Juni-Klub

De Metapedia
Aller à : navigation, rechercher

Le Juni-Klub est un cercle berlinois d'écrivains et de publicistes, hostile au communisme et au libéralisme, proche du nationalisme conservateur, mais sans aucune nostalgie pour l'ère wilhelminienne, et qui se veulent officiellement dégagés de toute attache avec les partis politiques. Elle est l’un des pôles les plus représentatifs du courant « jeune-conservateur » (jungkonservativ) [1] de la Révolution conservatrice dans les années 20 en Allemagne et qui ne peut être confondu ni avec le vieux courant pangermaniste du XIXe siècle ni avec le national-socialisme hitlérien.

Historique et composition


Ce cercle, constitué originellement immédiatement après la révolution de novembre 1918, se met en place à la fin du mois de mars 1919. Il est dirigé par un triumvirat comprenant Arthur Moeller van den Bruck, Heinrich von Gleichen et Eduard Stadler, ces deux derniers étant surtout en fait des organisateurs tandis que Moeller en est le spiritus rector (son rôle chez les néoconservateurs n'est pas sans évoquer celui d'Ernst Jünger chez les nationaux-révolutionnaires). Il prend d'abord le nom de I-Klub (car l'un de ses animateurs, Heinrich von Gleichen, habite Postdamer Privatstrasse 121 i), puis, après le 28 juin 1919, date de la signature du traité de Versailles - dont l'inopportune dureté souleva l'indignation des milieux allemands, et favorisa indirectement, mais gravement, l'essor du nazisme -, il devient officiellement le Juni-Klub ou « Club de Juin »[2]. Ses assises se tiennent à Berlin dans un immeuble devenu célèbre (mais aujourd'hui détruit) sis au n°22 de la Motzstrasse, où se trouve également le siège du Volksdeutscher Klub. Son symbole est l'Anneau - ce Ring qui évoque peut-être le souvenir de Wagner[3].

En dehors de ce triumvirat, les principaux membres du Juni-Klub sont l’écrivain Paul Fechter (1880-1958), que l’on retrouvera plus tard à la tête des services commerciaux du journal de Hugo Stinnes, la Deutsche Allgemeine Zeitung ; Rudolf Pechel (1882-1961), qui prend en 1919 la direction de la vénérable Deutsche Rundschau et devient de ce fait l’une des figures majeures de la vie intellectuelle à Berlin ; Walther Schotte, né en 1886, éditeur à partir de 1920 des Preussische Jahrbücher et de l’hebdomadaire Politik und Gesellschaft, qui deviendra l’idéologue du gouvernement von Papen de 1932 ; l’historien catholique Martin Spahn (1875-1945), théoricien du corporatisme, ancien député du Zentrum en 1910-1912, passé ensuite au parti d'Alfred Hugenberg, le DNVP ; Albert Dietrich, spécialiste des problèmes communistes à l’intérieur du Club ; l’économiste Wilhelm von Kries, auteur de Herren und Knechte der Wirtschaft (1931) ; le théologien protestant Friedrich Brunstäd (1883-1944), professeur de philosophie à Erlangen à partir de 1917 ; Karl Christian von Loesch, animateur du Volkdeutscher Club, auteur de Volk unter Völkern (1925) ; les publicistes Heinz Brauweiler, né en 1885, Hans Schwarz, né en 1890, et Gustav Steinbömer, dit Gustav Hillard (1881-1972), etc.

