Philippe Ariès

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Philippe Ariès, né à Blois le 21 juillet 1914 et mort à Toulouse le 9 février 19842, était un journaliste, essayiste et historien français. Spécialisé dans l'histoire des mentalités, il a eu pour objectif de bâtir une approche sensible et vivante de l’histoire populaire.

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Biographie

Issu d’une vieille famille du Sud-Ouest, Philippe Ariès naît en 1914 dans un foyer royaliste marqué par l’héritage de la Contre-Révolution. Il grandit à quelques pas du Trocadéro dans un milieu bourgeois, mais très chaleureux. Son cadre familial sera toujours pour lui un havre de paix et un point de repère dans l’agitation de sa jeunesse. Son rapport à l’histoire se construit à l’écoute des récits des générations qui l’ont précédé. Pour cela, il attachera beaucoup d’importance dans ses travaux à la transmission par les anciens de la culture orale lors des veillées.

Pour les Ariès, la royauté est associée à un âge d’or. L’Ancien Régime représente pour ses parents une époque idyllique faite d’harmonie et de simplicité dans les rapports humains que la Terreur révolutionnaire a détruits. Cet attachement sentimental à la couronne va être toujours cultivé par Philippe Ariès, même quand il s’éloignera de l’engagement politique. C’est l’origine de sa passion pour l’Histoire et de ses recherches sur les structures sociales de l’ancienne France. Pour lui, la monarchie est un lien charnel qui relie le présent au passé.

Son anticonformisme, il le doit aussi à l’esprit de sa famille. Profondément traditionaliste, son père sera en même temps un des ingénieurs qui va contribuer à l’électrification du pays après la Première Guerre mondiale. « Ce monde qui, en politique, avait tourné le dos au présent, participait à la culture de son temps » comme Philippe Arès le remarque dans ses mémoires.

A l'école de l'Action française

La religion catholique est au cœur du foyer. C’est justement pour cela que la condamnation pontificale de l’Action Française en 1926 va être une terrible épreuve. Gravement malade, sa mère très pieuse se voit refuser les derniers sacrements à cause de son engagement à l’AF. Un ami prêtre, appelé en urgence, lui administre clandestinement la communion. Elle se rétablira miraculeusement et son fils restera toujours marqué par cette expérience qui en fera un anticonformiste par Tradition.

La famille Ariès ne redoutait pas d’assumer une forme de marginalité sociale et politique au nom de ses idées comme le souligne le biographe de l’historien, Guillaume Gros. Dès lors, Philippe Ariès rejoint dès 16 ans les rangs des collégiens et lycéens d’Action Française. Dans les locaux de la section juvénile du mouvement de Charles Maurras, il rencontre une bande d’amis qui le suivront durant sa vie comme l’historien Raoul Girardet et le philosophe Pierre Boutang. Étudiant en histoire à la Sorbonne, il participe aux grandes bagarres des années 1930. Il se forme aussi politiquement et intellectuellement (l’AF est alors un vivier d’intellectuels et d’historiens de haut niveau). C’est d’ailleurs à l’Institut d’Action Française qu’il livre ses conclusions de son mémoire de fin d’études sur les Commissaires-Examinateurs au Châtelet de Paris au XVIIe siècle.

Philippe Ariès s’emploie à saper les dogmes de l’histoire républicaine en réhabilitant l’Ancien Régime et le rôle des communautés naturelles : « La patrie est l’œuvre des pères. Il s’agit de la poursuivre, c’est-à-dire de continuer la tradition, et non pas selon la thèse jacobine, de détruire l’héritage, pour créer ex nihilo ».

Dans les colonnes de l’Etudiant français, l’organe de l’AF étudiante, il écrit régulièrement aux côtés de Claude Roy, Pierre Boutang, Jacques Laurent, Raoul Girardet ou Robert Brasillach. Il résume l’esprit frondeur et offensif de cette publication par une belle phrase : « la lutte contre la démocratie est pour chacun de nous une question personnelle ».

