Halford John Mackinder

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Halford John Mackinder, né le 15 février 1861 à Gainsborough et mort le 6 mars 1947, est un géographe et un géopoliticien anglais.

Il est connu pour ses théories opposant thalassocratie et tellurocratie.

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Biographie

Né dans le Lincolnshire en 1861, Sir Halford John Mackinder s'est intéressé aux voyages, à l'histoire et aux grands événements internationaux dès son enfance. Plus tard, à Oxford, il étudiera l'histoire et la géologie. Ensuite, il entamera une brillante carrière universitaire au cours de laquelle il deviendra l’impulseur principal d'institutions d'enseignement de la géographie.

L'intérêt qu'a porté Mackinder aux questions géopolitiques date de 1887, année où il prononça une allocution devant un auditoire de la Royal Geographical Society qui contenait notamment la phrase prémonitoire suivante : « Il y a aujourd'hui deux types de conquérants : les loups de terre et les loups de mer ». Cette allégorie avait pour arrière-plan historique concret la rivalité anglo-russe en Asie Centrale. Mais le théoricien de l'antagonisme Terre/Mer se révélera pleinement en 1904, lors de la parution d'un papier intitulé The Geographical Pivot of History (Le pivot géographique de l'histoire).

Mackinder sera très proche du monde politique britannique ; il dispensera ses conseils d'abord aux “Libéraux-Impérialistes” (Limps) de Rosebery, Haldane, Grey et Asquith, ensuite aux Conservateurs regroupés derrière Chamberlain et décidés à abandonner le principe du libre échange au profit des tarifs préférentiels au sein de l'Empire. La Grande-Bretagne choisissait une économie en circuit fermé, tentait de construire une économie autarcique à l'échelle de l'Empire. Dès 1903, Mackinder classe ses notes de cours, fait confectionner des cartes historiques et stratégiques sur verre destinées à être projetées sur écran.

De 1900 à 1947, il vivra à Londres, au cœur de l'Empire Britannique. Sa préoccupation essentielle était le salut et la préservation de cet Empire face à la montée de l'Allemagne, de la Russie et des États-Unis.

« Terre du Milieu » et « Île du Monde »

En hachuré, le Heartland, Terre du Milieu, selon Mackinder. Les dimensions de cette Terre du Milieu varieront au gré des événements politiques du XXe siècle. Essentiellement sibérienne en 1904, à la veille du conflit russo-japonais, la Terre du Milieu s'étend à toute l'Europe de l'Est et à la Suède après 1919. Elle se réduit une seconde fois quand Hitler s'empare de tout l'Ouest de l'URSS et que Staline replie son potentiel industriel au-delà de l'Oural et fonde les nouveaux centres de Sibérie centrale dont Novosibirsk. La politique du containment, reprise du temps de la Guerre froide, se basait sur une analyse des relations internationales très proche de celle systématique de Mackinder.

Une idée fondamentale traversera toute l'œuvre de Mackinder : celle de la confrontation permanente entre la « Terre du Milieu » (Heartland) et « l'Île du Monde » (World Island). Cette confrontation incessante est en fait la toile de fond de tous les événements politiques, stratégiques, militaires et économiques majeurs de ce siècle. Pour son biographe Parker, Mackinder, souvent cité avec les autres géopoliticiens américains et européens tels Mahan, Kjellen, Ratzel, Spykman et de Seversky, a, comme eux, appliqué les théories darwiniennes à la géographie politique. Doit-on de ce fait rejeter les thèses géopolitiques parce que “fatalistes” ? Pour Parker, elles ne sont nullement fatalistes car elles détiennent un aspect franchement subjectif : en effet, elles justifient des actions précises ou attaquent des prises de position adverses en proposant des alternatives. Elles appellent ainsi les volontés à modifier les statu quo et à refuser les déterminismes.

Comme Arnold Toynbee et Spengler, Mackinder demandait à ses lecteurs de se débarrasser de leur européocentrisme et de considérer que toute l'histoire européenne dépendait de l'histoire des immensités continentales asiatiques. La perspective historique de demain, écrivait-il, sera “eurasienne” et non plus confinée à la seule histoire des espaces carolingien et britannique.

Mackinder esquisse une géographie physique de la Russie et raisonne une fois de plus comme Toynbee : l'histoire russe est déterminée, écrit-il, par deux types de végétations, la steppe et la forêt. Les Slaves ont élu domicile dans les forêts tandis que des peuples de cavaliers nomades régnaient sur les espaces déboisés des steppes centre-asiatiques. À cette mobilité des cavaliers, se déployant sur un axe est-ouest, s'ajoute une mobilité nord-sud, prenant pour pivots les fleuves de la Russie dite d'Europe. Ces fleuves seront empruntés par les guerriers et les marchands scandinaves qui créeront l'Empire russe et donneront leur nom au pays.

La steppe centre-asiatique, matrice des mouvements des peuples-cavaliers, est la “terre du milieu”, entourée de deux zones en “croissant” : le croissant intérieur qui la jouxte territorialement et le croissant extérieur, constitué d'îles de diverses grandeurs. Ces “croissants” sont caractérisés par une forte densité de population, au contraire de la Terre du Milieu. L'Inde, la Chine, le Japon et l'Europe sont des parties du croissant intérieur qui, à certains moments de l'histoire, subissent la pression des nomades cavaliers venus des steppes de la Terre du Milieu. Telle a été la dynamique de l'histoire eurasienne à l'ère pré-colombienne et partiellement aussi à l'ère colombienne où les Russes ont progressé en Asie Centrale.

