Hergé
Georges Remi dit Hergé (22 mai 1907 à Etterbeek-3 mars 1983 à Woluwe-Saint-Lambert) est un auteur belge de bande dessinée principalement connu en tant que dessinateur des aventures de Tintin.
Georges Remi signe pour la première fois Hergé en décembre 1924. (HERGÉ, Les archives Tintin : Tintin au pays des soviets. Texte : Jean-Marie Embs et Philippe Melot avec la collaboration de Philippe Goddin pour la rubrique Les secrets d’une création, Éditions Moulinsart, Bruxelles, 2012, postface 3.)
Il est le rédacteur en chef du Petit Vingtième, le supplément hebdomadaire du quotidien Le Vingtième siècle.
Biographie
Georges Remi, dit Hergé, peut être considéré comme l’inventeur de la bande dessinée franco-belge. Ce jeune belge né en 1907, issu de la petite bourgeoisie catholique de Bruxelles, est souvent premier de classe durant sa scolarité. Mais il recouvre ses cahiers de dessins et de croquis. Tout est prétexte pour lui à dessiner. Dès 1922, certains de ses dessins font l’objet d’une publication dans le bimensuel Jamais Assez, revue de la troupe de Saint-Boniface, dont le tirage se limite aux scouts du collège. Le scoutisme lui procure alors un important esprit de camaraderie. En 1924, dans une revue scoute, intitulée Boy-Scout, il signe pour la première fois sous le pseudonyme « Hergé », formé à partir des initiales « R » de son nom et « G » de son prénom. Il fait paraître les premières planches des Extraordinaires Aventures de Totor, C. P. des Hannetons, scout débrouillard, souvent reconnu comme l’ancêtre de Tintin. C’est ainsi en autodidacte qu’il se forme.
Quelques mois plus tard, il entre au quotidien Le Vingtième Siècle, dont le directeur, l’abbé Norbert Wallez, le charge en 1928 de concevoir un supplément hebdomadaire destiné à la jeunesse : Le Petit Vingtième. Dès son lancement, L’Extraordinaire aventure de Flup, Nénesse, Poussette et Cochonnet, un récit scénarisé par Armand De Smet et dessiné par Hergé, raconte les aventures de trois jeunes adolescents et d’un cochon gonflable, sur un fond colonialiste et cléricaliste, par exemple lorsque les enfants, prisonniers dans un village de cannibales, sont sauvés par la bienveillance d’un missionnaire catholique. En 1928, Hergé fait la connaissance du nationaliste belge Léon Degrelle, qui travaille également à la rédaction du Vingtième Siècle. Degrelle part, en tant que reporter du XXème Siècle, effectuer un voyage au Mexique, en pleine guerre des Cristeros. Degrelle et Hergé sympathisent.
C’est dans le périodique Le Petit Vingtième que débute, le 10 janvier 1929, Tintin au pays des Soviets, récit anticommuniste, suivi de Tintin au Congo, empreint de paternalisme colonialiste. Au fil des années, tout en poursuivant la bande dessinée, Hergé diversifie à cette époque son activité artistique, par l’illustration de journaux, de romans, de cartes et de publicités. Il crée d’autres séries : en 1930, dans Le Petit Vingtième, Les Exploits de Quick et Flupke, puis en 1935, pour le journal catholique français Cœurs vaillants, Les Aventures de Jo, Zette et Jocko. A cette époque, Hergé devient un membre actif des mouvements d’Action catholique. En 1930, il est même vice-président de la Jeunesse indépendante catholique, où il rencontre Raymond De Becker, dont il illustre deux brochures, Le Christ, roi des affaires puis Pour un ordre nouveau. En 1932, Degrelle et Hergé se fâchent à propos d’une illustration du dessinateur que Degrelle utilise sans son autorisation à des fins politiques pour une affiche de propagande : “Contre l’invasion votez pour les catholiques”. Ce qui n’empêchera pas Léon Degrelle de soutenir, après-guerre, dans son livre Tintin mon copain, qu’Hergé s’était inspiré de lui pour créer Tintin ! Précisons, pour ceux qui en douteraient, qu’Hergé n’est aucunement attiré par le nouveau régime hitlérien en Allemagne. Dans Le Sceptre d’Ottokar, Hergé présente le monarque de Syldavie, menacée d’invasion par la Bordurie, comme un roi soucieux du bien-être de son peuple. Il y dénonce surtout l’Anschluss, dont l’Autriche vient d’être victime. Ce n’est pas un hasard si le complice syldave des Bordures s’appelle Müsstler, nom évoquant Mussolini et Hitler.
En 1940, lors de l’invasion de la Belgique, la publication du Petit Vingtième est arrêtée. Hergé continue de travailler dans Le Soir, plus grand quotidien du pays, alors contrôlé par l’occupant allemand. L’Étoile mystérieuse, nouvel album, met en scène un banquier dessiné selon les codes des caricatures antisémites de l’époque. A la « Libération », accusé de collaboration, Hergé est temporairement interdit de publication. Longtemps après, il racontera encore que « ça a été une expérience de l’intolérance absolue. C’était affreux, affreux ! »[1]. C’est sans doute l’origine de son état dépressif.
En 1946, Hergé contribue au lancement du journal Tintin. En 1950, il fonde les Studios Hergé, un atelier qui regroupe notamment Bob de Moor, Jacques Martin et Roger Leloup, chargés de l’assister. Il meurt d’une maladie du sang en 1983, après avoir affirmé sa volonté que ses héros ne lui survivent pas.
Voir aussi
Bibliographie
- ALGOUD Albert , La vraie vérité sur Tintin !, Hugo Desinge, Paris, 2024.
