Ne pleure pas (film)
Ne pleure pas est un film de Jacques Ertaud, sorti en 1978, inspiré du roman homonyme de Guy Lagorce, paru la même année[1].
Synopsis
Thomas Lafarge est étudiant vétérinaire, fils d'un professeur d'un conformisme gauchisant particulièrement marqué. Mais, pour affirmer sa personnalité et pour exprimer sa singularité, il a choisi la boxe. Ayant choisi de vivre debout, haut et libre, et de n'avoir de comptes à rendre qu'à sa conscience, il n'hésite pas à corriger les voyous qu'il rencontre sur sa route. La montée de l'insécurité constitue d'ailleurs un thème important du film, ainsi que la lâcheté et la culture de l'excuse, en pleine expansion depuis 1968.
Comme tel, il est admiré par Marc, son petit frère de 13 ans, pour lequel il assume le rôle d'éducateur viril. Marc est aussi le narrateur du film, en voix off.
En été, les deux frères, accompagnés de Clémentine, l'amie Thomas, vont passer leurs vacances chez leur grand-père, agriculteur en Dordogne.
Un matin, ils découvrent un groupe de « hippies », qui sont en fait des gauchistes en route pour le Larzac, en train de camper sur un terrain de leur grand-père. Vu que ceux-ci n'ont pas demandé d'autorisation, Thomas leur donne jusqu'au lendemain matin à 9:00 pour quitter les lieux.
Le lendemain, les deux frères constatent que les « hippies » sont effectivement partis, mais en laissant le terrain dans un état déplorable. Accompagné cette fois de leur grand-père, les deux frères retrouvent la trace des campeurs. Thomas avait espéré que, confronté au vieil homme, les jeunes gauchistes présenteraient des excuses. Mais c'est à des railleries et à un discours sur la fin de la propriété privée qu'ils doivent faire face. Ils décident donc de s'en aller. Mais juste au moment de démarrer, Thomas se ravise et met le feu à la voiture des gauchistes. Ceux-ci accourent et Thomas les rosse copieusement.
L'incident semble être oublié quand prennent fin les vacances. Les frères rentrent à Paris. Un samedi, Thomas et Marcus sortent d'une séance de cinéma, quand ils rencontrent une manifestation contre le nucléaire. C'est là qu'éclatent les affrontements entre la police et le « service d'ordre » de la manifestation, composé d'activistes casqués et armés de barres de fer. Brusquement, un émeutier, qui n'est autre que l'un des campeurs de l'été dernier, reconnaît Thomas. D'un coup, il le frappe par derrière de sa barre de fer, lui assène un autre coup au visage, puis le projette sur un véhicule de police en mouvement. Il est hospitalisé d'urgence. Le diagnostic est malheureusement formel : Thomas restera paralysé des membres inférieurs à vie.
Un commissaire de police vient rendre visite à Thomas, et lui dit qu'il tient probablement son agresseur. En effet, un gauchiste au casque rouge s'est vanté de son « exploit ». Mais Thomas refuse de procéder à l'identification. En effet, conscient de ne plus être lui-même, conscient aussi qu'une condamnation ne changerait rien à son sort, il a déjà choisi le chemin d'une mort digne.
Distribution
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Réception
Au grand dam de la presse bien-pensante de l'époque, le film s'est hissé au premier rang de l'actualité du cinéma français à sa sortie.
De son côté, Michel Marmin note que « Thomas Lafarge est un contestataire, mais un contestataire à la manière de Montherlant et de Julius Evola. Une révolte puissante et altière, éminemment aristocratique, le pousse à mépriser cette société bourgeoise dont les moindres bénéficiaires ne sont pas ceux qui, tel sont propre père, la critiquent avec une assurance intellectuelle digne de certains personnages de Marcel Aymé (ceux du Confort intellectuel par exemple), et à rosser les affreux petits voyous qui, d'une certaine façon, en sont l'expression la plus abjecte et la plus rigoureuse. Pour Thomas Lafarge cependant, l'homme est fondamentalement libre d'être ce qu'il est. Et c'est la raison pour laquelle il ne suffit pas, à ses yeux, d'accuser la société (aussi méprisable soit-elle) pour disculper ceux qui, sans risque, torturent et dévalisent une pauvre vieille tandis que lui-même, sur un ring, affronte son adversaire selon le rite immémorial du risque, justement, et du défi, selon l'antique système du combat loyal dont Charles Péguy voyait l'apothéose dans le théâtre de Corneille, et dont un nommé David devait un jour miner les fondations morales. Mais Thomas Lafarge, s'il sait que la plupart des hommes usent moins de cette liberté pour monter que pour descendre, ne s'y résigne pas pour autant. La répugnante parodie de la révolte et de la contestation que lui offrent, sur son territoire même, un quarteron de gauchistes en partance pour le Larzac, lui inspire un acte de colère magnifique et peut-être «fou » (mais la société égalitaire ne rend-elle pas « fous » les meilleurs ? ) : il leur administre la plus réjouissante correction que le cinéma français ait sans doute jamais proposée à notre délectation... Et pourtant comme le Philistin Goliath, Thomas Lafarge sera un jour fauché, au hasard d'une manifestation «écologique>>, par l'un de ces enfants spirituels de David :c'est-à-dire en traître. La tragédie est consubstantielle au destin de Thomas Lafarge. Mais un lion mort vaut infiniment plus qu'un chien vivant. [...] dans sa solitude, dans sa souffrance, dans son martyre, dans sa mort, Thomas Lafarge féconde en réalité la seule éthique capable d'arracher l'Europe à son déclin »[2].
Notes et références
- ↑ Guy Lagorce, Ne pleure pas, Grasset, 1978, 204 p.
- ↑ Michel Marmin, « A la manière de Montherlant », in: Éléments, no 26, printemps 1978