Ferenc Szalasi
Ferenc Szálasi (1897-1946) est un chef nationaliste hongrois, fondateur du Parti des Croix fléchées.
Sommaire
Biographie
Ferenc Szálasi est né le 6 janvier 1897 à Kassa (Košice, aujourd’hui en Slovaquie).
En 1915 il sort de l’Académie militaire de Wienerneustadt, où son père l’a envoyé, avec le grade de lieutenant dans l’armée de l’Autriche-Hongrie et il est dirigé immédiatement vers le front où il sert jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, passant 36 mois dans une zone de guerre.
Après la guerre, il s’installe à Budapest, où il travailla comme courrier au service du ministère de la Défense.
En 1923, il est envoyé à l’École d’État-major et en sort en 1925 avec le grade de capitaine. IL fait partie de l’État-major hongrois jusqu’en 1933. Cette année-là, il obtint le grade de commandant.
Les événements qu’il a vécus renforcent son nationalisme, il plaide pour l’extension du territoire hongrois jusqu’aux frontières antérieures au Traité de Trianon de 1920, qui avait réduit de 72 % l’étendue du pays.
En 1935, il quitte l’armée et, en mars, il fonde le Nemzeti Akarat Pártja (Parti de la volonté nationale) avec Sándor Csia ; il obtint des résultats plus que modestes lors de sa première candidature au Parlement, en avril 1936.
Il décrit la doctrine de son mouvement, qu'il appelle le hungarisme, en le résumant ainsi : « Le hungarisme est une idéologie, c’est la mise en pratique hongroise d’une vision nationaliste du monde et de l’esprit du temps. Ce n’est ni de l’hitlérisme, ni du fascisme, ni de l’antisémitisme, c’est du hungarisme. »
Il décide de ne plus jamais se présenter à quelque élection que ce fût. En 1937 après une visite de Szálasi et de Csia en Allemagne nationale-socialiste, l’impression profonde qu’ils en tirèrent les fit changer de stratégie : alors qu’ils visaient surtout les classes moyennes et les fonctionnaires, ils s’adressèrent à la classe ouvrière. Les slogans du parti changèrent et se transformèrent en demande de « justice, travail et respect » pour les « travailleurs hongrois » et le parti se présenta comme « devant les libérer des chaînes avec lesquelles les tenaient les syndicats sociaux-démocrates et communistes ainsi que des griffes du capitalisme féodal et de la juiverie. »
En 1937, le gouvernement du régent, l’amiral Miklós Horthy, interdit son parti et il est condamné à trois mois de prison pour agitation antisémite.
Après avoir été libéré par la police, il rassembla autour de lui plusieurs groupes nationalistes et fonde le Mouvement hungariste : Magyar Nemzeti Szocialista Part-Hungarista Mozgalom (Parti national-socialiste hongrois), avec une forte idéologie nationaliste, antisémite et totalitaire, grâce auquel il commençe à obtenir un soutien considérable dans la classe ouvrière.
Ses fréquents déplacements partout dans le pays suscitent l’admiration de ses partisans quand il se souvient du nom de chacun. Son plus important soutien, toutefois, sont les officiers de l’armée, qui souhaitent des changements politiques et sociaux.
Après l’Anschluss en 1938 sur l’ordre du nouveau Premier ministre Béla Imrédy, Szálasi est arrêté par la police, emprisonné et condamné à trois ans de travaux forcés à la prison de Csillag à Szeged. Il y passe deux ans. Cette incarcération lui vaut un accroissement de popularité qui maintint son influence dans la politique hongroise, malgré les persécutions dont il était l’objet.
Pendant qu’il est en prison, Kálmán Hubay qui le remplaçe fonde le 8 mars 1939 le Nyilaskeresztes Párt (Parti des Croix fléchées), comme héritier du Mouvement hungariste.
Aux élections de 1939, faites à bulletins secrets (ce mode de scrutin vient d’être instauré), le parti obtint 29 sièges au Parlement hongrois, devenant le deuxième parti de Hongrie en nombre de voix, réunissant 750 000 voix sur un total de 2 000 000. Les partis nationaux-socialistes tous ensemble obtenaient 45 sièges en face des 191 du parti au pouvoir. L’opposition libérale et socialiste s’est effondrée.
Le Parti des Croix fléchées est devenu la véritable opposition au gouvernement conservateur de Horthy.
Libéré à l’occasion de l’amnistie générale du 30 août 1940, Ferenc Szálasi revient à la vie politique comme chef du Parti des Croix fléchées.
En 1942, le Parti des Croix fléchées est interdit par le Premier ministre Pál Teleki, forçant ainsi Szálasi à travailler en secret et à chercher l’appui des Allemands.
La devise des Croix fléchées : Kitartas ! (« Persévance ! »)
Le 19 mars 1944 les troupes allemandes envahisent la Hongrie, alors que les Soviétiques se rapprochent. Le pro-allemand Döme Sztójay devint Premier ministre de Hongrie. Le parti des Croix fléchées est légalisé par le nouveau gouvernement, mais en août, après avoir démis Sztójay de ses fonctions, Miklós Horthy ordonne une nouvelle fois l’arrestation de Szálasi.