L'Occupation, terrain d'étude du renouveau communautaire

Son activisme militant dans la fièvre de la montée vers la guerre n’est pas pour rien dans son échec à l’agrégation en 1939. Mobilisé comme élève officier, il voit la défaite arriver par surprise, sans même avoir eu le temps de combattre. Démobilisé en 1940 et échouant une seconde fois à l’agrégation, il se consacre à ses recherches historiques et au cercle Fustel de Coulanges. Regroupant des enseignants et des étudiants d’AF, ce groupe d’études tente d’influencer les réformes de l’enseignement lancées par le régime de Vichy.

Philippe Ariès participe aux activités de l’école des cadres de la Chapelle-en-Serval, le pendant de l’école d’Uriage en zone occupée. Il y enseigne l’histoire à des jeunes issus des classes populaires : « Il s’agissait d’intéresser à l’Histoire des garçons qui, par manque de culture littéraire, par absence de tradition familiale, ne concevaient même pas le passé ».

C’est dans ce cadre qu’il est amené à véritablement penser un enseignement populaire de l’histoire loin la stérilité aride de l’histoire universitaire. Dans le même temps, il dévore les numéros de la revue les Annales fondée par Lucien Febvre (1878-1956) et Marc Bloch (1886-1944). Il étudie aussi les sociologues les plus novateurs de son époque. Il y découvre une nouvelle approche de l’histoire qu’il va enrichir avec son attachement au traditionalisme. C’est cela qui entraîne son éloignement avec le nationalisme intégral et positiviste de Maurras : « À la veille de la guerre de 1939, le traditionalisme avait été mis en veilleuse au profit du nationalisme et de l’antiparlementarisme. Il subsistait cependant et n’était pas encore tout à fait éteint. Qu’entendons-nous par là ? Un attachement sentimental au passé, mais aussi, et cela est important, la conviction très profonde, viscérale chez quelques-uns, qu’il avait existé dans ce passé des sociétés libres, à tendance anarchique, variées, denses, des cultures régionales et populaires avec leurs langues, leurs coutumes, leurs couleurs, que ces sociétés et ces cultures étaient menacées de disparaître par la centralisation politique et l’uniformisation des techniques ».

Les terroirs, socle de la France

L’époque lui offre l’occasion de renouer avec son traditionalisme. Le régime de Vichy met à l’honneur le retour à la terre, au terroir et aux régions. Le renouveau de l’étude des folklores et la redécouverte des structures sociales paysannes encore vivantes sont encouragés par la Révolution Nationale. Dans la situation incertaine de l’Occupation, Ariès voit aussi se mettre en place un retour vers les petites communautés naturelles et les solidarités locales. Tout un univers parallèle à la société moderne et centralisée lui apparaît : « Tout un monde dont on n’avait guère conscience nous a alors été révélé : un monde de relations concrètes et uniques d’hommes à hommes ». Cela va nourrir son premier essai. Les traditions sociales dans les pays de France paraissent en 1943. L’essai figure dans les Cahiers de la restauration française des Éditions de la Nouvelle France, d’inspiration maréchaliste. C’est un vaste panorama d’une « histoire souterraine », fondée sur l’étude minutieuse de la démographie et des structures sociales.

L’étude des terroirs va l’amener à entrer dans le cadre le plus intime de la vie quotidienne à travers les siècles. Il s’intéresse aux structures familiales et à l’attitude devant la vie et la mort avec un regard neuf. Chez lui, le passé est vivant et nourrit le présent. Il ne l’enferme pas dans la nostalgie mais au contraire cherche le présent autour de lui dans les rapports sociaux modernes.

L'engagement de l'« historien du dimanche »

Le livre rencontre un écho très favorable de la critique et il est rapidement épuisé. S’il s’éloigne du Maurras “positiviste” comme nous l’avons écrit, il reste attaché à la décentralisation et au régionalisme présents dans la pensée d’Action française. Devenu directeur du Centre de documentation de l’Institut de recherche sur les fruits et agrumes coloniaux créé par Vichy, il va y faire une longue carrière jusqu’à la fin des années 1970. Il devient « un historien du dimanche », poursuivant ses travaux pendant son temps libre. Cette stabilité professionnelle va lui permettre de ne pas dépendre de l’Université (qui lui ferme d’ailleurs ses portes à la Libération) et de poursuivre son œuvre novatrice et un engagement politique anticonformiste.

