Pierre Schoendoerffer

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Pierre Schoendoerffer, né le 5 mai 1928 à Chamalières et mort le 14 mars 2012 à Clamart, est un romancier et un cinéaste français.

Il est notamment l'auteur de plusieurs films qui mettent en scène des militaires français, dans lesquels il refuse de se soumettre au moralisme et au conformisme de son époque. On peut citer La 317e Section (1965), Le Crabe-Tambour (1977) et L'Honneur d'un capitaine (1982).

Biographie

Né à Chamalières (Puy de Dôme), il s'engage à 17 ans comme mousse sur un chalutier suédois. A 23 ans, il s'engage dans le Service cinématographique des Armées par lequel il va accompagner le corps expéditionnaire français en Indochine. Il est adjoint au 1er régiment de chasseurs parachutistes.

Fait prisonnier à la bataille de Diên Biên Phu, le 7 mai 1954, il est libéré après trois mois de détention dans un camp vietminh.

En 1956, il réalise son premier film en Afghanistan, La Passe du diable, d'après un scénario de Joseph Kessel. En 1963, il publie son premier roman, La 317ème section, inspiré de cette expérience indochinoise qui hantera toute son œuvre. Deux ans plus tard, il en réalise l'adaptation au cinéma avec Bruno Cremer et Jacques Perrin - prix du scénario au Festival de Cannes. Jusqu'au début des années 2000, il poursuit en parallèle une carrière d'écrivain et de cinéaste moultes fois récompensée. En 1968, il obtient l'oscar du meilleur documentaire avec La Section Anderson, récit d'une unité de combat américaine durant la guerre du Vietnam. Son roman L'Adieu au Roi, publié aux éditions Grasset à qui il restera fidèle toute sa vie, obtient le Prix Interallié, dont il rejoindra le jury quelques années plus tard - le réalisateur américain John Milius le portera à l'écran avec Sean Connery après s'en être inspiré pour écrire le scénario d'Apocapyse Now. Le Crabe-Tambour, lui, est honoré par le Grand Prix de l'académie française et glanera trois césars pour son adaptation sur grand écran. En 1992, il réalise son film le plus ambitieux, Diên Biên Phu, tourné au Vietnam. Amis des écrivains et journalistes Joseph Kessel, Lucien Bodard et Jean Lartéguy, grand lecteur de littérature maritime et des œuvres de Kipling, Malraux, Loti - qu'il adapta deux fois au cinéma -, il faillit porter à l'écran dans les années 90 le roman de Joseph Conrad, Typhon.

Marié à l'ancienne journaliste de France-Soir, Pat Chauvel, qu'il avait rencontrée lors d'un reportage au Maroc en 1955, il était père de trois enfants dont le réalisateur Frédéric Schoendoerffer (Scènes de crime, Agents secrets, Switch) et l'oncle du grand photographe de guerre Patrick Chauvel. Il avait été élu en 1988 à l'Académie des Beaux-Arts et appartenait à l'Académie des écrivains de marine.

Schoendoerffer, honneur, fidélité par Pierre Gilieth

Pierre Schoendoerffer est né en 1928 à Chamalières, dans le Puy de Dôme. Un de ses premiers émois fut la lecture de Fortune carrée de Joseph Kessel. Il rêve de devenir marin alors qu’il n’a jamais vu la mer et s’embarque sur un chalutier à voile. Peu après, il s’engage au service cinématographique de l’armée. Il prend part et sera fait prisonnier à la bataille de Diên Biên Phu, au printemps 1954, lors de cette guerre d’Indochine qui le hantera toute sa vie. Pierre Schoendoerffer nous lasse par son admiration pour l’armée (alors qu’elle n’est plus depuis quarante ans que l’auxiliaire zélé du Système ; il ne faut surtout rien en attendre – déjà en 1962 – car les fonctionnaires y ont, depuis longtemps, remplacé les centurions et les aventuriers). Mais il nous éblouit lorsqu’il jette un temps ces tics réacs pour l’air du grand large, en chevauchant l’écume des jours avec Saint-Exupéry, Monfreid ou Conrad.

