratif, désignant les « traîtres ».

Un mouvement ouvrier non conformiste

Longtemps, le terme de “Jaune” a été synonyme de traître à la cause ouvrière et de briseur de grève. Mais qui se rappelle l’origine de ce mouvement qui se revendique de la liberté du travail et du refus de la grève comme seul moyen d’action pour les travailleurs ?

L'émergence d'un syndicalisme multiforme

La fin du 19e et le début du 20e siècle sont marqués par le développement du syndicalisme. Un syndicalisme révolutionnaire avec le développement et la structuration de la Confédération Générale du Travail (CGT). Intégrant les bourses du travail, cette dernière devient une force importante au niveau national dans plusieurs secteurs économiques clés et se lance dans des mouvements de grèves très durs sur la revendication des 8 heures de travail par exemple. L’ampleur de la mobilisation inquiète fortement la république qui voit les tenants de l’action directe refuser le parlementarisme et le réformisme. Les catholiques commencent aussi à s’organiser dans le domaine syndical. Le pape Léon XIII soutient, dans son encyclique Rerum novarum (1891), la constitution d’organisations mutualistes et syndicalistes catholiques pour lutter contre la misère ouvrière et barrer la route au « socialisme athée ». La mise en pratique de la doctrine sociale de l’Eglise est alors riche en expériences novatrices comme les cercles des catholiques sociaux d’Albert de Mun (monarchiste légitimiste, il sera à l’origine de nombreuses lois sociales limitant le travail des enfants et des femmes, donnant un cadre aux risques professionnels, défendant les petits propriétaires agricoles contre la saisie de leur terres...).

Dans une période de grands troubles politiques (les nombreux scandales de la République apportent leur lot d’émeutes partout en France) et sociaux (des grèves durement réprimées par la troupe font craindre l’éclatement d’une véritable guerre sociale), émergent des syndicats se revendiquant indépendants.

Jaunes contre Rouges

Refusant le radicalisme des syndicalistes révolutionnaires, ces syndicalistes indépendants revendiquent d’autres pratiques que l’usage de la grève. Ils sont pour que cela explose sans ménagement des bourses du travail. La question de la grève est centrale pour la CGT, c’est à la fois un « mythe mobilisateur » que va théoriser Georges Sorel mais aussi le moyen le plus radical utilisable par le monde ouvrier (car elle est pratiquée de manière sauvage avec des sabotages et des manifestations qui tournent à l’émeute régulièrement). La grève est alors un bras de fer avec le patronat et l’Etat. L’armée est appelée pour rétablir l’ordre et n’hésite pas à tirer sur la foule.

Les indépendants veulent des réformes et une négociation avec le patronat dans le but d’une entente de classes. Pour eux, la grève est forcément négative pour les ouvriers avec la privation des salaires et les mesures de répression au sein des usines (licenciements des grévistes, liste noire des leaders qui deviennent des chômeurs permanents, poursuites devant les tribunaux, contrôles très durs au sein des usines). Ils vont se heurter aux autres syndicalistes qui vont les attaquer très durement comme des « traîtres de classe ». Le 1er novembre 1989, à Montceau-les-Mines, des mineurs qui refusent de faire grève doivent se retrancher dans un café et se défendre à coup de pierre et de pistolet contre des ouvriers révolutionnaires. Leurs locaux étant ravagés, ils remplacent les carreaux cassés avec du papier jaune. Le terme de “jaune” y trouve son origine et va s’opposer au “rouge” des syndicalistes révolutionnaires.

Le mouvement s’étend dans les zones minières et industrielles du nord et de l’est, mais aussi à Paris (qui dispose de 85 syndicats “jaunes”). Dès le départ, le mouvement des syndicats indépendants est loin d’être fictif. La fondation en 1901 de l’Union des syndicats indépendants jaunes est portée par le cheminot Paul Lanoir et l’ouvrier horloger Pierre Biétry (1972-1918). Elle regroupe 317 syndicats et près de 100 000 adhérents.

Ils disposent d’un hebdomadaire, l’Union Ouvrière, fondée par Lanoir, et ouvrent des bourses libres du travail indépendant dans plusieurs villes. Soutenue par le patronat et certains responsables politiques, l’Union tente de regrouper l’ensemble des syndicats indépendants qui se multiplient de façon anarchique.

Une scission importante se produit dès 1902. Pierre Biétry fonde la Fédération nationale des Jaunes de France (FNJF) qui va avoir des débuts difficiles. Doté d’une forte personnalité, très ambitieux et capable de nombreux compromis pour arriver à ses buts, Biétry est un transfuge du syndicalisme révolutionnaire. Ancien meneur de grève dans le Doubs, il fait un grand virage idéologique et va rompre avec l’idée révolutionnaire. Il va doter les Jaunes d’une organisation et d’une idéologie qu’il voudra cohérente pour faire face aux “Rouges”. Dans de nombreuses brochures et dans le journal le Jaune, il défend un vrai programme politique.

