Béchir Gemayel

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Béchir Gemayel, né le 10 novembre 1947 et mort assassiné le 14 septembre 1982, trois semaines après avoir été élu président de la République, était un homme politique libanais.

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Biographie

La famille Gémayel est l’une des plus anciennes du Liban. Les ancêtres de Béchir s’investissent dans les activités libérales et intellectuelles. Pierre Gémayel, le père de Béchir est, enfant, profondément marqué par le bouillonnement d’idées nationalistes qui agitent la société libanaise qui vit, au début du XXe siècle, sous occupation ottomane. Il sera pharmacien mais aussi un grand sportif, devenant le premier arbitre international de football originaire du monde arabe et fondera la fédération libanaise de football, qu’il représentera aux jeux Olympiques de Berlin en août 1936. En avril 1937, il prend la tête des Phalanges libanaises, à l’origine un mouvement sportif, qui devient rapidement un outil d’action politique, nationaliste et indépendantiste. Le Liban est alors sous mandat français. Il sera blessé à plusieurs reprises lors de manifestations et effectuera quelques séjours en prison. Mais il fera plier les autorités françaises qui reconnaissent l’indépendance du Liban le 22 novembre 1943. Béchir, qui est né le 10 novembre 1947, a de qui tenir. Sa mère, Geneviève, est une maîtresse-femme qui, à l’âge de seize ans, use de nombreux subterfuges pour braver l’interdit paternel et obtenir son permis de conduire, à l’étonnement légèrement scandalisé de la bonne société. Mieux encore, en 1928, elle obtient son brevet de pilote d’avion. Le « petit diable, plein de cœur mais d’une espièglerie souvent excessive » (ainsi le qualifie sa mère) montre bien peu de dispositions pour le travail scolaire. Les punitions et les exclusions pleuvent. Il finira cependant par décrocher le baccalauréat au terme d’un parcours scolaire quelque peu chaotique. Nous sommes en 1967. Devenu miraculeusement un étudiant sérieux, attentif et travailleur, il obtiendra une licence en droit et une licence en Sciences politiques. Il sera avocat.

Jeunesse d'un combattant

Depuis sa prime jeunesse, il baigne dans un univers politique. Il avait adhéré en 1962, à l’âge de quinze ans, au parti Kataëb et va mettre toute son énergie au service du Liban. Il va s’engager dans cette guerre de libération du Liban, qui est aussi une guerre de religions. Depuis les années 1950, la société libanaise est exemplaire dans l’accueil des Palestiniens scandaleusement et ignominieusement chassés par l’entité sioniste, à commencer par le patriarcat maronite chrétien qui concède des terrains aux nouveaux venus. Le problème, c’est que le nombre de réfugiés est considérable, excédant largement les possibilités d’accueil du Liban. Cette submersion se met en route, encouragée par les Soviétiques et leurs alliés arabes qui arment les Palestiniens pour leurs opérations de guérilla, certes courageuses et légitimes, contre Israël. Ce soutien sera encore renforcé au lendemain de la guerre des Six-Jours. Le 3 novembre 1969 se produit un événement important. Nasser, le chef égyptien, convoque le général Boustany, chef d’état-major de l’armée libanaise, en présence de Yasser Arafat, le contraignant à signer des accords qui concèdent aux organisations palestiniennes le droit de détenir des armes de guerre à l’intérieur des camps au Liban auxquels est concédé un quasi-statut d’exterritorialité. Ces accords ligotent totalement l’armée libanaise et sont un abandon de souveraineté. Pourquoi de tels accords ? En fait, l’opinion publique arabe, chauffée à blanc contre l’ennemi sioniste, redoutable en effet, suspecte perpétuellement les chrétiens de sympathie pour Israël et exige en permanence des preuves de leur adhésion à la cause arabe. Béchir, qui a 22 ans en 1969, proteste bruyamment avec ses amis étudiants contre ces accords.

