Hans Blüher

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Hans Blüher, né le 17 février 1888 à Freiburg in Schlesien (aujourd'hui Świebodzice en Pologne) et mort le 4 février 1955 à Berlin, était un sociologue, auteur et philosophe allemand. Il a été l'un des principaux théoriciens du mouvement de jeunesse Wandervogel et une figure de la Révolution conservatrice allemande.

Hans Blüher

Biographie

Fils d'un pharmacien, Hans Blüher rejoint les Wandervogel alors qu'ils ne sont qu'une quinzaine ; il seront plusieurs dizaines de milliers à l'approche de la Première Guerre mondiale. À 24 ans seulement, Blüher racontera leur histoire en publiant Wandervogel, Histoire d'un Mouvement de jeunesse. C'est le point de départ d'une œuvre où se mêlent littérature, philosophie et politique, féconde et variée au point que dans l'ouvrage de référence fondamental sur les tendances nationalistes de l'époque : La Révolution conservatrice en Allemagne 1918-1932 par Armin Mohler[1], Blüher figure (en compagnie d'Oswald Spengler, Thomas Mann, Carl Schmitt, Ernst Jünger et son frère) dans la liste de la demi-douzaine d'« auteurs essentiels dont l'œuvre excède toute classification ».

Après le lycée, Blüher étudie la philosophie, la philologie, la physique et les sciences naturelles aux universités de Bâle et de Berlin, mais il sera renvoyé de l'université sans diplôme suite à la publication de plusieurs textes polémiques, notamment Ulrich von Wilamowitz et l'Esprit allemand (1916). Wilamowitz, alors recteur de l'Université, ayant présenté les Grecs avec une étroitesse de vue petite-bourgeoise, l'étudiant Blüher se permit d'écrire : « Si j'étais un Grec de l'Antiquité redescendu sur terre et que j'entendisse M. Wilamowitz tenir de tels propos sur mes sentiments fondamentaux, je préférerais causer par signes avec les charretiers allemands, plutôt que d'échanger un seul mot de grec avec ce monsieur. »

L'expérience vécue par Blüher dans le Wandervogel l'amène à se faire le théoricien les contributions respectives de la famille et de la société masculine à la construction de l'État (Le Rôle de l'Érotique dans la Société masculine, 2 vol., 1917 et 1919 ; réflexion qui avait été commencée dans son histoire du Wandervogel). On peut les résumer comme suit : les institutions de l'État, purement masculines, sont le résultat d'un éros spécifique, d'une impulsion à vouloir vivre ensemble qui n'implique pas forcément la libido sexuelle. Les mâles d'une collectivité sont ainsi poussés à se retrouver à part de la famille, pour faire œuvre commune dans une entente tacite et informelle, en sorte d'apporter une âme et un sens au destin de cette collectivité. Au contraire, la famille, cellule tournée vers ses propres intérêts de survie, a un but utilitaire : assurer matériellement la continuité des générations. Par ces travaux, Blüher accède à la notoriété : Gottfried Benn et Theodor Daubler entrent en relation avec lui. Rainer Maria Rilke le découvre et l'admire.

À la fin de la guerre, l'effondrement de l'Allemagne est concomitante de la victoire de la révolution bolchevique en Russie. Certains préparent la même révolution en Allemagne. Le royaume de Prusse, origine de l'Empire allemand, n'existe plus en tant que nation politique. Les retentissantes attaques menées par Blüher contre la morale christiano-bourgeoise amènent l’intelligentsia rouge à le solliciter. Blüher prend conscience que les doctrines de la gauche drainent des foules qui représentent un matériel humain marqué au mauvais coin, et oppose une fin de non-recevoir par une simple carte postale. Il a choisi son camp, et décide de s'engager politiquement. À Munich, il renoue avec la Jeunesse libre-allemande, créée en 1913 par une action commune de groupes principalement Wandervogel afin de faire vivre une culture propre à la jeunesse. Il entreprend une tournée de conférences qui a pour titre : Empire allemand, Judaïsme et Socialisme. « A cette époque », se rappellera-t-il plus tard, « se rassemblait autour de moi une jeunesse qui avait de la prestance et portait souvent l'uniforme, des garçons bien nés, au cœur bien placé. » Il mobilise pour la contre-révolution, et participe aux Corps francs, troupes de volontaires levées pour défendre l'Allemagne à l'intérieur et aux frontières, alors précisément que la défaite avait dispersé l'armée et préparé le terrain au bolchevisme.