En septembre, les troupes soviétiques franchisent la frontière hongroise et, le 15 octobre 1944 après qu’Horthy annonce la signature d’un armistice entre la Hongrie et l’Union soviétique, qui est ignoré par l’armée hongroise, les Allemands lancent l’opération Panzerfaust et enlèvent le fils d’Horthy, forçant ce dernier à dénoncer l’armistice, à démettre le gouvernement et à démissionner. Le Parlement élit Szálasi comme Premier ministre et chef de l’État. Le 3 novembre 1944 celui-ci prête serment devant la couronne de saint Étienne en tant que Nemzetvezető (chef de la Nation hongroise).
L’opposition à l’Armée rouge est rendu difficile par la résistance communiste. En décembre 1944, Béla Miklós forme un gouvernement provisoire sous la tutelle des Soviétiques. Le 24 décembre, Budapest est encerclée. En janvier 1945, l’armée soviétique occupa Buda, puis Pest tomba le 13 février 1945, ce qui mit fin à la bataille de Budapest.
Le 29 mars 1945, le gouvernement de Szálasi et les parlementaires quittent le territoire hongrois. L’armée allemande et les restes de l’armée hongroise les suivent peu de jours après, le 4 avril 1945. Le gouvernement continu son activité en Allemagne jusqu’à son arrestation à Augsbourg par l’armée américaine.
Le 3 octobre 1945, Szálasi est remis aux nouvelles autorités communistes à Budapest, où le 1er mars 1946 commençe son procès public devant un tribunal populaire.
Condamné à la peine de mort par pendaison pour crimes de guerre et haute trahison, il est exécuté le 12 mars 1946.
La même année, trois autres anciens Premiers ministres furent eux aussi condamnés à mort et exécutés.
Texte à l'appui
Le cas Szalasi en appel, une révision de l'histoire hongroise, par François Duprat
Pendant de nombreuses années, les« historiens» de la Croisade des démocraties couvrirent d'injures les vaincus de 1945. L'un de ceux qui eurent droit aux attaques les plus violentes fut Ferenc Szalasi. chef des Croix fléchées de Hongrie, pendu par les communistes en 19146. D'innombrables livres le décrivirent comme un assassin, une marionnette allemande, l'organisateur de la déportation des juifs de Hongrie, le complice d'Eichmann; les racontars les plus grotesques furent accueillis comme parole d'Evangile: ainsi de nombreux auteurs écrivent froidement que les Croix Fléchées entrèrent dans le gouvernement pro-allemand du général Sztojay en Avril 1944, alors que Szalasi restait dans l'opposition et recrutait des dizaines de milliers d'adhérents en pratiquant une politique hostile à ce gouvernement!
Peu à peu, cependant, des auteurs plus sérieux se sont interrogés sur le cas Szalasi et leurs analyses ont présenté une vision bien différente du chef du Mouvement hungariste. Le premier de ces révisionnistes a été Macartney, dès 1956, dans son October 15h histoire de la Hongrie des années vingt à la fin de la deuxième guerre mondiale. Cet écossais libéral, parlant couramment le hongrois, a eu accès au journal intime de Szalasi et présente de lui une image bien différente.
Szalasi, loin d'être ambitieux. s'y montre décidé à ce qu'il y ait toujours un chef de l'Etat, qui ne sera pas lui:« Il devra y avoir un chef de l'Etat à côté et au-dessus de Szalasi ».
Macartney montre combien les CF ont travaillé pour la défense du peuple hongrois et, spécialement, pour les prolétaires : « Car, comme le proclamait Szalasi avec pleine raison il avait été le seul parti de droite à s'être jamais occupé sérieusement des travailleurs et la dissolution du Parti social-démocrate les jetait dans ses rangs » (tome 11; page 290).
Mais le livre de Macartney sera suivi par beaucoup d'autres: ainsi dans The Rise of Fascism, l'Américain F.L. Carstein écrit:« Szalasi était honnête et sincère. JI s'opposa à la déportation des juifs ».
En 1965, dans The European Right de Regger et Weber (ouvrage collectif), Istvan Deak écrit de Szalasi : « Il n'était pas un bon orateur, ni un bon organisateur; mais sa sincérité et son honnêteté indubitables emportaient l'admiration, peut-être parce que de telles qualités étaient rares chez les politiciens hongrois de l'époque » (page 390). « En vérité, très peu de ces discours ou écrits contiennent des expressions de haine. Il aimait son peuple et n'avait pas une si basse opinion des masses crédules que Hitler. JI ne voulait pas vaincre par la coercition. mais par la persuasion » (page 395).
Recoupant les indications de Macartney sur l'action des Croix fléchées en faveur des travailleurs, Deak écrit:« Les journaux Croix fléchées de l'époque étaient pleins de reportages de dîners amicaux, d'excursions, de divers contacts sociaux entre groupes de travailleurs, de demandes d'aide mutuelle et d'annonces demandant aide pour un infortuné "Frère" chômeur. La Croix fléchée remplissait une fonction que les socialistes étaient incapables de remplir » (page 397).