Le Club est également fréquenté par des hommes de tous les partis. Grâce aux relations de von Gleichen, on y voit aussi bien des tenants du « vieux-nationalisme » du Parti populaire national allemand (DNVP : Deutschnationale Volkspartei) comme le comte Kuno von Westarp, Hans Erdmann von Lindeiner-Wildau, Oskar Hergt et Otto Hoetzsch, que des démocrates comme Friedrich Naumann et le sociologue Ernst Troeltsch, des membres du Zentrum comme Adam Stegerwald et le futur chancelier Heinrich Brüning, des sociaux-démocrates comme Otto Strasser [4] et August Müller, des communistes comme Fritz Weth, et aussi diverses personnalités, comme Franz von Papen, chancelier du Reich en 1932, Wichard von Moellendorf, sous-secrétaire d’État à l’économie en 1919, le comte Ulrich Brockdorff-Rantzau, futur ambassadeur d'Allemagne à Moscou, Hjalmar Schacht, président de la Reichsbank, Georg Bernhard, de la Vossische Zeitung, les économistes Hermann Schumacher et Franz Oppenheimer, l'écrivain Hans Grimm, auteur de Volk ohne Raum, le théoricien du Mouvement de jeunesse Hans Blüher (qui introduisit au Club Gustav Steinbömer), le général von Seeckt, réorganisateur de la Reichswehr, Eduard Meyer, recteur de l'université de Berlin, le prince Karl Anton von Rohan, éditeur à partir de 1925 de l'Europäische Revue, etc.

La revue Gewissen


Le 9 avril 1919, le Juni-Klub lance un hebdomadaire intitulé Das Gewissen (« La Conscience »). Ce titre répond à une intention précise : le nouveau journal entend être « la voix de la conscience, la voix, désintéressée et détachée, de la foi et de la tradition, qui parlera à tous les Allemands, quels que soient leur parti et leur classe sociale ». Il s'agit de combler un vide : « Le manque de conscience qui est le trait le plus remarquable de notre temps, ce manque de conscience nous domine ; il domine l’Europe ; il domine le monde. Partout, la conscience s’est évanouie et se tait » (Das Gewissen, I, 11, 24 juin 1919). À partir du 1er janvier 1920, le directeur du journal, Werner Wirths, cède la place à Eduard Stadtler, tandis que le titre devient simplement Gewissen. En peu de temps, le journal connaît une grande faveur auprès des milieux cultivés. Les collaborateurs de qualité y sont nombreux. Le 7 juillet 1920, dans une lettre adressée à Heinrich von Gleichen, Thomas Mann écrit : « Je viens tout juste de renouveler mon abonnement à Gewissen, journal que je souhaite suivre régulièrement et que je décris à tous ceux avec qui je parle de politique comme sans conteste le meilleur journal allemand ». En janvier 1922, Gewissen annoncera un tirage de 30.000 exemplaires. Un an plus tard, au pire moment de l’inflation, on avancera encore le chiffre de 10.000 exemplaires — chiffre non négligeable pour l'époque et, surtout, pour un journal de cette nature.

En fait, Gewissen doit tout à Moeller qui, comme d’habitude, écrit d’abondance, sous son nom ou sous divers pseudonymes, ou encore anonymement. C’est d'ailleurs lui, de toute évidence, qui fixe les orientations et détermine la ligne générale, et qui, de surcroît, continue à collaborer à d’autres publications, comme Die Grenzboten, Der Tag, Germania, Der Spiegel, la Deutsche Rundschau, la Norddeutsche Allgemeine Zeitung (plus tard Deutsche Allgemeine Zeitung), etc.

Portée


Enfin, dans le sillage du Club de la Motzstrasse apparaissent aussi des filiales. La plus importante est le Politische Kolleg, dirigé par Martin Spahn, alors professeur d’histoire à Cologne, qui est créé le 1er novembre 1920 sur le modèle de l'École libre des sciences politiques de Paris, fondée en 1872 pour surmonter la défaite militaire française. Université privée de formation et de recyclage, ce « collège politique » se veut une sorte de haute école « nationale politique », assez proche de la Hochschule für Politik créée par Theodor Heuss. La plupart des néoconservateurs lui apportent leur concours. Moeller van den Bruck fait partie de sa section de politique étrangère, avec Stadtler et Walther Schotte (qui a été l’assistant du philosophe Wilhelm Dilthey). Une partie du financement est assurée - sans grand enthousiasme, semble-t-il - par des milieux proches d'Alfred Hugenberg, auprès desquels Heinrich von Gleichen s’est entremis. Le Politische Kolleg formera au fil des années plusieurs dizaines d'étudiants, mais l'élection de Martin Spahn au Reichstag, en 1924, entraînera à partir de cette date un certain ralentissement de ses activités.