L’atmosphère va se détériorer radicalement en septembre 1970, quand le roi Hussein de Jordanie fait écraser sans pitié et ignominieusement les forces de l’OLP, présentes sur son territoire, par sa Légion arabe. C’est le fameux « septembre noir ». La Ligue arabe va imposer immédiatement au Liban d’accueillir le leader de l’OLP, ses troupes et ses foules de civils palestiniens. La souveraineté libanaise a été abolie. L’Etat est ligoté. Les Libanais chrétiens vont se retrouver seuls face à cette situation. En 1975, les Palestiniens seront près de 600 000 pour une population libanaise de 2 millions d’habitants. Ils arrêtent voitures et passants et contrôlent leurs identités à la recherche « d’espions sionistes ».

La guerre de libération du Liban

Béchir va entrer en résistance. Il constate : « Ailleurs qu’au Liban, les chrétiens d’Orient n’ont droit qu’à une vie bestiale : ils peuvent travailler, boire, manger, mais n’ont aucun droit politique, aucun accès aux hautes fonctions, et on leur interdit d’entretenir leurs églises ». Les chrétiens sont encore majoritaires mais pour combien de temps ? Il ne faut pas s’y tromper : il faut, selon lui, chasser les Palestiniens pour assurer l’équilibre démographique en faveur des chrétiens. Tout de suite... car, dit Béchir, « Plus tard, ce sera trop tard ! » Le parti Kataëb va faire défiler dès le printemps 1973, au pas de chasseur, ses quatre-vingts premiers combattants. En avril 1975, ils seront trois mille. Le combat va s’engager avec les Palestiniens qui cherchent à étendre leurs positions. Béchir dira dans une interview : « Nous n’avons nullement l’intention de vivre dans la dhimmitude de quiconque ». Des fedayin mitraillent des militants réunis devant le parvis d’une église. C’est la guerre. C’est la mobilisation dans le camp chrétien mais leurs moyens militaires sont dérisoires face à ceux des musulmans et des Palestiniens. Béchir va mener le combat de libération. « C’était un chef qui suscitait chez ses hommes le désir de se surpasser », dira un des chefs du camp chrétien.

Achrafieh, le coeur du Beyrouth chrétien, est la cible de toutes les attaques. Mais Achrafieh résiste. Les chrétiens se défendent férocement. Des étudiants français sont venus se porter volontaires pour combattre dans les rangs phalangistes. A la question de Béchir : « Pourquoi êtes-vous là ? », ils répondent : « Pour sauver l’honneur de la France ». La petite ville chrétienne de Damour, située à vingt kilomètres de Beyrouth, est conquise par les musulmans, Palestiniens, Druzes et islamistes. Le massacre débute le 18 janvier. Bilan : 580 morts, dont des dizaines de corps démembrés. Mais quelques jours plus tard, les chrétiens vont remporter une victoire éclatante en conquérant le quartier musulman de la Quarantaine, à la sortie de Beyrouth. C’est une position clé du fait de son accès direct à la mer et son importance vitale pour l’approvisionnement quotidien du quartier chrétien. La Oumma va se mobiliser pour la cause des frères palestiniens.