À la même époque, Blüher juge insuffisant l'enseignement des universités, « qui ne sont plus que de cossus grands magasins de l'esprit, où l'on se procure à prix d'argent un article de qualité correspondante. »

Leur philosophie, constate-t-il, n'est plus une question de vie et de mort. Elles ne sont plus à la mesure de l'homme supérieur. Elles sont plus par elles-mêmes une cause. Blüher, au contraire, entend faire de l'aristie, c'est-à-dire de la préexcellence humaine qui n'est pas une supériorité de degré, mais d'essence, la valeur suprême d'un nouvel enseignement : il projette de fonder une académie élitaire inspirée de celle de Platon, et en expose les principes lors de réunions publiques.

En 1918, il rencontre une jeune fille des troupes féminines du Wandervogel, surnommée par lui Peregrina - la pélerine -, mystique et inspirée. C'est à son instigation que Blüher met en chantier ses ouvrages christiques (notons que le christianisme, chez Blüher, s'écarte fortement de l'interprétation éthique et spirituelle que lui veulent les Églises, en sorte de revenir, en un certain sens, à une vision antique qui déifie la nature humaine). Peregrina sera le grand amour féminin de sa vie. Néanmoins, elle le quittera au bout de deux ans. Plus tard, Blüher épousera une femme médecin. Ils auront un fils.

En 1924, Blüher s'installe à Berlin-Hermsdorf, où il exerce comme psychothérapeute, et continue son œuvre littéraire. L'année suivante, il rédige un traité médical sur l'effet des névroses (Traité de l'Art de guérir), et sera le seul non-médecin admis au sein de la Société allemande de Psychothérapie.

Il fréquente régulièrement le Deutscher Herrenklub d'Heinrich von Gleichen, club politique qui relève directement du mouvement des Jeunes conservateurs d'Arthur Moeller van den Bruck et dont le but est « la fondation et l'affermissement d'une élite politique conservatrice. » Dans ce club on croise, par exemple, Hindenbourg, le futur chancelier von Papen, des membres de la famille impériale, des hauts dignitaires religieux.

En 1934, le Parti national-socialiste des travailleurs allemands interdit à Blüher de publier. Ce silence forcé lui donne le loisir de commencer à rassembler la matière de son œuvre majeure : L'Axe de la Nature, qui paraîtra en 1949. (La Nature, pour Blüher, n'est pas la collection organisée des réalités objectives, mais le principe qui les organise. Dans cette vision, pour ne prendre qu'un exemple, la religion n'est plus un fait de l'histoire des hommes, mais devient un produit de la Nature.) Blüher y développe une philosophie qui se réfère à Platon, Kant, Schopenhauer et Nietzsche (« il y a une morale de la substance, donc de l'être, et une morale des petites gens. »). Sa métaphysique de la nature n'est accessible qu'à une minorité qu'il appelle « la race primordiale ». Dans la hiérarchie du savoir, les sciences exactes et les sciences naturelles ne sont, par leur objet, que des accessoires utiles à une compréhension immédiate limitée des êtres.

À sa mort en 1955, Blüher légua la totalité de son fonds documentaire, ainsi que les droits sur son œuvre, aux archives de l'État de Prusse, supprimé d'un trait de plume par les alliés en 1947.