L'idéologie jaune

Pour Biétry, les Jaunes ne doivent pas être des simples briseurs de grève à la solde du patronat. Ils doivent incarner une alternative au socialisme et à la révolution. En pratique, le syndicalisme “jaune” est celui de la collaboration entre les classes pour le bien commun. Une entente entre patrons et ouvriers est naturelle pour les Jaunes car ils ont des intérêts communs. C’est pour cela que les Jaunes formeront des syndicats patronaux et ouvriers différents pour assurer le dialogue entre eux sans mélanger leurs revendications. Bien qu’ils se définissent comme un mouvement ouvrier, les Jaunes auront toujours grand mal à chasser l’image de pantins du patronat. En pratique, s’ils sont bien vus comme élément de contrôle des grèves par les patrons, ils ne reçoivent aucune aide pour appliquer leur programme social dans les entreprises en dehors des situations de crise.

Antiétatiques, les Jaunes réclament que l’Etat ne s’occupe que de ses domaines régaliens et laisse la vie économique s’organiser elle-même. Décentralisateurs, les Jaunes sont contre les fonctionnaires et les impôts. Ils réclament aussi une liberté totale pour l’enseignement et s’opposent à la centralisation. Opposés à la politisation du syndicalisme, ils sont pour un contrôle strict du droit de grève et l’instauration de chambres de discussion entre les employeurs et les travailleurs.

Pré-fasciste ou gaulliste avant l'heure ?

Le syndicalisme jaune n’est pas confessionnel et se revendique laïc avant tout. A cause de cela, il aura des relations difficiles avec les catholiques sociaux et les syndicalistes chrétiens. Biétry se positionne sur des terrains qu’il sait être des leviers importants pour recevoir des soutiens aussi bien populaires que politiques. Faisant vibrer la fibre patriote des travailleurs français, les Jaunes n’hésitent pas aussi à se lancer dans une défense de la nation et de l’armée qui incarnent pour eux des facteurs d’unité de la société.

De même, les prises de position anti-maçonniques des Jaunes leur apportent la sympathie de la droite à l’assemblée et de certains ecclésiastiques. La presse jaune n’hésite pas n’ont plus à utiliser quelquefois l’antisémitisme et à saluer Édouard Drumont dans ses colonnes. La propriété est pour les Jaunes la solution à la question sociale. Leur “propriétisme” aura un mot d’ordre clair : « il faut que tout le monde possède ». L’accès général à la propriété et la participation par l’actionnariat à la vie de l’entreprise sont pour eux un facteur d’amélioration quasiment scientifique des conditions de vie des travailleurs. L’acquisition de la propriété individuelle étant le meilleur barrage au collectivisme rouge. Très marqués par une pensée libérale-conservatrice, les Jaunes seront en quelque sorte les précurseurs du discours de la « droite populaire ». Ils ne sont nullement un mouvement « pré-fasciste » comme l’historien israélien Zeev Sternhell le décrivait, mais, à bien des égards, un ancêtre d’un courant qui va s’incarner à droite avec le gaullisme social et la participation.

L'échec du passage du syndicalisme à la politique

Avec un programme structuré, des implantations locales fortes et un chef ambitieux, les Jaunes ne pouvaient que basculer dans la politique politicienne. Le congrès des Jaunes de 1906 marque l’apogée du mouvement jaune, Biétry revendique 500 000 membres et s’oppose à la mobilisation de la CGT pour la journée des 8 heures. Le syndicat dispose de relais à l’étranger (en Russie, en Allemagne...) et de financements de grands patrons. Biétry pense le moment venu de se lancer dans l’aventure politique. Élu député de Brest en 1906, il a fait campagne contre le « péril rouge » avec le soutien des bonapartistes, des libéraux et de certains no- tables catholiques. On voit en lui l’espoir de la droite, l’homme qui parle aux ouvriers et fait trembler les grévistes. Il est à l’apogée de sa carrière et se voit en opposant principal à Jaurès.

L’union des droites qu’il désire faire autour de lui s’évapore. Son orgueil en sera irrémédiablement blessé. Très vite, les droites se réorganisent sans lui et les financements se tarissent. L’Action française et Maurras vont le déborder sur le terrain social. Son échec politique entraîne la confusion au sein des syndicats jaunes. En 1910, Biétry perd le contrôle de la plupart des syndicats indépendants et voit ses militants traqués par les “Rouges” qui deviennent la force dominante dans le monde du travail. La guerre de 1914 va faire disparaître les dernières traces du mouvement jaune.

Le leader des Jaunes sort de la scène politique et embarque pour l’Indochine. Il meurt à quarante-six ans dans l’amertume et l’oubli en 1918 à Saïgon[1].

Bibliographie

Liens externes

  • Émission Zoom sur TV Libertés avec Didier Favre « Syndicalisme jaune : le parti des intérêts nationaux » : [2]

Notes et références

  1. Antoine Cassagne, « Les Jaunes : un national-syndicalisme français ? », in : Rivarol, no 3567, 24 mai 2023.