Mais le travail de l’historien ne mettra pas fin à l’engagement politique de Philippe Ariès. Dès la Libération, il participe avec Pierre Boutang à Parole Française qui est une des premières voix à combattre le “résistancialisme”. Il dénonce les crimes de l’épuration qui touche nombre de membres de sa famille et de ses amis. Anti-gaulliste, il ne pardonnera pas au Général d’avoir entretenu cette guerre civile intérieure.

Il va suivre ses amis quand ils lanceront la Nation Française en 1955 dans le but d’actualiser la pensée royaliste. Durant la période la plus chaude de la Guerre d’Algérie, il est clairement partisan de l’Algérie Française et il assiste, déchiré, à l’éclatement de la rédaction. Philippe Ariès préférera se retirer pour ne pas perdre des amis dans cette aventure. A partir des années 1980, la diffusion de son travail par de jeunes chercheurs et les traductions de ses thèses sur l’enfance dans le monde anglo-saxon ouvrent la voie à une reconnaissance tardive de la qualité de son œuvre et de sa pensée. Son travail sur la mort l’amène même à être connu du grand public et à être invité sur les plateaux de télévision.

Un des engagements qui marquera la fin de sa vie, c’est celui du combat pour la messe de toujours. Opposé à Vatican II, il sera naturellement parmi les premiers soutiens du courant traditionaliste. Royaliste jusqu’à sa mort à Toulouse le 9 février 1984, il ne reniera jamais son camp qui était aussi sa famille. Il aura donné une dimension vivante au traditionalisme et participera à la transmission de l’héritage de ses pays de France qu’il avait tant aimés[1].

Publications

  • Les Traditions sociales dans les pays de France, New-York, Éditions de la Nouvelle France, 1943.
  • Histoire des populations françaises et de leurs attitudes devant la vie depuis le XVIIIe, Paris, Self, 1948.
  • Attitudes devant la vie et devant la mort du XVIIe au XIXe, quelques aspects de leurs variations, Paris, INED, 1949.
  • Sur les origines de la contraception en France, extrait de Population. N ̊ 3, juillet-septembre 1953, p. 465-472.
  • Le Temps de l'histoire, Monaco, Éditions du Rocher, 1954
  • 2 contributions à l'histoire des pratiques contraceptives, extrait de Population. N ̊ 4, octobre-décembre 1954, p. 683-698
  • L'Enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Paris, Plon, 1960, prix Albéric-Rocheron de l'Académie française en 1961
  • Essais sur l'histoire de la mort en Occident : du Moyen Âge à nos jours, Paris, Seuil, 1975
  • L'Homme devant la mort, Paris, Seuil, 1977
  • Histoire des populations françaises et de leurs attitudes devant la vie depuis le XVIIIe, réédition corrigée de l'ouvrage paru en 1948, Paris, Seuil, 1979
  • Un historien du dimanche (en collaboration avec Michel Winock), Paris, Seuil, 1980
  • Images de l'homme devant la mort, Paris, Seuil, 1983
  • Histoire de la vie privée, (dir. avec Georges Duby), 5 tomes, Paris, Seuil, 1985-1987
    • I. De l'Empire romain à l'an mil
    • II. De l'Europe féodale à la Renaissance
    • III. De la Renaissance aux Lumières
    • IV. De la Révolution à la Grande Guerre
    • V. De la Première Guerre mondiale à nos jours
  • Essais de mémoire : 1943-1983, Paris, Seuil, 1993
  • Le Présent quotidien, 1955-1966 (Recueil de textes parus dans La Nation française entre 1955 et 1966), Paris, Seuil, 1997
  • Histoire de la vie privée, (dir. avec Georges Duby), Paris, le Grand livre du mois, 2001
  • Pages retrouvées, Paris, Le Cerf, 2020, 304 p.

Bibliographie

  • Guillaume Gros, Philippe Ariès. Un traditionaliste non conformiste - De l’Action française à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Presses Universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2008.
  • Un site sur Philippe Ariès : [1]

Notes et références

  1. Antoine Cassagne, « Philippe Ariès, historien traditionaliste et anti-conformiste », Rivarol, no 3572, 28.6.2023.