Malgré les éloges dont on le couvrit, Blüher est resté toute sa vie la cible de violentes prises à partie, et le restera toujours : son franc-parler, son refus de transiger dans l'exposé de ses idées, son style même, personnel et sans concession à la vulgarisation, ne permettent pas qu'il soit le mentor d'un parti d'ouverture.

Il reste que d'après des chiffres officiels, Blüher comptait parmi les vingt auteurs les plus lus en Allemagne entre 1912 et 1933. Et Guillaume II, à qui Blüher rendait visite en Hollande et avec qui il entretenait une relation épistolaire, lui écrivit en 1929 : « Mon cher Blüher, votre réflexion produit au jour les mobiles souvent indiscernables mais déterminants des affaires humaines. En vous lisant, je me suis dit : Voilà donc ce qui me conduisait».

Thèses


  • Les deux piliers de la société

Blüher voit deux principes agissants dans l'élaboration de la société : d'une part la disposition de l'individu à fonder une famille, qui ressortit à l'éros entre l'homme et la femme, et d'autre part la disposition des hommes à s'assembler en ligues, en corps constitués, qui ressortit à l'éros inter-masculin et fonde l'État. « Outre le principe de socialisation qu'est la famille, et qui trouve sa force dans l'éros hétérosexuel, un second principe est à l'œuvre dans l'espèce humaine, celui de la "société masculine", lequel trouve sa force dans l'éros intermasculin, et s'exprime dans les communautés masculines (Männerbünde). C'est de la nécessaire coexistence conflictuelle du second principe avec le premier que se dégage ce qui conduit l'homme à l'État. »

  • L'éros féminin

Pour Blüher, il ne fait pas de doute qu'il y a un antagonisme irréductible entre l'homme et la femme. La femme est irrévocablement subordonnée à l'homme, mais, pour rester fidèle à ce qu'elle est, elle doit tourner la loi de l'homme : « La femme est tout à la fois soumise et abandonnée à elle-même. » Être à la merci de l'homme est la forme a priori de l'éros de la femme. Les revendications en faveur de l'égalité des sexes s'élèvent quand l'homme abdique sa suprématie régalienne pour se travestir en bourgeois, car la femme refuse d'être sous la coupe d'un tel homme, dont l'empreinte irrite la femme, dont les lois qui consacrent l'allégeance de la femme la blessent. Blüher évoque par une image ce qui oppose l'éros de l'homme et celui de la femme : « L'éros masculin darde comme un rai de lumière jaillissant qui détermine les objets qu'il frappe à briller de leur propre éclat. L'éros masculin veut saisir, posséder, perpétuer. L'éros de la femme est un calice : elle a besoin de recevoir à pleins bords. » De même, chez l'homme et chez la femme, l'enfant ne répond pas aux mêmes attentes. Chez la femme, le désir d'enfant n'est pas la conséquence d'une pulsion de reproduction, d'une volonté de procréation, mais comble une satisfaction d'être. L'amour maternel n'entretient pas de rapport avec la valeur de l'enfant. L'homme, de son côté, est voué à la réalisation d'une œuvre dont l'accomplissement lui échappe sans cesse. Il est donc poussé à la continuation de soi, à se prolonger vers l'extérieur. Mu par une pulsion sexuelle et une volonté de procréation, l'homme tend, au moyen de l'héritier, vers l'achèvement de l'œuvre ; ce qui est hors de portée pour l'éternité.