Cette dynamique perd de sa vigueur au moment où les peuples européens se dotent d'une mobilité navale, inaugurant ainsi la période proprement “colombienne”. Les terres des peuples insulaires comme les Anglais et les Japonais et celles des peuples des “nouvelles Europes” d'Amérique, d'Afrique Australe et d'Australie deviennent des bastions de la puissance navale inaccessibles aux coups des cavaliers de la steppe. Deux mobilités vont dès lors s'affronter, mais pas immédiatement : en effet, au moment où l'Angleterre, sous les Tudor, amorce la conquête des océans, la Russie s'étend inexorablement en Sibérie. À cause des différences entre ces deux mouvements, un fossé idéologique et technologique va se creuser entre l'Est et l'Ouest, dit Mackinder. Son jugement rejoint sous bien des aspects celui de Dostoïevsky, de Niekisch et de Moeller van den Bruck. Il écrit :

« C'est sans doute l'une des coïncidences les plus frappantes de l'histoire européenne, que la double expansion continentale et maritime de cette Europe recoupe, en un certain sens, l'antique opposition entre Rome et la Grèce… Le Germain a été civilisé et christianisé par le Romain ; le Slave l'a été principalement par le Grec. Le Romano-Germain, plus tard, s'est embarqué sur l'océan ; le Greco-Slave, lui, a parcouru les steppes à cheval et a conquis le pays touranien. En conséquence, la puissance continentale moderne diffère de la puissance maritime non seulement sur le plan de ses idéaux mais aussi sur le plan matériel, celui des moyens de mobilité ».

Pour Mackinder, l'histoire européenne est bel et bien un avatar du schisme entre l'Empire d'Occident et l'Empire d'Orient (an 395), répété en 1054 lors du Grand Schisme opposant Rome et Byzance. La dernière croisade fut menée contre Constantinople et non contre le Turc. Quand celui-ci s'empare en 1453 de Constantinople, Moscou reprend le flambeau de la chrétienté orthodoxe. De là, l'anti-occidentalisme des Russes. Dès le XVIIe siècle, un certain Kridjanitch glorifie l'âme russe supérieure à l'âme corrompue des Occidentaux et rappelle avec beaucoup d'insistance que jamais la Russie n'a courbé le chef devant les aigles romaines. Cet antagonisme religieux fera place, au XXe siècle, à l'antagonisme entre capitalisme et communisme. La Russie optera pour le communisme car cette doctrine correspond à la notion orthodoxe de fraternité qui s'est exprimée dans le mir, la communauté villageoise du paysannat slave. L'Occident était prédestiné, ajoute Mackinder, à choisir le capitalisme car ses religions évoquent sans cesse le salut individuel (un autre Britannique, Tawney, présentera également une typologie semblable).

Le chemin de fer accélèrera le transport sur terre, écrit Mackinder, et permettra à la Russie, maîtresse de la Terre du Milieu sibérienne, de développer un empire industriel entièrement autonome, fermé au commerce des nations thalassocratiques. L'antagonisme Terre/Mer, héritier de l'antagonisme religieux et philosophique entre Rome et Byzance, risque alors de basculer en faveur de la Terre, russe en l'occurrence. Quand Staline annonce la mise en chantier de son plan quinquennal en 1928, Mackinder croit voir que sa prédiction se réalise. Depuis la Révolution d'Octobre, les Soviétiques ont en effet construit plus de 70.000 km de voies ferrées et ont en projet la construction du BAM, train à voie large et à grande vitesse.

Depuis 70 ans, la problématique reste identique. Les diplomaties occidentales (et surtout anglo-saxonnes) savent pertinemment bien que toute autonomisation économique de l'espace centre-asiatique impliquerait automatiquement une fermeture de cet espace au commerce américain et susciterait une réorganisation des flux d'échanges, le “croissant interne” ou rimland constitué de la Chine, de l'Inde et de l'Europe ayant intérêt alors à maximiser ses relations commerciales avec le centre (la “Terre du Milieu” proprement dite). Le monde assisterait à un quasi retour de la situation pré-colombienne, avec une mise entre parenthèses du Nouveau Monde.

Pour Mackinder, cette évolution historique était inéluctable. Si Russes et Allemands conjuguaient leurs efforts d'une part, Chinois et Japonais les leurs d'autre part, cela signifierait la fin de l'Empire Britannique et la marginalisation politique des États-Unis. Pourtant, Mackinder agira politiquement dans le sens contraire de ce qu'il croyait être la fatalité historique. Pendant la guerre civile russe et au moment de Rapallo (1922), il soutiendra Dénikine et l'obligera à concéder l'indépendance aux marges occidentales de l'Empire des Tsars en pleine dissolution ; puis, avec Lord Curzon, il tentera de construire un cordon sanitaire, regroupé autour de la Pologne qui, avec l'aide française (Weygand), venait de repousser les armées de Trotsky.

Ce cordon sanitaire poursuivait 2 objectifs : séparer au maximum les Allemands des Russes, de façon à ce qu'ils ne puissent unir leurs efforts et limiter la puissance de l'URSS, détentrice incontestée des masses continentales centre-asiatiques. Corollaire de ce second projet : affaiblir le potentiel russe de façon à ce qu'il ne puisse pas exercer une trop forte pression sur la Perse et sur les Indes, clef de voûte du système impérial britannique. Cette stratégie d'affaiblissement envisageait l'indépendance de l'Ukraine, de manière à soustraire les zones industrielles du Don et du Donetz et les greniers à blé au nouveau pouvoir bolchévique, résolument anti-occidental.