Rudolf Kjellén

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Rudolf Kjellén, né en 1864 et mort en 1922, est un géographe et un politologue suédois, considéré comme l’un des fondateurs de la géopolitique.

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Biographie

Né le 13 juin 1864 dans la petite île de Torsö au milieu du grand lac suédois de Vänern, Kjellen grandit dans une atmosphère tout empreinte de luthérisme. Il s'inscrit à l'Université d'Uppsala, ou le marque l'influence du Professeur Oscar Alin, une des têtes pensantes du mouvement conservateur suédois. En mai 1891, Kjellen est diplômé de sciences politiques et reçoit un poste de professeur à la nouvelle université de Göteborg. Plus tard, outre les sciences politiques, il y enseigne la géographie. Cette circonstance a permis l'éclosion, chez lui, de cette synthèse entre les sciences politiques et la géographie qu'est la géopolitique.

Influencé par le géographe allemand Friedrich Ratzel, il applique ses théories à la réalité suédoise (cf. Inledning till Sveriges geografi, 1900) et infléchit ses cours de sciences politiques à Göteborg dans un sens géopolitique. En 1904, il visite les États-Unis avec ses étudiants et y est frappé par la qualité de l'espace nord-américain, différent et plus démesuré que l'espace européen. En 1905, Kjellen est élu au parlement de Stockholm. Désormais, à sa carrière de chercheur et de professeur, s'ajoute une carrière parallèle d'homme politique. Kjellen lutte pour que l'Union qui unit depuis 1814 la Norvège à la Suède ne se disloque pas. En vain. Le reste de sa carrière politique, il la consacre à lutter contre la bureaucratie et le socialisme et à faire passer des lois sur la démographie, la politique économico-sociale et la défense. De 1909 à 1917, il quitte la Chambre pour siéger au Sénat.

Son intérêt pour le Japon ne fait que croître au cours de ces années ; il le visite en même temps que la Chine en 1909. Empruntant le transsibérien, il se rend physiquement compte de l'immensité territoriale sibérienne et centre-asiatique. À Pékin, il constate que les jours de la domination européenne en Chine sont comptés. Comparant ensuite les mentalités chinoise et japonaise, Kjellen écrit dans son journal de voyage : « L'âme du Japon est romantique tandis que celle de la Chine est réaliste-classique ; l'âme du Japon est progressiste tandis que celle de la Chine est bureaucratique-conservatrice ». De même, le rôle croissant de l'État au Japon induit Kjellen à le juger "socialiste" tandis que l'État chinois, peu interventionniste dans le domaine social, génère une société qui, en fin de compte, est libérale.

En 1913, alors que s'annonce la Première Guerre mondiale, Kjellen dresse un bilan des puissances qui entourent la Suède. Conclusion : l'Allemagne est l'alliée naturelle des Suédois, tandis que la Russie est leur adversaire depuis des siècles. Dans les débats qui vont suivre, Kjellen opte pour l'Allemagne. Avec bon nombre de professeurs et de philosophes allemands, il affirme que les idées de solidarité nationale, nées en 1914, refouleront les idées libérales/individualistes/universalistes de 1789. Au slogan révolutionnaire de "liberté, égalité, fraternité", Kjellen et ses homologues allemands opposent une autre triade, nationaliste et patriotique : "ordre, justice, fraternité".

En 1916, il est nommé professeur à Uppsala, à la chaire triplement centenaire de Johan Skytte. Au même moment, ses thèses géopolitiques et ses commentaires de l'actualité connaissent un succès croissant en Allemagne. À Uppsala, Kjellen rédige son œuvre majeure Staten som livsform (L'État comme forme de vie) qui paraît en langue allemande en avril 1917 et connaît immédiatement un grand succès. C'est dans ce livre qu'il forge le terme de "géopolitique". Avant, on parlait, à la suite de Ratzel, de "géographie politique".

Quand la guerre prend fin en 1918, Kjellen voit l'émergence de deux puissances planétaires : l'Angleterre et la Russie, « désormais gouvernée par une aristocratie de forme dégénérée, soit une oligarchie » et par une idéologie batarde, hégélienne dans sa forme et rousseauiste dans son contenu. À la même époque paraît un second ouvrage théorique majeur de Kjellen : Undersoekningar till politikens system (Recherches sur le système de la politique), récapitulatif complet de ses idées en géopolitique.

Pendant les quatre dernières années de sa vie, Kjellen visite plusieurs universités allemandes. Souffrant d'une angine de poitrine, il meurt le 14 novembre 1922 à Uppsala. Ses théories ont connu un impact très important en Allemagne, notamment dans l'école de Haushofer, d'Otto Maull, etc. En Suède, son principal disciple a été Edvard Thermænius et, en Finlande, Ragnar Numelin (1890-1972).

Thèses principales

Rudolf Kjellén s'est notamment concentré sur la notion de grande puissance, et sur les résultats de la Première guerre mondiale (Les grandes puissances et la crise mondiale, Die Großmächte und die Weltkrise, 1921).