  • Une théorie sacrale de l'État

L'État a pour lui la permanence des valeurs, il est ce qui dure, ce qui est porteur d'histoire, à l'opposé de la simple communauté humaine, jouet de toutes les fluctuations de la psychologie collective. La figure d'un monarque incarne le mieux le principe qui maintient l'État. Comme système de gouvernement, Blüher préconise un bicamérisme (inspiré par les chambres haute et basse de la Prusse). La chambre basse, « claire expression de la volonté du peuple », dispose sur les questions matérielles. Elle se recrute et vote ses résolutions comme l'ordinaire des assemblées démocratiques. La chambre haute, de son côté, rassemble une élite naturelle qui engage le destin de la communauté, elle porte les valeurs qui pérennisent l'État. La chambre haute ne cherche pas à démontrer, elle se présente en exemple. Contre les théories du socialisme et du libéralisme, qui placent les valeurs supérieures de l'humanité hors de l'État réduit au rôle d'un organisme de gestion économique, Blüher développe une théorie sacrale de l'État, lequel a pour mission de pousser les meilleurs à rencontrer leur destin.

  • Le rôle de l’éducation

Par ailleurs, dans le même refus de soumettre l'homme à l'utilitaire, Blüher tient que tout système valable d'éducation doit, d’une part, prendre conscience que l'enfant et l'adulte ne vivent pas dans le même monde, et, d’autre part, accepter qu'on n'instruise pas les enfants en vue d'une conjoncture socio-économique future, mais pour en tirer le meilleur. L'institution scolaire actuelle, constate Blüher, « est l'instrument d'une collectivité qui entend gouverner l'homme neuf dès la naissance. On contraint l'enfant à s'ajuster aux doctrines d'État qui prévalent. (...) Le contenu de l'enseignement est une incitation à des pensées contraires à celles qui s'éveillent naturellement dans l'adolescence. » En revanche, l'école que veut Blüher doit procurer « ce que faire découvrir est le premier souci d'un ami : les clefs de la liberté. » Pour que passent les valeurs vivantes entre le maître et l'élève, il est nécessaire qu'existe entre eux une relation personnelle forte. Il est donc logique que Blüher s'intéresse de près à la Libre Communauté scolaire de Gustav Wyneken, qui fleurit à ce moment-là en Thuringe. École tout à la fois libertaire, car on cherche à y soustraire l'enfance de la mainmise des adultes et des enseignants patentés, et antidémocratique, car le pouvoir s'y exprime à travers des regroupements d'élèves et de maîtres par affinité et maturité.

Sur les questions économiques, Blüher se sent proche de Silvio Gesell (auteur d'une théorie monétaire d'après laquelle les billets de banque doivent être revalidés périodiquement par une estampille pour éviter la thésaurisation).

  • « Secessio judaica »

Les idées de Blüher sur le judaïsme sont exprimées en particulier dans Secessio Judaica (1922). Blüher sent dans les Juifs « sécularisés » confondus dans la société non sémite le fer de lance du matérialisme, du marxisme, du postulat qu'un homme en vaut un autre. Le peuple juif - « la race sacrale juive » dit Blüher -, élu à dessein de donner naissance à l'annonciateur de la Nouvelle Alliance (Jésus-Christ), a été atteint dans son essence et brisé dans son destin pour avoir refusé et tué le Messie. Cette malédiction explique la particularité du peuple juif : une volonté de disparaître à la vue, en sorte de se présenter par force comme des hommes des peuples chez qui ils se trouvent. Or la judéité, au contraire de la judaïté, est inadmissible. Cette concitoyenneté de forme, introduisant dans le génie des peuples une hétéronomie, a un effet décomposant qui excite par contre-coup l'antisémitisme, lequel, dans l'avenir, poussera les Juifs à faire sécession pour se retrouver en communauté. Et comme aboutissement : la création d'un État hébreu. Blüher rappelle que Chaim Weizmann, futur premier président de l’entité sioniste, constatait tristement : « Partout où nous allons, nous apportons avec nous l'antisémitisme dans nos bagages.»

Bibliographie

Œuvres traduites en français
Études
  • Revue Palaestre, n°1, Paris, 1994, 228 p.
  • La Sexologie politique de Hans Blüher, Luc Saint-Etienne, GRECE, 1994, 30 p.

Liens externes

Notes et références

  1. éd. française : Pardès, Puiseaux, 1993.