Régime des colonels
Le régime des colonels est le nom donné au pouvoir politique en place en Grèce du 21 avril 1967 au 24 juillet 1974.
Sommaire
Historique
Une génération d'officiers marqués par la guerre civile
Pour comprendre le coup d’État des colonels grecs de 1967, il faut remonter à la Seconde Guerre mondiale et à la guerre civile qui suivra ce conflit. La plupart des officiers qui participeront au mouvement d’avril 1967 ont connu cette guerre civile qui ensanglanta la Grèce au lendemain de la défaite allemande. Ils étaient, en quelque sorte, “traumatisés” par la violence des combats contre les communistes. Sans l’appui des Anglo-Saxons, particulièrement des Britanniques, la Grèce aurait basculé dans le camp des satellites soviétiques.
Certains d'entre eux, comme Dimitrios Ioannidis, ont des raisons plus que justifiées de haïr les communistes : ils ont été leurs prisonniers, torturés, dans des camps tels que celui de Makronissos.
Contexte politique et social
Derrière l'image d'une monarchie parlementaire avec un gouvernement plutôt centriste, la Grèce d'avant 1967 est en réalité en pleine déliquescence. Dans une sorte de maelstrom incontrôlable, les gouvernements se succedent les uns après les autres. Ce sont de grandes familles qui écrivent alors l’histoire dans une sorte de IVe République méditerranéenne, les Venizélos, les Papandreou, les Caramanlis et autre Canellopoulos.
La menace communiste se fait pressante, tant à l’intérieur avec un PC légalisé, qu’à l’extérieur: le pays est alors entouré de pays communistes — Albanie, Yougoslavie, Bulgarie , à l’exception de sa frontière de Thrace orientale, mais là c’est là la Turquie, « l’ennemi héréditaire ».
De plus, la tension est au plus vif en Méditerranée orientale, avec l’affaire chypriote qui exacerbe le nationalisme intégral grec, avec un but : l’Enosis, le rattachement de l’île à la Mère-patrie.
Et, moins de deux mois après, éclate « la Guerre des Six jours » entre Israël et ses voisins arabes.
La convergence de tous ces éléments pouvaient aisément justifier la nécessité d'un pouvoir fort et stable en Grèce.
La prise du pouvoir
Les colonels Papadopulos et Ioannidis dirigent les opérations depuis les réseaux qu'ils ont établis au sein des forces armées. À l’heure du laitier, les militaires cueillent, au saut du lit, toutes leurs cibles, c’est-à-dire tout ce que la Grèce pouvait compter comme “progressistes” et autres marxistes.
Le Parlement est dissous, le roi est prié d’investir un nouveau gouvernement à la botte des militaires. Les partis sont interdits et certaines îles de la Mer Égée se transforment peu à peu en “pensionnats” pour politiciens déchus et… internés. Le jeune roi Constantin II tente bien de reprendre la main en décembre 1967, mais son contre-coup d’État, faute de soutien populaire et militaire, échoue. Lui et sa famille partent en exil à Rome. Avec cette tentative désespérée, il signe là la fin de la monarchie.
Les colonels ne disposent toutefois pas de soutiens internationaux, à part la bienveillance américaine, et, dans une moindre mesure, celle de l’Espagne franquiste et du Portugal salazariste, trop heureux de voir un autre État paria les rejoindre comme membre du club européen des pays “pestiférés”. Toutefois, la France pompidolienne, dans le cadre de sa « politique méditerranéenne », ne boycotte pas Athènes.
Pour un ordre national chrétien
On peut distinguer deux phases dans la suite du régime. Une première époque, provisoire, où il s'agit d'installer le régime, sous le slogan d'« Ordre et progrès » dans le respect des traditions.
Dans un second temps, le colonel Papadopoulos veut légaliser cette révolution militaire grecque, s’appuyant sur l’Eglise orthodoxe, et lui donner l’onction du suffrage universel. L’adoption d’une constitution, et sa propre élection comme président de la République le 29 juillet 1973, répondent à ses vœux. Sa présidence est pourtant éphémère. Considéré comme « trop libéral » par ses pairs, il en est écarté le 25 novembre suivant, après l’insurrection des étudiants de l’École polytechnique, soulèvement qu’il n’a pas vu venir.
Ce régime, tout en voulant incarner un ordre moral — si les jupes étaient courtes et les cheveux longs en Occident, en Grèce ce devait être l’inverse -, Athènes veut exalter le passé grandiose du pays. Avec des reconstitutions historiques dignes du Puy du Fou, on mettait en avant la grandeur de l’Antiquité grecque.
Si l'action contre l’opposition communiste, gauchiste et libérale, se révèle efficace à l’intérieur du pays, ce n'est pas le cas à l’étranger, où la “résistance” s’organise au fur et à mesure que cette Grèce se discrédite à l’international, notamment par sa rigidité politique.
Au cours de ces sept ans d'exercice du pouvoir, la junte militaire assure une situation stable qui ne déplaît absolument pas à la paysannerie. De manière générale, l’économie n’en souffre pas. La décadence sociétale telle qu’observée dans le reste de l’Occident n’y a pas droit de cité. La stabilité politique est assurée.
La crise
Papadopoulos, qui veut rétablir une certaine démocratie avec un cadre institutionnel solide, évitant les crises répétitives, voit cette tentative contrecarrée par Dimitrios Ioannaidis et les durs de l’armée qui le renversent. Une des erreurs du régime est de ne pas s’appuyer sur une organisation de masse solide, comme Metaxás l’avait fait avec son mouvement de jeunesse, l’EON ou Ethniki Organosi Neolaias, servant de relais entre le pouvoir et le peuple.
Postérité
La Démocratie n’a pas été tendre avec les “colonels”. Papadopoulos est mort en prison en 1999, tout comme son ennemi intime Ioannidis, à l’âge de 87 ans en 2010. Plus chanceux, le général Pattakos a été gracié en septembre 1990 et s’est éteint en 2009. Le général Géorgios Zoitakis, nommé régent au départ du roi, est sorti de prison en 1992, tandis que le colonel Makazéros, fut assigné à résidence pour raison de santé en 1990. Quant au général Odysséas Angelis, éphémère vice-président du 16 août au 25 novembre 1973, il est mort en mars 1987 à la prison de Korydallos, à l’âge de 75 ans[1].
Bibliographie
- Jean-Claude Rolinat et Didier Lecerf, Grèce 1967-1974 : le septennat des colonels, Les Cahiers d'Histoire du Nationalisme, no 27, Synthèse nationale, mars 2024, 148 p.
Liens externes
- Le Nouveau Passé-Présent « Grèce, 21 avril 1967 : les militaires prennent le pouvoir », sur TV Libertés, 2024 : [1]
Notes et références
- ↑ Jean-Claude Rolinat, « Entretien avec Jean-Claude Rolinat sur le septennat des colonels grecs », Rivarol, no 3641, 18.12.2024.