D’un marin l’autre

Ses premiers pas sur la pellicule, Pierre Schoendoerffer les aura donc faits en tenant une caméra militaire. Mais viendront bientôt ceux, plus personnels, qu’il accomplira sous le signe, toujours, de l’aventure, avec Kessel et Loti. Kessel lui offre, en effet, le scénario de son premier film, La Passe du Diable, qui raconte le jeu du bouzkachi afghan, qui consiste à enlever de terre le cadavre d’un bouc décapité pour le déposer dans un cercle dessiné sur le sol. Puis, c’est son frère au caban dégrafé, Pierre Loti, qui lui inspire ses deux films suivants, Ramuntcho et Pêcheur d’Islande. Si le premier est assez mièvre (il vaut mieux lire l’excellent roman de Loti) où Roger Hanin n’arrive pas à nous faire croire un instant qu’il est basque, l’évocation du drame marin et breton du second, servi par une belle complainte chantée, peut toujours se regarder avec plaisir.

La lame du sabre

Pierre Schoendoerffer peut être fier d’avoir tourné l’un des plus beaux films de guerre, avec Attack, Full metal jacket , Croix de fer ou Aventures en Birmanie. C’est à ce dernier que ressemble un peu La 317e section. Une sorte de fuite à travers la jungle indochinoise, un curieux parcours initiatique, ce jeu de la mort qu’est la guerre (“Vive la mort” y crie Bruno Crémer, reprenant à plein gosier le célèbre cri du général espagnol Millan Astray). Les deux joueurs principaux sont les deux faces janusiennes d’un même courage : celles du jeune lieut’ néophyte tout juste sorti de Coët (joué par Jacques Perrin) et du vieux lansquenet boche (joué par Bruno Crémer) qui a une guerre d’avance. C’est un bien beau film, une sorte de jeu des gendarmes et des voleurs pour grands enfants, le jeu de la vie et de la mort. Trente-cinq ans après le dernier coup de feu et vingt après ce premier volet, Schoendoerffer revient à Diên Biên Phu pour raconter la bataille, sa bataille. Il y a de beaux moments dans ce film décousu (de beaux dialogues, des instantanés de l’arrière bien sentis) mais il manque, hélas, l’éclat et le lyrisme de La 317e section ou du Crabe-Tambour.

Soldats perdus

Schoendoerffer éprouve de la sympathie et de l’admiration pour les soldats perdus, pour ceux qui n’ont pas hésité à mettre leur peau au bout de leurs idées (selon la belle formule de Pierre Sergent qui savait de quoi il parlait) et qui n’ont que mépris pour les rêves de réussite et la vie médiocre, sans aventures, des bourgeois de tous les temps.

On retrouve la silhouette nocturne de ces chats de gouttière dans bon nombre de ses films. Oublions les plus décevants (Objectif 500 millions) et parlons des plus réussis. Et quel plus beau poème sur l’honneur, la fidélité, l’amitié, le goût du danger et de l’aventure que Le Crabe-Tambour. Ce film me ravit chaque fois que je le revois. Il ne bouge pas, il ne vieillit pas, toujours aussi émouvant, et efficace comme les manœuvres de Jean Rochefort. C’est le portrait romancé du commandant Pierre Guillaume, dit le “Crabe-Tambour” (qui milita jusqu’à sa mort récente au Front national), dont le parcours aurait mérité de figurer dans le beau livre de Roger Stéphane, Le Portrait de l’aventurier. Il y a dans ce personnage vrai du Monfreid, du Lawrence, l’engagement d’un Von Salomon et le goût des embruns d’un Conrad. Le tout servi par un carré d’acteurs impeccables (normal, c’est la marine !) et rythmé par de superbes images de mer.