- ANONYME, « Légion wallonie. En avant, Bourguignons ! », in : Ligne de Front. Histoire des conflits du XXe siècle, hors-série, n°36, mai-juin 2019, p. 88 à 97, Aix-en-Provence.
- Francis Bergeron, Georges Rémi, dit Hergé, coll. « Qui suis-je ? », Pardès, 2011.
- Francis Bergeron, Hergé, le voyageur immobile : géopolitique et voyages de Tintin, de son père Hergé, et de son confesseur l'abbé Wallez, coll. « Impertinences », Atelier Fol'Fer, 2015.
- Francis Bergeron, Degrelle, Qui suis-je ?, Pardès, 2016. [1]
- CAUWELAERT (van) Rik, « De man die niet kon kiezen », Driemaandelijkse Nieuwsbrief Studiecentrum Joris Van Severen, 14e jg., 1e trimester 2020, Ieper, p. 7 à 11.
- Bruno Cheyns, Léon Degrelle. De Führer uit Bouillon. Biografie, Uitgeverij Vrijdag, Anvers, 2017.
- COLLECTIF (sous la direction de Joseph Toussaint), Les Cahiers wallons ont 75 ans. Les Rèlîs Namurwès au service de l’identité wallonne, Société archéologique de Namur, Namur, 2012, p. 147.
- COLLECTIF, Histoire & fiction hors-série n°1, BD une histoire française et belge ! Oracom, Paris, s.d. (2019), p. 54 à 57 et p. 70.
- COLLECTIF, Le père de Tintin se raconte, Cahiers de la BD hors-série, Vagator Productions, Paris, 2020.
- COLLECTIF, Tintin, c’est l’aventure. Plantu, Hergé. Un dialogue imaginaire, Moulinsart, Bruxelles, 2022.
- COLLECTIF, Raskar Kapac momifie Hergé pour l’éternité, Raskar Kapac hors série, n°5, printemps 2023.
- DARD Olivier, DESCHAMPS Étienne, DUCHENNE Geneviève (sous la direction de), Raymond De Becker (1912-1969). Itinéraire et facettes d’un intellectuel reprouvé, Peter Lang, Bruxelles, 2013.
- Léon Degrelle, « Tintin mon copain », in Recueil. Organe semestriel du Fond européen Léon Degrelle, 1ère année, n°1, Bruxelles, Fond européen Léon Degrelle, 15 décembre 1996, p. 37 à 53.
- DE LA CROIX Arnaud, Ils admiraient Hitler, portraits de 12 disciples du dictateur, Racine, Bruxelles, 2017, p.100.
- DURAND Pascal et HABRAND Tanguy, Histoire de l’édition en Belgique. XVème - XXIème siècle, Postface d’Yves Winkin, Les impressions nouvelles, Bruxelles, 2018.
- GERARD Armand, « Léon Degrelle était bien Tintin ! L’intuition première de Jean Mabire », in : Magazine des amis de Jean Mabire, Nouvelle série, N°45, Solstice d’été 2015, Association des Amis de Jean Mabire, Bernay-Saint-Martin, 2015, p. 18 à 29.
- GODDIN Philippe, Hergé. Tintin et les Soviets. La naissance d'une œuvre. Moulinsart, Bruxelles, 2016.
- GODDIN Philippe, Tintin et les Américains, Éditions Moulinsart, Bruxelles, 2020.
- GODDIN Philippe, Les coulisses d’une œuvre, tome 1 : Tintin au pays des Soviets, éditions Moulinsart, Bruxelles, 2024.
- GODDIN Philippe, Les coulisses d’une œuvre, tome 2 : Tintin au Congo, éditions Moulinsart, Bruxelles, 2024.
- GUÉRIN Patrice, Tintin au-delà des idées reçues. 22 contre-vérités sur Hergé et son œuvre, Les Impressions Nouvelles, Bruxelles, 2024.
- HERMAN VAN DE VIJVER, « Cultuur en ontspanning » in : Knack Historia, België 40-45, Roeselare, 07 mei 2015, p.119.
- HERGÉ, Les archives Tintin : Tintin au pays des soviets. Texte : Jean-Marie Embs et Philippe Melot avec la collaboration de Philippe Goddin pour la rubrique Les secrets d’une création, Éditions Moulinsart, Bruxelles, 2012.
- HERGÉ, Les archives Tintin : Le crabe aux pinces d’or. Version originale noir et blanc. Texte de Jean-Marie Embs et Philippe Mellot, Éditions Moulinsart, Bruxelles, 2014.
- JOURET Jean-Claude, Hergé & la publicité, Weyrich, Neufchâteau, 2016.
- JOURET Jean-Claude, Hergé de l’abbé Wallez à Steven Spielberg, Weyrich, Neufchâteau, 2017.
- LEBACQ Églantine, « Le ‘’faux soir’’, un hommage malicieux à la vraie presse », in : Belgica, n°2, Charny Orée de Puisaye, 2022, p. 30 à 35.
- MARCHAL Michel, 1934 - 1940 Hergé et Tintin : L'histoire des histoires, éditions Noctambules, 2017.
- Frédéric Saenen, Léon Degrelle, Perrin, Paris, 2025.
- VAN OPSTAL H., Tracé RG. Le phénomène Hergé, Lefrancq, Bruxelles, 1998.
- WILMET Marcel, L’abbé Wallez, l’éminence noire de Degrelle et Hergé, Art9experts, Dilbeek, 2018. [2].
Liens externes
- « Le Siècle de Tintin (Le Petit Vingtième) », 1995, produit par Claude Haim, reportage diffusé sur la Troisième chaîne publique belge francophone : [3]
Notes et références
- ↑ Benoît Peeters, Le monde d’Hergé, Casterman 1991, p. 203.