Il n'y a pas jusqu'aux communistes hongrois les plus sérieux qui n'aient été forcés de réviser quelque peu leur éternelle litanie sur la Croix fléchée instrument du capitalisme magyar contre les travailleurs.
Ainsi le livre de M. Lacko, professeur de l'Université de Budapest et membre éminent du Parti communiste hongrois, Arrow Cross Men, National-Socialists -1935-1945, reconnaît-il des faits gênants pour l'interprétation marxiste.
Ainsi signale-t-il que les forces de la « droite réactionnaire » attaquent souvent les Croix fléchées, trop « extrémistes », que les employés des transports, se mettent en grève en août 1938 contre le décret interdisant l'adhésion d'agents de l'Etat à la Croix fléchée, que les CF protestent contre l'action des agents allemands en Hongrie, qu'ils occupent, à leur demande, les bancs de gauche au Parlement. ..
Lacko reconnaît aussi l'absence de chauvinisme des CF, leur tentative, en juin 1940, pour faire voter un projet de loi favorable aux minorités en Hongrie. Il avoue que la grande grève des mineurs d'octobre 1940 a bien été organisée par la Croix fléchée et non par le minuscule PC clandestin.
Mais il a fallu l'ouvrage remarquable de Nagy Talavera en 1972, The Green Shirts and the Others, pour que la vérité se fasse jour sur la Croix fléchée. L'auteur, juif hongrois, déclare que les CF étaient la partie la plus pauvre et la plus malheureuse du peuple hongrois, qu'ils n'ont rien eu à voir avec les « organisateurs » de 19144. Il écrit à ce propos: « Sur la question entre toutes importantes, la question juive, Szalasi était un modéré parmi les fascistes hongrois » (page 119).
li insiste sur l'aspect prolétarien des CF: victoire « fasciste » dans la « ceinture rouge » de Budapest aux élections de 1939, CF occupant les sièges de l'extrême gauche sur leur demande. « la Croix fléchée était la seule à défendre les manœuvres, les Sociaux-démocrates étant le parti des ouvriers qualifiés » (page 154).
L'anti-chauvinisme de la CF était tel que les journaux de Szalasi écrivirent des articles favorables à Codreanu et à la Garde de fer roumaine, à la grande colère des fanatiques anti-roumains de la droite hongroise.
Talavera note bien la violence de la réaction de la droite au pouvoir contre ce « fascisme de gauche »: « Horthy (chef de la Hongrie) proposa à Teleki (Premier ministre) le réemprisonnement de Szalasi et des arrestations et des exécutions en masse d'hommes de la Croix fléchée comme exemple aux autres » (page 167; lors de la grande grève d'Octobre 1940).
Il montre comment les Allemands ont misé sur d'autres groupes nationalistes et non sur les Croix fléchées (que l'Ambassadeur Veesenmayer, responsable de la politique du IIIe Reich dans les pays, traitait de « bande de fous »). La Croix fléchée avait d'ailleurs hautement approuvé le pacte germano-soviétique et organisé des manifestations avec les portraits ... de Hitler et de Staline! Magyaisag proclamait le 30 août 1939: « Front commun des Etats prolétariens contre les ploutocraties! »
Avec toutes leurs inconséquences et leurs faiblesses, le Mouvement de la croix fléchée et son chef Szalasi apparaissent comme décidés à réaliser le progrès social et politique de leur peuple, comme des nationalistes prêts à collaborer avec les peuples voisins, comme à défendre leur patrie jusqu'au bout contre l'envahisseur soviétique.
Pour finir, laissons la parole à l'historien juif Talavera: « Extraordinaire affection pour Szalasi (. .. ) ni cruel ni corrompu ( ... ) rien d'allégué contre sa vie privée ( ... ) pas de signe de haine pathologique contre les juifs (... ) veut laisser les juifs partir avec leur argent (. .. ) contre les déportations de juifs en 1944 (... ) ne donne pas d'ordre contre eux sous sa dictature, profondément légaliste, Szalasi ne veut le pouvoir que par la volonté commune de la nation et du chef de l'Etat »[1].
Bibliographie
- Robert Cazenave, Naissance et développement du fascisme hongrois; François Duprat, L'évolution parlementaire du fascisme hongrois; François Duprat, Le cas Szalasi en appel, in : Revue d'histoire du nationalisme révolutionnaire, no 1, décembre 1988[2].
- Claudio Mutti, Ferenc Szalasi et les croix fléchées. Histoire d'un fascisme de gauche, Éditions Ars magna[3]
- Mariano Ambri, I falsi fascismi. Ungheria, Jugoslavia, Romania (1919-1945), introduction par Renzo De Felice, éd. Jouvence, Roma, 1980.
Notes et références
- ↑ Réf. de l'article en bibliographie.
- ↑ Ces articles sont tous repris du n° 2 (septembre-octobre 1972) de la Revue d'histoire du fascisme de François Duprat.
- ↑ Traduction de : Kitartàs. Ferenc Szalasi, le Croci Frecciate e il nazionalsocialismo ungherese, textes réunis par Claudio Mutti, ed. di Ar, Padoue, 1974; rééd. 2017, 127 p.