L'alliance scandaleuse

Les volontaires affluent de partout. Béchir sait que l’héroïsme de ses hommes ne suffit pas. Il lui faut des blindés, des mitrailleuses lourdes, des mortiers, des canons sans recul. La France et les Etats-Unis ferment les yeux. Pas question de déplaire aux amis arabes. Or, le front craque. C’en est trop pour Béchir. Les chrétiens iront chercher des armes jusqu’en enfer. Et le diable, dans la région, s’appelle Israël. Cette initiative est tout à fait inopportune. L’affaire sera vite pliée. Deux semaines plus tard, la première livraison de matériel commandé a lieu : un afflux de matériel providentiel. Mais la guerre, coûteuse en jeunes vies, est loin d’être gagnée. Stéphane Zannettacci, 23 ans, Corse de Cargèse, y laissera la vie. Mais voici que les chrétiens se retrouvent face aux Syriens, présentés comme une force de pacification. La guerre va évidemment reprendre, plus dure, plus forte. Béchir sait qu’en fait, « la Syrie veut l’Anschluss », considérant que le Liban est « une province détachée ». Plus les mois passent, plus le comportement de la soldatesque syrienne devient odieux. Béchir sait que les Syriens ne repartiront pas d’eux-mêmes. L’affrontement devient inévitable. Les « Cent jours » d’Achrafieh vont maintenant commencer. Ils dureront jusqu’au 7 octobre. C’est l’enfer. Les Syriens visent tout particulièrement les hôpitaux. Béchir Gémayel refuse de capituler. La presse mondiale commence lentement à crier au génocide. Le 7 juillet 1978, Tel Aviv, avec sa duplicité habituelle, fait savoir que « le gouvernement israélien s’engage à défendre les populations chrétiennes du Liban ». Des avions de chasse israéliens viennent faire de sonores “bangs” au-dessus de Beyrouth. Les obus syriens pleuvent sur Achkrafieh (2000 en un jour !). Le Conseil de sécurité de l’ONU, saisi par la France, impose un cessez-le-feu immédiat. Le bilan pour les Syriens est mauvais mais ils sont toujours présents au Liban. Personne ne leur a demandé de le quitter... Les Syriens sont fous de rage. Les tentatives d’attentats et les attentats contre Béchir vont se succéder. Le 23 février 1979, une voiture piégée explose au passage de son véhicule. Il n’était pas à bord. Ses gardes du corps accompagnaient sa petite fille Maya, 20 mois qu’il aimait tant. Tous sont morts. Les conseillers de Béchir lui recommandent de prendre quelques jours de repos. Il refuse, répondant : « Ma petite Maya est une de nos martyres et elle ne sera pas tombée en vain. On continue ».

Assassinat de l'ambassadeur de France à Beyrouth

Béchir va réussir à unifier toutes les milices chrétiennes libanaises et à fonder une véritable armée d’au moins 20 000 hommes, qui ne dépend pas d’un parti. Les défenseurs du Liban libre ne croulent pas sous les soutiens. Ainsi, le Vatican se montre d’une discrétion de chaisière. La “curie” dresse un barrage absolument impénétrable à la cause des chrétiens, et Jean-Paul II se tait. Idem pour les Américains (cela changera avec l’arrivée de Reagan au pouvoir). Béchir se moque de l’ambassadeur Dean en lui lançant : « Avec nous, Monsieur l’ambassadeur, vous n’aurez pas besoin de plier votre drapeau ». Il faisait référence, bien sûr, à cette image qui a fait le tour du monde, de Dean quittant son bureau de Phnom Penh, la bannière étoilée sous le bras. Les Syriens et leurs affidés, ayant pris acte des capacités de défense du réduit chrétien, vont s’attaquer à Zahlé, une ville chrétienne de 200 000 habitants qui verrouille l’accès de la plaine de la Bekaa. Les Forces libanaises résistent farouchement. Malgré une pluie d’obus, Zahlé ne tombera pas. Grâce à François Mitterrand, qui vient d’être élu président, remplaçant Valéry Giscard d’Estaing, et qui considère comme un devoir de reprendre le flambeau d’une tradition millénaire de protection des chrétiens du Liban, la France va apporter au Liban chrétien son soutien diplomatique. Michel Rocard fera même le voyage au pays des Cèdres. La France va en payer le prix sanglant. L’ambassadeur de France à Beyrouth, Louis Delamare, est assassiné le 4 septembre 1981, dans sa Peugeot 604, alors qu’il se rendait à sa résidence, par un commando de tueurs à moto. L’attentat a été, bien sûr, commandité par la Syrie.

Départ des Palestiniens du Liban

En attendant, la zone chrétienne, avec son million d’habitants dans 2 000 km2 prospère, stupéfie les visiteurs. Béchir devient populaire, même chez les musulmans. Mais pas question pour Béchir de s’arrêter là. Il déclare : « Il n'est pas question de nous contenter de 50km de rivage et de 20 km de montagne. Nous libérerons tout, ou tout ce que nous avons fait n’aura servi à rien ». Les Israéliens vont entrer dans la partie avec l’opération « Paix en Galilée ». Leur objectif est de provoquer le départ de l’OLP du Liban et d’en expulser les Syriens. Les Israéliens avancent si rapidement qu’ils surprennent les Services de Renseignement palestiniens qui n’ont pas le temps de détruire leurs dossiers, si bien qu’ils récupèrent les dossiers concernant tous leurs partenaires en terrorisme du monde entier, avec leurs photos et leurs adresses ! L’aviation syrienne va être proprement écrabouillée. Elle va perdre 87 MIGS contre aucun appareil israélien; une terrible humiliation pour les Syriens et pour la technologie aérienne soviétique, relèvent les auteurs du livre[1]. Mais les Américains vont exiger l’arrêt de l’offensive israélienne. Un jour ou deux de plus, et Tsahal chassait les Syriens du Mont-Liban.