Le Juni-Klub entend par ailleurs n'avoir qu'une activité de type métapolitique. Il ne veut concurrencer aucun des partis ou mouvements existants, mais plutôt occuper par rapport à eux une position transversale. « En fait, dira Hans Schwarz dans une lettre à Armin Mohler de 1948, en partant de Moeller, on tendait [au Juni-Klub] à une position supérieure aux partis (…) Sans vouloir se constituer en parti, mais avec la volonté de prendre pied à l'intérieur des partis pour les assouplir, la Motzstrasse a réussi à acquérir une influence très considérable sur la politique au jour le jour. Sa forme extérieure rappelait en quelque mesure celle du club anglais. Les partis prenaient le cercle tout à fait au sérieux, à cause de leurs plus jeunes membres, mais ils tentaient en même temps d’en entraver, autant qu’ils le pouvaient, l'harmonie interne ».

D'après Max Hildebert Boehm, c'est autour de 1920 que le Juni-Klub connut sa « période la plus riche et la plus stimulante ». C’est à ce moment-là, en effet, que les membres du Club reprennent avec le plus de vigueur l’idée moellerienne d’une « révolte de la jeunesse » - mais d’une révolte pour l’autorité, et non contre elle - , idée qui va bientôt se combiner avec celle d’une opposition entre les « peuples jeunes » et les « peuples vieux ». Max Hildebert Boehm parle ainsi en 1920 du « front des jeunes » qu'il espère voir se constituer, tandis que Gewissen (III, 4, 26 janvier 1921) adopte la maxime : Juvenum unio novum imperium...

Bibliographie

  • Robert Steuckers, La Révolution conservatrice allemande - Biographies de ses principaux acteurs et textes choisis, tome I, éditions du Lore, 2014, 348 p.

Notes


  1. Les autres pôles du mouvement jeune-conservateur seront représentés par le cercle de Hambourg, constitué autour de Wilhelm Stapel (1882-1954), auteur de Der christliche Staatsmann (1932), qui devait faire l'objet de violentes attaques de la part du régime national-socialiste (cf. not. Das Schwarze Korps, avril 1935, et les Nationalsozialistische Monatshefte, août 1937, pp. 410-417) après avoir refusé en 1933 d'adhérer à la NSDAP ; le cercle de Munich, autour d'Edgar Julius Jung (1894-1934), proche collaborateur de von Papen à partir de 1932, arrêté et assassiné par les nazis lors de la purge de juin 1934 ; et le cercle de Vienne, autour d'Othmar Spann (1878-1950), le « Maurras autrichien », auteur du célèbre livre Der wahre Staat (1921). En dehors de ces cercles, il faut également citer des jeunes-conservateurs isolés, comme August Winnig (1878-1956), qui collabora quelque temps avec Ernst Niekisch à la direction de la revue Widerstand, le géopoliticien Karl Haushofer (1869-1946), l'ancien chef d'état-major Hans von Seeckt (1866-1936), Hans Freyer (1887-1968), etc.
  2. Le nom fait écho au November-Klub, fondé par des intellectuels socialistes.
  3. D'où le nom de Ring-Bewegung donné parfois à ce courant. En 1928, l'hebdomadaire Der Ring, organe du Herrenklub, succèdera au journal du Juni-Klub, (Das) Gewissen, qui, lui aussi, portait déjà l'emblème de l'Anneau.
  4. Strasser, qui allait devenir le « Trotsky du national-socialisme », devait évoquer plus tard la figure de son « vieux camarade, l'inoubliable Moeller van den Bruck, le Jean-Jacques de la Révolution », en le décrivant comme « le pur des purs parmi nous » (Hitler et moi, Bernard Grasset, 1940, pp. 23-24 et 35). C'est en revanche bien à tort qu'il prétendra avoir été l'un des fondateurs du Juni-Klub - dont il ne fut même pas adhérent.