Henri Vincenot

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Henri Vincenot, né le 2 janvier 1912 à Dijon et mort dans la même ville le 21 novembre 1985, est un écrivain, peintre et sculpteur français.

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L'œuvre d'Henri Vincenot est profondément marquée par son attachement à la Bourgogne. Il remet en valeur les anciennes pratiques païennes celtiques, tout en montrant à quel point elles sont intégrées dans la culture populaire catholique. Ses personnages, souvent truculents, parlent un langage fortement imprégné de bourguignon qui, d'après Vincenot, dérive tout droit du celtique. Il développe dans chaque œuvre une réflexion sur la tradition, la civilisation, l'histoire, qui ouvrent ses perspectives bien au-delà de la seule réalité bourguignonne qu'il se plaît tant à décrire. Henri Vincenot s'est fait le chantre de la civilisation lente, cette manière de vivre antérieure aux chemins de fer et à l'automobile. Certains de ses romans quittent l'univers bourguignon pour la Bretagne ou le Maroc.

Biographie

Bien que né dans la capitale des ducs de Bourgogne (Dijon), sa famille a son berceau depuis la nuit des temps dans le petit village de Chateauneuf en Auxois, sur la montagne de Sombernon qui marque le partage des eaux entre la Manche, l’Atlantique et la Méditerranée. Du village voisin de Maconge, partent les trois pentes d’où naissent les ruisseaux qui rejoignent la Seine, la Loire et le Rhône: « Salut Maconge, toit du monde occidental! Maître des trois versants! Centre sacré du triangle des eaux! Tête de la Vouivre, source d’éternelle jeunesse…! »

Et c’est là, sur ces pentes boisées qu’il a grandi, au milieu de sa « tribu », les fameux Mandubiens de l’Auxois qui n’en finissent pas de régler leurs comptes avec la tribu des Eduens (Celtes du Morvan) depuis dix-huit ou vingt siècles (les Eduens ayant été de zélés auxiliaires des légions romaines). Face à son village, s’élève la montagne sacrée de Bibracte où un vieux chemineau, mi-druide mi-prêtre, surnommé « La Gazette », y aurait perdu un bras en voulant délivrer Vercingétorix… il y a près de deux mille ans. Vincenot sera véritablement envoûté par sa terre et son peuple. Il ne pouvait en être autrement lorsque pour premier horizon, il eut ce « pays demon cœur et de mon sang », ces montagnes et ces forêts bénies des dieux de la vieille Celtie, « ce pays secret, fermé, avec d’incroyables richesses bien cachées dans des forêts monstrueuses, des friches solitaires et des villages morts, des gens au jugement acide, lucide, clair, au parler studieux et équilibré. » Un monde clos, communautaire, oublié du monde où les Romains se sont peu aventurés, ni les Burgondes qui ont pourtant donné leur nom à ce pays.

Une éducation paysanne

Élevé par ses deux grands-mères qui connaissaient le secret des plantes, les vertus du soleil et de la lune, qui savaient lire dans les étoiles et lui raconter les vieilles légendes autour du feu, c’est surtout auprès de ses deux grands-pères qu’il a pu acquérir son solide bon sens paysan qui lui servira de ligne directrice toute sa vie. Tous les deux (initiés, compagnons du devoir) lui transmettront le virus de ce qui deviendra la grande affaire de sa jeunesse: la chasse au sanglier, roi des forêts d’Occident, incarnant cette identité gauloise à laquelle Vincenot était si attaché. Le jeune Bourguignon fréquente l’école et l’église avec une étrange prémonition: « À notre insu, lentement, courageusement, opiniâtrement, on nous arrachait au singularisme païen pour nous préparer aux fructueux échanges universels, c’est-à-dire pour pouvoir un jour, tous unis et confondus, nous servir des mêmes barèmes, des mêmes machines et devenir de bons consommateurs inconditionnels se contentant des mêmes HLM… Pour une fois, ils étaient d’accord, les instituteurs républicains, toujours à la pointe de la pensée marchande et les curetons qui, depuis longtemps, luttaient contre les pratiques superstitieuses venant des ères druidiques. »

À vingt ans, happé par les « délices » du monde moderne, il quitte le pays pour n’y revenir qu’en 1969. Il s’installe à Commarin (175 habitants) et fait revivre le hameau abandonné de la Pourrie, cinq feux dans la vallée de l’Ouche, parcelle après parcelle, ruine après ruine.