Pour Kjellen, ni la superficie ni la population ne sont nécessairement des facteurs multiplicateurs de puissance (Brésil, Chine, Inde). L'entrée du Japon dans le club des grandes puissances prouve par ailleurs que le statut de grand n'est plus réservé aux nations de race blanche et de religion chrétienne. Ensuite, il n'y a aucune forme privilégiée de constitution, de régime politique, qui accorde automatiquement le statut de grande puissance. Il existe des grandes puissances de toutes sortes : césaristes (Russie), parlementaires (Angleterre), centralistes (France), fédéralistes (États-Unis), etc. La Grande Guerre a toutefois prouvé qu'une grande puissance ne peut plus se déployer et s'épanouir dans des formes purement anti-démocratiques.

Le concept de grande puissance n'est pas un concept mathématique, ethnique ou culturel mais un concept dynamique et physiologique. Certes une grande puissance doit disposer d'une vaste territoire et de masses démographiques importantes, d'un degré de culture élevé et d'une harmonie de son régime politique, mais chacun de ces facteurs pris séparément est insuffisant pour faire accéder une puissance au statut de grand. Pour ce faire, c'est la volonté qui est déterminante. Une grande puissance est donc une volonté servie par des moyens importants. Une volonté qui veut accroître la puissance. Les grandes puissances sont par conséquent des États extensifs (Lamprecht), qui se taillent des zones d'influence sur la planète.

Ces zones d'influence témoignent du statut de grand. Toutes les grandes puissances se situent dans la zone tempérée de l'hémisphère septentrional, seul climat propre à l'éclosion de fortes volontés. Quand meurt la volonté d'expansion, quand elle cesse de vouloir participer à la compétition, la grande puissance décroît, recule et décède politiquement et culturellement. Elle rejoint en cela les Naturvölker [peuples premiers], qui ne mettent pas le monde en forme. La Chine est l'exemple classique d'un État gigantesque situé dans la zone tempérée, doté d'une population très importante et aux potentialités industrielles immenses qui déchoit au rang de petite puissance parce qu'il fait montre d'un déficit de volonté. Ce sort semble attendre l'Allemagne et la Russie depuis 1918.

Il existe deux types de grandes puissances : les économiques et les militaires. L'Angleterre et les États-Unis sont des grandes puissances plutôt économiques, tandis que la Russie et le Japon sont des grandes puissances plutôt militaires. La France et l'Allemagne présentent un mixage des deux catégories. La mer privilégie le commerce et la terre le déploiement de la puissance militaire, créant l'opposition entre nations maritimes et nations continentales. L'Angleterre est purement maritime et la Russie purement continentale, tandis que la France et l'Allemagne sont un mélange de thalassocratie et de puissance continentale.

Les États-Unis et le Japon transgressent la règle, du fait que les uns disposent d'un continent et que l'autre, insulaire, serait plutôt porté vers l'industrialisme militariste (en Mandchourie). Les grandes puissances maritimes sont souvent des métropoles dominant un ensemble éparpillé de colonies, tandis que les grandes puissances continentales cherchent une expansion territorialement soudée à la métropole. L'Angleterre, les États-Unis, la France et l'Allemagne ont choisi l'expansion éparpillée, tandis que la Russie et le Japon (en s'étendant à des zones contiguës situées autour de son archipel métropolitain) accroissent leur territoire en conquérant ou soumettant des pays voisins de leur centre.

L'histoire semble prouver que les empires éparpillés sont plus fragiles que les empires continentaux soudés : les exemples de Carthage, de Venise, du Portugal et de la Hollande. L'autarcie, l'auto-suffisance, semble être une condition du statut de grande puissance que remplissent mieux les empires continentaux, surtout depuis que le chemin de fer a accru la mobilité sur terre et lui a conféré la même vitesse que sur mer. Les leçons de la guerre mondiales sont donc les suivantes : la thalassocratie britannique a gagné la bataille, notamment parce qu'elle a fait usage de l'arme du blocus. Mais cette victoire de la puissance maritime ne signifie pas la supériorité de la thalassocratie : une Allemagne plus autarcique aurait mieux résisté et, en fin de compte, ce sont les masses compactes de territoires dominés par l'Angleterre qui ont permis aux Alliés de contrer les Centraux.

Le facteur déterminant a donc été la Terre, non la Mer. L'idéal est donc de combiner facteurs maritimes et facteurs continentaux. Faut-il conclure de cette analyse des grandes puissances que les petits États sont condamnés par l'histoire à ne plus être que les vassaux des grands ? Non, répond Kjellen. Des petits États peuvent devenir grand ou le redevenir ou encore se maintenir honorablement sur la scène internationale. Exactement de la même façon que les petits ateliers se sont maintenus face la concurrence des grandes fabriques. Les forts absorbent très souvent les faibles mais pas toujours. La résistance des faibles passe par la conscience culturelle et la force spirituelle. La pulsion centrifuge est aussi forte que la puissance centripète : l'idéal, une fois de plus, réside dans l'équilibre entre ces deux forces[1].

Notes et références

  1. Robert Steuckers, « Rudolf Kjellén », in : Vouloir, n°9 [Nouvelle Série], 1997.