La conséquence de cette offensive victorieuse mais inachevée sera cependant le départ des Palestiniens du Liban. Arafat, craignant à juste titre pour sa vie, accepte en fin de compte de s’embarquer avec 7 000 fedayins qui vont laisser leurs armes lourdes derrière eux. En deux semaines, 70 000 Palestiniens prendront la mer, en direction de diverses destinations, dont la Tunisie, à bord d’une flotte internationale. L’OLP s’en va et Béchir arrive...

L'assassinat

C’est le 23 août 1982 qu’a lieu l’élection présidentielle. Ce sont les députés qui élisent le président. Béchir est élu avec 59 voix, y compris de députés sunnites et chiites, contre 4 abstentions. Le premier appel qu’il prend est celui du président sortant, Elias Sarkis qui le supplie : « Maintenant, tu viens immédiatement me retrouver à Baabda (le palais présidentiel) et tu n’en sors plus ! Viens, viens tout de suite !» Sarkis sait que, à la minute où Béchir a été élu, il est devenu aussitôt la cible numéro un du terrorisme international. Mais Béchir ne l’écoute pas.Yann Baly et Emmanuel Pezé décrivent un « phénomène incroyable, attesté par tous ceux qui ont vécu ces jours-là : par un véritable coup de ba- guette magique, ce pays n’est plus le même. Les fonctionnaires, champions de l’absentéisme, se ruent à leur travail et font du zèle pour faire avancer subitement des dossiers couverts de poussière bureaucratique, les policiers font la circulation à tous les carrefours, et les voitures, fait incroyable, respectent les feux de circulation. Du jour au lendemain, plus personne ne réclame de backchich ». Mais, hélas, l’épilogue est proche. Le 14 septembre 1982, une gigantesque explosion, due à 40 kilos de Semtex, sans doute fourni par les Soviétiques aux Syriens, pulvérise l’immeuble des Kataëb, dans lequel Béchir pré- side une réunion, faisant 22 victimes, dont le Président. Tout le pays chrétien est anéanti, mais pas seulement. Farouk Moukaddem, le chef sunnite de Tripoli, qui fut pourtant du côté palestinien dans la guerre, dira : « C’est une perte immense, immense, pour le Liban et pour toute la région ». Amine Gémayel, le très pâle frère aîné de Béchir va lui succéder. On sait ce qu’est devenue aujourd’hui la Suisse du Moyen-Orient...

Le jeu ambigu et pervers de l'entité sioniste

L’erreur (et même la faute) des chrétiens et de Gémayel qui désiraient sincèrement l’indépendance et la souveraineté du Liban et prirent courageusement des risques à cette fin fut de s’allier à l’entité sioniste. Laquelle n’a jamais respecté le Liban ni les chrétiens, bien au contraire, mais s’est servi des conflits entre factions libanaises au profit de ses intérêts et de ses ambitions. On ne s’allie jamais avec le diable, on ne dialogue pas avec, on ne dîne pas avec, fût-ce avec une longue cuillère.

Quant aux Libanais et aux Palestiniens, ils apparaissent avec le recul comme d’éternelles victimes dans cette région conflictuelle où l’entité sioniste et les grandes puissances ont largement contribué à installer le désordre voire le chaos. Et ce n’est hélas pas fini[2].

Bibliographie

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Notes et références

  1. Voir en bibliographie
  2. Robert Spieler, Les 40 ans de l’assassinat de Béchir Gemayel, Rivarol, 14.9.2022.