Un écrivain de combat

Le succès littéraire viendra en 1978 avec La Billebaude. Vincenot incarne désormais l’antique sagesse paysanne, et les Français ne s’y sont pas trompés. Ce livre leur a rappelé ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être : un vieux peuple des sources et des forêts, un vieux peuple de paysans que le modernisme est en train de génocider. Henri est vite devenu un prophète pour ses lecteurs: « De toutes les tribus de France, ils m’écrivent pour me dire que je leur ai fait retrouver leur propre pays, leur race. »

Ce succès va raviver celui du Pape des escargots, publié cinq ans auparavant. Un roman fabuleux dans lequel sont mis en avant deux personnages, différents mais complices: Gilbert, un jeune sculpteur doué d’un talent rare, réincarnation de Gislebert d’Autun (qui a sculpté le tympan de la cathédrale d’Autun) et La Gazette, un vieux colporteur de légendes pittoresques, vagabondant de village en village, tels les conteurs d’autrefois, grands initiés, poursuivant la tradition orale des sages anciens. Le vieux « prêtre druidisant », mémoire du pays, surveille le passage des sangliers et observe leurs traces parallèles à la voie lactée, véritable chemin des étoiles, celles qui mènent de Vézelay à Compostelle.

Viendront par la suite les fameuses Étoiles de Compostelle, qui menèrent un jeune essarteur bourguignon du XIIIe siècle à pénétrer dans le secret des mystérieuses et singulières aventures des bâtisseurs de cathédrales. Vincenot nous appelle la permanence, malgré la christianisation, des croyances et pratiques ancestrales: « Les populations celtiques que nous étions ne pouvaient pas, en effet, rester plus de trente minutes dans un sanctuaire sans chercher l’extase de la flamme et de la lumière. » Vincenot n’eut de cesse de nous enseigner les salubres leçons de la saga des origines, leçons qui se moquent bien des idéologies du politiquement correct et du bavardage droit de l’hommesque :

« Au coude à coude, il faut rassembler le plus grand nombre possible de gens du même sang. Voilà le premier conseil qui nous vient du fond de nos mémoires. » Toujours prêt à défendre l’héritage face à un monde désenchanté et mercantile, voici au seuil de sa vie trop brève quelle fut sa prière: « Merci grand Dieu du ciel et de la terre de m’avoir fait naître dans cette race! Et au beau milieu de ce pays-là qui fourmille de merveilles comme un ciel de Saint Jean grouille d’étoiles. Et merci de m’avoir donné l’occasion de le dire, de l’écrire, à toutes sortes de gens, à qui ça peut rendre grands services, encombrés qu’ils sont dans le désespoir de l’envol industriel. »

Fidèle à sa terre et à son peuple de son vivant, Vincenot l’est encore dans la mort, reposant désormais dans la terre nourricière de Bourgogne, au milieu des siens, au cœur de la forêt, dernier refuge des dieux de la vieille Gaule, à l’ombre d’une croix celtique de pierre.

Œuvres

  • Je fus un saint (1953). Roman en compétition pour le prix Goncourt 1953.
  • Walther, ce boche mon ami (1954). Walther Linss était un soldat allemand, par la suite professeur de français, d'anglais et d'histoire à Francfort-sur-le-Main, passionné par les Celtes, avec qui Vincenot se lia d'amitié pendant la guerre7,8.
  • La Pie saoûle (1956) [rééd. Denoël poche 1976].
  • Les Chevaliers du chaudron (1958) [rééd. Denoël poche 1976].
  • Les Yeux en face des trous (1959).
  • À rebrousse-poil (1962).
  • Pierre, le chef de gare, éd. Nathan, 1967.
  • La Princesse du rail, éd. Denoël, 1969, écrit pour la télévision.
  • Les Voyages du professeur Lorgnon, N.M., 1967. Réédité en 2 vol. en 1983 chez Denoël. Chroniques sur la France et les Français.
  • Robert le boulanger, éd. Nathan, 1971.
  • Le Pape des escargots (1972), Prix Sully-Olivier-de-Serres. Prix Renaissance des lettres 19799. Adapté à la télévision en 1979.
  • Le Sang de l'Atlas, éd. Denoël, 1975.
  • La Vie quotidienne dans les chemins de fer au xixe siècle, éd. Hachette, 1975. Bourse Goncourt et Prix de la revue indépendante
  • La Vie quotidienne des paysans bourguignons au temps de Lamartine, éd. Hachette, 1976. Réédition en 2000 sous le titre Hommes et terres de Bourgogne.
  • Locographie (1976).
  • La Billebaude, éd. Denoël, 1978.
  • Psaumes à Notre-Dame en faveur de notre fils, poèmes, éd. Denoël, 1979.
  • Terres de mémoire, livre d'entretiens, éd. Delarge, 1979.
  • L'Âge du chemin de fer, éd. Denoël, 1980.
  • sous le nom d'auteur « Famille VINCENOT », Cuisine de Bourgogne. Cuisines du terroir, Editions Denoël, 1980, 220 p.
  • Mémoires d'un enfant du rail, éd. Hachette, 1980. Réédité sous le nom : Rempart de la Miséricorde, éd. Anne Carrière
  • Les Étoiles de Compostelle, éd. Denoël, 1982.
  • Les Canaux de Bourgogne (1982).
  • L'Œuvre de chair (1984).