Mais n’oublions pas, même s’il n’atteint pas les hauts sommets de La 317e section et du Crabe-Tambour, L’Honneur d’un capitaine. Ce film raconte les derniers jours d’un capitaine de l’armée française lors de la guerre d’Algérie. On ne peut s’empêcher de songer, au milieu des djebels, à deux des plus beaux romans sur cette période, Les Hors-LaLoi de Jean Mabire[1] et Au lieutenant des Taglaïts de Philippe Héduy ainsi qu’aux photos spartiates, patinées de bronze, de Marc Flament. Mais c’est aussi le récit du combat d’une femme (jouée par la belle pied-noire Nicole Garcia) pour défendre l’honneur de son défunt mari. Un film qui prend aujourd’hui une tonalité bien actuelle, devant les sanglots de l’homme blanc et les accusations des charognards qui vomissent l’armée française qui n’a pourtant pas commis le dixième des atrocités du FLN. Certes, nous n’avions rien à foutre en Algérie (comme les Beurs – et les non-Européens - n’ont rien à foutre en Europe) et le FLN menait le juste combat de libération de sa terre pour son peuple. Mais il est peut-être temps de tourner la page et d’arrêter de demander indéfiniment pardon, comme un vulgaire pape. Ce bon film montre également que la guerre est toujours un moment terrible, une tragédie et que les guerres propres n’existent que dans le cerveau débile des benêts qui ne l’ont jamais faite. Toujours ce même angélisme criminel…

Epitaphe

Dans son dernier film, le médiocre Là-haut, Schoendoerffer a montré qu’il n’avait visiblement plus rien à nous dire. Et oui, mille fois oui, Jean Mabire avait raison d’écrire ceci dans Europe-Action (en 1966) sur les héros schoendoerffiens : “ Ce sont des vaincus qui chantent. Des hommes qui ont perdu la guerre en 1954. Ils ont pris du ventre, portent des lunettes et perdent leurs cheveux. Ils vivent dans le passé. Ils s’illusionnent. Ils veulent croire que l’on reverra le drapeau tricolore sur Hanoï ou sur Alger. Ils sont naïfs, touchants, grotesques. Pire que tout, démodés (…) Maintenant, c’est autre chose. C’est le monde moderne. Nous ne vivons plus avec des peaux de bêtes au creux des forêts. Nous ne lancerons plus de bombes. Nous ne défilerons plus. La guerre est finie mais la politique commence. Notre fidélité est un devenir. ” Mais il est aussi, comme nous, redevable au conteur aventurier de La 317e section et du Crabe-Tambour, à celui qui aura, comme nous, chanté et célébré l’honneur et la fidélité dans une époque qui vit à l’opposé de ces valeurs cardinales[2].

Publications

Romans

  • La 317e Section, 1963.
  • L'Adieu au roi, Éditions Grasset & Fasque, (prix Interallié, 1969)[3], 1969
  • Le Crabe-Tambour, Grasset (grand prix du roman de l'Académie française, 1976), 1976
  • Là-haut, Grasset, 1981
  • L'Aile du papillon]], Grasset (prix littéraire de l'armée de terre - Erwan Bergot ; prix Encre marine 2003 de la Marine nationale), 2003.

Travaux historiques

  • Dien Bien Phu 1954/1992, De la bataille au film, Éditions Fixot-Lincoln, 1992.
  • Harkis, soldats abandonnés. Témoignages, XO éditions, 2012, 256 p.

Préfaces

  • Patrick Buisson, La Guerre d'Indochine, Albin Michel, 2009, 255 p..
  • Xavier Maniguet, Survivre, comment vaincre en milieu hostile, Albin Michel, 1988, 512 p.

Filmographie

  • La Passe du diable, 1958
  • Ramuntcho, 1959
  • Pêcheur d'Islande, 1959
  • Attention ! Hélicoptères (court-métrage documentaire pour le Service cinématographique des Armées), 1963
  • La 317e Section, 1965
  • Objectif 500 millions, 1966
  • La Section Anderson (documentaire), 1967
  • Sept Jours en mer (court métrage documentaire pour le Service cinématographique des Armées), 1973
  • La Sentinelle du matin (court métrage documentaire pour le Service cinématographique des Armées), 1976
  • Le Crabe-Tambour, 1977
  • L'Honneur d'un capitaine, 1982
  • Réminiscence ou la Section Anderson 20 ans après (documentaire), 1989
  • Diên Biên Phu, 1992
  • Là-haut, un roi au-dessus des nuages, 2004

Notes et références

  1. réédité aujourd’hui sous le titre de Commando de chasse, Presses de la Cité.
  2. Pierre Gillieth, « Schoendoerffer, Honneur, Fidélité », in: Réfléchir et agir, no 22, hiver 2005, p. 65-66.
  3. adapté au cinéma en 1989 au cinéma sous le titre L'Adieu au roi par John Milius.