Publications posthumes

  • Le Maître des abeilles : chronique de Montfranc-le-Haut, éd. Denoël, 1987.
  • Le Livre de raison de Glaude Bourguignon, éd. Armançon-Denoël, 1987, 1989.
  • Récits des friches et des bois, éd. Anne Carrière, 1997.
  • Du côté des Bordes, éd. Anne Carrière, 1998 (premier titre "Les vaches", 1941)
  • Nouvelles ironiques, éd. Anne Carrière, 1999.
  • Toute la Terre est au Seigneur, éd. Anne Carrière, 2000.
  • Les Livres de la Bourgogne, éd. Omnibus, 2000, ré éd. 2012.
  • Les Livres du rail, éd. Omnibus, 2003.
  • Prélude à l'aventure, éd. Anne Carrière, 2012.

Pièces de théâtre

  • 1952 : Ceux du vendredi, coupe Léo-Lagrange, premier prix du concours national du théâtre universitaire et amateur. Diffusée le 8 mai 1953 par la Radiodiffusion française.
  • 1953 : La Main enchantée, farce jouée une seule fois par les Compagnons de Tivoli à salle de spectacle de la gare d'Austerlitz.
  • 1955 : Par l'étoile et par le feu, pièce présentée par la troupe cheminote les Compagnons de Tivoli en 1957/58, mais non éditée.

Ouvrages inédits non publiés

  • 1927 : Le Curé de Chavans. Roman.
  • 1927-1934 : Carnets intimes, vol. 1-3.
  • 1929 : La Vie amoureuse d'un enfant pauvre. Roman.
  • Années 1930 : Ahmed. Roman.
  • Années 1930 : L'Or du Hoddar. Roman.
  • 1934 : Psychanalyse du patriotisme destinée à mes enfants. Étude inachevée.
  • 1934-1947 : Notre vie. Cahiers intimes, A, B, C.
  • 1935 : Eugénie et ses parents. Roman.
  • 1936-1940 : Cabrioles secrètes. Poèmes.
  • Vers 1940 : Les Pharisiens. Théâtre.
  • 1941 : Les Vaches. Roman.
  • V. 1944 : Sinistré Total. Roman.
  • V. 1944 : Châtrer le début. Nouvelle. Reprise en 1948 et 1950.
  • 1945 : Les Coups de Dieu. Théâtre.
  • 1950 : L'Équipe, ou la folie de ma vie jusqu'à ma mort. Récit.
  • 1950 : Escales pour un cadavre. Roman.
  • 1950 : Je fus un infâme. Roman inachevé.
  • 1950-1985 : Idées sur tout. Pensées.
  • 1957 : Par l'étoile et par le feu.
  • 1959-1969 : Graffitis. Poèmes.
  • Années 1970-1980 : Psaumes de la quête de foi. Poèmes.
  • 1984 : Répons de l'Étoile du matin. Poème.

Citations

« [...] les grands esprits viennent gravement nous expliquer en pleurnichant que la science et sa fille bâtarde, l’industrie, sont en train d’empoisonner la planète, ce qu’un enfant de quinze ans, à peine sorti de ses forêts natales, avait compris un demi-siècle plus tôt. »

« Il n'y a pas de progrès. Ce que tu gagnes en vitesse, tu le perds en vitalité. Tu fais cent kilomètres à l'heure et tu n'es même plus capable de marcher de l'aube au couchant, comme jadis. »

Bibliographie

  • Claudine Vincenot, Henri Vincenot, la vie toute crue. Biographie, éd. Anne Carrière, Paris, 2006, 687 p.
  • Claudine Vincenot, Le Peintre du bonheur, une promenade littéraire dans l’œuvre peint et sculpté d’Henri Vincenot, éd. Anne Carrière, 2001.
  • Claudine Vincenot, Le Maître du bonheur. Mon père Henri Vincenot, éd. Anne Carrière, 1995.

Notes et références